[A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

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[A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Fabien | L'Alcyon » 27 Août 2011, 15:49

Aujourd'hui un compte-rendu pour illustrer une idée importante pour la création de jeu: être attentif à l'effort psychique que demande le jeu aux joueurs. Je vais y revenir après le rapport de partie. Ca n'appelle pas en soi de discussion, c'est plutôt pour illustrer quelque chose que j'ai compris au fil de mes dernières parties.
Donc, Clément et Ronan avons joué hier soir à A Penny for my Thoughts de Paul Tevis, que m'avait fait découvrir Ludovic à la convention sous l'oeil de Mélusine à Poitiers.

Présentation du jeu
Dans A Penny for my Thoughts, chaque participants joue un amnésique qui tente de se souvenir de son passé et de ce qui l'a amené ici. Le jeu se joue en trois fois trois tours (mon explication ici tient avec trois participants, qui est le nombre optimum). Dans un tour, un joueur pioche une phrase au hasard (chacun en a écrit quatre au début) du genre "l'odeur des roses", "le yacht de mon père", "un réveil brutal au milieu de la nuit", "le Boléro de Ravel", qui est une inspiration de départ pour la scène. Les autres joueurs lui posent alors des questions en lien avec ce qu'il a pioché et le joueur y répond toujours par "Oui et..." de manière à construire un début de scène. Avec "l'aboiement des chiens à la chasse", ça donne quelque chose comme A: "Tu as toujours aimé la chasse à courre avec ton père, n'est-ce pas ?" B: "Oui, et c'était surtout pour pouvoir l'impressionner et le dépasser."
Puis le joueur dont c'est le tour développe sa scène jusqu'à arriver à un point où il pose la question "et là, qu'est-ce que j'ai dit ou qu'est-ce que j'ai fait ?". Les deux autres joueurs donnent chacun une réponse et le joueur dont c'est le tour choisit la réponse qui lui plait le plus et continue. On répète cette manière de poser la question plusieurs fois et le tour se termine.
Chaque joueur joue plus ou moins à tour de rôle. Chaque joueur doit faire trois tours ; chaque tour a un orientation générale qui est donnée par le Questionnaire. Chaque tour doit être joué dans l'ordre. Dans le Questionnaire par défaut, les orientations sont
  1. Souvenez-vous d'un souvenir agréable.
  2. Souvenez-vous d'un souvenir désagréable.
  3. Souvenez-vous comment vous en êtes arrivé là. [sousentendu: à l'amnésie dans un hôpital psychiatrique]
Comme Clément, Ronan et moi nous sentions d'humeur aventureuse, on a joué le Questionnaire "lovecraftien", dont voici les questions:
  1. Souvenez-vous d'une petite victoire contre l'inconnu terrible. ["terrible unknown", excusez la traduction approximative]
  2. Souvenez-vous d'une horrible défaite contre l'inconnu terrible.
  3. Souvenez-vous des événements qui ont détruit votre esprit et vous ont effacé la mémoire.
Partie
Clément commence. Il tire "l'aboiement des chiens à la chasse". Avec nos interventions, il construit une scène où son personnage part à la chasse avec son père. Ils repèrent une bête dans les bois, la traquent et finalement l'abattent: une sorte de porc à la gueule pleine de croc et agrippé aux branches d'un arbre.
Les choix que Clément nous a proposé étaient:
1.lorsque nous avons aperçu la bête, qu'est-ce que j'ai dit, qu'est-ce que j'ai fait? (que faire d'autre sinon la poursuivre?)
2.lorsqu'un autre chasseur a abattu un de nos chiens, qu'est-ce que j'ai dit, qu'est-ce que j'ai fait?
Je dois admettre que Clément nous a proposé des choix peu intéressants. C'était d'une part parce qu'on commençait et qu'on apprivoisait le jeu et d'autre part, parce que, comme je le développerai plus loin, le Questionnaire enferme la fiction.

Ronan fait la scène suivante. Il tire "une blessure à la hache en coupant du bois". Avec nos interventions il construit une scène où son personnage est forcé d'aller couper du bois en hiver par son beau-père tyrannique. Il se coupe un orteil par accident et finit par comprendre que la forêt l'oblige à se mutiler. Il finit par couper le pied de son beau-père. [Effectivement, ça ne correspond pas vraiment à une victoire contre l'inconnu, ce qui soutient mon analyse.]

On a discuté une première fois du jeu sous mon impulsion, avant de reprendre.

Je fais la scène suivante. Je tire "un air de flûte dans le désert". Avec les interventions de Ronan et Clément, je raconte un voyage de mon personnage dans le désert où il est perdu par une tempête de sable, trouve au milieu du désert une statue de serpent dressé sous laquelle il s'endort. Durant son rêve, un serpent le mord à la langue et il coupe la tête du serpent avec ses dents. Il est retrouvé par une autre caravane et ramené en Europe pour être soigné.
Je n'étais pas très content de ma propre scène, j'ai aussi eu du mal à proposer des choix intéressants.

