Et j'ai été très agréablement surpris par la dynamique que crée le jeu et par l'innovation de son système, sachant que le jeu est paru en 2005.
- Guillaume jouait Black Hole, contrôlant « la suppression et l'absorption » au service du gouvernement indien, est un homme confiant, méprisant et honorable ;
- Fabien jouait l'Homme sans qualités, un activiste souhaitant libérer les super héros du joug des gouvernements mondiaux ; il possède des talents exceptionnels (tel que le combat à mains nues, l'utilisation d'armes à feu etc.) mais aucun super pouvoir ;
- Je jouais Kamisama, un pré-ado contrôlant la télékinésie et autres champs de force depuis qu'un mystérieux laboratoire a pratiqué sur lui des expériences. Il est au service du gouvernement japonais.
Exploration
Voici l'histoire que nous avons créée :
Fabien pose un objectif à Guillaume et moi qui consiste à récupérer un amalgame de météorite fusionnée avec un satellite artificiel, pour le compte de nos gouvernements respectifs.
Black Hole se trouve aux abords du cratère provoqué par la chute de l'amalgame, il descend jusqu'à celui-ci et supprime les informations sensorielles sur la totalité de la surface du cratère.
Kamisama lévite droit comme un i en approche du cratère. Et tente d'extirper par télékinésie l'amalgame de la zone brouillée par Black hole, mais sans succès.
L'Homme sans qualités observe la scène bien planqué.
Kamisama se pose aux abords de la zone en question ; dans son oreillette, son chef lui dit que s'il veut revoir son meilleur ami il doit tout faire pour récupérer l'amalgame pour son pays. Kamisama immobilise tout ce qui se trouve à l'intérieur de la zone.
Guillaume pose à Fabien l'objectif de faire devenir Kamisama indépendant du gouvernement japonais (je ne suis plus sûr de qui a fait quoi, donc désolé pour les approximations).
L'Homme sans qualités arme son fusil et tire sur Kamisama. Celui-ci lui échappe en entrant dans la zone brouillée par Black Hole et sans comprendre pourquoi, se met à voir à l'intérieur de cette zone.
Il tente de faire imploser Black Hole qui se défend en supprimant son pouvoir et en éjectant Kamisama.
L'Homme sans qualités plonge sur Kamisama et le roue de coups en tentant verbalement de le convaincre qu'il doit arrêter d'être un pion au service des puissants. Kamisama déploie une énergie titanesque sous le coup de l'émotion et projette L'Homme sans qualités au loin. Pendant ce temps, Black Hole porte l'amalgame en supprimant sa gravité et s'éloigne du cratère en traitant ses adversaires de minables.
Kamisama résiste mais finit par perdre les deux objectifs :
Guillaume (Black hole) récupère l'amalgame
L'Homme sans qualités parvient à faire devenir Kamisama indépendant du gouvernement japonais.
***
Quelques remarques sur le système du jeu
- 1. Les trucs cools
- La partie était haletante, les enjeux sont forts, la fiction bien plus colorée que ce que ma mémoire peut témoigner dans ce CR ;
- l'idée de jouer toute la mécanique de résolution sur des « objectifs » notés sur des bouts de papier posés au milieu de la table est très efficace ;
- le fait d'avoir plusieurs niveaux de « conflit » mécanique (décider quels dés lancer ou ne pas lancer ; choisir où et quand miser ses jetons et où les accumuler ; choisir quand revendiquer une victoire concernant un objectif...) tout cela permet de doser élégamment une prise de risque et de la stratégie à court et long terme (le crunch et le gamble sont très bien amenés et se répondent très bien, car la prise de risque peut être payante, mais il faut toujours réfléchir à ce qui nous avantagera pour la fin d'un chapitre et même plus loin) ;
- le jeu est vraiment très stimulant, on est portés par une énergie, une envie d'en découdre assez formidable ;
- pas besoin de trop se creuser la cervelle pour sortir des narrations inoubliables ;
- c'est la première fois qu'un jeu qui bafoue autant des principes élémentaires en JDR me plait autant, le fun qu'on en retire vaut largement la chandelle (je n'ai pas du tout trouvé un plaisir avoisinant en jouant à Microscope, Misery Bubblegum ou à Chronicles of skin).
2. Les trucs moins cools - La fiction et les mécaniques de jeu s'alternent, ce qui donne l'impression de deux jeux qui se superposent : un jeu de tactique et de stratégie et des narrations des effets du premier jeu sur la fiction ; il faut comprendre qu'à chaque narration, un joueur seul décrit le résultat des dés en contrôlant tout : personnages, y compris ceux qui ne lui appartiennent pas, décor, effet des actions dans la mesure où ça ne contredit pas le résultat des dés etc.
- de plus, comme on lance les dés au tout début de chaque scène, on ne laisse pas les conflits ou combats arriver en conséquence des choix et des actions de chacun, le conflit est posé d'entrée de jeu et est inévitable ; je pense que ça affaiblit les raisons pour lesquelles on se bat, c'est heureusement compensé par le fait qu'on peut vraiment contraindre les joueurs à devoir se défendre en agressions franches et directes ;
- l'écueil principal qui me semble pouvoir survenir, c'est que comme les objectifs peuvent être imposés aux autres sans demander leur avis (à moins qu'un point de règle à ce sujet m'ait échappé) ; le résultat est qu'on peut tomber sur un objectif qui ne nous intéresse pas et qui nous concerne pourtant mécaniquement ou dont l'issue nous importe peu ;
- il y a beaucoup de flèches dés vers fiction, mais très peu dans l'autre sens (en dehors de l'importance que revêt un objectif pour le joueur lui permettant de délaisser celui qui l'intéresse moins ou dont l'issue nous importe peu) ;
- il faut bien assimiler les règles avant de pouvoir être efficace d'un point de vue stratégique ;
- l'IIEE est assez maltraitée du fait qu'on lance un dé d'abord et on traduit ensuite dans la fiction la manière dont le personnage indiqué par les dés prend l'avantage ;
- toutes les scènes sont des scènes d'action, on ne peut pas vraiment jouer de moments de repos, de réflexion, de relation non conflictuelle etc.
- du coup, le positionnement (voir positioning) des joueurs se fait en grande partie pendant la phase tactique hors fiction, ce qui ne me paraît pas exploiter au maximum l'imbrication entre mécaniques et fiction, la fiction ne devenant souvent que de la couleur pure.
Voilà, malgré tout, le plaisir de jeu est présent et décoiffe pas mal. D'un côté, je pense que le jeu aurait sans doute grandement bénéficié de corriger les « trucs moins cools » mais en même temps, il fonctionne vraiment très bien comme ça et ça me fait dire qu'on peut parfois se détacher de certains prérequis de game design si l'expérience en vaut la chandelle.