[BPRD] - Esthétique et crédibilité

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[BPRD] - Esthétique et crédibilité

Message par Frédéric » 23 Mars 2009, 10:55

J'ai eu le plaisir de jouer ce vendredi à la convention Éclipse à Rennes à BPRD, maîtrisé par notre Grümph national !

Nous étions 5 joueurs (+MJ) de divers horizons.
Malgré nos expériences et nos horizons sans doute très différents, nous sommes parvenus à harmoniser nos façons de jouer, je vais développer cela.

Le jeu nous permet d'incarner des membres de cette agence d'investigation (aux caractères surnaturels) tirée du comics Hellboy.

Le jeu a tout d'abord le bon goût de proposer aux joueurs des espaces de créativité assez consistants : les personnages possèdent par exemple des talents, le mien, sorte de réincarnation incertaine de la déesse Bastet, possède le talent "chat".
Cela me permet de mettre en œuvre toutes sortes de pouvoirs liés aux chats. Pendant la partie, je me suis donc transformé en un gros chat pour mieux me dissimuler derrière les buissons, j'ai employé mes griffes pour le combat (ça c'était gratos en points de magie, mais je pouvais le faire parce que j'avais ce talent), j'ai appelé des chats pour surveiller un lieu etc.

Et ce n'est pas tout, les traditionnelles compétences prennent la forme de métiers, de cette façon, on évite les champs d'action trop restreints, et le joueur peut faire en sorte d'interpréter à quel métier correspond son action pour obtenir des points bonus.

L'ensemble du système est propre, intuitif, cohérent (du moins pour les joueurs, car je ne connais pas la partie dédiée au MJ, mais je gage que ça ne doit pas être très compliqué). Il offre aux joueurs et au MJ une vision claire de ce qi va être possible ou pas possible, cohérent avec l'esthétique de la fiction voulue ou non, car chaque trait, talent ou métier balise les potentiels des personnages.

Nous avons donc été appelés à mener une enquête autour d'un étrange crash d'avion dans l'Ohio. Les indices nous mènent rapidement vers une piste paranormale : arracher une partie de la carlingue d'un avion à mains nues (selon les témoignages), ce n'est pas à la portée de tout le monde...
Je pense que la partie aurait gagné à expédier encore davantage la phase d'enquête, car notre MJ, dans le soucis de soutenir une esthétique pulp ne nous faisait pas faire de jets de dés pour trouver les indices, il répondait simplement à nos impulsions. Ce procédé a selon moi une importance capitale pour les jeux dans lesquels on ne veut pas s'embarrasser de freins au déroulement de l'histoire.

Ensuite, a eu lieu un combat avec un nazi quelque peu monstrueux, mais comme nous n'avions rien à lui envier sur le plan de la bizarrerie, on s'est sentis chez nous. Nous avions devancé l'individu et pour l'attendre, j'ai pris la peine de me cacher parce que je n'étais pas la bourrine du groupe, mais l'un des joueurs n'en a même pas pris la peine, il l'attendait de pied ferme, en haut des escaliers, dans une position de défi... Classe, non ?
Et là, pour l'esthétique de la fiction, le fait de savoir qu'on est plutôt balèzes nous a aidé, je pense, à ne pas nous auto-freiner. Il y a eu bien plus d'impulsivité de la part des participants que dans bien des parties de JDR que j'ai pu jouer : deux PJ qui se lancent sans préavis à pied à la poursuite du fugitif qui a 6h d'avance sur nous, une préparation à l'interpellation du fugitif atypique (celle dont je parle juste avant), un bain de sang sans sommation, bref, on était tous dans le bain, on était les protagonistes, ça allait chier, on mettait les pieds où on voulait et c'était souvent dans la gueule !

