Bien je vais prendre un peu de temps pour faire un compte rendu de ma partie de samedi dernier. Le point qui m'a le plus frappé est la durée de la partie et la lenteur avec laquelle l'histoire a avancé. J'aimerai prendre le temps de décortiquer la partie pour comprendre quels mécanismes et décisions ont amenés la partie à durer aussi longtemps. Les deux hypothèses que j'établis à priori sont :
1) notre manque d'expérience du jeu
2) notre excès d'expérience du jeu de rôle
En me réunissant avec le groupe avec lequel j'ai l'habitude de jouer aux jdr "traditionnels", je leur ai, cette fois, proposé d'essayer un jeu indy. Je leur ai laissé le choix entre Zombi Cinema, Prosopopée et Remember Tomorrow. Leur choix s'est porté sur Zombi Cinema. Je n'y avais moi même jamais joué et ne suis guère habitué aux jeux forgiens. Nous avons tous lu les règles, histoire d'être sur un pied d'égalité, et nous avons commencé à jouer (aux alentours de 17h).
Chacun a tiré ses petites cartes et imaginé un personnage :
Un policier ancien militaire
Une adolescente fugueuse et violente sous tutelle (du policier ci-dessus)
Un ouvrier quadragénaire
Une femme active moderne et dynamique
Un témoin de jéhovah asiatique kleptomane
Je vais décrire succinctement et de manière résumée le déroulement de la partie, donner des éléments de mes ressentis à certains moments en les illustrant par des évènements spécifiques qui se sont produits au cours du jeu. Je détaillerai les éléments qui sembleront nécessaires au cours du développement de l'analyse et des questions sur cette partie.
Nous avons commencé l'histoire à Nantes, samedi soir, dans un bar de notre connaissance où nos personnages sont tous présents. Un individu apparemment blessé et malade fait irruption. Des étudiants en médecine présents s'occupent de lui pendant que le patron appelle le SAMU. Entre temps l'homme est déclaré mort. Le policier contacte ses collègues pour venir sur place. Le policier prend nos dépositions et la zone est bouclée. Lorsque le corps de l'homme est emmené, il se relève et griffe un ambulancier. L'homme est arnaché sur le brancard et emmené au CHU.
Nous avons ensuite été convoqué au commissariat central de Nantes où nous avons été à nouveau auditionné. Nous (joueurs) avons beaucoup débattu pour savoir à quel point la "maladie" avait été relayée dans les médias, où et comment l'information sur le sujet circulait. Nous avons finalement peu joué durant cette scène. L'histoire a avancé lorsque nous avons tous (notre ami policier compris) été emmené de force par des militaires dans des camions de l'armée.
Le choix de la scène suivante a été sujet à un certain de discussion avant que nous ne décidions de jouer le trajet en camion jusqu'à la caserne. Nous avons encore discuté un bon moment pour décider du temps que mettait le camion à rejoindre la caserne (située à moins d'un kilomètre du commissariat) et notamment sur l'état de la circulation : accidents ? embouteillages ? Nous avons un peu pris le temps de jouer nos personnages dans le camion, leurs interrogation sur ce qu'il se passait, etc.
Nous nous sommes retrouvé dans la caserne, où nous avons été parqué. Nous nous sommes mis d'accord pour qu'une amie de mon personnage soit sommairement exécutée après avoir griffé un militaire lorsqu'elle fut prise d'hystérie. Nous décrivons l'organisation de la vie dans ce camp. A un moment, le quadra se retrouve tasé par les militaires alors qu'il ouvrait un peu trop sa gueule. Alors que nous l'emmenons, inanimé, le témoin de jéovah essaie de lui faire les poches. Je souhaite l'en empêcher, et nous résolvons ainsi le premier conflit entre les personnages. Nous nous emmêlons un peu avec les notions d'alliance et de soutien et nous devons sortit un peu de l'histoire pour nous repencher sur les règles. Au final le pickpocket réussi son affaire, et mon personnage ne voit rien de ce vol.
Sur une des scènes suivantes, des coups de feu retentissent dans le camp en pleine nuit. Nous construisons une petite scène qui fait intervenir un zombi isolé qui attaque un soldat et le tue. La scène est intéressante. Néanmoins, il s'avèrera par la suite que cette scène, que j'imaginais contenir des éléments à réutiliser plus tard, s'est avérée finalement n'avoir aucun apport sur l'histoire (ie les évènements ultérieurs)
Bon, je passerai en détail les scènes suivantes. Nos personnages s'échappent de la base, traînent dans la ville. On discute beaucoup de plan de survie et des moyens de s'en sortir, à la frontière entre jeu et hors-jeu. C'est au cours de cette évasion qu'un des joueurs pose un objectif pour le groupe : atteindre Saint Nazaire pour embarquer à bord du navire du beau-père de son personnage.
