L'appareil digestif mécanique
Cloaca est une oeuvre de l'artiste Belge Wim Delvoye.
La visée esthétique me manquait effectivement.
C'est ce qu'on appelle le principe d'autonomie ou d'hétéronomie. Quand un activité est exercée dans le but de rapporter des sous, elle est hétéronome, elle sert à autre chose qu'à elle-même. L'art est sensée être autonome, c'est à dire qu'aucune autre justification qu'elle même n'est sensée interférer. Bien entendu, cela n'est pas toujours vrai, mais le marché actuel de l'art est fait de telle manière que rien ne justifie l'achat d'une oeuvre d'art au delà de sa nature (et de sa non-imposabilité =D ).
Bien entendu, nous sommes ici dans une vision théorique, mais elle peut se traduire par "pour faire de l'art" ou "dans une visée esthétique".
Un chercheur en sciences fondamentales qui écrirait son bouquin traitant de physique thermonucléaire pour le simple but d'écrire un bouquin et tout ce qui lui est immanent serait un artiste...
Bon, il doit sûrement y avoir quelques gulus qui le font pour la beauté, mais ça ce serait une autre histoire.
Ce sont des artisans, pas des artistes. Il n'y a rien de péjoratif là-dedans, ce n'est simplement pas la même activité.
L'art ici serait de rendre compte de cet aspect de la nature (mais je ne sais pas si cela correspond à "l'infini" de la définition de l'art que tu donnes) par une série de formules mathématiques (ayant rôle de symboliser des propriétés de la nature).
La manipulation de ces formules permet ensuite de créer des technologies ou prévoir des phénomènes (du moins, dans la limite de validité du modèle scientifique).
Je dirais qu'il y a la même différence entre ce que tu nous décris ici et l'art qu'entre l'alchimie et l'arithmancie : l'un consiste à appliquer sa volonté sur la matière, l'autre à la comprendre et à l'intellectualiser pour pouvoir reproduire des phénomènes naturels.
Bon, c'est moitié vaseux, mais comme je suis en plein dedans avec Démiurges :P
Y a toujours ceux qui disent que ceci constitue une recherche d'esthétique, dans le sens où l'on découvre une oeuvre d'art fondamentale: la nature Mais c'en est justement pas une selon ta définition si j'ai bien compris, à moins de croire en Dieu et de lui attribuer une démarche artistique.
Parfaitement ! Et c'est pourquoi Platon qui considérait que le monde matériel (ou physique, si tu préfères) était bâti des mains malhabiles d'un démiurge ne méritait pas que les artistes emploient leur énergie à le recopier (car pour lui, les arts plastiques n'étaient rien d'autre qu'une mauvaise imitation d'un monde mal fait.
Existe-t-il des critères d'esthétique?
A priori non. L'esthétique est surtout perçue comme un outil, un langage. A titre d'exemple, Lucian Freud (petit fils du psychanalyste)
http://www.morasha.it/arte/immagini_arte/freud3.jpghttp://www.leninimports.com/lucian_freud_bio_main.jpghttp://www.ibiblio.org/wm/paint/auth/freud/freud.reflection.jpgPeintre oscillant entre moderne et contemporain.
Pour beaucoup de personnes, ses huiles sont insoutenables (véridique).
Pourtant, des gens gras ou maigres sont légions dans l'histoire de l'art, des gens nus, on en voit tous les jours dans les pubs... Ce sont les partis pris esthétiques, plastiques, picturaux qui font que ses oeuvres renvoient quelque chose de dur. On n'est pas face à des corps lisses, glabres, retouchés sur photoshop, on est dans le cru. Sans artifices. Seuls face à la condition humaine... (Bon, je ne vais pas vous refaire mon mémoire de l'année dernière...
Tu disais que les symboles manipulés par une oeuvre d'art doivent être largement diffusés pour avoir valeur dans une démarche ésthétique.
Cela voudrait-il dire que les peintres et écrivains reconnus seulement post-mortem ne faisaient pas de l'art, mais que c'est notre regard au vu des critères qui ont évolué qui en ont fait de l'art?
Qu'un peintre soit découvert après sa mort ne préjuge pas de la qualité de son travail. Les peintres exposés dans les grands musées et que l'on retrouve dans les livres d'histoire sont ceux qui ont apporté quelque chose à l'art, une libération de dogmes, de codes esthétiques. Ici, à Poitiers, les musées sont pleins de petites oeuvres plus ou moins classiques, qui ressemblent à d'autres artistes et qui n'ont jamais rien remis en cause (bon, je suis mauvaise langue, il y a des Rodin et des Claudel...). J'en viens au fait : La question de la compréhension des signes, je pense qu'il s'agit plutôt de la question de la postérité. Si une oeuvre a son authenticité pour valeur, elle ne demande qu'à être vue pour passer un jour à la postérité. Mais l'art ne peut se passer de public, et l'acte artistique est un acte égocentrique, bien souvent. C'est le paradoxe de l'art, qui, pour certains nuit à l'art contemporain... En même temps, on ne va pas se plaindre que le JDR ne marche pas en france, on va chercher des solutions et en profiter, nous qui jouissons de ce hobby...
Suis-je clair (bof) ?
Est-ce que le fait que l'oeuvre soit une représenation plutôt que la chose en elle-même est un critère important?
C'est le principe de l'image. Quand un tableau figuratif est exposé devant tes yeux, tu vas voir des personnages et un paysage et non pas des taches de couleur qui s'agencent harmonieusement, le gars qui brandit la courone, c'est napoléon, et celle qui brandit le drapeau français, c'est la liberté guidant le peuple. On peut grimper toujours plus le degré de complexité de l'image (dans le sens référent), mais quand on connaît le principe, ça devient facile.
Sinon effectivement, le gars en question continue plus loin et finit par créer un être vivant complètement autonome. Où serait la distinction entre l'artiste et le technicien/scientifique si ce n'est dans la démarche?
La démarche, justement ^^
Si c'est juste une question de démarche, alors l'art dépend de ce qu'on croit savoir sur celui qui l'a entreprise. Si celui-ci ne peut jamais s'exprimer là-dessus, alors on ne saura jamais, ou alors chacun décide pour soi si oui ou non c'est de l'art.
Peux-tu m'éclairer sur ce sujet?
C'est vrai que la remise en contexte de la création de l'oeuvre et de la vie de l'artiste apportent souvent des éléments fort intéressants sur une oeuvre d'art. A la Gallery of Modern Art de Glasgow, de petits panneaux donnent des détails biographiques ou autres à côté des oeuvres (alors qu'en france...) mais bon, tout cela fait planer un débat autour de la libre interprétation et certains lui reprochent d'être trop didactique...
Pour la deuxième partie de cette dernière question, c'est le boulot des historiens de l'art. Ils font en sorte de retrouver les symboles et leur contexte pour pouvoir justifier de la valeur artistique d'une oeuvre. C'était plus facile quand il n'y avait que sculpture, peinture, musique, bref, des choses aisément reconnaissables par leur support, quel merdier quand on fera l'archéologie du présent... =D