Deux choses étaient intéressantes également d'un point de vue des techniques de jeu :
Lors de la première baston (bon, il y en a eu deux sur toute la durée de la partie, c'est pas non plus du lattage permanent), j'ai bondi sur l'adversaire en décrivant bien l'attitude de chasseur des chats, afin de pouvoir utiliser mon métier "chasseur". Puis, j'ai lancé les dés... échec !
Le MJ m'a dit : et bien puisque tu es dans ton élan, tu peux décrire le résultat !
C'est donc avec joie et délectation que je me suis exécuté : j'ai bondi, mais mes griffes se sont plantées dans le sol, je me suis retrouvé dans une situation délicate : en 69 avec notre adversaire... gênant donc les autres PJ essayant de lui mettre une raclée.
Je regrette que LG ne nous ait pas davantage incité à produire des narrations de résultat, nous en avons un peu discuté après, et ça me fait penser que pour mettre en place ce genre de partage d'autorité, c'est difficile de le faire de manière implicite. Moi-même, si le texte de Dogs in the Vineyard ne proposait pas aux joueurs de narrer les résultats sur leurs PJ, je n'en aurai jamais eu l'idée.
Je pense qu'il peut être intéressant, si cela apporte au jeu, de le noter dans les règles.

La baston a fini de manière spectaculaire avec de la cervelle écrasée sur le poing d'un PJ...

Chose amusante : l'un des joueurs possédait un personnage atteint d'un syndrome de dédoublement de personnalité affectant ses capacités : une âme de bourrin maniant l'épée et un Nerd craintif. Le changement de personnalité était entièrement décidé par le joueur qui a de lui-même toujours cherché à justifier au mieux ces choix. Résultat, il n'a utilisé sa personnalité "bourrine" qu'une fois, vers la fin du deuxième combat. Cela a donné des scènes du genre : oh oh ! Le danger arrive... zut, zut... (je prend la personnalité nerd) éclats de rire autour de la table.

Bref, le joueur s'est fait un devoir de renforcer la crédibilité de la fiction et les conséquences sur la situation, plutôt que de chercher à optimiser nos chances de victoire. Je pense que tout le monde a apprécié cela.

Pour résumer, je tous les joueurs ont endossé le costume de leur personnage, ils s'y sont senti bien (je présume, mais c'est l'impression que ça m'a donné et moi j'étais bien en tout cas) et l'ensemble des éléments de la partie : choix, techniques, décor etc. ont été exploités par les joueurs et le MJ dans une direction précise : renforcer l'esthétique et la crédibilité de la fiction.
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Message par Le Grümph » 23 Mars 2009, 11:25

Merci pour le retour.
Je confirme que la partie technique, côté MJ, est presque plus simple que côté joueur - au moins, je n'ai pas de feuille de perso à gérer !

Sinon, on m'a dit le dimanche matin, après la partie de Hârn, que j'étais un MJ envahissant. =D En gros, je dois sans doute trop parler par peur du vide et j'ai facilement tendance à décrire les conséquences d'une action (après avoir laissé les joueurs exprimer leurs intentions et lancé les dés).
En fait, je n'ai absolument rien contre laisser les joueurs le faire - mais, souvent, ils sont en attente d'une "sanction" (dans le sens "décision effectuée par un tiers") sur ce qu'ils ont fait. Et comme je n'aime pas le silence, je meuble pour garder le rythme.
La seule chose importante, c'est que ça reste relativement dans le ton (niveau de réalisme choisi pour la partie) et dans l'ambiance. Bref, cohérence, cohérence.
Pourtant, je n'ai pas spécialement besoin de règles pour ça. Juste y penser in vivo. Et avoir des joueurs qui se lancent et qui n'hésitent pas à réclamer le "pouvoir".

En tout cas, j'étais assez content de la partie. La seule chose qu'il faut que j'arrive à gérer (j'ai déjà eu le pb ailleurs), c'est la manière de distiller les infos (enquête ou mythologie par exemple) de façon à garder le rythme sans prendre une longue plage de temps qui n'est plus qu'une espèce de cours magistral. C'est à la fois super important dans du pulp d'avoir cette espèce de "prétexte culturel mythologico-archéologique" et en même temps, il faut réussir à le faire passer sans lasser.

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Message par Christoph » 24 Mars 2009, 00:10

Hello et bienvenue à toi, Grümph!

J'ai l'impression que vous vous êtes bien éclatés lors de cette partie et j'ai ris à plusieurs reprises tout en essayant d'imaginer ce que ça donnerait à la table et dans la fiction.

Que veut dire BPRD au juste?


