Remise en question du GNS
Publié : 09 Nov 2006, 03:35
Mon Pc de travail est en rendu, alors j'ai le temps d'écrire.
Avant propos :
Ça va faire quatorze ans que mon choix est fait : je passerai ma vie à écrire des jeux. Depuis, je pense et j'écris sur le jeu, pour ne pas faire le boulot à moitié ou risquer d'investir ma vie entière dans l'erreur et l'impertinence.
Ce serait gâcher. Et j'aime pas gâcher.
Au hasard de mes périgrinations sur la théorisation du jeu, je me suis arrêté proche du GNS, en fait je n'avais pas tellement d'autres choix que de m'y arrêter : en effet, un peu partout autour de moi, des "the Forge", ou des "place to go place to be" germèrent, voire des "GNS" ou des "ludisme / Narrativisme / Simulationnisme". Tout un tas d'exclamations silencieuses du style "Eureka !" à grands coups de traductions de théories et d'essais qui tournent finalement autour de ce même GNS.
Au point que ça m'interpèle. Aurait-on déjà fait un grand pas dans la théorisation du jeu ?
Je me souviens du forum de la JIRAF (le Jeu-vidéo et son Industrie Rassemblent leurs Acteurs Français) où les théories pleuvaient comme des chataignes, et qu'un type tout particulièrement combattait avec le dur fer de sa plumme pour l'avènement de son propre avis sur la véritable nature d'un jeu. Quelque part, et après avoir posé une strate de temps par dessus sa pensée, j'ai trouvé qu'il n'avait pas complètement tort. Et en fait il n'avait touché qu'une facette de la définition d'un jeu. C'est mieux que rien, mais le type avait déjà déroulé tout le sopalin et il pensait avoir trouvé le noyau ultime, la fève.
Et étrangement, il y avait un peu de cette saveur-là autour du GNS, de la Forge. L'émulsion qui poursuis une grande découverte. Tout un peuple qui s'écrit "Eureka". Sauf que depuis le temps ou je restais sans rien dire à distance et que je passais mes loisirs à penser et repenser sous tous les aspects ces textes qui m'ont marqué, j'ai changé, et dorénavant j'écris en réponse.
Aussi ici vais-je essayer au plus juste de disserter sur la justesse de la théorie du GNS.
Introduction :
Après lecture des grands principes énoncés par Ron Ewards (bon, en même temps je n'ai lu la traduction Française, par notre cher Artanis entre autres), j'ai déjà butté sur un concept apparamment considéré comme postulat : on joue aux jeux de rôle pour s'amuser et/ou pour prendre du plaisir.
À première vue, c'est un peu bancal. Si la proposition de Ron Ewards concernant les détails du GNS est systèmatiquement argumentée, en particulier quant à la présence de comportements et attentes typiques du rôliste vis à vis d'une partie de jdr, il ne dit rien, mais absolument rien, sur la certitude qu'il a de s'orienter vers le jeu de rôle pour s'amuser et prendre du plaisir. Comme si c'était la première des évidences.
Et j'ai malheureusement tendance à m'habituer au fait que les évidences ne suffisent pas à penser.
En réalité, après relecture, sa théorie tient debout. Je lui rétorquerais par mon propre exemple et par celui de plusieurs de mes connaissances que les types qu'il décrit (Ludiste, Narrativiste, Simulationniste) ainsi que leur difficile concaténation ou cohabitation n'est pas fiable, puisqu'elle ne correspond pas à ce que je connais des rôlistes (mais je veux bien admettre que ça concerne certains rôlistes, je dis que trop de contre exemples existent pour valider sa théorie). Mais globalement, et connaissant également beaucoup de rôlistes qui tombent pile poil dans ce qu'il décrit et discutte, je peux vérifier que oui, sa théorie tient debout.
... à une seule condition : que ce qu'il pense être le jeu de rôle soit uniquement fait (exclusivement, j'insiste), pour prendre du plaisir et s'amuser.
Afin de remettre en question la théorie du GNS, qui se base à divers endroits sur le postulat que les jdr sont faits pour s'amuser et que c'est ce que les rôlistes cherchent dans le jdr, je vais remettre en question ce postulat. Je ne vais pas contredire la proposition qui est écrite sur cette base, je vais tester la solidité de cette dernière.
Oui, mettons, les rôlistes viennent s'amuser :
D'abord une mise au point. Il peut certainement et légitimement y avoir une profonde différence entre ces deux propositions :
"Les rôlistes font du jeu de rôle pour s'amuser" et "les jeux de rôles sont faits pour s'amuser".
Dans la première on décrit un comportement réccurent dans l'utilisation d'une chose, et dans l'autres on définit la fonction principale ou unique de la-dite chose. Mais quelque part on s'y retrouve. Si la fonction principale du jeu de rôle est de s'y amuser, alors le joueur ira y chercher principalement cette fonction-là. sinon il s'est trompé. Or typiquement pour l'amusement, si on ne le trouve pas, on le sent tout de suite. Il paraît donc inconcevable qu'un joueur cherchant autre chose que de l'amusement dans une activité qui est faite pour en fournir de persister à suvire cette activité.
Ainsi serait-il indicossiable le fait que le jeu de rôle soit fait pour s'y amuser et le fait que les rôlistes y jouent pour s'amuser.
Ceci étant dit, attardons-nous sur la nature même des jeux de rôle et de leur proposition.
Ce sont des jeux qui offrent une certaine évasion, de l'action, des questions, des récompenses, et plus globalement de l'activité. Tout ça, on pourra le regrouper et y substituer un unique terme "du divertissement", ainsi dira-t-on que les jeux de rôle divertissent.
Le divertissement est au coeur de l'amusement, à savoir : passer le temps. Se divertir s'est s'occuper l'esprit, et la première conséquence que ça a sur notre perception et sur notre expérience est que l'on en oublie le reste, temps y compris. Comme exemple de cet effet, je prendrais la télévision ou une partie sudoku qui sont divertissant en ce sens qu'ils nous permettent devider notre stress, de tuer le temps et d'inhiber notre conscience dans un contexte plus restrinct. L'effet engendré est un manque d'angoisse, donc par opposition une certaine hausse du plaisir. C'est surtout un manque d'angoisse, c'est plus pertinemment énoncé de cette manière en tout cas, parce qu'on ne peut pas non plus dire que c'est le divertissement qui génère ab nihilo du plaisir.