Ronan a commencé une scène avec "le parfum d'une rose", où il offrait un bouquet de roses dont une était pourrie à sa femme qui devait mourir... tout un programme, mais on a fait une pose, à nouveau sous ma proposition.
J'ai demandé à Clément et Ronan ce qu'il pensaient du jeu. J'ai expliqué pourquoi j'avais du mal à continuer: je m'ennuyais durant les moments où le joueur actif racontait sa scène et j'avais du mal à proposer des réponses intéressantes au choix. Clément trouvait que ça avançait lentement. Ronan était moins déçu que moi. Finalement on a commencé à discuter et la partie n'a pas repris.

Analyse
Je précise pour commencer que je ne veux pas ici juger ou évaluer le jeu dans son ensemble. J'ai eu deux précédentes bonnes expériences (la partie de Poitiers et une autre à Paris), mais le jeu ne me convainc pas encore à 100%. On peut discuter ailleurs du jeu, mais ce n'est pas mon but ici.

Mon propos est de parler de l'effort demandé aux participants.
Ici, la principale difficulté était qu'on faisait des efforts énormes pour un plaisir faible. Le jeu parvenait malgré tout à tourner, mais c'était décevant. J'ai utilisé la métaphore du basket-ball: si on joue avec un ballon mal gonflé, on va pousser énormément sur la balle, on parviendra effectivement à jouer mais on sera trop rapidement essoufflés et on ne profitera pas du jeu lui-même. Là c'est la même chose: on arrivait à jouer, mais l'outil qu'on avait (=les règles du jeu) nous demandait de faire des efforts démesurés, au point qu'on ne pouvait pas se concentrer sur le fait de faire de bonnes créations (juste arriver à créer était déjà bien) et à apprécier celles des autres.

Pourquoi ? Parce que la création était ici terriblement contrainte. Dans le jeu lui-même, il y a déjà l'orientation générale de la scène et le mot du départ. Jusque là, ça va, c'est de la contrainte créatrice, ça permet à l'imaginaire de se fertiliser. Il y a aussi le fait de respecter ce qui a déjà été créé au par avant, mais ça aussi ça passe. Le jeu exige beaucoup de l'imaginaire des joueurs, mais c'est toujours acceptable parce qu'il y a un bon retour. Les deux parties précédentes étaient comme ça (surtout celle de Paris).
Le problème, je pense, c'est le Questionnaire lovecraftien lui-même. Non seulement, il faut s'intégrer à une époque donnée (dépuis du 20ème siècle), mais en plus il y a un "terrible inconnu" et une victoire/défaite à inventer. Sans compter l'esthétique lovecraftienne à laquelle nous avons tous fait beaucoup attention. Sans compter que l'histoire est déjà écrite (petite victoire, grande défaite, écrasement), ce qui contraint terriblement la créativité.

Ca fait trop. En tant qu'être humain, sans préparation et vers 21h/22h, ça fait trop de choses à prendre en compte. On n'a plus assez d'énergie pour apprécier ce qui se passe. C'est une question d'énergie psychique: je ne peux pas tout faire et je n'ai d'autant pas envie de le faire que je n'y trouve pas grand chose.
J'avais écrit sur l'importance de donner des structures à l'imaginaire des joueurs, pour le fertiliser, parce que créer dans le vide est très difficile et angoissant. La contrainte, lorsqu'elle permet aux joueurs d'exercer leur créativité, est une très bonne chose. Là c'est exactement le contraire: trop de contraintes et d'exigences rendent la création difficile et peu intéressante, parce qu'on n'a pas l'occasion de saisir les meilleurs moments.

La conséquence pour la création de jdr, c'est qu'il faut être attentif au rapport entre ce que demande le jeu aux joueurs et ce qu'il leur apporte. Un jeu comme Prosopopée de Frédéric Sintès demande beaucoup des joueurs, mais leur apporte aussi beaucoup, donc tout va bien (c'est peut-être même ce qui fait la magie de ce jeu: on est tellement concentré sur l'effort, qu'on ne dévie plus du tout du jeu, on y est totalement). Quelles sont les tâches que le jeu demande d'accomplir à chaque participant, selon chaque étape du jeu et est-ce que ça vaut le coup de les accomplir ? Quel plaisir y trouve-t-on ? Je crois que ça vaut le coup de lister les tâches de chacun, très concrètement, au moment de la conception du jeu (comme Fred l'a fait pour le MJ des jdr traditionnels).

Je réponds avec plaisir à vos questions, commentaires et développements.
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par paragon » 27 Août 2011, 21:20

Le jeu m'a l'air très intéressant, du moins l'idée à la base est une bonne idée. J'ai eu droit à un rapport "oral" de partie (entendez une rigolade devant une bière) d'une partie tournant autour du même thème; redécouvrir le pourquoi du comment de son personnage amnésique et là aussi la partie avait rencontré un écueille quand les joueurs ont dût investiguer sur eux-même (le jeu ne prévoyant aucune autre mécanique qu'un système similaire au basic ou d20 système il fallait poser des questions au PNJ, et les idées de questions se sont vite épuisées).

Mais même si il semble que les joueurs n’apprécient pas toujours cette idée à cause de l'effort d'imagination qu'elle demande je crois qu'elle en vaut la peine, quitte à faire des séances à midi plutôt que minuit.