Sinon ce rapport tombe à point nommé, j'ai fait la même constatation que toi, Frédéric, au niveau du partage de la narration des résultats (alias "l'autorité de conséquence") lors d'une partie à Orc'Idée ce weekend.
Je vais en faire un petit rapport de partie sur le pas, j'arrive pas à faire assez court pour l'insérer ici.
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Message par ShamZam » 24 Mars 2009, 00:51

Wikipedia est ton ami : http://fr.wikipedia.org/wiki/BPRD

J'aime beaucoup la gestion des talents telle que l'a décrit Fred au point que ça m'a bien donné envie de jouer. Jouer sur un mot et les domaines qu'il sous-entend c'est typiquement un genre de magie que j'adorerais utiliser en jeu.
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Message par Christoph » 24 Mars 2009, 00:53

Ah purée, merci Axel, j'avais pas compris que le titre-même du jeu était tiré de la BD.
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Message par Frédéric » 24 Mars 2009, 00:58

LG a écrit :Sinon, on m'a dit le dimanche matin, après la partie de Hârn, que j'étais un MJ envahissant. Mr. Green En gros, je dois sans doute trop parler par peur du vide et j'ai facilement tendance à décrire les conséquences d'une action (après avoir laissé les joueurs exprimer leurs intentions et lancé les dés).


LG a écrit :En tout cas, j'étais assez content de la partie. La seule chose qu'il faut que j'arrive à gérer (j'ai déjà eu le pb ailleurs), c'est la manière de distiller les infos (enquête ou mythologie par exemple) de façon à garder le rythme sans prendre une longue plage de temps qui n'est plus qu'une espèce de cours magistral. C'est à la fois super important dans du pulp d'avoir cette espèce de "prétexte culturel mythologico-archéologique" et en même temps, il faut réussir à le faire passer sans lasser.


Si tu veux qu'on développe ces questions, n'hésite pas à ouvrir un petit compte-rendu. J'ai peur que discuter de ta façon de maîtriser ne soit pas très charitable si ça ne part pas de ton récit de ton expérience.

Pas de panique, ça peut être très court un compte-rendu ;)

Je vais voir ce qu'on peut piocher dans le CR de Christoph qui traite de la question des autorités de résultat (ou de conséquences).

(Pssst, Christoph, c'est Alex : Shamzam et Axel : Méta ;))
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Message par Le Grümph » 24 Mars 2009, 01:08

BPRD signifie "Bureau of Paranormal Research and Defense".
C'est l'organisme international où travaille Hellboy et ses amis.

Sinon, ce soir, je discutais de cette histoire de narration partagée des conséquences avec mon épouse (et joueuse). Je lui expliquais le souci de parvenir à laisser la main quand on aime raconter les choses. Elle m'a répondu que, au contraire, c'était ce que elle souhaitait. (je la cite grossièrement : ) Elle n'est pas tant là pour s'amuser à manipuler son personnage mais pour vivre l'histoire et la voir avancer. Elle aime les surprises ; elle aime qu'on lui raconte les choses ; elle aime être titillée par les événements et la manière dont ils se produisent.
Je lui ai parlé du système de jeu de Paradoks (Légendes) qui part donc du principe que le joueur choisit librement s'il réussit ou rate. Pareillement, elle m'a dit que ça ne l'intéressait pas. Elle n'est pas là pour écrire une histoire mais pour la découvrir comme elle vient (il faut savoir que, par ailleurs, Anne écrit des romans et des nouvelles - du coup, elle comprend bien la problématique de la narration).

Et c'est vrai que, finalement, je suis pareil. J'aime bien lancer des bouteilles à l'eau et laisser le MJ s'amuser avec quand je suis joueur. Autant il semble que je sois un MJ envahissant, autant il ne me vient jamais à l'idée de prendre la narration à mon compte quand je suis joueur.
Par exemple, j'ai joué plusieurs campagne où mon personnage avait de larges parts de bizarrerie. J'ai complètement laissé la main au MJ pour en faire ce qu'il voulait.
Durant une campagne de Empire Galactique, j'avais créé une espèce de truc à fourrure, rose, avec six pattes et une tête à la Alf. Exemplaire unique dans toute la galaxie. J'avais juste envie de jouer un truc bizarre mais je n'avais pas la moindre idée de ce que ça pouvait être réellement.
Au cours des aventures, je me suis découvert des capacités particulières : notamment, j'avais une affinité extraordinaire avec la triche-lumière. J'ai donc commencé à "essayer" des trucs. J'ai même fait des expériences de passage dans "l'umbra". Généralement ça donnait quelque chose du genre :
- ah la la, j'arriverai jamais à le rattraper. Je peux essayer de me téléporter à côté de lui en me concentrant très fort ? (je n'avais aucun pouvoir de téléportation).
- oki. Lance-moi un dé (le MJ a alors un sourire amusé).
- réussi de tant.
- tu te retrouves dans un drôle d'endroit, couvert de trucs bizarres mous et aussi de trucs durs et longs. Il fait noir. Par contre, tu es super naze et tu as mal partout.