Et compte tenu de la composition moyenne d'un jeu de rôle, à savoir univers, des choses qui s'y passent , des rôles à y tenir, tout un tas d'événement à venir, il y a certainement une place pour le divertissement dans ces sources de spectacle.
Le spectacle a étymologiquement ce sens là que d'attirer l'attention du spectateur sur un divertissement, de proposer du divertissement (dans le sens premier de PRO-POSER, c'est à dire mettre en avant). Si l'on concède aux jeux de rôle leur spectacularité typique, on vérifie leur aptitude à divertir.
Aussi en quoi les jeux de rôles sont-ils des spectacles ?
Parmis les caractéristiques inhérentes au spectacle, on trouve donc cette capacité à attirer l'attention en propsant quelque chose d'étincellant, d'attirant, d'interpelant, voire d'intéressant. Les jeux de rôles proposent de la même manière de l'aventure, de l'intrigue, de l'action, des histoires (et pas simplement des anecdotes, les histoires, elles, sont construites et ont pour but de divertir) et du challenge.
En outre, le spectacle est obscène (là aussi au sens premier : il s'exhibe, il s'expose, il a pour unique but d'être montré, entier. Tout ce qui constitue un spectacle est à aprécier), il a donc besoin d'être observé. Or le jeu de rôle ne se joue pas seul, ou encore est-il possible d'être son propre spectacle ? dans un jeu de rôle, on peut faire la part de ceux qui sont spectateurs et ceux qui sont le spectacle. Que les rôles s'interchangent en, cours de partie ou non n'est pas un problème à cela : à tout moment de la partie de jeu rôle, de son commencement à sa fin, il y a des joueurs qui sont spectateurs, et d'autres qui sont le spectacle.
Ainsi, le jeu de rôle est un spectacle comme un autre, et a donc pour fonction de divertir. On peut donc effectivement s'amuser sur un jeu de rôle parce que les jeux de rôles sont conçus pour s'y amuser.
Non, s'amuser n'est pas le but
Avant d'être un jeu de rôle, un jeu de rôle est un jeu. Or on n'accorde pas à tous les jeux la fonction d'amuser les joueurs. Rappelons que s'amuser, c'est tuer le temps, occuper son esprit à quelque chose, assister à un spectacle, voire dans certains sens du terme, se reposer, déstresser, se relaxer.
Or quand on joue au foot, quand on fait une partie d'échec, quand on fait un counter strike, quand on joue au casino, on est tout, mais alors tout sauf déstressé.
Je vais soutenir ici que le jeu est avant tout un loisir.
Le loisir est une partie du temps qu'on se donne et qu'on consacre à quelque chose. On parle du loisir comme du temps libre, en opposition au temps qu'on passe à travailelr et/ou à garantir sa survie. Certains avancent à propos du loisir qu'il est une conséquence importante de l'évolution de l'homo sapiens, à savoir que l'animal a pu suffisamment maîtriser son environnement et son temps jusqu'à rendre pratique et superficiel son besoin naturel de survie, jusqu'à qu'il ait du temps de libre et qu'il trouve de quoi l'occuper. Là, se situe de loisir.
Le loisir est une activité, pas une consommation. On y est actif, et non passif. On peut investir plus que son attention, on peut y investir de son être tout entier, du savoir jusqu'à son muscle et son énergie, d'une manière générale.
Le loisir implique un investissement, du travail, un but, une démarche, et si ce n'était pas du temps "libre", ce serait exactement comme une profession. À noter à ce dernier propos que si l'homme est vu comme un animal évolué, son temps libre est en réalité la totalité des actions qu'il fait pour garantir la survie de l'espèce, et nous permet d'entrevoir une partie non négligeable de l'activité professionnelle des êtres humains comme du loisir, en ce sens qu'elle ne sert pas intégralement à garantir la survie de l'espèce, mais aussi et surtout le niveau de vie de l'espèce, le confort, le divertissement. Et dans un jeu, on retrouve ces impératifs et ces prérequis qui vont être l'huile et le moteur du loisir.
Si un jeu est un ensemble (un système) de règles destinées à proposer du challenge (des défis, des problèmes à résoudre, un but à atteindre derrière des embûches), alors le jeu est un loisir, car il implique par sa nature même l'investissement du joueur dans la tâche de résoudre le jeu, atteindre le but. Ceci se fait de manière analogue au fait de survivre ou vivre : l'humain prend connaissance de son environnement (du système de règles), se fixe un objectif (prend connaissance du but à atteindre) qui est implicite ou excplicite selon la situation, et travaille à y rémédier (il joue).
Ainsi dans une partie d'échec, les règles et l'univers ensembles constituent un espace de jeu, et dont le but explicite est l'éradication de l'armée adverse ou la capitulation du roi adverse. Jouer aux échecs, c'est résoudre un à un ou de manière globale tous les problèmes qui vont séparer la situation initale de la victoire. Ne pas les résoudre mène à l'échec. il s'agit pour le joueur d'échec d'une entreprise, donc d'une activité qui ne sert aucunement à garantir la survie de l'espèce humaine et qui ne lui permet pas de passer le temps à ne rien faire. C'est donc bel et bien un loisir.
Dans un partie de foot, les règles du jeu, le poids moral du fair play et les limites physiques ou théoriques de l'espace de jeu créent un univers de jeu dans lequel chaque équipe doit répéter une action gagnante. On trouve en travers du chemin des joueurs divers types de challenges, de la coordination à l'intimidation jusqu'à l'adresse, l'endurance et la stratégie globale. Jouer au football exige de la concentratino et de l'investissement. Il n'est PAS possible de jouer au foot de manière passive.
En réalité, il n'est pas possible de jouer passivement. Quelque soit le jeu, il implique une activité, un choix, une décision, une intervention du joueur pour aller du point de départ à l'arrivée. Jamais, le jeu ne peut être autre chose qu'une activité. Une partie de jeu est donc forcément l'action d'un ou plusieurs joueur(s) dans le cadres de ses règles en direction d'un ou plusieurs but(s).
