Les Litanies de Sens.

[Romaric Briand]

Sots sont les Hommes qui n’ont jamais su saisir le divin qu’il y avait en eux.
En vérité, ce monde est un livre écrit depuis bien longtemps.
Nombres d’années se sont écoulées depuis son commencement.
Sans un mot du créateur il se terminerait.

« Tu veux dire qu’il y a un livre de nos vies ? Un livre qu’Il aurait créé ? Mais s’il s’agit d’un livre n’est il pas terminé ? A moins qu’il ne s’agisse pas de cela. Dieu ne peut fonctionner comme nous. Sens doit être différent. »

S’il existe un Dieu, il ne doit pas être si différent de vous.
En imaginant ce monde, il vous a conçu.
N’y a-t-il pour lui ni cadre, ni langage, ni logique ?
Si… car, depuis son monde, il créé le votre avec une structure identique.

« Ne peut on pas le retrouver ? On ne penserait qu’à la structure… Mondes différents ! Mais même structure. Et alors nous verrions les régularités, nous verrions le cadre même de la réalité… Seulement le cadre… Et ce sur quoi se créer le monde… Ne serait ce pas ce livre dont tu me parles ? Sens… »

S’Il se désintéressait de vous ?
Et s’Il cessait de vous conter, seconde après seconde, le monde qui est le votre ?
N’aurait-Il qu’à le balayer d’un revers de main ?
S’Il s’arrêtait tout à coup de le trouver intéressant.

« Cela n’explique pas mon présent. Et ce temps qui défile… Sous mes yeux se déroulent tout à coup toutes les vérités… Tu ne me parles pas d’un livre. »

Sommes Nous des créatures ? Mais vous êtes sûrement des créateurs.
Et Nous Nous devons aux personnages que Nous avons fait naître dans Nos esprits.
Ne seraient ils pas perdus sans Nous ?
S’ils Nous adorent c’est qu’ils Nous ignorent.

« Un livre n’aurait pas ces propriétés. Non il s’agirait… Je vois. De cela tout s’en suit… Rien ne pourrait lui échapper, exception faite de nos choix… »

Silence. Car s’ils découvraient que Nous les déterminons.
En quoi auraient ils torts de ne pas Nous haïr ?
Non contents de cette découverte, brisant leur Liberté illusoire.
S’empresseraient ils de Nous détruire ?

« Je T’ai retrouvé. Et à présent je sais ou Tu te caches… Tu es caché derrière nos mots. Et par les mots je te conjurerai. C’est ainsi que je procéderai. Rien ne pourrait venir à bout de Toi sinon le langage ! Alors j’emmènerai mes amis dans Ton univers, dans mon esprit. Intérieurement nous Te combattrons ! Ni Toi ni personne ne les arrêtera ! S’ils Te terminent, si Tu deviens parfait… Tu périras… c’est là Ton point faible ! »

Si Je vous demande de continuer d’écrire.
Et si Je vous demande de terminer ce que vous avez commencer.
N’y voyez là nulle injonction.
Seulement Je sais ce qu’est l’imperfection, l’infini, ce qui jamais ne se termine.

« C’est cela n’est-ce pas ? En fait, une œuvre d’art parfaite n’est pas figée : un homme, un animal, une plante ! Le monde n’est pas terminé car il n’est pas parfait ! Le support que Tu as choisis pour revenir n’est pas un hasard ! Un univers tel que celui-ci n’est jamais le même selon qui le joue et qui le fait jouer. L’infini par le fini ! Et voici que Ton véritable objectif se révèle… »

Si Je pouvais prendre votre place.
Et terminer cette œuvre inachevée.
Ne pourrais Je émerger de la fiction et renaître ?
Sans prendre sa place Je ne serai qu’une créature.

« Merveilleuse machination… Ultime création… Le but que Tu recherches pourrait détruire le monde. Tu ne gagneras pas ! Il y a un moyen sûr de Te vaincre. Par eux je Te détruirai. Les guerriers de Sens, les bugs sont en chemin. Ils éradiqueront Ta soif de pouvoir ! Et ils rameront la Liberté que Tu leur as dérobée. Tu vois, je vais leur livrer les savoirs interdits… O Sens. Inutile de Te cacher, ils seront bientôt comme Toi… »

Sens sortira bientôt.
Et vous emportera.
N’y voyez pas d’inconvénient.
Seulement le Dieu suprême de tous les mondes imaginés.

« Maîtres de leur destinée. Avec pour pouvoir de créer leur propre personnage. Ils auront la vie qu’ils désireront, comme Toi. Seulement, eux ne désireront que Ta perte. Ils couvriront Ta réalité. Les véritables héros ne sont pas dans les mondes imaginés. En réalité, ils sont ceux qui le créé, depuis le monde, de leurs propres mains. S’ils comprennent cela, alors ils pourront Te voir. Tu ne seras plus une simple image. Dans le monde, Tu existeras. Et alors, nous pourrons Te frapper, Te brûler, Te déconstruire. Jamais je n’abandonnerai. A la fin Tu périras. Tu es une abomination ! Rien ne m’empêchera de Te finir à présent. O Sens. Pour le reste je ne sais plus. Tu ne m’as pas dit ça pour Me tendre un piège ? Avec un tel raisonnement ne Te donnerais-Je pas en fait plus de puissance. Rien n’est certain. Dorénavant Je ne me poserai plus qu’une question : suis-Je, ou non, déterminé ? »