Typiquement, le MJ avait la main sur les conséquences. J'avais totale liberté de tenter mais c'était son rôle de me raconter le résultat - en l'occurrence, de me retrouver dans un placard à balais d'une station spatiale un peu éloignée...

J'aime bien ça. J'aime bien tenter des trucs très cons, voir jusqu'où je peux aller et me heurter au cadre de la cohérence du monde, placé là par le MJ en fonction des besoins. Si je devais raconter les conséquences moi-même, je serai très embêté parce que je ne pourrai pas contribuer autant à l'extension du domaine de jeu, de la grille de référence et de connaissance de l'univers.

J'ai l'impression que, pour de nombreux joueurs, prendre l'autorité sur la narration n'est pas une priorité - et même au contraire. Ils sont bien plus intéressés par le fait que le MJ soit juste, équanime. Qu'il ne soit pas dans l'arbitraire mais dans la cohérence, un peu comme un éducateur qui énonce et rappelle les règles de vie et le cadre institutionnel.

Alors, peut-être aussi suis-je comme ça parce que mon parcours est passé par une école Freinet, par une formation aux CEMEA et par une adhésion importante à la pédagogie institutionnelle (instaurer un espace de liberté et d'expérimentation ouverte au sein des murs d'une institution). En tout cas, je me rend compte que c'est très proche comme manière d'aborder les choses...

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Message par ShamZam » 24 Mars 2009, 01:11

Christoph a écrit :Ah purée, merci Alex, j'avais pas compris que le titre-même du jeu était tiré de la BD.

De rien Christoph ! ;)

L'allusion aux CEMEA m'a rappelé mon stage BAFA et le discours d'un des formateurs et c'est vrai que ça me semble pouvoir s'appliquer au JDR. Trop de liberté ça peut créer un blocage auprès de beaucoup de joueurs. J'ai une amie en parfait exemple mais je crois que d'autres joueurs à qui j'ai fait jouer pourrait y répondre. Il n'y a qu'à voir la perplexité stérile dans laquelle je plonge mes joueurs lorsque je leur ouvre de nouvelles portes pour la création de leurs persos. C'est à un point chez certains d'ailleurs qu'ils verront toujours plus d'intérêt à joueur des prétirés, représentant un challenge d'interprétation pour eux.
Dernière édition par ShamZam le 24 Mars 2009, 01:18, édité 1 fois.
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Message par Christoph » 24 Mars 2009, 01:17

Grave grave, je te présente mes excuses et je vais prendre une bonne dose de repos avant de revenir poster!
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Message par ShamZam » 24 Mars 2009, 01:19

Aucun soucis, comme c'est la 2ème fois et qu'Axel fait mauvaise référence dans ma tête (non merci pas de sofa pour moi ce soir docteur), je me suis permis ce rappel.
Dernière édition par ShamZam le 24 Mars 2009, 02:07, édité 1 fois.
Alex
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Message par Romaric Briand » 24 Mars 2009, 02:05

Mais bon dieu Grümph ! comme tu apportes un sang neuf ici avec tes post !
J'adore ton expérience ludique ! franchement bravo !

J'aime l'idée que certain joueur dont toi et Anne puisse désirer découvrir un scénar de jeu de rôle comme on découvre un bon scénario de film en quelque sorte. On se laisse porter par l'histoire. Quand je jouais "la chronique de l'orient express" (Cthulhu) je pensai pareil ! je me disais "bon sang ! ce scénar est d'une linéarité consternante mais je m'éclate !" c'est la découverte de l'univers, la découverte de l'histoire de mon propre personnage qui me motivait.

J'ai envie de faire un parallèle philosophique (résumeé à gros trait) là-dessus ! (Grümph m'a déconseillé de faire de la philo sur forum... mais on se refait pas hein !)

Pour moi le rapport du joueur à son personnage est comme le rapport que l'on entretient avec soi-même au cours des événements d'une vie. Je vois ici deux sortes de sages comme deux sortes de joueurs :

- Celui qui assiste à sa vie de manière stoïcienne avec bonheur ! (stoïcien Taoïste) Il est heureux de découvrir, jour après jour, les joies et les peines que vont lui apporter l'instant.

- Celui qui doit prendre part à l'action et se sentir responsable des situations pour exister et être heureux. Il ne pourra pas être heureux s'il n'est pas à l'origine de l'événement qui le satisfait.

Si quelqu'un adopte l'une de ces attitudes en scénar, le fera-t-il dans la vraie vie ? Je n'en sais rien... mais j'aime bien ce parallèle.
Un personnage de fiction souhaitant s'incarner dans la réalité... Les rolistes sont mes proies...
http://leblogdesens.blogspot.com/
http://sens.hexalogie.free.fr/
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Message par Frédéric » 24 Mars 2009, 02:07

LG : Je pense que ce que tu nous décrit s'entend tout à fait. Mais je pense qu'il y a une équation assez simple : moins en tant que joueur, tu as d'autorité sur la fiction, plus ton plaisir dépend du MJ.
Moi qui n'apprécie pas toujours ce que les MJ me donnent, j'aime avoir des espaces de créativité.

Après, un jeu sur lequel je bosse actuellement (proposition créative simulationniste et structure de jeu assez classique) propose une magie freeform.
Les alchimistes, par exemple, peuvent transmuter instantanément la matière. Dans le jeu, ça a vraiment une utilité de générer des œuvres d'art. Après moult tests, j'en suis arrivé à écrire dans le texte du jeu que "les succès sont racontés par les joueurs" en tant que règle du jeu, parce que pour le joueur qui crée une sculpture alchimique, pouvoir décrire sa sculpture après avoir passé l'épreuve, après avoir défini son intention, est tout simplement jubilatoire. Si je lui donne cette autorité et que je la lui reprends ensuite, généralement, il ne va pas être content. Mais Démiurges est un jeu qui mise sur la créativité qu'il offre aux joueurs.

Et de toutes façons, les tables pour qui ce ne sera pas important laisseront le MJ le faire. Mais pour ceux qui découvriront le procédé et l'apprécieront, je pense que j'aurai eu raison de mettre cette autorité de résultat en tant que règle (ou conseil). (Attention, dans certains de mes jeux, je ne donnerai pas d'autorité de résultat aux joueurs, cela dépend vraiment de ce que ça apporte au jeu).

J'ajoute également que je ne me considère pas comme quelqu'un qui a du mal à improviser ni en tant que MJ ni en tant que joueur, mais dans un jeu comme Démiurges, à l'époque où j'entreprenais, en tant que MJ, de narrer tous les résultats de toutes les actions, il m'arrivait de faire de la merde, à force... je m'épuisais à vouloir tout gérer.
Il en reste que des parties de Démiurges avec un scénario naze et avec un MJ pas en forme du tout, mes joueurs s'amusent quand même. Alors qu'avec les mêmes biais et une partie d'Harry Potter système Chaosium, la partie tourne à la débandade...


Rom >> ça me plait bien le parallèle que tu fais ^^
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Message par Le Grümph » 24 Mars 2009, 11:05

Déjà, je dirai que l'un des fondements de ma pratique a toujours été : "en ton MJ tu dois avoir confiance."
Et pour faire une autre analogie, j'irai chercher du côté de "Mon nom est personne" : si quelqu'un te fous dans la merde, c'est pas forcément un mal.

C'est vrai que, personnellement, j'ai beaucoup de mal à jouer en convention et beaucoup de mal à laisser mener un MJ que je ne connais pas ou en qui je n'ai pas décelé les orientations qui m'intéressent (en gros, essentiellement une bonne culture générale ou plutôt du bon sens soutenu par un peu d'expérience, une bonne capacité à gérer l'imprévu, à mettre des bornes mais à ne pas se montrer dirigiste dans le très mauvais sens du terme).

Pour le coup des oeuvres d'art et de la magie freeform, ça me paraît évident. Il faut que ce soit le joueur qui décrive ça.

En fait, il me vient à l'esprit une autre analogie encore. J'ai pas mal étudié le fonctionnement du cerveau, les bouquins de Laborit, etc.. C'est un peu la base de ma philosophie à moi (pour Romaric ^^).
Le cerveau est une interface entre le milieu intérieur (le corps dans son fonctionnement) et le milieu extérieur, l'environnement.
Le MJ est aussi une interface finalement. Entre le personnage et l'univers qui l'entoure (tout ce qui n'est pas lui). L'action consciente et volontaire d'un personnage est du ressort du joueur - y compris la description d'une oeuvre d'art, d'un sortilège, d'une action, etc.. Le feedback est du domaine du MJ - il renvoit au joueur la réaction de l'environnement.

Dès lors qu'on brouille les cartes - que le joueur peut déterminer les réactions de l'environnement - je me demande dans quelle mesure on ne devient pas, effectivement, pour le coup, de véritables démiurges - avec la capacité extraordinaire de changer le monde. C'est là, finalement, que pourrait se tenir la vraie magie : changer la réalité en profondeur, changer les champs de cohérence, les lignes de force. "Désolé, monsieur Newton, mais la gravité n'existe pas".
La magie "merveilleuse" des JdR est inscrite dans les règles - ce qu'on peut faire ou non, même en freeform. La magie est un élément concret de la cohérence du monde. La véritable magie des joueurs serait de pouvoir changer le travail du MJ lui-même.
On rejoint ici tes préoccupations sur la synesthésie sans doute.

et je comprend mieux ce que tu peux vouloir chercher en donnant autant de liberté d'intervention aux joueurs. Jouer aux Dieux. Changer le monde. Modifier le MJ. Reprogrammer les axiomes.

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Message par paradoks » 24 Mars 2009, 12:33

Il s'agit quand même beaucoup d'interactivité. Plus le meneur est maitre de la partie et de ses enjeux, moins les joueurs ont prise dessus. En ce qui concerne les joueurs qui aiment être emportés et surpris par le MJ, ils sont bien gentils, mais on est quand même Tous là pour s'amuser. Le meneur a aussi le droit de compter sur ses joueurs pour le surprendre, et donc pour s'approprier l'univers. Moi je défend le fait que les joueurs prennent en charge plus que juste leurs personnages, parce que ça ré-équilibre la balance. Sinon c'est comme un match de foot ou un joueur ne bouge pas parce que son poste, c'est son poste, et tant que là balle n'est pas dans sa surface, il n'y a pas de raison qu'il se fatigue. C'est quand même super égoïste, au bout du compte. Franchement, ça me gêne de ne pas remettre en cause ce genre de raisonnement, parce ça valide une position passive du joueur. Et dans ce cas)-là, autant aller voir un conteur, au moins c'est clair qu'on aura pas trop à se fatiguer en tant qu'audience.

Sinon pour défendre mon système, les joueurs ne choisissent que la qualité du résultat, c'est quand même le meneur qui décrit ce que ça donne en terme d'histoire :
Joueur : Je vais draguer la fille et je me plante complètement
Meneur : Non seulement elle apprécie moyen, mais son frère, un grand balaise qui buvait un coup avec ses potes de l'équipe de rugby local, se lève avant de t'apostropher "hey, comment tu parles à ma sœur ?!

Dans ce cas c'est pas forcément ce que le joueur avait envisagé comme conséquence de son échec...
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Message par Frédéric » 24 Mars 2009, 13:32

LG :
Je pense simplement qu'il faut éviter d'en faire une guerre des genres. Un bon jeu peut proposer comme règle que les joueurs ne jouent que leur personnage (et encore, si je dis que mes vêtements se déchirent, ce n'est pas mon personnage, si je donne un coup de poing à l'adversaire et que je dis que je le touche, je ne fais que contrôler mon personnage ? Si je perds un bras, ais-je encore du contrôle dessus ? Et surtout, l'inconscient de mon personnage, ais-je le droit de le contrôler ?), comme un autre bon jeu pourra proposer au joueurs une grande autorité sur les résultat, le contenu, voire l'intrigue. Et un autre bon jeu laissera le groupe ou le MJ décider ce qu'ils vont en faire.

