Composition de la table et contexte
La partie se déroulait dans une des tours du château (du XIIeme siècle), sur la colline de Châteaurenard, de 21h00 à minuit, à l'occasion de la fête médiévale locale.
Elle s'appuyait sur le système Wushu et j'en étais le MJ. Il est a noter que je n'avais joué depuis 15 ans, c'était donc à la fois ma première partie depuis tout ce temps ET mon premier jeu "narratif" (mémé si je sais que certains doivent pincer les lèvres à l'association de Wushu et de narratif)
La table comprenait 4 joueurs et un MJ ( moi-même, n’ayant ) : 2 rolistes « traditionnels » allant sur leur trente ans, 1 (ancien) roliste autour de la quarantaine , n’ayant plus joué depuis a peu près autant de temps que moi, et son fils de 14 ans approximativement, n’ayant jamais joué au JDR.
Personne ne se connaissait, et je ne connaissais quant a moi que ces deux derniers, qui assistent régulièrement a des soirées JDP organisées par la ludothèque. Aucun ne connaissait Wushu ni des jeu de roles ayant "consommé la rupture paradigmatique".
Une autre partie de JDR « traditionnel » avait lieu dans une autre salle du château. Tous les joueurs se connaissaient et son rôlistes entre 25-35 ans. L’un d’eux a été initialement « détaché » de ce groupe pour rejoindre le notre.
Objectif :
La session consistait à expérimenter un premier « storygame », c’est à dire un JDR fonctionnant selon des paradigmes "non simulationnistes", en profitant de la fête médiévale locale, dans les but suivant:
- Intéresser des joueurs de role « traditionnels » a d’autres formes de JDR
- Initier des débutants par un jeu plus ouvert
- expérimenter des formes de jeux proches du JDP ( maîtrise du temps, aspect ouvert…) permettant d’intéresser un plus large public
Plus généralement l’idée était de déboucher, par la sensibilisation de joueurs, sur un « laboratoire du JDR mutant » permettant d’explorer régulièrement des formes de jeux narratif.
Préparation et matériel
- Enregistrement sonore (foiré), prise de photos
- BO (Bernard herman, conan, Dead can dance)
- Création du scénario : du med-fan de la vieille école, très classique, basé sur la quête d’une relique
- Mise au point de règles maison de Wushu : rajout de l’option « prise de risque », « handicap » et introduction de « gemmes de vie » permettant
- Fabrication de matériel spécial (voir photos):
o Arène à dès : Deux cercles contenant deux symboles, Coté MJ et joueurs, dont l’un enchâssé dans une piste de dés. Ces arènes répondent a la question « ou jeter les des » en attaque et en défense (yin/yan). Elles permettent d’éviter toute ambiguïté, de fluidifier le jeu et de ritualiser le jeu ( le symbole attaque se trouve à droit pour les joueurs et le MJ, en vis a vis, la défense à gauche)
o fiches hexagonales : fiche de persos incluant toutes les options, realisées de manière hexagonales afin de multiplier les cotés utiles pour faire glisser des trombones ( voir ci dessous)
o tableau de situation : une simple feuille dont les cotés indiquent le type de conflit ( a utiliser avec des figurines)
o Réglette de conflit. : La réglette de conflit permet d’indiquer au su de tous le niveau de menace, la réserve limite et le nombre de succès
Pour ce matériel, l’usage du trombone a été généralisé pour des raisons pratiques et afin de réduire l’acte scriptural ( et de se rapprocher ainsi du Jeu de plateau). On fait simplement glisser le trombone sur le chiffre adéquat..
Deux mots sur Wushu
La « règle d’or » est celle de la vérité narrative : « tout ce que l’on dit est vrai ». C’est déroutant pour les « anciens rolistes » car cela s’éloigne radicalement du principe de « simulation ». et de « réalisme ».. Mais il y a une exception : « pas le droit de narrer le dénouement avant la fin »…oui mais elle vient quand la fin, alors ?
C’est que Wushu, ce n’est pas non plus un jeu de rôles « freeform » comme on en faisant dans les années 90, lorsqu’on voyaient dans les dés le « mal » a éradiquer.
Wushu est d’abord un jeu, donc on y lance plein de dés, et ça, c’est bien On transpire, on estime, on ferme les yeux, on retient son souffle…
En clair, au plus on apporte de descriptions, au plus on lance de dés, au plus les méchants peuvent perdre de leur « Chi ». A zero Chi le vainqueur peut narrer le dénouement.
Voilà le principe, en gros. Ce n’est pas très compliqué, mais c’est solide, ça fonctionne bien et surtout ça change complètement le type d’histoires que l’on produit….
Déroulement de la partie
Apres avoir accueilli les derniers retardataires, on passe une explication sommaire des règles ( je ne m’étends jamais sur l’explication des règles, préférant un bon exemple).
