Le sacrifice a un rôle évident dans les démarches créatives narrativistes, étant donné qu'il est porteur de jugement moral.
Mais je remarque que tous mes projets simulationnistes tendent à mettre en œuvre le principe de sacrifice, voire à le mettre au cœur du jeu :
Démiurges : Les PJ en arrivent fatalement à sacrifier ce qui leur est cher (via leurs traits : vécu, relations, croyances, buts...) pour pouvoir mettre en œuvre leurs pouvoirs pour atteindre leurs rêves.
SEN : choisir d'échouer devient une forme de sacrifice.
Prosopopée : je suis en train de réfléchir à remplacer le "bonus" des attributs étranges par des points à sacrifier pour sauver sa tentative de résolution des problèmes. Imaginez : j'essaye de guérir un enfant d'une étrange maladie, mais en lançant les dés, je rate. Je sacrifie mon osmose avec le monde pour sauver cet enfant, n'est-ce pas fort ?
Pourquoi en viens-je à me poser une telle question ?
C'est bien simple : pour désamorcer le ludisme et le narrativisme, j'en viens à donner forme au système en étouffant tout ce qui pourrait constituer des défis pour les joueurs et tout ce qui pourrait être porteur de jugements moraux pour les joueurs également.
Or, faire un sacrifice, c'est (tel que je le conçois ici) un choix, ce n'est pas une "tentative" qui nécessite de mettre en œuvre ses atouts (certes, un sacrifice est tout à fait possible dans un jeu de pure compétition tel que les échecs, ici, mon travail est d'éviter que le sacrifice n'ait qu'une portée tactique).
Et là où ça me semble fonctionner très bien en mode sim, c'est que le sacrifice me semble avoir une portée métaphysique.
Étymologiquement, c'est le « fait de rendre sacré ».
Wikipedia a écrit :Le sacrifice retranche du monde des hommes l'objet, l'être vivant, ou la partie du corps, concerné. Cette chose passe dans le monde des choses divines, dont les hommes ne doivent pas toucher, se servir. Ce passage se traduit le plus généralement par une destruction au sens commun, une dématérialisation : la mort, l'incinération, l'inhumation ou l'envoi sous l'eau, la clôture (pour les zones), le renversement (pour les liquides), la diffusion (pour les fumées, les matières odorantes), etc.
Le sacrifice nous interroge sur la valeur des choses. Quand il est confronté à l'absolu ou au monde de telle façon qu'il est l'acte cohérent ou nécessaire, je pense qu'il peut servir une démarche sim : quand c'est un choix qui est lié à "quelque chose au delà du personnage" (l'univers, dieu, la condition humaine...), quand il devient une nécessité.
Mais s'il s'agit d'un choix à échelle humaine : je sacrifie mon couple pour mon fils, par exemple, ou bien, je sacrifie mon épée pour sauver la princesse, alors il y a sans doute plus de chances que ça fonctionne pour une démarche narrativiste.
Il y a deux concepts dans "sacrifice" : le don métaphysique et la réponse au dilemme dramatique. Le premier est sans doute plus indiqué pour un mode sim et le deuxième pour un mode narr.
Ça me semble en accord avec une précision que m'a apporté Christoph il y a quelques temps sur le fait qu'un jeu soutenant le mode sim portait les réponses possibles à ses problématiques dans sa métaphysique, alors qu'un jeu narr demandait au joueur de construire ses réponses (à reformuler Christoph si je suis approximatif ou si je me plante).
Tout cela est à prendre avec des pincettes, car il s'agit d'une réflexion de game design, mais j'aimerai avoir votre avis là-dessus. Bien sûr, cela ne prend sens qu'au milieu d'un tout cohérent. Je voudrai savoir si vous avez des exemples de cas qui infirment ou confirment mon affirmation.
(Christoph, si tu estimes que ce sujet n'est pas à sa place, déplace-le dans le forum de Limbic Systems).