Dans le cas plus précis du jeu de rôle, il s'agit toujours d'un loisir. Le schéma type et classique du jeu de rôle est la confrontation de joueurs dans un univers au sens propre comme au figuré, représentés sur place par leur personnage respectif, au long d'une histoire qu'ils prendront soin de contourner, de suivre ou de raconter eux-même. Le ou les but(s) qu'ils se donnent sont souvent analogues à ceux d'une réelle personne au cours de sa vie, à savoir :
- survivre
- s'accomplir
- éviter l'angoisse/trouver le bonheur
- ... ainsi que d'autres buts variables et particuliers qui sont à moyen ou courts termes et qui dépendent intégralement de notre situation sociale propre.
Aussi, et comme tous les jeux, le jeu de rôle est un loisir, et/ou une activité.
Or, un loisir n'aucunement pour but de fournir de l'amusement, je soulignerais même l'incompatibilité directe qu'il existe entre le fait de passer son temps à se divertir et investir son temps dans une activité. Un loisir n'a pas non plus pour objectif de fournir du plaisir. Mais on reconnaît aux loisirs deux résultats importants :
- la passion
- la satisfaction
Ces deux produits du l'oisir sont le fait du fameux cycle de récompense que l'homme et beaucoup d'autres animaux utilisent pour structurer leur comportement et leur apprentissage. L'humain est en effet apte à ressentir de la satisfaction lorsqu'il atteint un objectif. Il s'agit d'un phénomène pour l'instant considéré par la médecine comme hormonal, à savoir qu'une hormone puissante (la dopamine) est insufflée dans notre cerveau pour déclarer l'état de satisfaction et faire en sorte que tout ce qui fait état de bilan constructif pour la réussite de l'action enteprise sera mémorisé et "appris" pour de bon. Ainsi un élève qui réussit un exercice retient la méthode qui lui a permise cette victoire et l'appliquera par défaut au prochain exercice recconu comme étant du même type. Cette satisfaction se présente sous la forme de plaisir brut, et pas sous la forme d'abscence d'angoisse.
Et compte tenu de deux faits, celui qu'une activité exige un investissement de temps, et celui que le loisir génère du plaisir par grands accoups (en cas de victoire, en fait), on constate un phénomène d'accoutumance, péjorativement appelé l'addiction, ou affectivement appelé la passion. Puisque le temps qu'on investi dans une activité donnée génère du plaisir, l'Homme va naturellement investir plus de temps pour chercher plus de plaisir. Ainsi les jeux, en tant qu'activités/loisirs, entraînent pour les uns une addiction, et pour d'autres une passion.
On peut donc dire que les jeux permettent d'obtenir, ou sont faits pour obtenir du plaisir, au même titre que tout loisir.
Bon alors oui ou non ?
Et bien il est temps de constater que les deux propositions (les deux thèses) sont justes, mais alternativement.
À tout instant, oui, il y aura dans une partie de jeu de rôle des amusés et des amuseurs. Et tous les jeux de rôles sont passionnants, procurent du plaisir en cas de victoire et d'accomplissement, font l'objet d'un investissement et d'une activité poussée et exigente. Et pourtant il est impossible d'avoir un activité en tant qu'observateur, ou alors en tant qu'esthète ou critique, mais pas en tant que simple spectateur du spectacle inhérent aux jeux de rôles.
C'est en fait plus simple et c'est déjà énoncé plus haut : à tout moment d'une partie de jeu de rôle, il y a ceux qui ont une activité d'acteurs, de metteur en scène, de scénaristes, et ceux qui, pendant le temps qu'il faut pour le faire, deviennent des spectateurs du travail improvisé par ceux-là. En réalité, à tout moment de la partie, certains s'amusent, et d'autres prennent leur pied.
Mais ça veut aussi dire qu'on ne peux pas dire qu'un jeu est fait pour s'amuser, ni que les jeux de rôles sont faits pour s'amuser. Ils sont conçus pour permettre à certains de profiter du spectacle que leur offre l'activité des autres, et d'inverser les rôles en pleine partie. C'est là un trait marquant du jeu de rôle qu'on ne retrouve de manière aussi systématiques pas dans ses voisins.
Aux échecs on s'investit, et ce sont les passants autour de la table de jeu qui profitent du spectacle généré par l'évolution de la situation de chaque joueur.
Au foot, il y a à proprement parler des spectateurs d'un côté et des joueurs ... professionnels, même, parfois.
Mais il est vrai que dans ces deux exemples du foot et des échecs, il existe de courts moments où les joueurs peuvent potentiellement inverser les rôles avec les spectateurs ou devenir spectateur de la partie qu'ils devraient jouer.
Aux échecs, un coup magistral surprend un joueur : il devient un instant au moins spectateur de sa propre partie, passant un peu de son temps à observer sans s'investir la spectacularité de ce qui vient de se produire.
Au foot, comme dans beaucoup de sports médiatisés, il y a des supporters qui ont pour rôle d'encenser les joueurs sur le terrain. Et pour ce faire, le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils sont sacrément actifs. Ça hurle, ça bouge, ça chante, ça se coordonne en hola générale ... et on en vient parfois à envier les joueurs sur le terrain qui peuvent de temps en temps, pendant un temps mort du jeu, se tourner vers le public et apprécier le spectacle, lequel doit être franchement fabuleux (moi qui ai d'ailleurs été rugbyman quand j'étais plus jeune, je peux confirmer de mon expérience le côté spectaculaire et encourageant d'un stade de 500 places).
Mais la présence de l'amusement est à la limite du négligeable. On pourrait nier la présence d'amusement dans ces jeux sans détruire ou infirmer la nature même de ces jeux-là. Le foot sans supporter et sans public, c'est toujours le foot. C'est peut-être moins palpitant comme expérience de jeu, mais c'est toujours du foot : les règles n'ont pas été changées.
Mais le jeu de rôle, lui, s'inspire directement d'une discpline (d'un art) du spectacle, à savoir le théâtre, et alors qu'il en reprend les codes et les grammaire pour composer les parties de jeu, il apporte avec lui la possibilité loin d'être négligeable qu'un joueur puisse devenir spectateur du jeu. Ainsi le jeu de rôle aura l'avantage de divertir (éloigner le stress) et d'investir (créer du plaisir), ce qui en fait un loisir doublement addict... passionnant.
On peut dire que le jeu de rôle permet de s'amuser, ce qui n'est pas permis par tous les jeux, loin de là, mais pas qu'il est dédié à l'amusement ou qu'il est fait pour s'amuser. C'est avant tout un jeu.
