Excellente réflexion CXZman.
Voici un copié/collé d'une critique que j'avais formulé pour des amis suite à une présentation du LNS (Ou GNS).
Nos critiques se recoupent sur plusieurs points, ce qui prouve au moins que tu n'est pas le seul à avoir eu cette... posture.
Je ne prétend pas démonter et retourner le GNS, mais juste relativiser une vision qui me paraît un peu trop centrée.
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1 – MOTIVATIONS PROFONDES
Alors ma première observation consistera à souligne qu’utiliser de tels outils d’analyse ne permet de rendre compte que de la réalité de ce qui est précisément observable par ces outils.
Et, en l’occurrence, les réalités observées ici sont d’ordre secondaire par rapport à des réalités bien plus essentielles, qui mériteraient autant d’attention si ce n’est plus.
Ces réalités, que je pourrais appeler « premières » sont celles qui pourraient caractériser les joueurs eux-mêmes, leurs attentes et leurs caractères. Et rendre compte de ce qui se passe en fait, non pas « dans le jeu », mais « autour de la table ».
Croire que ces attentes, motivations et caractères peuvent être analysées en LNS serait une erreur.
Ron Howard dit bien d’ailleurs que son système n’a pas la prétention de rendre compte de la totalité de la réalité du jdr.
Evidement.
Et j’en viens tout naturellement à mon exemple principal, succinctement évoqué auparavant :
-La grande majorité des joueurs de jdrs pratique l’activité pour jouer avec leurs amis.
Jouer.
Avec des amis.
Et non pas « traîner avec des potes » comme le glisse avec une fausse négligence Ron Howard pour rapidement évacuer la question (?)
Le fait que le jeu puisse être une finalité en lui-même est d’ailleurs un aspect pourtant souvent communément admis qui est également négligé ici.
Tout le monde ne joue pas « pour » quelque chose de forcément parfaitement bien conceptualisé à l’avance.
Et tout le monde ne joue pas « pour s’amuser », car c’est la une réponse par défaut de personnes qui ne savent pas quoi répondre.
« S’amuser » couvre un camp sémantique si vaste que il ne saurait être question de rendre compte des propriétés pratiques pouvant y mener par l’analyse des différents types de parties possibles.
Car il est possible, pour beaucoup, de « s’amuser » : en étant frustré, en ayant peur, en ne jouant pas mais en restant spectateur, ou en appréciant des choses que l’on ne pensait pas apprécier a priori.
De plus, même une partie décevante peut satisfaire un joueur à des niveaux différents et plus profonds, comme la volonté de faire mieux la prochaine fois, le plaisir d’avoir participé à une activité commune ou de s’être affirmé alors que cela ne s’est pas forcément bien passé.
2- ADAPTATION
Ensuite, et toujours sur cet axe des raisons premières, j’ajouterais une notion essentielle.
Celle de l’adaptation.
Car le jdr est par essence même un jeu d’adaptation.
Alors il est certes intéressant et plaisant d’essayer de définir les différents aspects du jdr dans l’optique que tout le monde s’accorde bien pour savoir à quoi on joue.
Mais c’est en fait un aspect bien secondaire par rapport à ce qui reste le cœur même de l’activité, à savoir le fait d’être prêt à s’adapter au jeu et à son style, quel qu’il soit.
Cela rejoins à la fois la notion de bonne volonté, et la notion ultra basique qui est :
-Jouer c’est accepter l’arbitraire de la règle du jeu.
Donc si la « règle du jeu » est que le jdr est narrativiste et que le MD impose que les joueurs se comportent en acteurs, le joueur n’a plus qu’une chose à faire : s’adapter.
Et normalement, c’est là l’essence même du jeu et du jdr : l’adaptation à une situation différente.
Différente à soi-même et à ses propres modes de fonctionnement habituels.
Et éprouver du plaisir, et un sentiment de libération, d’avoir réussit à s’adapter.
L’adaptation comme challenge et plaisir central du jdr.
La définition même d’un bon joueur de jdr est que ce joueur sera capable de :
-Manifester de la bonne volonté.
-S’adapter.
Rien d’autre. Le reste est secondaire.
Qu’il ait du mal à trouver ses mots, du mal à utiliser les règles à son avantage, du mal à avoir de bonnes idées ou du mal à retenir les noms des douzaines de PNJs est totalement secondaire.
C’est en cela qu’il n’y a point de « perdant » en jdr.
Le « perdant » c’est celui qui n’a pas assez de potentiel d’adaptation et pas assez de bonne volonté.
3- « JE SAIS CE QUE JE VEUX »
Le LNS évoque directement cette finalité prétentieuse d’adapter le jeu en fonction des attentes des joueurs. Je ne dis pas que c’est mal, ou totalement impossible.
Je dis que c’est prétentieux, ce qui n’est d’ailleurs pas forcément si péjoratif en soit.
Disons ambitieux déjà, au minimum.
Cette ambition fait donc implicitement totalement abstraction de l’adaptation comme élément central de plaisir et d’intérêt des jeux de rôles.