On passe alors à la création des persos à la volée. Le scénario comprend 4 ideal-types : Le mage et son apprenti, l’homme(elfe ?) des bois, Le voleur/marchand, le guerrier. Rien que du très classique, car le but est plutôt de changer la forme, non le fond.
On commence à créer les personnage en décrivant, chacun son tour, un des ses éléments qui se traduira par un trait.
Le tour de table débute par l’un des rolistes (l’homme des bois solitaire) et on continue…le plus jeune joueur passe son tour…son père devient un filouteur errant….le suivant sera un médiocre forgeron tout en muscle et sans cervelle, heureusement secondé par des fées rencontrées dans son passé, épisode qui devient un trait du personnage.
Le principe des traits a été difficile à cerner mais commence à être assimilé avec l’exemple donné par ce dernier joueur. Cela n’a pas l’air comme ça mais on est déjà loin des « Adresse 12, force 14, etc… »
On reprend à la fin avec le personnage restant, le mage, incarné d’office par le plus jeune joueur. Les autres l’aident à créer un background rapide et je propose qu’il joue l’apprenti tout en incarnant également son Maître, car c’est la relation des deux qui apporte tout son piment au personnage.
Les « vieux rôlistes » sont étonnés que l’on puisse « jouer les deux » mais trouvent ça intéressant et aident le jeune apprenti a étoffer sa relation au maître : le pourquoi de son engagement, et le type de magie qu’il maîtrise ( la magie du feu). Je pioche pour ma part dans Terremer pour lui coller une faiblesse « poursuivi par l’ombre de son erreur ».
Ensuite, tout le reste de la session, soit près de 2 heures, fut occupé par la « menace mineure » d’introduction, à savoir l’incendie du village ou se trouvent les personnages et le sauvetage d’enfants pris au piège des flammes…
Cela ne nous a pas empêché par ailleurs de réaliser l’objectif principal, c’est a dire de tester le système…et nous amuser ! (enfin, je pense….moi en tout cas…)
Les « vieux rolistes » (encore eux) commencèrent par la jouer traditionnel, ce qui apporta au départ quelques lenteurs, mais le réflexe nouveau semble vite acquis. C’est particulièrement vrai pour le plus jeune des joueurs, dont c’était le baptême du feu ( si j’ose dire, étant donné la scène…) et qui vers la fin, au dire son père, a fait preuve d’une imagination peu habituelle.
Un détails amusant pour les « anciens » : comme chacun sait ( ?), a Wushu on peut passer la main aux autres joueurs, lors de sa propre action, afin que ceux ci apportent des éléments et pallient à la sécheresse d’imagination. Or cette « relative » perte de contrôle sur son avatar était tellement novatrice qu’elle n’a pas été comprise pour ce qu’elle etait. Il a fallu du temps aux joueurs pour se rendre compte que je « n’écourtait » pas leur tour, et que c’était bien d’eux dont on parlait. Même chose pour les descriptions, ou il a fallu que j’insiste sur le fait qu’on peut décrire également autre chose que ce que fait son personnage…
Au final, des remarques comme « déjà 23 heures ! ?» , « non, je ne veux pas connaître la suite, on la jouera hein ? » , « toi je sens que je vais te piquer des idées [méditatif] » et bien sur les traditionnels échanges d’Emails finaux m’incitent à penser que l’expérience était concluante.
Mon seul vrai regret et de ne pas avoir pu intégrer plus de débutants qui passaient par là . Un thème contemporain ou « années 30 » plus réaliste et comportant plus de situations sociales aurait pu permettre de les attirer , alors que pour les non joueurs qui venaient curieux assister à la partie, l’aspect « medfan » tendait a confirmer les stéréotypes négatif sur le « jeu de rôles ».
Conclusion provisoire : on s’est amusé et l’objectif, à savoir de faire connaître d’autres formes de jeu de role ( narratif) est atteint. Enfin, je crois.
A noter: j'avais fait un mini-test improvisé du système wushu quelques jours avant avec des gamins de 8 à 12 ans de la ludo, Sofinae Djamal, Youssef, en nous concentrant sur un conflit pour que ça ne parte pas en sucette. A ma grande surprise, passé les premiers minutes, les joueurs étaient a fond dans leur histoire (interrompue en raison de la visite d'une maman), au point qu'il en redemandèrent le lendemain...
La scène se déroulaient dans un tombeau, le guerrier en prise avec la nemesis( les nécromants) et les deux autres avec une menace mineure ( retenir l'armée de morts-vivants). Une certaine tendance a piocher dans "dragon ball" et autres, mais au final le système accroche visiblement les plus jeunes !
Modification a apporter à Wushu
Le problème majeur rencontré fut donc le « dosage du temps », du à la la sous-estimation de ce que représente un tour de table. La menace initiale était prévue pour 6 tours, et s’est bien terminée en 6 tours. Mais 6 tours, avec 4 joueurs, cela représenter 24 prises de parole !