Conclusion sur le GNS ?
Dans la théorie du GNS est impliqué le fait que les joueurs types décrits par le GNs en lui-même viennent à table pour s'amuser. Il n'est que sous entendu sans que ce soit réellement abordé, l'objectif de tout joueur de s'investir dans le jeu pour trouver du spectacle ou simplement pour en donner aux autres.
En réalité, l'amusement dans le jeu de rôle est facultatif, tandis que l'investissement, lui, est essentiel. Essentiel parce qu'il est le carburant de tous les jeux.
Il est impossible de jouer à une partie de jeu de rôle si tous les joueurs attendent que le spectacle commence.
Il est cependant possible de jouer au jeu de rôle sans relever la tête du guidon et en proposant de bout en bout son investissement comme nouveau challenge pour les autres joueurs et occuper son plein temps à jouer au jeu. Si ça ne tenait qu'à moi, d'ailleurs, je ne dirais pas "possible" mais "recommandé" :)
Aussi le premier soucis du concepteur de jeu, contrairement à ce qui est dit dans le GNS, n'est certainement pas de garantir un jeu amusant (qui divertisse) mais un jeu passion (qui mérite qu'on s'y investisse).
En demandant aux jeux de rôles de se concentrer sur une population ciblée de spectateurs, le GNS implique plusieurs choses qui ne seront certainement pas bénéfiques au jeu :
- que quelqu'un ou que quelques uns se dévouent pour créer le contenu amusant, le spectacle (bah oui, il faudra bien que quelqu'un s'y mette), ce qui va renvoyer le MJ bouler dans les cordes (et il n'a pas besoin de ça). En soi, c'est un grand pas en arrière dans l'évolution du jeu de rôle, de retour à l'époque du MJ qui passe trois semaines de préparation à mettre sur pied un spectacle de cinq heures.
- que l'expérience de jeu soit restrinctes à cette population sélectionnée et optimisée, de sorte à ce que tous prennent le même plaisir en même temps, ce qui est inadapté à la condition humaine : variable, complexe et singulière d'individu en individu.
- que l'expérience de jeu soit certainement moins passionnante que si elle avait été l'objet d'un investissement profond de chaque joueur, plus que si elle n'était restée qu'un divertissement collectif. Oui, c'est plaisant de suivre une histoire, c'est simplement encore plus plaisant et plus passionant que de pouvoir l'écrire.
Aussi la théorie du GNS vise deux fois à côté de nombreuses et importantes cibles. Finalement, au lieu d'ajuster un tir raté sur les cibles qui existent, le GNS propose de ne plus viser qu'une seule cible et de passer son temps à réussir à la toucher. En ce sens, la théorie du GNS est une sacrée fuite en avant de la grande problématique d'écrire un foutu jeu de rôle qui marche, ou de masteriser (voire jouer) un partie de jeu de rôle sans accroc.
C'est un peu comme si on avait conçu une voiture dédiée aux virages à droite pour minimiser les risques d'accident dans les virages à droite.
- Et les virages à gauche ? me direz-vous.
- Bah avec cette voiture, vous n'avez qu'à prendre uniquement les virages qui vont à droite !! vous répondrais-je simplement.
En plus de ça, mon propre exemple, celui des joueurs que je fréquente et l'étude de pas mal de jeux de rôle me permet de réfuter la pseudo "difficile" compatibilité ou cohabitation des trois approches du jeu de rôle. Si on peut effectivement découvrir en chacun de nous en un instant donné du jeu une prédominance de l'un des trois (et peut-être l'apparition d'autres approches qui ne sont ni ludisme, ni narrativisme, ni simulationnisme), on ne peut ni refuser de constater leur apparation simultanée dans beaucoup de parties qui ont présenté un grand succès auprès du MJ et des joueurs sans que la moindre des coquilles ait un lien avec ces trois approches, ni prétendre ou démontrer que ces approches du jeu de rôle qui peuvent parfois prédominer chez les joueurs sont les mêmes prédominances du début à la fin de la partie ou de la campagne jouée.
Ce serait confondre l'inaptitude des joueurs à répondre par leur propre expertise en tant qu'Hommes qualifiés au travail à n'importe quelle situation, et leur recherche de la même expérience de jeu classifiée en trois types d'approches. Ce serait également confondre l'égoïsme inhérent à beaucoup de personnes qui les empêchent de s'ouvrir à l'entretiens du plaisir des autres et la pseudo approche qu'ils ont l'intime conviction d'emprunter à chacune de leur partie et qu'il faudrait à tout prix peigner dans le bon sens du poil.
Parce que si je n'ai jamais vu un joueur rechercher un type de jeu de rôle bien particulier, j'ai souvent vu des joueurs faire des choix de goût et de valeur dans leur investissement de rôliste jusqu'à des convictions et une orientation qui déborde de ce loisir. Ainsi je connais pas mal de gothiques (des gens donc qui ont choisi un style de vie et une identité qui figure par le comportement, les gestes et le look) qui ne joueront jamais qu'à Vampire. Pas parce que les auters jeux qu'ils ont testé ne peuvent pas correspondre à leur approche du jeu de rôle, non, surtout parce qu'ils n'ont que très rarement testé autre chose que Vampire !
Il y a également comme ça une extraordinaire quantité de rôlistes qui ne sont jamais sortis des royaumes oubliés (et cet état de fait soutient tout logiquement l'incroyable fertilité du filon Donjons et Dragons exploité aujourd'hui de manière industrielle par Wizards of the Coast). Est-ce parce que ce sont des ludistes ou parce qu'ils n'ont pas l'esprit ouvert ? Il existe d'autres jdr ludistes qui peuvent parfois même mieux servir leurs réels goûts en la matière, mais ils ne les connaissent pas ou ne cherchent même pas à les connaître.
Et finalement dans les exemples fournis dans la théorie du GNS, ne s'agit-il pas de conflits d'egos tout ce qu'il y a de plus classique qu'on retrouve au jour le jour dans notre vie en société ?
J'en pense donc que le GNS s'égare. Il veut plaire, mais à qui ? Va-t-on voir surgir du jdr personnalisé ? Le "JdR dédié" ? Un JdR conçu pour un style bien particulier de mentalités et de conceptions de la vie ?
Ne pouvons-nous pas simplement exiger des joueurs qu'ils sortent de leur caverne et qu'ils bossent un peu ?