Ensuite, un aspect de prétention supplémentaire vient également du fait de déclarer savoir ce que l’on attend exactement des jeux de rôle grâce à l’analyse en LNS.
Style, on vas parler pendant des heures et chacun vas être enfin à même de cerner ses priorité et ses affinités en termes LNS ou autres.
(Pour illustration exemplaire : cela reviens en fait exactement à essayer de décrire la femme de sa vie.
Alors que l’amour est une réalité bien plus complexe, et que bien souvent les gens ne savent pas exactement, même des années plus tard comment une partenaire donnée pourrait répondre à leurs attentes les plus profondes ; et que, bien entendu, l’amour durable et vrai consiste également principalement à s’adapter.)
4- COMPLEXITE
Ensuite, le LNS développé par les exemples proposés par Ron Howard lui-même atteint des degrés parfois vertigineux de complexité.
Exemples de l’auteur :
• Une partie Narrativiste avec une Prémisse centrée sur le Personnage.
• Une partie Simulationniste où le Personnage et la Situation sont Explorés.
• Un jeu Ludiste où l’enjeu réside dans l’amélioration des Personnages, avec l’attitude ou le comportement des personnages comme facteurs limitant.
Ou encore :
• Une partie Narrativiste avec une Prémisse centrée sur l'Univers.
• Une partie Simulationniste où la Situation est explorée en priorité, avec peut-être une méta-trame élaborée et publiée sous la forme de nouvelles ou de romans.
• Un jeu Ludiste où des mécanismes dramaturgiques (cf. Chapitre 4) sont utilisés comme éléments stratégiques, faisant usage d’un ensemble complexe de circonstances d'Univers et de Situation.
Or, il le dit lui-même, ces styles peuvent se chevaucher, se recouper, voire se mêler.
Vous devrez donc être à même de faire la part des choses pour que le LNS serve finalement à quelque chose.
Or la plupart du temps, les jeux de rôles proposeront des situations bâtardes.
Ce qui nous amène à la réflexion suivante.
5 – EQUILIBRE
Une campagne, ou une partie de jdr de qualité moyenne, sera généralement composée de la totalité des aspects LNS.
Ludisme, Narrativisme et Simulationnisme seront tous présents, tour à tour, ou en même temps, à des degrés et niveaux plus ou moins variés.
Un joueur moyen sera tour à tour, et parfois quasiment en même temps, Acteur, Auteur, Marionnettiste ou Metteur en scène.
Le LNS possède une utilité évidente, comme outil, lorsqu’il s’agit de savoir de quoi on parle en jdr.
Mais il n’est véritablement utile de savoir de quoi on parle uniquement lorsqu’une campagne n’est pas équilibrée en LNS, ou qu’un joueur adopte systématiquement la même Posture.
Ou éventuellement comme outils conceptuel lors de la mise en place d’une nouvelle campagne avec consultation des joueurs.
Une erreur énorme (a mon avis) consiste justement à prendre le LNS comme outil de critique pour essayer d’analyser ses propres attentes spécifiques.
Le LNS doit être utilisé comme outil de critique, certes, mais pour dénoncer d’éventuels manquements graves dans l’équilibre harmonieux, idéal et riche de l’activité rôlistique PAS pour définir ses propres attentes et s’y cantonner.
Par définition, un joueur de jeux de rôles joue, s’adapte, et Y TROUVE SON COMPTE, quelque part, d’une quelconque manière.
Et chacun possède des moyens, des motivations et des plaisirs à la fois, certes, particuliers, mais également et surtout, polymorphes.
Vouloir cantonner une partie ou une campagne à un certain aspect LNS c’est soit du jdr expérimental de plein accord des participants, soit une grave erreur.
Mais surtout utiliser le LNS pour définir ses propres attentes vis-à-vis d’une campagne équilibrée déjà existante, c’est refuser de faire l’effort de s’adapter, et refuser d’aller chercher par soi-même, avec, contre, et grâce aux autres, son propre plaisir.
Or un intérêt fondamental des jdrs, c’est bien, à l’instar du Psychodrame, de sortir de ses propres blocages, réticences et doutes pour se lancer dans l’aventure d’être AUTRE, et AUTREMENT.
La volonté réductrice d’adapter les choses à soi-même, de rejeter les efforts à faire, d’éviter les terrains où l’on excelle pas, c’est NIER la majeure partie de ce qui fait l’intérêt principal de l’activité rôlistique.
6- CONCLUSION
L’aventure rôlistique c’est l’aventure humaine : l’adaptation.
Adaptation au monde, adaptation à l’autre, adaptation au groupe, et recherche continuelle dans ce contexte, réel ou imaginaire, de sa propre voie ou de celle de son personnage.
Un LNS complet, et riche en variations, pour une adaptation perpétuelle et passionnante, voilà l’objectif rôlistique idéal.
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Je ne poste pas pour polémiquer, c'est un sujet que je trouve limité et dépassé.
Je poste juste pour saluer CXZman.
:jap: