C'est le nom du scénario que j'ai fait jouer : Rixes. Parce qu'il y a pas mal de rixes dedans. Moins que prévu initialement, mais encore quelques unes, c'était le thème récurrent. J'ai écrit ce scénario avec deux objectifs en tête : d'une part l'écrire assez proprement pour pouvoir ensuite le proposer sur le site du jeu, et d'autre part pour qu'il soit joué en deux ou trois heures, car je devais le jouer lors d'une partie virtuelle, calée entre 21h et minuit. Partie virtuelle car, géographie oblige, nous jouions chacun chez nous, via Google Hangout. C'est la première vraie partie online que nous faisions, nous avions juste fait des essais techniques auparavant, et nous avec tous été séduits, mais j'y reviendrai plus tard.
Si vous ne connaissez pas le jeu, il est disponible gratuitement via le lien dans ma signature.
Cette partie s'est déroulée il y a presque un mois, le 25 février. Pour le scénario j'ai fait comme d'habitude pour Pirates! : une suite d'élucubrations le long d'un fil conducteur super linéaire, avec une sorte de conclusion à la fin. Les aventures n'ont pas beaucoup de sens dans ce jeu (tout comme dans le film qui l'a inspiré), elles sont des prétextes à des scènes hautes en couleur, mais n'ont pas de réels objectifs.
Je n'ai pu réunir que deux joueurs ce soir là : un joueur rôdé qui a fait TOUTES les parties de Pirates!, et un joueur vétéran qui n'avait jamais joué au jeu mais qui avait lu le pdf. Finalement un troisième joueur s'est greffé, plus précisément une joueuse, vétérante elle aussi mais qui ne connaissait ni ce jeu ni ses règles. Ça m'allait très bien, trois niveaux d'expérience vis à vis de ce jeu, un super cas d'école. Il manquait juste des joueurs novices en jdr pour parfaire le tableau, ce sera pour une prochaine fois. Malheureusement la joueuse en question ne pouvait pas rester longtemps.
J'ai refusé d'expliquer les règles avant la partie, voulant à nouveau mettre à l'épreuve la possibilité de les apprendre en cours de route. Le temps de se retrouver, de régler des petits problèmes de micro chez un des joueurs, d'assommer les marmots qui ne voulaient pas dormir et laisser les parents tranquiles, il était déjà presque 22H quand on a attaqué.
Nous avons commencé par créer les personnages. Toujours aussi rapide, une ou deux minutes, on perd juste du temps quand les joueurs sèchent sur le nom de leur personnage, mais dans ce cas on commence sans ou alors je leur propose un truc. Ils ont tous choisi l'option du “détail qui tue”, une option qui rajoute un peu de défi dans la description des actions et qui permet de différencier un peu les personnages. Normalement cette option est pour les joueurs qui ont déjà pratiqué le jeu et veulent rajouter du piquant, mais encore une fois j'étais content de pouvoir tester avec les trois niveaux d'expérience. La joueuse s'est retrouvée avec une naine (jouer une femme pirate est déjà un détail qui tue en soit, mais elle voulait un détail plus marquant), et chez les gars y'avait un bigleux et un obèse. Je vous passe le suspense, à la fin de la partie seul le joueur habitué à ce jeu avait vraiment joué son détail qui tue, les autres l'ont simplement oublié. Sans surprise, mais c'était intéressant d'avoir une confirmation.
Pour la suite je révèle pas mal de choses sur le scénario, il y a donc un SPOILER. N'allez pas plus loin si vous pensez y jouer un jour.
La partie pouvait commencer. Je passe au présent pour moins de lourdeur. Ça commence sur le Batti Mouaso, un navire en très, très piteux état. Le capitaine Docteur Bibi est un cannibale baragouinant dans une langue inconnue, chacun pouvant ainsi interpréter ses ordres à sa convenance, ce qui va très bien à tout le monde. Le bateau part donc en morceaux (Batti Mouaso, c'est une contrepétrie), il faut vite trouver un port pour y faire des réparations. Mais alors que la terre est en vue, une île arborant le drapeau français, tout un pan du bateau tombe à l'eau et l'embarcation gîte et s'enfonce dans l'eau. Eau qui est infectée de requins (à cause des déchets et cadavres que l'on trouve à proximité des ports) donc finir à la nage n'est pas une option viable. Les chaloupes ont depuis longtemps était démantelées pour consolider le bateau. Je prévoyais qu'ils fassent les hommes (et femmes) canons pour arriver sur l'île, en donnant l'exemple avec quelques PNJ, mais seul le joueur habitué l'a fait, les deux autres se sont débrouillés pour embarquer dans un tonneau et naviguer jusqu'à l'île. C'est moins drôle, moins rythmé et surtout ça ne m'allait pas trop pour l'enchaînement, mais je n'avais pas paré à toute éventualité et j'avais déjà usé toute ma réserve de mauvaise foi pour les attirer vers les canons alors je les ai laissés faire, tout en notant dans un coin qu'il fallait blinder le scénario de ce côté-là.