Certainement que si !
Avant propos :
Ça va faire quatorze ans que mon choix est fait : je passerai ma vie à écrire des jeux. Depuis, je pense et j'écris sur le jeu, pour ne pas faire le boulot à moitié ou risquer d'investir ma vie entière dans l'erreur et l'impertinence.
Ce serait gâcher. Et j'aime pas gâcher.
Au hasard de mes périgrinations sur la théorisation du jeu, je me suis arrêté proche du GNS, en fait je n'avais pas tellement d'autres choix que de m'y arrêter : en effet, un peu partout autour de moi, des "the Forge", ou des "place to go place to be" germèrent, voire des "GNS" ou des "ludisme / Narrativisme / Simulationnisme". Tout un tas d'exclamations silencieuses du style "Eureka !" à grands coups de traductions de théories et d'essais qui tournent finalement autour de ce même GNS.
Au point que ça m'interpèle. Aurait-on déjà fait un grand pas dans la théorisation du jeu ?
Je me souviens du forum de la JIRAF (le Jeu-vidéo et son Industrie Rassemblent leurs Acteurs Français) où les théories pleuvaient comme des chataignes, et qu'un type tout particulièrement combattait avec le dur fer de sa plumme pour l'avènement de son propre avis sur la véritable nature d'un jeu. Quelque part, et après avoir posé une strate de temps par dessus sa pensée, j'ai trouvé qu'il n'avait pas complètement tort. Et en fait il n'avait touché qu'une facette de la définition d'un jeu. C'est mieux que rien, mais le type avait déjà déroulé tout le sopalin et il pensait avoir trouvé le noyau ultime, la fève.
Et étrangement, il y avait un peu de cette saveur-là autour du GNS, de la Forge. L'émulsion qui poursuis une grande découverte. Tout un peuple qui s'écrit "Eureka". Sauf que depuis le temps ou je restais sans rien dire à distance et que je passais mes loisirs à penser et repenser sous tous les aspects ces textes qui m'ont marqué, j'ai changé, et dorénavant j'écris en réponse.
Aussi ici vais-je essayer au plus juste de disserter sur la justesse de la théorie du GNS.
Introduction :
Après lecture des grands principes énoncés par Ron Ewards (bon, en même temps je n'ai lu la traduction Française, par notre cher Artanis entre autres), j'ai déjà butté sur un concept apparamment considéré comme postulat : on joue aux jeux de rôle pour s'amuser et/ou pour prendre du plaisir.
À première vue, c'est un peu bancal. Si la proposition de Ron Ewards concernant les détails du GNS est systèmatiquement argumentée, en particulier quant à la présence de comportements et attentes typiques du rôliste vis à vis d'une partie de jdr, il ne dit rien, mais absolument rien, sur la certitude qu'il a de s'orienter vers le jeu de rôle pour s'amuser et prendre du plaisir. Comme si c'était la première des évidences.
Et j'ai malheureusement tendance à m'habituer au fait que les évidences ne suffisent pas à penser.
En réalité, après relecture, sa théorie tient debout. Je lui rétorquerais par mon propre exemple et par celui de plusieurs de mes connaissances que les types qu'il décrit (Ludiste, Narrativiste, Simulationniste) ainsi que leur difficile concaténation ou cohabitation n'est pas fiable, puisqu'elle ne correspond pas à ce que je connais des rôlistes (mais je veux bien admettre que ça concerne certains rôlistes, je dis que trop de contre exemples existent pour valider sa théorie). Mais globalement, et connaissant également beaucoup de rôlistes qui tombent pile poil dans ce qu'il décrit et discutte, je peux vérifier que oui, sa théorie tient debout.
... à une seule condition : que ce qu'il pense être le jeu de rôle soit uniquement fait (exclusivement, j'insiste), pour prendre du plaisir et s'amuser.
Afin de remettre en question la théorie du GNS, qui se base à divers endroits sur le postulat que les jdr sont faits pour s'amuser et que c'est ce que les rôlistes cherchent dans le jdr, je vais remettre en question ce postulat. Je ne vais pas contredire la proposition qui est écrite sur cette base, je vais tester la solidité de cette dernière.
Oui, mettons, les rôlistes viennent s'amuser :
D'abord une mise au point. Il peut certainement et légitimement y avoir une profonde différence entre ces deux propositions :
"Les rôlistes font du jeu de rôle pour s'amuser" et "les jeux de rôles sont faits pour s'amuser".
Dans la première on décrit un comportement réccurent dans l'utilisation d'une chose, et dans l'autres on définit la fonction principale ou unique de la-dite chose. Mais quelque part on s'y retrouve. Si la fonction principale du jeu de rôle est de s'y amuser, alors le joueur ira y chercher principalement cette fonction-là. sinon il s'est trompé. Or typiquement pour l'amusement, si on ne le trouve pas, on le sent tout de suite. Il paraît donc inconcevable qu'un joueur cherchant autre chose que de l'amusement dans une activité qui est faite pour en fournir de persister à suvire cette activité.
Ainsi serait-il indicossiable le fait que le jeu de rôle soit fait pour s'y amuser et le fait que les rôlistes y jouent pour s'amuser.
Ceci étant dit, attardons-nous sur la nature même des jeux de rôle et de leur proposition.
Ce sont des jeux qui offrent une certaine évasion, de l'action, des questions, des récompenses, et plus globalement de l'activité. Tout ça, on pourra le regrouper et y substituer un unique terme "du divertissement", ainsi dira-t-on que les jeux de rôle divertissent.
Le divertissement est au coeur de l'amusement, à savoir : passer le temps. Se divertir s'est s'occuper l'esprit, et la première conséquence que ça a sur notre perception et sur notre expérience est que l'on en oublie le reste, temps y compris. Comme exemple de cet effet, je prendrais la télévision ou une partie sudoku qui sont divertissant en ce sens qu'ils nous permettent devider notre stress, de tuer le temps et d'inhiber notre conscience dans un contexte plus restrinct. L'effet engendré est un manque d'angoisse, donc par opposition une certaine hausse du plaisir. C'est surtout un manque d'angoisse, c'est plus pertinemment énoncé de cette manière en tout cas, parce qu'on ne peut pas non plus dire que c'est le divertissement qui génère ab nihilo du plaisir.