Nous jouons ce périble le long de l'estuaire de la Loire, la partie commence à traîner en longueur et je me sens moins inspiré et motivé pour raconter une super histoire qu'en début de partie. On termine l'histoire avec le sacrifice d'un des personnage pour permettre aux deux survivants de s'enfuir. On arrête le jeu lorsqu'il ne reste plus que mon pion sur le plateau et que l'on ne souhaite pas passer plus de temps dans les règles. Il est 22h30, la partie a commencé à 17h.
Voilà, alors par rapport à cette partie, j'aimerai explorer deux points.
- jouer à un jdr indy sans "aide extérieure" pour l'apprentissage du jeu.
- la spécificité des rôlistes (compétences, attitudes) et ses conséquences sur l'expérience de jeu.
Tout d'abord il s'agissait là de notre première partie d'un jeu indy "en autonomie", c'est à dire sans l'assistance de quelqu'un d'expérimenté et qui connaissait le jeu pour nous guider. Je trouvais cette démarche intéressante puisque, de ce que je peux trouver de très intéressant dans l'indy c'est de proposer des jeux sans préparation et sans absorber trois tonnes de documents : des éléments idéaux pour permettre à des novices de se mettre aux jeux de fiction. Mais pour briser cette barrière de l'initiation, il faut que le jeu et son système puisse être aisément envisagé par des néophytes.
Comme nous y avons joué entre "rôlistes", nous savions quelque peu à quoi nous attendre. Nous savions quel peut être le plaisir à se raconter ensemble une histoire, nous avons cette expérience de plongée dans l'imaginaire par la communication verbale, et de plus en tant que geeks, nous avions tous une plus ou moins grande connaissance des films de zombis.
Néanmoins, nous avons été confrontés à quelques dysfonctionnement ou problèmes d'ajustements au cours du jeu. Tout d'abord en ce qui concernait l'application du système. J'avais lu les deux pages de règles précédemment, et j'en ai imprimé deux exemplaires, pour que nous puissions tous les lires avant de débuter la partie. Mais comme aucun de nous n'avait déjà joué, nous avons été confronté à certaines questions. La plupart, nous les avons résolues par la discussion en débattant pour nous mettre d'accord sur l'interprétation des textes (un peu d'exégèse dans toute ces diégèses ...). Néanmoins, certains éléments me sont resté obscurs tout au long de la partie. Je n'en ai pas discuté avec les joueurs parce que je ne pense pas que ça aurait fait avancer le schmilblick au cours du jeu. La point qui m'a paru le plus problématique est celui sur les conflits : en effet, le texte dit qu'il y a résolution lorsque le conflit est entre deux personnages. Mais il est arrivé, parfois que le conflit soit plus entre les joueurs qu'entre les personnages, que ce soit entre les narrateur et un joueur avec son personnage, ou entre deux joueurs qui ne sont pas narrateur. Ces conflits là, nous les avons résolus par le débat, et le narrateur avait son "dernier mot", mais parfois après de longs débats. De plus la frontière est ténue entre "le personnage" et "le contexte", ce qui parfois nous a posé problème pour savoir qui avait le dernier mot (un problème somme toute essentiellement théorique, puisque en jeu nous avons à peu près réussi à le dépasser).
Un autre élément que j'ai trouvé dommage dans la manière dont nous avons joué, c'est que finalement nous avons assez peu été dans un genre cinématographique. Nous avons beaucoup creusé sur les fils invisibles, les comment, les pourquoi, et ne nous sommes que peu attaché sur l'image, la description des scènes. Même sur le jeu des personnages, nous avions cette posture de metteur en scène théoricien, et j'ai eu plusieurs fois cette impression d'être vraiment trop extérieur à ce qu'il se passait dans l'histoire. Je trouve que nous n'avons pas assez respecté les codes du film de zombi à mon goût. Mais cela n'est pas spécifiquement écrit dans le système, il s'agit sûrement d'une appréciation personnelle.
Au final, les joueurs ont beaucoup apprécié cette manière de jouer différente du jeu de rôle "conventionnel", et je crois que nous pourront ou retenter l'expérience de Zombi Cinema, ou nous lancer sur d'autres jeux.