Je pense que BPRD pourrait très bien fonctionner sans donner d'autorité de résultat aux joueurs, ou simplement en laissant la table décider. Mais l'intérêt des "règles écrites", c'est qu'elles peuvent être prises comme référence par la table et donc éviter les désaccords :
Joueur "je lui arrache la tête"
MJ : "ben non..."

Bien souvent, on gère ça au feeling ou au pifomètre, mais on est souvent surpris, tu en conviendra de la diversité de la pratique (même classique) du JDR.
Pour ma part, depuis que j'ai joué à des JDR qui m'offraient de grands espaces de créativité en tant que joueur, je m'ennuie bien souvent quand je joue à un jeu où cette créativité est réduite à sa plus simple expression (roleplay en roue libre sans prise sur l'histoire et description des intentions de mon personnage dans des situations qui offrent des possibilités restreintes).

Mais ces grands espaces de créativité n'ont pas forcément besoin de faire sortir le personnage de lui-même. Hors magie, si je fais une sculpture, j'ai envie de pouvoir la décrire (on peut imaginer que j'en décrive une partie, et le MJ une autre, puisque dans toute chose que nous faisons il y a une part d'imprévu, d'incontrôlé).
C'est un peu comme la création de personnage : dans certains jeux on choisit les points de caractéristiques et les compétences et les traits de nos persos, alors que dans d'autres jeux, on considère qu'on ne devrait pas avoir prise dessus et tout ou presque est tiré au dé (Stormbringer si je ne m'abuse).

Et finalement on se rend compte que ce besoin de n'avoir le contrôle que sur son personnage pour un joueur est souvent marqué par une prédilection pour le mode simulationniste.
Bien qu'on voie avec Prosopopée que ce mode peut très bien proposer des choses bien plus fantasques en matière d'autorité, il était plus cohérent de le justifier par une dimension magico-métaphysique.
Dans Prosopopée, on n'incarne pas les PJ, mais les entités qui les dominent et qui les contrôlent et qui sont, elles, divines. Du coup, le rôle qu'on incarne est plus celui d'un dieu à la Populous qui joue avec son avatar, comme un gamin avec des Légo, que l'avatar lui-même. Et là, ça fonctionne mieux dans l'esprit des joueurs, parce que c'est cohérent avec la démarche créative.

Sous l'angle de la synesthésie (oui, tu as raison, je crois on est en plein dedans), je pense que ce que recherchent les joueurs dans ce que tu décris, c'est un rapport avec son personnage qui soit le plus proche possible du rapport 1/1. Mais ce rapport n'existe pas, c'est juste une volonté de "devenir son personnage".

C'est une très bonne manière de jouer si tous les éléments en face tiennent la route.

Pourtant, si on regarde ce rapport de partie : synesthésie paradoxale on est en plein mode simulationniste et le choix que nous avons fait a été fait pour être le plus cohérent possible avec nos personnages. "Qu'auraient-ils fait ?"
Je sais que certains joueurs sont gênés par ce type de cas de figure : connaître en tant que joueur des choses que le personnage ne doit pas savoir. Et ça, je pense que c'est indépendant des modes GNS.

Après, on n'est pas obligé de choisir son camp. Si tu n'avais pas été le MJ, je n'aurai peut être pas essayé BPRD, simplement parce que je me doutais que tu étais un excellent MJ, LG.
Mais autant, je jouerai à Dogs in the Vineyard en convention, sans me soucier de la qualité du MJ, autant je ne jouerai à Warhammer que si j'ai une confiance absolue en mon MJ.
Je crois qu'on est ici au cœur de l'incompréhension qui règne entre les sympathisants forgiens et les joueurs plus classiques.

Il faut garder à l'esprit que l'implication des joueurs en mode narrativiste ou ludiste peut être aussi importante qu'en mode simulationniste, grâce à la synesthésie. Les modes narr et lud s'encombrent moins de cette nécessité de cohérence de la fiction, car d'autres aspects du jeu sont tout aussi intéressants.
Frédéric
 
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