Maintenant ce que je remarque sur la partie elle même en lisant le rapport:
  • Les phrases que vous avez écrites me semblent peu adaptées au questionnaire lovecraftien. Je pense que bien réfléchir au phrases dès le début de la partie diminuera les efforts à consentir durant la même partie. J'ai un problème similaire dans meurtre: les joueurs prenaient, dans la version 001, toujours le dé sur le même principe car les autres demandaient un trop gros effort d'imagination. Je n'ai malheureusement pas encore eu l'occasion de la tester mais je crains que justement un problème apparaissent quand les joueurs ne pense pas assez à leur principe au départs (puisque dans la version 2 c'est eux qui les écrivent).
  • Il me semble que vous passez un peu vite sur les scène, en lisant le rapport je ne vois que peu de souvenir inquétants et mal définis juste des histoires rapides et peu inquiétante, ce qui serai justement ce que je tenterai d'obtenir en jouant à Penny for my Thoughts avec un questionnaire lovecraftien. Après je crois percevoir que le système du jeu n'y pas innocent dans ce problème.
  • Les scènes n'ont apparemment que peu de rapport entre elles, et les différents PJ non plus, si il n'y a vraiment aucun lien je comprends que l'histoire puisse-t-être ennuyeuse

Le système est-il finalisé ou encore en développement?

En tout cas merci pour ce rapport assez constructif et utile à éviter des écueils dans la création de JDR.
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Fabien | L'Alcyon » 28 Août 2011, 14:51

Salut paragon, merci pour tes questions ! Tu soulèves des points intéressants, c'est cool !

Malgré mes reproches, je dois dire que les règles sont bien faites pour aider les joueurs à inventer facilement, ce sont de bons fertilisants d'imaginaires. L'effort ne devient excessif qu'avec le fameux Questionnaire lovecraftien.

Oui les "Triggers" (comme les appelle le jeu) que nous avions choisi n'étaient pas spécialement lovecraftiens (encore que, l'air de flûte dans le désert...). Cependant, pour défendre le jeu, je dois dire que ce n'était pas nécessaire à mon avis ; et même si on l'avait fait, ça n'aurait pas particulièrement diminué nos efforts. Ca n'était pas nécessaire parce que, justement, l'esthétique lovecraftienne relève du fantastique, c'est-à-dire que le surnaturel survient dans un environnement prosaïque et quotidien, au point qu'il peut toujours être expliqué sans contrevenir aux lois admises communément de la réalité, même si cette explication est difficile à croire. Donc, partir d'éléments quotidiens et prosaïques pour ensuite dériver vers le surnaturel est tout à faire bienvenu, je crois. Si nous avions choisi des "Triggers" lovecraftiens (encore que je ne suis pas sûr d'arriver à les définir sans tomber dans le cliché: "le contact d'une tentacule non-euclidienne" ? "une bête indescriptible" ?), je ne sais pas si nous aurions pu respecter cette esthétique.

J'avoue que je suis allé rapidement sur la description des scènes, parce que ce n'est pas tellement la fiction qui posait problème. Cependant, chaque tour a duré longtemps (bien une demi-heure). Si les souvenirs n'étaient pas aussi inquiétants qu'on aurait pu l'espérer, c'est, je crois, justement parce que c'était nous comme joueurs qui devions faire l'effort d'amener l'inquiétant. Les règles ne nous y aidaient pas.

La question du lien entre les scènes est quelque chose d'important je crois, pas seulement pour ce jeu, mais pour toutes les créations de jdr.
Concernant A Penny for my Thoughts, le jeu ne prévoit pas que les personnages soient liés ou que les scènes soient liées. Chaque personnage fait sa scène et puis voilà. Durant les parties de Poitiers et de Paris, on avait introduit des liens entre les personnages ; ça demande beaucoup d'efforts parce que ça maltraite la cohérence de l'histoire et donc sa crédibilité, mais ça rajoute du piment à l'affaire ; ça exige aussi que les joueurs acceptent que leurs personnages soient parfois contrôlés par les autres. Ici, on ne l'a pas fait spontanément, pour des raisons d'effort, à nouveau, je pense et c'est peut-être ce qui a fait qu'on s'ennuyait quand les autres parlaient: il n'y avait pas d'enjeu pour nous.
Mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire que les personnages des joueurs soient liés ou présents ensemble à toutes les scènes, tant qu'il y a toujours un enjeu pour tout les joueurs dans chaque scène. Ca peut être un dilemme: dans Psychodrame de Frédéric Sintès ou dans Polaris de Ben Lehman (pour ne citer que ceux-là), les scènes des autres sont intéressantes parce qu'on aimerait savoir quels choix ils vont faire, comment ils vont s'en sortir. Ca peut être un enjeu esthétique: voir les règles de don de dés de Prosopopée. Au fond, ce qui est important, ce n'est pas que les personnages ou les scènes soient liés, mais que les joueurs soient liés, même si le lien entre personnages est une manière de lier les joueurs ensemble, de leur faire partager de force un enjeu fictionnel.

Les règles sont déjà publiées et arrêtées, sinon j'aurais posté tout ceci dans Banc d'Essai ! ;-)
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Footbridge » 29 Août 2011, 00:29

En fait ce qui a l'air de "bugger" dans ce jeu, c'est d'un côté le fait qu'il y ait certes un questionnaire très contraignant pour l'imagination dans la création d'une part, mais qu'il y ait aussi d'autre part assez peu d'interactions entre les joueurs en fait pendant le récit, je me trompe ?