Il est évident rétroactivement qu’a raison de 5 minutes par prise de parole, cela fait 120 minutes de jeu, soit 2 heures…ce qui est proche du temps de jeu. Plus raisonnablement, le temps de parole moyen peut être estimé a 3 minutes.
Donc je rajouterait comme élément crucial a Wushu le dosage du nombre de tours selon le temps de jeu voulu :
Nombre de tours = (temps total voulu en minutes / nombre de joueurs) / 3
Ou
Temps total voulu = nombre de tours x nombre de joueurs x 3
Avec pour 4 joueurs par exemple
Type de scène Tours Temps Nombre de scènes (pour 3 h)
Scène d’intro / mineure 1-2 12-26 min 4
Scène consistante 3-4 36- 48 min 2
Scène épique 5 60 min 0
Scène finale 6-7 72-84 min 1
A partir de la, en rajoutant la partie de jeu « freeform », il est possible de contrôler le temps total de jeu….
Conseils aux vieux rolites
...ou les conseils que je donnerais aux participants
- Employez davantage la troisième personne au lieu de la première, au moins en alternance. Cela rend plus facile de le resituer dans le cadre et de le « passer » aux autres joueurs pour qu’il vous aident a apporter des éléments. Et cela n’empêche pas de reprendre la 1ere personne par exemple pour les discussion, apostrophes, etc..
- Ne « pensez » pas : attaché au réalisme des personnages, les vieux rolistes décrivent souvent leur état d’esprit. Wushu est cinématographique, ce qui intéresse les autres joueurs, c’est ce qu’on voit . Donc si cela produit une scène visuellement intéressante. Wushu est un film
- Pas besoin de « chercher » si il y a un ennemi embusqué ( comme je n’ai entendu) en attendant ma réponse. Si vous voulez qu’il y en aient : il y en a !
- N’ayez pas peur de permettre aux autres d’apporter des éléments sur vous. Il vous laisseront en apporter sur eux, et cela permet a tout le monde de participer tout le temps (y compris vous donc). A votre niveau
- Soyez « gros bill ». Dans la plupart des genres, au plus c’est exubérant, spectaculaire, au plus c’est amusant ( sauf si votre MJ apporte son veto, ou si cela ne colle pas au style de la partie)
Quelques remarques sur le système Wushu apres cette experience
- Dans le JDR « traditionnel », on a une alternance. Wushu accroît encore cette différence entre une partie (extrêmement réduite) totalement freeform, et des parties de confrontations réglées par le système.
- Cette dichotomie renforce ainsi celle connue dans le JDR traditionnel. Dans ce dernier, la liberté d’action est une « illusion nécessaire », l’actiondes joueurs ne faisant dans les fait que « réaliser » un scénario plus ou moins pre-établi. Wushu pousse la logique jusqu’au bout en se concentrant au niveau du système, et donc des éléments scnearistiques, sur les conflits.
- Ceci n’est pas un handicap et cela fait tout l’intérêt de Wushu, qui ressemble un peu plus a un jeu de plateau par son aspect « procédural » et « rapide ». A la limite, le maître de jeu pourrait presque disparaître, remplacé par des « cartes » indiquant la succession des scènes…
- Wushu ne resouds cependant pas plusieurs « problèmes » du JDR traditionnel, a savoir entre autre, justement, le caractère plus ou moins linéaire du déroulement du scénario (qui peut apparaître pour certains comme une « restriction » problématique), et ce que j’appellerai d’autre part « l’obligation de réussite » de joueurs, c’est à dire l’obligation de vaincre toutes les scènes pour le « bon « déroulement de l’histoire vers son apothéose et sa conclusion. Dans Wushu, le système fait que le problème ne se pose presque pas, le dosage des scène en terme de difficulté les rendant accessibles aux joueurs. Cela peut par ailleurs alimenter la démotivation des joueurs devant des enjeux ( en terme de jeu) perçu comme factices ( ce pourquoi j’ai réévalué la difficulté des scènes à la hausse en rajoutant des règles sur la prise de risque)
- Tout ceci me conduit à imaginer un mécanisme ou l’échec ou la réussite chaque scène n’empêche pas d’accéder à la suivante mais à des conséquences sur le dénouement final (la scène finale) et donc sur la possibilité de « gagner » ou de « perdre »….il me semble que c’est le parti pri de jeu « Agon »….rien n’empêche de modifier Wushu pour obtenir quelque chose de similaire, même si cela risque d’entre quelque peu artificiel.
A voir aussi
On peut voir des photos sur http://www.ludotheque-goupil.fr
Le jeu : Wushu open est dispo sur le net à cette adresse http://wild.over-blog.com/ext/http://mondes.sauvages.9online.fr/Fichiers/Wushu%20Open%20Reloaded%20VF.pdf
Le scénario : a venir, quand je l'aurais mis au propre
Les éléments crées pour la partie ; fiche de perso, réglette, arène de dés, sur demande