Et compte tenu de la composition moyenne d'un jeu de rôle, à savoir univers, des choses qui s'y passent , des rôles à y tenir, tout un tas d'événement à venir, il y a certainement une place pour le divertissement dans ces sources de spectacle.
Le spectacle a étymologiquement ce sens là que d'attirer l'attention du spectateur sur un divertissement, de proposer du divertissement (dans le sens premier de PRO-POSER, c'est à dire mettre en avant). Si l'on concède aux jeux de rôle leur spectacularité typique, on vérifie leur aptitude à divertir.
Aussi en quoi les jeux de rôles sont-ils des spectacles ?
Parmis les caractéristiques inhérentes au spectacle, on trouve donc cette capacité à attirer l'attention en propsant quelque chose d'étincellant, d'attirant, d'interpelant, voire d'intéressant. Les jeux de rôles proposent de la même manière de l'aventure, de l'intrigue, de l'action, des histoires (et pas simplement des anecdotes, les histoires, elles, sont construites et ont pour but de divertir) et du challenge.
En outre, le spectacle est obscène (là aussi au sens premier : il s'exhibe, il s'expose, il a pour unique but d'être montré, entier. Tout ce qui constitue un spectacle est à aprécier), il a donc besoin d'être observé. Or le jeu de rôle ne se joue pas seul, ou encore est-il possible d'être son propre spectacle ? dans un jeu de rôle, on peut faire la part de ceux qui sont spectateurs et ceux qui sont le spectacle. Que les rôles s'interchangent en, cours de partie ou non n'est pas un problème à cela : à tout moment de la partie de jeu rôle, de son commencement à sa fin, il y a des joueurs qui sont spectateurs, et d'autres qui sont le spectacle.
Ainsi, le jeu de rôle est un spectacle comme un autre, et a donc pour fonction de divertir. On peut donc effectivement s'amuser sur un jeu de rôle parce que les jeux de rôles sont conçus pour s'y amuser.
Non, s'amuser n'est pas le but
Avant d'être un jeu de rôle, un jeu de rôle est un jeu. Or on n'accorde pas à tous les jeux la fonction d'amuser les joueurs. Rappelons que s'amuser, c'est tuer le temps, occuper son esprit à quelque chose, assister à un spectacle, voire dans certains sens du terme, se reposer, déstresser, se relaxer.
Or quand on joue au foot, quand on fait une partie d'échec, quand on fait un counter strike, quand on joue au casino, on est tout, mais alors tout sauf déstressé.
Je vais soutenir ici que le jeu est avant tout un loisir.
Le loisir est une partie du temps qu'on se donne et qu'on consacre à quelque chose. On parle du loisir comme du temps libre, en opposition au temps qu'on passe à travailelr et/ou à garantir sa survie. Certains avancent à propos du loisir qu'il est une conséquence importante de l'évolution de l'homo sapiens, à savoir que l'animal a pu suffisamment maîtriser son environnement et son temps jusqu'à rendre pratique et superficiel son besoin naturel de survie, jusqu'à qu'il ait du temps de libre et qu'il trouve de quoi l'occuper. Là, se situe de loisir.
Le loisir est une activité, pas une consommation. On y est actif, et non passif. On peut investir plus que son attention, on peut y investir de son être tout entier, du savoir jusqu'à son muscle et son énergie, d'une manière générale.
Le loisir implique un investissement, du travail, un but, une démarche, et si ce n'était pas du temps "libre", ce serait exactement comme une profession. À noter à ce dernier propos que si l'homme est vu comme un animal évolué, son temps libre est en réalité la totalité des actions qu'il fait pour garantir la survie de l'espèce, et nous permet d'entrevoir une partie non négligeable de l'activité professionnelle des êtres humains comme du loisir, en ce sens qu'elle ne sert pas intégralement à garantir la survie de l'espèce, mais aussi et surtout le niveau de vie de l'espèce, le confort, le divertissement. Et dans un jeu, on retrouve ces impératifs et ces prérequis qui vont être l'huile et le moteur du loisir.
Si un jeu est un ensemble (un système) de règles destinées à proposer du challenge (des défis, des problèmes à résoudre, un but à atteindre derrière des embûches), alors le jeu est un loisir, car il implique par sa nature même l'investissement du joueur dans la tâche de résoudre le jeu, atteindre le but. Ceci se fait de manière analogue au fait de survivre ou vivre : l'humain prend connaissance de son environnement (du système de règles), se fixe un objectif (prend connaissance du but à atteindre) qui est implicite ou excplicite selon la situation, et travaille à y rémédier (il joue).
Ainsi dans une partie d'échec, les règles et l'univers ensembles constituent un espace de jeu, et dont le but explicite est l'éradication de l'armée adverse ou la capitulation du roi adverse. Jouer aux échecs, c'est résoudre un à un ou de manière globale tous les problèmes qui vont séparer la situation initale de la victoire. Ne pas les résoudre mène à l'échec. il s'agit pour le joueur d'échec d'une entreprise, donc d'une activité qui ne sert aucunement à garantir la survie de l'espèce humaine et qui ne lui permet pas de passer le temps à ne rien faire. C'est donc bel et bien un loisir.
Dans un partie de foot, les règles du jeu, le poids moral du fair play et les limites physiques ou théoriques de l'espace de jeu créent un univers de jeu dans lequel chaque équipe doit répéter une action gagnante. On trouve en travers du chemin des joueurs divers types de challenges, de la coordination à l'intimidation jusqu'à l'adresse, l'endurance et la stratégie globale. Jouer au football exige de la concentratino et de l'investissement. Il n'est PAS possible de jouer au foot de manière passive.
En réalité, il n'est pas possible de jouer passivement. Quelque soit le jeu, il implique une activité, un choix, une décision, une intervention du joueur pour aller du point de départ à l'arrivée. Jamais, le jeu ne peut être autre chose qu'une activité. Une partie de jeu est donc forcément l'action d'un ou plusieurs joueur(s) dans le cadres de ses règles en direction d'un ou plusieurs but(s).
Dans le cas plus précis du jeu de rôle, il s'agit toujours d'un loisir. Le schéma type et classique du jeu de rôle est la confrontation de joueurs dans un univers au sens propre comme au figuré, représentés sur place par leur personnage respectif, au long d'une histoire qu'ils prendront soin de contourner, de suivre ou de raconter eux-même. Le ou les but(s) qu'ils se donnent sont souvent analogues à ceux d'une réelle personne au cours de sa vie, à savoir :
- survivre
- s'accomplir
- éviter l'angoisse/trouver le bonheur
- ... ainsi que d'autres buts variables et particuliers qui sont à moyen ou courts termes et qui dépendent intégralement de notre situation sociale propre.
Aussi, et comme tous les jeux, le jeu de rôle est un loisir, et/ou une activité.
Or, un loisir n'aucunement pour but de fournir de l'amusement, je soulignerais même l'incompatibilité directe qu'il existe entre le fait de passer son temps à se divertir et investir son temps dans une activité. Un loisir n'a pas non plus pour objectif de fournir du plaisir. Mais on reconnaît aux loisirs deux résultats importants :
- la passion
- la satisfaction
Ces deux produits du l'oisir sont le fait du fameux cycle de récompense que l'homme et beaucoup d'autres animaux utilisent pour structurer leur comportement et leur apprentissage. L'humain est en effet apte à ressentir de la satisfaction lorsqu'il atteint un objectif. Il s'agit d'un phénomène pour l'instant considéré par la médecine comme hormonal, à savoir qu'une hormone puissante (la dopamine) est insufflée dans notre cerveau pour déclarer l'état de satisfaction et faire en sorte que tout ce qui fait état de bilan constructif pour la réussite de l'action enteprise sera mémorisé et "appris" pour de bon. Ainsi un élève qui réussit un exercice retient la méthode qui lui a permise cette victoire et l'appliquera par défaut au prochain exercice recconu comme étant du même type. Cette satisfaction se présente sous la forme de plaisir brut, et pas sous la forme d'abscence d'angoisse.
Et compte tenu de deux faits, celui qu'une activité exige un investissement de temps, et celui que le loisir génère du plaisir par grands accoups (en cas de victoire, en fait), on constate un phénomène d'accoutumance, péjorativement appelé l'addiction, ou affectivement appelé la passion. Puisque le temps qu'on investi dans une activité donnée génère du plaisir, l'Homme va naturellement investir plus de temps pour chercher plus de plaisir. Ainsi les jeux, en tant qu'activités/loisirs, entraînent pour les uns une addiction, et pour d'autres une passion.
On peut donc dire que les jeux permettent d'obtenir, ou sont faits pour obtenir du plaisir, au même titre que tout loisir.
Bon alors oui ou non ?
Et bien il est temps de constater que les deux propositions (les deux thèses) sont justes, mais alternativement.
À tout instant, oui, il y aura dans une partie de jeu de rôle des amusés et des amuseurs. Et tous les jeux de rôles sont passionnants, procurent du plaisir en cas de victoire et d'accomplissement, font l'objet d'un investissement et d'une activité poussée et exigente. Et pourtant il est impossible d'avoir un activité en tant qu'observateur, ou alors en tant qu'esthète ou critique, mais pas en tant que simple spectateur du spectacle inhérent aux jeux de rôles.
C'est en fait plus simple et c'est déjà énoncé plus haut : à tout moment d'une partie de jeu de rôle, il y a ceux qui ont une activité d'acteurs, de metteur en scène, de scénaristes, et ceux qui, pendant le temps qu'il faut pour le faire, deviennent des spectateurs du travail improvisé par ceux-là. En réalité, à tout moment de la partie, certains s'amusent, et d'autres prennent leur pied.
Mais ça veut aussi dire qu'on ne peux pas dire qu'un jeu est fait pour s'amuser, ni que les jeux de rôles sont faits pour s'amuser. Ils sont conçus pour permettre à certains de profiter du spectacle que leur offre l'activité des autres, et d'inverser les rôles en pleine partie. C'est là un trait marquant du jeu de rôle qu'on ne retrouve de manière aussi systématiques pas dans ses voisins.
Aux échecs on s'investit, et ce sont les passants autour de la table de jeu qui profitent du spectacle généré par l'évolution de la situation de chaque joueur.
Au foot, il y a à proprement parler des spectateurs d'un côté et des joueurs ... professionnels, même, parfois.
Mais il est vrai que dans ces deux exemples du foot et des échecs, il existe de courts moments où les joueurs peuvent potentiellement inverser les rôles avec les spectateurs ou devenir spectateur de la partie qu'ils devraient jouer.
Aux échecs, un coup magistral surprend un joueur : il devient un instant au moins spectateur de sa propre partie, passant un peu de son temps à observer sans s'investir la spectacularité de ce qui vient de se produire.
Au foot, comme dans beaucoup de sports médiatisés, il y a des supporters qui ont pour rôle d'encenser les joueurs sur le terrain. Et pour ce faire, le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils sont sacrément actifs. Ça hurle, ça bouge, ça chante, ça se coordonne en hola générale ... et on en vient parfois à envier les joueurs sur le terrain qui peuvent de temps en temps, pendant un temps mort du jeu, se tourner vers le public et apprécier le spectacle, lequel doit être franchement fabuleux (moi qui ai d'ailleurs été rugbyman quand j'étais plus jeune, je peux confirmer de mon expérience le côté spectaculaire et encourageant d'un stade de 500 places).
Mais la présence de l'amusement est à la limite du négligeable. On pourrait nier la présence d'amusement dans ces jeux sans détruire ou infirmer la nature même de ces jeux-là. Le foot sans supporter et sans public, c'est toujours le foot. C'est peut-être moins palpitant comme expérience de jeu, mais c'est toujours du foot : les règles n'ont pas été changées.
Mais le jeu de rôle, lui, s'inspire directement d'une discpline (d'un art) du spectacle, à savoir le théâtre, et alors qu'il en reprend les codes et les grammaire pour composer les parties de jeu, il apporte avec lui la possibilité loin d'être négligeable qu'un joueur puisse devenir spectateur du jeu. Ainsi le jeu de rôle aura l'avantage de divertir (éloigner le stress) et d'investir (créer du plaisir), ce qui en fait un loisir doublement addict... passionnant.
On peut dire que le jeu de rôle permet de s'amuser, ce qui n'est pas permis par tous les jeux, loin de là, mais pas qu'il est dédié à l'amusement ou qu'il est fait pour s'amuser. C'est avant tout un jeu.
Conclusion sur le GNS ?