Parce que là, à te lire, j'ai l'impression que pendant le tour d'un joueur A, les joueurs B et C ne font presque rien, c'est bien ça ?
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Fabien | L'Alcyon » 29 Août 2011, 18:26

Non, ce n'est pas exactement ça. Les joueurs B et C ont une grande influence 1. sur la mise en place de la scène 2. sur son évolution à des moments-clés. Il y a effectivement de long moments où le joueur A parle tout seul et où B et C sont seulement en auditeurs, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'interactions (écoute active, on prépare son prochain coup...).
Le problème dans ce cas précis (ce qui ne veut pas dire que le jeu est tout le temps ainsi) est qu'il y a trop d'efforts nécessaires (dus aux contraintes) pour rendre les influences de B et C fertiles en narrations intenses. Comme en plus ce sont les seuls moments où l'on peut intervenir, ça rend ces moments frustrants.
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par paragon » 29 Août 2011, 20:12

Pour reprendre une remarque chère à une de mes prof: l'activité qui consiste à écouter les autre raoconter est loin d'être désagréable, en témoigne les contes et légendes qu'on se narre au coin du feu. La différence entre JDR narratif et narration pure vient justement des interactions et il est judicieux de remarquer qu'elles n'ont pas besoin d'êtres nombreuses tant qu'elles agissent à des moments clé.

J'ai eu et d'ailleurs pratique toujours le JDR (plutôt classique) sur forum avec un joueur que je fréquent également beaucoup IRL et nous avons conclus de notre expérience PBF qu'il peu aussi être agréable de narrer beaucoup avant de lâcher le crachoir (vu qu'en PBF on aime les long post qui permettent d'avancer dans la partie et qui permettent de décrire des chose qui ennuieraient sur une table de JDR conventionel).

Voilà, moi je suis au final assez d'accord avec Fabien qui dit que le problème vient plus du questionnaire lovecraftien que du système de jeu.
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Frédéric » 30 Août 2011, 17:12

Salut Fabien.
J'ai également eu ce sentiment en jouant à des jeux qui me demandent de gros efforts de créativité (je pense à Microscope, Vampires de Victor Gijsbers et d'autres...) et je remarque qu'à chaque fois, il y a un problème au niveau de l'incitation :
Je pense que les techniques de jeu doivent inciter les joueurs à les utiliser. Cela peut se faire de deux façons :
  1. indiquer comment prendre en charge mécaniquement une décision prise par un joueur dans la fiction ;
  2. inciter un joueur à prendre un certain type de décisions dans la fiction pour un certain avantage ou pour éviter un désagrément (avec récompense ou punition à la clef).
L'exception consiste à préparer :
- préparer une partie ;
- préparer une situation ;
- préparer un conflit...
Ou à manifester un jugement, à condition qu'il soit en phase avec la démarche créative du jeu.
Toutes les conséquences de choix ou de jets de dés font partie des techniques de type 1.

Dans Innommable par exemple, les techniques de lancer de dés pour résoudre un conflit sont du premier type. Les techniques de monologues sont du second (si je fais un monologue, je peux piocher un dé qui m'aidera à résoudre les conflits plus tard).
Les règles de préparation des PJ ou de la situation mystérieuse sont des mécaniques de préparation.
Quand le MJ note un nom sur la liste du sort, il s'agit d'une technique de type 1 quand c'est une conséquence d'un échec, quand il raye un nom, c'est une technique de type 2.
Dans Dogs in the vineyard, annoncer l'enjeu d'un Conflit est une technique de préparation.
Dans Zombie Cinema, quand je donne mon dé en soutien, il s'agit d'une technique de manifestation de jugement qui a un effet sur la fiction (donc ça cumule avec le type 2)...

***

Tout ça pour dire : dans le cadre de la préparation, il me paraît utile de donner des directives aux joueurs et au MJ.
Maintenant, il arrive que des techniques de jeu ne se positionnent dans aucune de ces catégories : "le joueur peut à tout moment créer un élément du background en dépensant un point d'héroïsme" peut dans certains jeux ne pas convenir, si ça ne permet pas au joueur d'atteindre les objectifs de son personnage. Dans de tels cas, le joueur doit sortir de la cohérence de la fiction ou de ses objectifs pour se trouver en mesure d'utiliser de la règle.
(On se dit dans ces moments : "il faut que j'utilise cette règle parce que c'est comme ça qu'il faut jouer" et non "j'utilise cette règle pour vaincre un ennemi ou pour atteindre mon objectif").

