Tout d'abord, bonjour à tous !
Cela fait quelques temps que je me suis inscris, mais je n'avais pas trouvé le temps de poster. Voici qui est fait.
Quelques mots pour me présenter. Je m'appelle Yves, et je suis un vieux de la vieille : 41 ans depuis peu, j'ai quasiment vu arriver le jeu de rôle en France. J'ai commencé avec la boîte rouge de Donjons et Dragons, pour ceux qui s'en souviennent, puis je suis passé aux règles avancées, et j'ai vu qu'il y avait d'autres jeux (Cthulhu, entre autres)...
Je joue depuis 1983, mais de façon irrégulière : alternance des périodes de jeu intense et d'autres où je ne jouais plus. Je suis actuellement en phase de non-jeu, à mon grand dam, par manque de joueurs disponibles et pas du tout par choix...
Pendant plus de 20 ans, je n'ai joué qu'à un seul jeu, ou presque : Donjons et Dragons, pas par choix, mais par hasard : les joueurs et club que je connaissais et fréquentais ne jouaient qu'à ce jeu. Seules exceptions : 2-3 parties de Chill et sans doute 1 ou 2 autres jeux que j'ai oubliés. Jusqu'à 2006, où j'ai rejoins la Guilde à Poitiers (je cite le club, car je sais que pas mal d'entre vous le connaissent, ou en font partie...), et me suis mis à beaucoup d'autres jeux, avec plaisir. La Guilde étant un nid de créateurs de jeux, je me suis mis à développer mon propre jeu, mais j'en parlerai plus tard et ailleurs...
Revenons à présent au sujet de cette discussion : Le roleplay et la construction d'une ambiance propice au jeu dans Donjons et Dragons.
Cela peut paraître contradictoire, ça l'était même pour moi qui, je l'avoue, ai commencé à jouer à D&D de façon très simpliste, à peine plus évoluée que du Porte-Monstre-Trésor... mais j'avais 13-14 ans, j'avais l'excuse de l'âge.
Et puis vers 20-21 ans, après 5 années d'interruption du jeu de rôle, je suis monté sur Paris, et j'ai rejoins un club très mature (interdit aux mineurs, d'ailleurs), qui m'a fait découvrir une autre façon de jouer.
Le club est spécialisé dans Donjons et Dragons, mais avec des règles "maison", à mi-chemin entre AD&D1 et AD&D2. De nombreuses règles ont été crées par les membres, qui font que le système est très loin des règles "canon" du jeu. Un nom a d'ailleurs été trouvé pour cette version particulière des règles : Nightmare (nom un peu trompeur, le jeu ne baignant pas dans une ambiance de cauchemar).
La première particularité du jeu Nightmare, c'est le rôle essentiel donné aux personnages et à leur background. Les scénarios proposés par les MJs incorporaient tous des éléments liés au passé ou aux motivations de chacun des PJs. Du coup, l'implication des PJs dans l'histoire était très grande : non seulement les joueurs voyaient que leurs personnages étaient partie prenante de ce qui leur arrivait, mais les événements qui allaient leur arriver venaient compléter et enrichir le background. Mon personnage fétiche (un rôdeur au passé trouble) s'est ainsi forgé un destin très riche, à partir de mes idées de départ, des développements proposés par les MJs, et de mes propres choix.
L'autre particularité du jeu dans ce club, et j'en viens au titre de cette discussion, était le rôle essentiel donné au roleplay. Dans ces parties, c'était avant tout les interactions entre PJs et avec les PNJs qui étaient privilégiées, même si l'aventure était au rendez-vous. Une expérience qui durait en général au minimum 8 heures, et pouvait aller jusqu'à des parties de 10 heures. On en ressortait un peu lessivés, mais avec un sentiment d'accomplissement très fort. Pas de déphasage avec la réalité, je tiens à le préciser.
Je prendrais pour illustrer mon propos la première partie faite au sein de ce club. C'était il y a 20 ans, donc ne vous attendez pas à une foule de détails précis. J'ai choisi cette partie, car ce fut celle qui me marqua le plus, la découverte d'une autre façon de joueur, un jeu adulte en quelque sorte. Il s'agissait d'une adaptation fidèle du Nom de la rose (le livre plus que le film).
Nous étions un groupe de 4 moines, venus participer à un rapprochement entre nos différents cultes, dans un monastère connu pour sa riche bibliothèque.
D'entrée de jeu, le meneur crée une ambiance adaptée : descriptions détaillées des décors et des rituels auxquels nous assistons (cérémonies religieuses), incarnation très habitée de personnages truculents, musique (bande originale du film, bien sûr, mais aussi de la musique baroque, me semble-t-il)...
Le scénario suit ensuite la trame du livre : une série de meurtres, sur lesquels les dirigeants du monastère nous demandent d'enquêter. Les morts se multiplient, les rumeurs de démonologie se développent. Nous sommes évidemment amenés à nous intéresser à la grande et mystérieuse bibliothèque, où toutes les victimes semblaient se rendre régulièrement, pour y faire des choses indéfinies.
A l'entrée dans la bibliothèque, l'ambiance change. Le meneur baisse la musique (morceaux d'ambiance plus tendue), ferme les volets et allume quelques bougies. Nous continuons donc notre exploration dans une atmosphère très particulière, feutrée. Je crois me souvenir que nous nous sommes tous mis à parler plus doucement. Les ombres crées par les bougies (ombres dansantes et déformées) ajoutent à la tension qui est la notre en ce moment-clé du scénario (le climax de l'histoire). L'ambiance est tellement prenante (et totalement nouvelle pour moi), que nous (joueurs) commettons une erreur de débutant : alors que nous pénétrons dans un labyrinthe de salles inconnues, obscures et inquiétantes, il ne nous viens pas à l'esprit de faire un plan pour retrouver notre chemin pour repartir. De façon assez amusante, nous retrouvons dans la même situation que les personnages du livre d'Eco (perdus), sauf que personne parmi nous n'a pensé à dérouler un fil... Mais par chance, nous parvenons à retrouver la sortie.
Le scénario finira par un retour à la bibliothèque (avec cette fois un PJ assigné à l'élaboration du plan !), et l'élimination du tueur.
Alors, quels enseignements à tirer de cette expérience ?
Tout d'abord, seul point noir pour moi, qu'une adaptation doit être infidèle à son modèle, à un niveau ou à un autre. En terme de jeu, une évidence me semble-t-il, mais qui n'avait pas été appliquée ici : lorsqu'on fait un scénario à partir d'un livre ou d'un film très connu, il faut changer des d'éléments de la trame narrative pour surprendre les joueurs, surtout lorsqu'il s'agit d'une enquête. Dans cette partie, le tueur était le même que dans le livre...
Ensuite, qu'un roleplay développé et la mise en place d'une atmosphère permettent de créer une ambiance de jeu extrêmement motivante, aussi bien pour le meneur que pour les joueurs. A ce niveau, des accessoires (figurines, bougies, musique) ou une mise en scène (fermeture des volets, lumière tamisée...) installent un décor pour le joueur qui va pouvoir projeter ce qu'il ressent personnellement dans la psychologie de son personnage, en jeu.
Enfin, que tout cela n'est possible que si tout le monde est motivé pour participer à cette ambiance. Une petite réflexion qui casse l'ambiance fout tout par terre (je dois avouer que je parle d'une d'une de mes propres réflexions, totalement déplacée...).
Voilà, je voulais vous présenter une expérience particulièrement enrichissante de jeu de rôle, qui m'a donné un regard totalement sur cette activité ludique et créatrice.