Le canonisé atterrit comme prévu dans les cuisines du palais du gouverneur, ainsi que quelques autres pirates, dont le capitaine Docteur Bibi. Les marmitons prennent la fuite, les pirates mettent la main sur les mets et les vins fins et font ripaille pour se remettre de leurs émotions. Les deux pirates joueurs qui ont gentiment accosté avec leur tonneau ratent la scène des cuisines et m'obligent à leur improviser un autre cadre de jeu dans lequel se défouler, un quartier portuaire : dévaster ici, picoler par là, marauder. Rien de bien grave dans cette séparation, c'est juste un peu plus acrobatique pour le MJ de gérer deux endroits différents pour les scènes défouloires, en général je préfère les faire dans un lieu unique, même si chaque joueur y a sa propre activité : ça donne un espace de jeu commun dans lequel tout le monde peut participer, se croiser, rebondir sur les propositions des autres.
Là où c'est plus embêtant c'est que dans la ville, il y a une révolte. Les joueurs sont sensés être dans la cuisine et finir par entendre le bruit à l'extérieur (ils font tellement de bruit à l'intérieur que ça leur prend du temps) et par mettre le nez dehors. Mais là j'ai des joueurs qui sont déjà dehors, alors ça continue de cafouiller. Du coup j'abrège la scène de cuisine, tout le monde sort et les joueurs se retrouvent assez rapidement. Dehors donc, des rebelles sont en train de prendre d'assaut le palais, et il y a des émeutes dans toute la ville. On entend des “Vive la Liberté !” et des “Vive la France !” un peu partout, ça pète, ça crie, ça meurt, les Français se tapent les uns sur les autres. En se renseignant, les pirates apprennent qu'ils sont sur l'île de Chamaille, et que les insurgés de Madame de la Chicane attaquent le palais du Comte Ancieux d'Algarade. Les pirates profitent du bazar pour visiter, tuer et dévaster, joignant leurs cris à ceux de la foule.
C'est ce moment qu'a choisi la joueuse pour disparaître, ses invités étant arrivés, elle nous avait prévenu que ça arriverait, pas de problème. J'ai continué avec les deux autres joueurs.
Ceux-ci entendent un lieutenant qui beugle à ses hommes : “Protégez la réserve d'or ! Protégez la réserve d'or !” Les soldats prennent une direction, les pirates leur emboîtent le pas pour trouver le bâtiment en question. Quand ils y arrivent, ils constatent qu'on s'y bat dessus, dedans et autour. Personne ne semble s'intéresser à l'or, les pirates ont juste à se tailler un chemin (comprendre : à tuer les gars qui se trouvent devant eux) pour pénétrer à l'intérieur de la réserve. Là ils se remplissent les fouilles, et au passage ils remarquent que la réserve d'or est aussi un dépôt de munitions. Je les laisse remplir leurs poches, c'est à dire gagner chacun 2D6 points de trésor, avant qu'un ahuri se pointe avec une bombe, lâche un tonitruant “Vive la Liberté !” et fasse tout péter.
Les pirates joueurs volent à nouveau (du moins l'un vole à nouveau, l'autre, celui avec son @\#{! de tonneau, vole pour la première fois), cette fois au-dessus de la jungle, pour atterrir dans les marais, non sans avoir traversé quelques arbres. Quelques pirates non joueurs atterrissent non loin. Tandis qu'ils s'extraient de la boue, le capitaine Docteur Bibi roule des yeux affolés et baragouine des choses à propos des N'Guiwis-Guiwis. Personne ne sait de quoi il s'agit, jusqu'à ce que des morts-vivants commencent à émerger du marais. Les pirates sont cernés et doivent défendre leur peau. Ils commencent par essayer de tuer ces créatures mais bien sûr cela s'avère inefficace, ils doivent les dévaster. Il leur reste un peu de poudre à faire péter, sinon c'est en s'acharnant sur les morts-vivants jusqu'à les réduire en bouillie. Techniquement c'est presque pareil, on utilise juste la compétence dévaster au lieu de tuer, les scores sont différents ainsi que les descriptions. Les joueurs se sont bien entendu demandé si le tabou qui veut que l'on tue en nombre pair devait être respecté ou non, et ils l'ont respecté dans le doute. De mon côté, j'avais déjà décidé qu'il ne s'appliquait pas ici.
Finalement les pirates créent une brèche et trouvent refuge dans une petite cabane, dans laquelle ils trouvent un autel vaudou. Suspectant, à raison, que cet attirail est la cause de leurs ennuis, ils dévastent tout et ont la satisfaction de voir les morts-vivants devenir des morts-morts. Ils ont maintenant un temps mort-mort pour se reposer et surtout pour enterrer leurs trésors. N'oublions pas qu'ils ont gagné des points de trésor non seulement dans la réserve d'or, mais aussi grâce à leurs envies du jour et aux différentes dévastations faites en ville.
Le lendemain matin ils retournent en direction de la ville. Ils arrivent par un promontoire, d'où ils peuvent voir à l'autre bout de la ville un éclat doré sur un bateau qui s'apprête à partir. Les insurgés ont pris le palais et sont en train de le mettre à sac, mais pour l'œil expert des pirates il est évident que l'or du gouverneur est en train de se faire la malle à bord du bateau. Ils décident donc de s'y rendre aussi vite que possible et, à ma plus grande joie, les deux joueurs décident de s'y propulser à coups de canons.
Comme je vous disais, seul un joueur jouait son détail qui tue, c'était l'obèse. Le bigleux, lui, ne semblait avoir aucun mal à viser et ne précisait jamais comment il pouvait atteindre son objectif malgré son handicap. Pour ceux qui ne connaissent pas, un détail qui tue n'est pas sensé donner de malus, c'est juste un prétexte pour donner une couleur particulière aux actions de ce personnage. Un bigleux qui tire au canon devrait avoir une chance inouie (quand il réussit) ou bien faire les pires bêtises (quand il rate.) Là il se contentait de viser et de tirer. C'est une option, peu importe qu'ils n'en tiennent pas compte, c'est pour ceux qui en demandent, pas pour les embêter, donc je n'ai pas insisté dessus. Mais le joueur au personnage obèse, lui, en tenait compte. La première fois qu'il a fait l'homme canon, ne pouvant pas rentrer dans le fut, il s'est simplement tiré dans le ventre avec le canon pour se propulser. La seconde fois, pour passer de la muraille au bateau prenant la fuite avec l'or, il a opté pour une technique différente : il a pointé le canon en arrière, vers le sol, il a tiré et a ainsi fait un “rocket jump”, à califourchon sur le canon. On a fait l'analogie avec la fin du film Dr. Strangelove et puis lui et son canon ont traversé le pont du bateau de part en part et sont directement allés se planter sur le banc de sable au fond. L'autre joueur, le bigleux, s'est simplement croûté sur le pont.
Là on commençait à dépasser minuit, l'horaire que l'on s'était fixé (tant pour les conjoints que le taf le lendemain matin.) On a donc fait court : les pirates éparpillés lors de l'explosion du dépôt se sont tous retrouvés sur le bateau, ils en ont pris le contrôle, ils ont mis la main sur le trésor du Comte Ancieux et sur le comte lui-même, qu'ils rançonneront peut-être lors d'une prochaine aventure. Ensuite ils ont pris le large avec un bateau percé de part en part. Le début de la prochaine aventure ressemblera fort au début de celle-ci, avec les pirates sur un bateau qui a sérieusement besoin de réparations.
Voyons maintenant le bilan de cette partie. Pour ce qui est d'apprendre les règles en cours de partie, ça marche très bien mais ça gêne tout de même les joueurs au tout début, lorsqu'il faut assouvir les premières envies du jour. On peut le faire, mais ça donne un départ un peu mou. Cependant il faut relativiser, on était sur une partie virtuelle, une première pour nous, et c'était un facteur nettement agravant. À ce propos, bien avant la fin de la partie nous avions complètement dépassé le support et nous jouions quasiment comme en direct, aussi intensément et spontanément. C'est aussi parce que nous avons choisi le plus simple possible : pas de logiciel de lancer de dés, pas de feuilles de perso online, rien du tout. On ne touchait jamais aux machines, elles étaient juste en marche, posées sur nos tables respectives. Chacun avait sa feuille en vrai papier sur sa vraie table, chacun faisait ses jets de son côté et annonçait les résultats. Que les joueurs tricheurs trichent, on s'en fout un peu. En l'occurence les trois joueurs que j'avais ne sont pas des tricheurs, donc la question ne se posait même pas. Et le fait de ne pas avoir à se soucier de logiciel, de clavier et de souris nous a drôlement aidé je pense. Google Hangout fait un truc très sympa : on voit tout le monde en bas, dans des fenêtres de taille réduite, et celui qui prend la parole est automatiquement affiché en grand au milieu de l'écran. Cette astuce suffit à donner une ambiance très naturelle à la conversation, on a l'impression de se tourner vers celui qui parle. Il y a aussi une option pour se coller des accessoires sur la tronche, notamment des chapeaux de pirate, des moustaches, des barbes et des cache-œil, c'était parfait pour le jeu et très drôle, mais sans doute à prohiber sur des jeux plus sérieux. Quand il nous fallait placer le marqueur au milieu de la table pour le trésor du mort, je mettais un gâteau d'anniversaire virtuel devant moi, visible pour tous, c'est le seul cas où on avait besoin de toucher l'ordinateur. Nous avions des appréhensions mais elles se sont envolées suite à cette première partie : c'est presque comme en vrai, avec quelques inconvénients mais aussi des avantages, donc c'est tout aussi bon. Vraiment. D'ailleurs on fait une autre partie virtuelle vendredi prochain, sur un autre jeu. Enfin toujours pour le bilan, j'en ai déjà parlé, le scénario à est retoucher (et à re-tester, du coup) : le passage direct du bateau aux cuisines est à la fois nécessaire et pas bien blindé, ce qui m'a mis dans une situation difficile.
Mazette quelle tartine, il est temps que j'y mette fin. Voici le lien vers le scénar, [edit : mais c'est la version retouchée suite à la deuxième séance décrite plus bas]. Allez-y de vos questions ou remarques si le cœur vous en dit. =)
Michaël.