Qu'il s'agisse de Microscope ou de Vampires, le problème venait du fait que les indications pour "créer" ne prenaient pas racine dans la situation, en tant que joueur (ou MJ), l'effort pour créer devient considérable car il n'est lié à aucune cause fictive (sa seule cause est que c'est écrit dans les règles donc il faut le faire) ni à aucun horizon fictif (le but est de pouvoir jouer).
Par exemple, dans Vampires, les règles disent de jouer des scènes d'intimité avec des femmes pour gagner des dés pour pouvoir gagner les Conflits (ce qui s'apparente à une technique de type 2). Sauf que pendant les scènes d'intimité, il faut faire souffrir les femmes pour qu'elles donnent des points de sang. Ceci n'étant pas lié à l'histoire du vampire, mais seulement aux règles du jeu, les raisons profondes pour lesquelles le joueur agit ne tirent pas racine dans la fiction. C'est rapidement démotivant et on a l'impression de se creuser la cervelle 10 fois plus, simplement parce que le jeu le demande, là où dans d'autres jeux, ces efforts paraissent naturels et s'inscrivent dans la continuité des actes du personnage : but à atteindre, mission, résoudre l'enquête etc. Il est à noter que les motivations du personnages sont indispensables pour qu'un objectif tienne, ça peut être aussi simple que : "c'est pour faire triompher le bien du mal" ou "c'est pour sauver mon fils" mais il faut que ce soit présent et explicite. Or, dans le même Vampires, on choisit un objectif, mais les motivations sont inexistantes (puisque les vampiress n'ont aucune humanité, ils ont pour seule raison d'agir : "c'est notre nature" et c'est largement insuffisant).

Même le MJ doit avoir des règles incitatives en fait (et parfois éventuellement quelques conseils pour l'aiguiller en plus) pour ne pas laisser tout le plaisir au joueur et le faire participer activement à la démarche créative. Il peut s'agir de faire découvrir ce qu'il a préparé, ou mettre à l'épreuve les PJ...

Penses-tu qu'il y ait également ce problème dans APFMT et penses-tu que le problème que tu décris serait lié à cela ?
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Florian » 30 Août 2011, 21:13

Les situations décrites me rappellent un peu ce que j'ai vécu en jouant à My Life with Master. Ma première expérience de ce jeu était une partie "fraternelle", Christoph faisait le MJ, les 2 petits frères les sbires. Je garde un excellent souvenir de cette partie, on avait des sbires qui intéragissaient et les scènes d'attache venaient naturellement (dans ce jeu, les scènes d'attache se font à l'initative du sbire, et sont nécessaires pour gagner des points d'amour, pré-requis indispensable pour vaincre le méchant maître). De plus, les mises en scène de Christoph étaient vraiment prenantes et j'ai tripé comme jamais au cours de cette partie.

Plus tard, je me suis essayé comme MJ à ce jeu, et là, l'expérience était très différente. Les sbires intéragissaient peu entre eux, même lorsque je leur donner des missions communes, les scènes d'attache ne cadraient pas avec l'ambiance du jeu, et à aucun moment je n'ai vraiment ressenti de tension chez les joueurs (je n'ai peut-être pas le même don de la mise en scène que Christoph aussi). Mais en y réfléchissant bien, le jeu s'était globalement déroulé selon les règles. En effet, rien dans les règles n'oblige les joueurs à collaborer, même s'il existe 1-2 petits incitatifs. Et rien n'oblige un joueur à placer une scène d'attache dans le contexte de la partie, il peut en faire une qui soit complètement à l'écart de l'action principale. A la fin, les joueurs et moi étions à bout d'inspiration pour relancer l'histoire.

La source du problème venait à mon sens qu'au lieu d'avoir une histoire principale, avec des faits divers autour, on s'est retrouvé avec un tas de fait divers sans véritable lien entre eux. Le jeu à la base n'est pas très exigeant, mais il exige une sorte d'autodiscipline (le terme me plait pas trop, mais j'ai pas trouvé mieux) des joueurs et du MJ pour rester dans le cadre. Cette autodiscipline peut venir naturellement comme lors de cette partie "fraternelle", mais dans le deuxième cas, elle était simplement absente.

Si je compare le résultat de mon expérience avec "My life with Master" et la tienne avec "A penny for my thoughts", je vois les parallèles suivants:
1) Parfois, ça marche superbement, d'autre fois c'est un flop, en fonction de la dynamique de groupe qui s'installe. Mais cette dynamique ne vient pas du jeu lui même.
2) Les destins des personnages sont très dissociés, un personnage influence peu un autre (dans ton jeu, c'est le joueur et non le personnage qui influence l'autre).

Je ne pense pas que l'exigence de créativité en tant que tel soit un réel obstacle, dès le moment où ces efforts sont naturels. Personnellement, quand plusieurs histoires se déroulent parallèlement, je n'arrive jamais à m'immerger dedans autant que s'il n'y a qu'une histoire, les efforts de création sont donc moins naturels dans le premier cas que dans le deuxième.
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Fabien | L'Alcyon » 01 Sep 2011, 22:56

Salut Fred,

Je comprends ta réflexion et je la trouve fertile, mais je ne suis pas sûr que ce soit exactement ça qui a posé problème ici.

Je reconnais qu'il n'y avait pas d'incitations telles que tu les décris ici. Il y a un faux enjeu du type 1 dans la mesure où le joueur B ou C dont la réponse à la question "qu'est-ce que j'ai dit, qu'est-ce que j'ai fait?" est retenue, reçoit une pièce. Le nombre de pièce détermine qui commence sa scène ensuite. C'est un faux enjeu parce que tout le monde finira par faire toutes ses scènes. La pièce est un marqueur de reconnaissance sociale, mais elle n'a aucun impact en termes de règles ; c'est à peine de la Couleur de système (pour reprendre cette discussion). Donc: pas d'autre enjeu à la création que de permettre au jeu de continuer.

Ce problème existe pour le jeu en général (pas seulement avec le Questionnaire lovecraftien) et, à y repenser, ça m'a dérangé dans les deux parties précédentes: on crée la situation pour permettre au jeu de continuer, et non pas parce que la situation elle-même l'exige ou parce qu'il existe des règles incitatives (pour faciliter la création fictionnelle ou pour sanctionner).

Cela dit, dans les deux parties précédentes, ça marchait quand même, même s'il est vrai que les joueurs y mettaient de la bonne volonté (et parce que nous avions spontanément créé une dynamique de défi réciproque avec des petites phrases du genre "vas-tu faire mieux que ma proposition?"). Dans cette partie, ce manque du jeu a accéléré la difficulté à créer plutôt qu'il ne l'a créée. Elle a été créée par l'excès de contraintes. Une faiblesse dans l'armure plutôt que le coup d'épée fatal.

Suis-je clair ? (cette question est pour Fred mais pour tous les autres lecteurs aussi !)

***
Salut Florian,

Je ne crois pas que le fait d'avoir des scènes très indépendantes soit forcément un problème pour un jeu, tant qu'il y a des enjeux pour tout le monde, en particulier les joueurs qui n'interviennent pas dans la fiction de la scène. Un jeu comme Shock: social science fiction de Joshuah A.C. Newman permet aux joueurs qui n'interviennent pas dans la fiction d'orienter les résultats du conflit; dans un jeu comme Zombie Cinéma d'Eero Tuovinen, on peut soutenir un autre joueur dans un Conflit (quelque soit la raison et même si son personnage est mort ou absent). Ainsi, même si l'histoire est fragmentée, il n'y a jamais d'ennui pour les joueurs. L'erreur de MLwM est peut-être de ne pas donner d'enjeux aux joueurs qui n'interviennent pas dans les scènes, même s'il y a le plaisir de voir les autres sbires affronter le Maître et se débattre dans leurs dilemmes.

Au-delà de ça, tu soulèves une question vraiment fondamentale et qui me travaille depuis longtemps. Pour résumer mon questionnement et (j'espère) ton propos, la question est la suivante: jusqu'où les efforts des participants (« l'autodiscipline ») sont-ils nécessaires pour la qualité de la partie ?

Si on prend les choses d'un point de vue théorique, il y a deux messages qui sont un peu contradictoires. D'une part, un Contrat social clair et accepté par tous les participants est nécessaire à la partie, par conséquent, les joueurs acceptent de faire en sorte que la partie marche, qu'on puisse jouer au jeu. En même temps, la succession de cycles de Création/Approbation dans une certaine direction (la Démarche Créative) suppose qu'il y ait des règles pour inciter les participants à Approuver certaines Créations plutôt que d'autres. Donc il faut qu'il existe des règles pour soutenir la démarche créative et donc la dynamique sociale (dont Fred se fait l'écho précédemment et c'est comme ça que les efforts de créativité deviennent "naturels"). Conclusion théorique en reprenant nos termes: une certaine forme d'autodiscipline, ou plus exactement d'acceptation, est nécessaire pour permettre une partie satisfaisante, mais pas suffisante: il faut que les règles encouragent la Démarche Créative et donc la dynamique social.

Maintenant cette conclusion semble mise à mal par nos deux expériences: toutes nos expériences de parties réussies prouvent qu'un jeu peut très bien fonctionner sans des règles incitatives (même, de ce que je connais de MLwM, je suis étonné par ton analyse de ta partie « ratée ») ; c'est sur la bonne volonté des joueurs et leurs affinités personnelles que va se construire une dynamique sociale de qualité. [A bien y réfléchir, c'est aussi vrai pour le jdr traditionnel: puisque les règles ne sont pas respectées et ne soutiennent pas la démarche créative, c'est aux joueurs d'entretenir tout seuls leur dynamique sociale.]
Le problème, et c'est également illustré par nos exemples, est que des règles qui soutiennent la Démarche créative, qui aident la dynamique entre les joueurs, sont une double sécurité, puisqu'elles permettent même de récupérer des joueurs qui font peu d'efforts, de leur donner des enjeux et de les inclure. C'est ceinture et bretelles.

Ca vous semble peut-être évident ces interactions entre efforts des joueurs et règles, mais je crois bien que j'ai mis jusqu'à aujourd'hui pour arriver à le comprendre et à le formuler !