Dans la théorie du GNS est impliqué le fait que les joueurs types décrits par le GNs en lui-même viennent à table pour s'amuser. Il n'est que sous entendu sans que ce soit réellement abordé, l'objectif de tout joueur de s'investir dans le jeu pour trouver du spectacle ou simplement pour en donner aux autres.
En réalité, l'amusement dans le jeu de rôle est facultatif, tandis que l'investissement, lui, est essentiel. Essentiel parce qu'il est le carburant de tous les jeux.
Il est impossible de jouer à une partie de jeu de rôle si tous les joueurs attendent que le spectacle commence.
Il est cependant possible de jouer au jeu de rôle sans relever la tête du guidon et en proposant de bout en bout son investissement comme nouveau challenge pour les autres joueurs et occuper son plein temps à jouer au jeu. Si ça ne tenait qu'à moi, d'ailleurs, je ne dirais pas "possible" mais "recommandé" :)
Aussi le premier soucis du concepteur de jeu, contrairement à ce qui est dit dans le GNS, n'est certainement pas de garantir un jeu amusant (qui divertisse) mais un jeu passion (qui mérite qu'on s'y investisse).
En demandant aux jeux de rôles de se concentrer sur une population ciblée de spectateurs, le GNS implique plusieurs choses qui ne seront certainement pas bénéfiques au jeu :
- que quelqu'un ou que quelques uns se dévouent pour créer le contenu amusant, le spectacle (bah oui, il faudra bien que quelqu'un s'y mette), ce qui va renvoyer le MJ bouler dans les cordes (et il n'a pas besoin de ça). En soi, c'est un grand pas en arrière dans l'évolution du jeu de rôle, de retour à l'époque du MJ qui passe trois semaines de préparation à mettre sur pied un spectacle de cinq heures.
- que l'expérience de jeu soit restrinctes à cette population sélectionnée et optimisée, de sorte à ce que tous prennent le même plaisir en même temps, ce qui est inadapté à la condition humaine : variable, complexe et singulière d'individu en individu.
- que l'expérience de jeu soit certainement moins passionnante que si elle avait été l'objet d'un investissement profond de chaque joueur, plus que si elle n'était restée qu'un divertissement collectif. Oui, c'est plaisant de suivre une histoire, c'est simplement encore plus plaisant et plus passionant que de pouvoir l'écrire.
Aussi la théorie du GNS vise deux fois à côté de nombreuses et importantes cibles. Finalement, au lieu d'ajuster un tir raté sur les cibles qui existent, le GNS propose de ne plus viser qu'une seule cible et de passer son temps à réussir à la toucher. En ce sens, la théorie du GNS est une sacrée fuite en avant de la grande problématique d'écrire un foutu jeu de rôle qui marche, ou de masteriser (voire jouer) un partie de jeu de rôle sans accroc.
C'est un peu comme si on avait conçu une voiture dédiée aux virages à droite pour minimiser les risques d'accident dans les virages à droite.
- Et les virages à gauche ? me direz-vous.
- Bah avec cette voiture, vous n'avez qu'à prendre uniquement les virages qui vont à droite !! vous répondrais-je simplement.
En plus de ça, mon propre exemple, celui des joueurs que je fréquente et l'étude de pas mal de jeux de rôle me permet de réfuter la pseudo "difficile" compatibilité ou cohabitation des trois approches du jeu de rôle. Si on peut effectivement découvrir en chacun de nous en un instant donné du jeu une prédominance de l'un des trois (et peut-être l'apparition d'autres approches qui ne sont ni ludisme, ni narrativisme, ni simulationnisme), on ne peut ni refuser de constater leur apparation simultanée dans beaucoup de parties qui ont présenté un grand succès auprès du MJ et des joueurs sans que la moindre des coquilles ait un lien avec ces trois approches, ni prétendre ou démontrer que ces approches du jeu de rôle qui peuvent parfois prédominer chez les joueurs sont les mêmes prédominances du début à la fin de la partie ou de la campagne jouée.
Ce serait confondre l'inaptitude des joueurs à répondre par leur propre expertise en tant qu'Hommes qualifiés au travail à n'importe quelle situation, et leur recherche de la même expérience de jeu classifiée en trois types d'approches. Ce serait également confondre l'égoïsme inhérent à beaucoup de personnes qui les empêchent de s'ouvrir à l'entretiens du plaisir des autres et la pseudo approche qu'ils ont l'intime conviction d'emprunter à chacune de leur partie et qu'il faudrait à tout prix peigner dans le bon sens du poil.
Parce que si je n'ai jamais vu un joueur rechercher un type de jeu de rôle bien particulier, j'ai souvent vu des joueurs faire des choix de goût et de valeur dans leur investissement de rôliste jusqu'à des convictions et une orientation qui déborde de ce loisir. Ainsi je connais pas mal de gothiques (des gens donc qui ont choisi un style de vie et une identité qui figure par le comportement, les gestes et le look) qui ne joueront jamais qu'à Vampire. Pas parce que les auters jeux qu'ils ont testé ne peuvent pas correspondre à leur approche du jeu de rôle, non, surtout parce qu'ils n'ont que très rarement testé autre chose que Vampire !
Il y a également comme ça une extraordinaire quantité de rôlistes qui ne sont jamais sortis des royaumes oubliés (et cet état de fait soutient tout logiquement l'incroyable fertilité du filon Donjons et Dragons exploité aujourd'hui de manière industrielle par Wizards of the Coast). Est-ce parce que ce sont des ludistes ou parce qu'ils n'ont pas l'esprit ouvert ? Il existe d'autres jdr ludistes qui peuvent parfois même mieux servir leurs réels goûts en la matière, mais ils ne les connaissent pas ou ne cherchent même pas à les connaître.
Et finalement dans les exemples fournis dans la théorie du GNS, ne s'agit-il pas de conflits d'egos tout ce qu'il y a de plus classique qu'on retrouve au jour le jour dans notre vie en société ?
J'en pense donc que le GNS s'égare. Il veut plaire, mais à qui ? Va-t-on voir surgir du jdr personnalisé ? Le "JdR dédié" ? Un JdR conçu pour un style bien particulier de mentalités et de conceptions de la vie ?
Ne pouvons-nous pas simplement exiger des joueurs qu'ils sortent de leur caverne et qu'ils bossent un peu ?
Certainement que si !