Ca me ferait plaisir de discuter de tes parties de MLwM. Un petit rapport de partie ?
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Frédéric » 02 Sep 2011, 01:17

Merci pour tes précisions Fabien, tout ça me paraît limpide à présent. Te connaissant, je comprends d'ailleurs que le point que je soulève puisse paraître "mineur", même si le cocktail "trop de contraintes créatives + trop de décisions mécaniques prenant cause hors de la fiction" est de toutes façons assez imbuvable (c'est, à la réflexion, le principal défaut de Microscope : il ne repose que sur ce genre de techniques).
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Fabien | L'Alcyon » 02 Sep 2011, 15:13

Hey, Fred, désolé si j'ai pu te donner cette impression, mais je ne crois pas que le point que tu soulèves (si on parle bien des règles incitatives et de préparation pour aider à une création au pied-lever facile) soit mineur ! J'ai réagit un peu rapidement, mais je crois que c'est un problème de fond, parce qu'aider la créativité veut dire donner à tout le monde un accès plus facile au jeu de rôle, et pas seulement à celles et ceux qui imaginent facilement.
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Frédéric » 02 Sep 2011, 15:28

Ah, d'accord, désolé, j'ai mal interprété la valeur d'un de tes adverbes. ^^
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Heuhh » 06 Sep 2011, 14:24

Tatatatan !!! Je viens à la rescousse du meilleur jeu du monde !!! Best game ever ! ;) J’rigole, hein !

Déjà, je me demande si ce jeu est fait pour toi. Tu m’avais dit ne pas aimer quand les joueurs mettaient en difficulté les autres par des choix intrusifs (ou un truc dans le genre). Et je pense que pour apprécier Penny, il faut être « méchant » et à la recherche de l’adversité.

Pour reprendre tes points :
Fabien (Monostatos) a écrit :Clément commence. Il tire "l'aboiement des chiens à la chasse". Avec nos interventions, il construit une scène où son personnage part à la chasse avec son père. Ils repèrent une bête dans les bois, la traquent et finalement l'abattent: une sorte de porc à la gueule pleine de croc et agrippé aux branches d'un arbre.
Les choix que Clément nous a proposés étaient:
1.lorsque nous avons aperçu la bête, qu'est-ce que j'ai dit, qu'est-ce que j'ai fait? (que faire d'autre sinon la poursuivre?)

Je ne comprends pas. Dans votre narration chronologique, ça c’est passé comme ça ? Si c’est le cas, c’est une erreur. Sinon, « mon personnage part à la chasse avec son père. Nous repérons une bête dans les bois. Qu’est ce que j’ai fait/dit ». Là les deux autres joueurs aurait pu proposer : 1/ Tu as continué à la traquer en disant à ton père d’aller se réfugier. (importante cette précision car ça fera peut être tout le sel de la scène suivante un père pendu par les boyaux) 2/ Tu t’es enfui en hurlant de terreur.

comme je le développerai plus loin, le Questionnaire enferme la fiction.

Je ne suis pas d’accord du tout. Le questionnaire te donne des « checkpoints » très vague. Il est d’autant plus plaisant de se croire loin de ce checkpoint et de finalement retomber sur ses pattes.

Analyse
Je précise pour commencer que je ne veux pas ici juger ou évaluer le jeu dans son ensemble.
Ben oui, le jeu est génial. ;)

Mon propos est de parler de l'effort demandé aux participants.

Il est clairement important. Par contre, vu qu’il est important, ben le plaisir de s’en sortir doit être proportionnel. Quand tu es en plein dans une scéne où tout va mal et que tu sais que tu dois finir par « Quand je pense à ça, cela me rappelle un truc heureux ». Ben c’est super plaisant de s’en sortir.

Sans compter que l'histoire est déjà écrite (petite victoire, grande défaite, écrasement), ce qui contraint terriblement la créativité.
C’est le cas de chaque questionnaire, non ? L’histoire est toujours écrite.

Souviens-toi, on avait même rajouté la contrainte « les personnages se connaissent » ce qui avait considérablement compliqué la narration mais ce qui la rendait aussi plus jouissive.

Je pense par contre, qu’il faut un minimum de fraicheur aux joueurs, il faut être en forme pour jouer à ce jeu afin d’être pertinent. Contrairement à ce qui a été dit dans les réponses, le jeu est très très interactif. Il demande à chacun d’être tout le temps très attentif et c’est peut être ça la difficulté, à 3 joueurs on est tout le temps sollicités.

On avait joué à Poitiers en fin de journée. Et la fin de l’histoire a été un peu baclée car on manquait d’imagination. Quand je lis ton CR, je me dis qu’ils auraient pu partir dans des directions totalement différentes et mettant en difficulté le personnage. Je pense qu’en plus ça aurait été plus simple pour vous.

Exemple de questions : « l'aboiement des chiens à la chasse »
-> Ces chiens te poursuivaient-ils ? Oui blablabla
-> Les maitres des chiens étaient-ils des créatures cauchemardesques ? Oui blablabla
Là tu pars sur une histoire où le personnage s’enfui après avoir perdu un œil -> petite victoire.

Bref, je pense que ce jeu ne marche pas si on n’essaye pas de destabiliser/surprendre (suivant les goûts) les autres joueurs afin qu’ils puisent en eux et donc trouvent de meilleures histoires.

Après je peux me tromper.
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Fabien | L'Alcyon » 07 Sep 2011, 22:48

Haha ! Je savais que ce compte-rendu ne te laisserais pas de glace, Ludovic !

Effectivement, dans les deux parties que j'avais joué, il s'est installé cette dynamique sociale de « méchanceté » et dans les deux cas, ça m'avait bien plu (avec quelques nuances, mais bref). Dans les deux cas, cette dynamique s'est installée alors qu'on étaient moyennement frais (jouer à pas d'heure à Poitiers et en manquant de chaises à Paris).
Le problème c'est que à chaque fois c'est quelque chose que les joueurs et non les règles avaient créé (la première fois parce que tu nous l'avais transmis, la deuxième fois parce que je l'ai transmis aux autres joueurs) ; par exemple, la suggestion de mettre en difficulté le personnage ne se trouve nulle part dans les règles (sauf erreur de ma part). Donc quand les joueurs (comme ici) étaient trop accaparés par d'autres exigences du jeu (exigences du jeu lui-même + celles, excessives du Questionnaire lovecraftien), ils ne pouvaient pas introduire cette dynamique.


Ces exigences étaient devenues excessives ici à cause du Questionnaire lovecraftien, qui est (je crois) fondamentalement différent des autres parce que, contrairement à eux qui effectivement ne donnent que des « checkpoints », il écrit fortement l'histoire.
Comparons le questionnaire par défaut:
Questionnaire par défaut
  1. Souvenez-vous d'un souvenir agréable.
  2. Souvenez-vous d'un souvenir désagréable.
  3. Souvenez-vous comment vous en êtes arrivé là.
Questionnaire lovecraftien
  1. Souvenez-vous d'une petite victoire contre l'inconnu terrible.
  2. Souvenez-vous d'une horrible défaite contre l'inconnu terrible.
  3. Souvenez-vous des événements qui ont détruit votre esprit et vous ont effacé la mémoire.
Le Questionnaire lovecraftien est plus enfermant parce que chaque question annonce déjà qu'un événement particulier va avoir lieu, d'autant qu'il faut pouvoir inventer l'inconnu terrible. Le Questionnaire par défaut ne fait que demander une sensation générale, qui peut être facilement introduite (à l'exception de la troisième question, qui pose également un événement).
Le fait d'avoir cet événement futur fixé contraint terriblement la créativité des joueurs (et si c'est pour introduire un « twist », ça rend les choses encore plus difficiles). Dans des jeux comme Polaris ou In a Wicked Age, il est interdit de fixer des événements futurs durant la négociation, je pense pour des raisons similaires.
De plus, le Questionnaire lovecraftien impose une certaine esthétique et oblige d'inventer un "terrible inconnu", deux contraintes sur lesquelles il ne nous aide pas (pas plus que les règles), ce qui rend la création d'autant plus difficile.

La contraint peut être bloquante (quand il y en a trop ou quand les joueurs ne comprennent pas à quoi elle sert) ou créatrice (quand elle permet de stimuler structurer la création des joueurs). Je trouve que le Questionnaire lovecraftien est bloquant.


Pour cette raison, on a donc eu du mal à inventer des réponses aux questions qui soient efficaces. Ca semble facile de l'extérieur, mais comme il fallait respecter la demande du Questionnaire, ça rendait les choses beaucoup plus difficiles (D'ailleurs, pas d'inquiétudes, on a bien respecté l'ordre chronologique « logique » de la narration)


Quand tu dis:
Quand tu es en plein dans une scéne où tout va mal et que tu sais que tu dois finir par « Quand je pense à ça, cela me rappelle un truc heureux ». Ben c’est super plaisant de s’en sortir.

ou bien
Il est d’autant plus plaisant de se croire loin de ce checkpoint et de finalement retomber sur ses pattes.

que se passe-t-il si on a du mal ? Les règles ne nous aident pas à nous en sortir et on finit par imaginer quelque chose de décevant (comme ça a été le cas ici).
Quand il y a trop de contraintes par ailleurs, ça empêche les joueurs de relever le défi de s'en sortir.


Donc pour résumer mon point de vue (parce que tout ça peut sembler confus):
  1. A Penny For My Thoughts est un jeu exigeant avec les joueurs, mais qui peut marcher si ceux-ci font attention à apporter des réponses fertiles/déchirantes/intéressantes aux questions "qu'ai-je dit, qu'ai-je fait ?"
  2. Les règles n'aident pas particulièrement à apporter des réponses de qualité (il y a des conseils, mais ils me semblent un peu difficile à garder en tête de manière efficace), c'est au joueur de faire l'effort, ce qui ne pose pas de problème avec le Questionnaire par défaut qui est plutôt de la contrainte créatrice (c'est-à-dire qui aide à inventer plutôt qu'elle ne bloque l'effort)
  3. le Questionnaire lovecraftien exige un effort trop grand (esthétique lovecraftienne, "terrible inconnu" et événement fixé dans le futur), qui peut mettre les joueurs en difficulté au-delà d'un seuil critique, qui les empêche alors d'apporter de bonnes réponses
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Re: [A Penny for my Thoughts] Les exigences du jeu

Message par Heuhh » 08 Sep 2011, 15:41

Ok, je pense que pour bien répondre il faudrait que je joue avec ce questionnaire. En attendant, je te fais confiance et je suis d'accord avec tes 3 points. Quoique, pour le point 2, je suis d'accord sur le fait que les règles ne poussent pas à jouer d'une certaine manière, mais par contre, l'exemple t'y pousse très clairement.

Le questionnaire sur les espions risque de comporter le même soucis.
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