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Avec 2 amis à nous, ma copine et moi avons testé le Pirates ! de Schlopoto. Le jeu est dispo gratuitement sur internet et mis en vente à prix coutant sur Lulu, dans une jolie petite édition au format A6.
Nous n'avions pas vu nos amis depuis longtemps et le fait d'organiser une partie de JDR était autant un prétexte à des retrouvailles qu'une envie ludique profonde, nous avons donc visé un jeu nous permettant d'organiser une partie très courte sans préparation (j'avais relu le bouquin une heure avant leur arriver). La partie a durée moins de 2 heures (explication des règles comprise).

J'étais un peu dubitatif sur l'idée de préparer un scénario, la fiction me paraissant être amenée par le système de jeu : la partie est divisée en tours, très courts (entre 5 et 10 minutes pour nous) et à chaque début de tour les personnages sont tenaillés par une envie de faire un Truc de Pirates (dévaster !, tuer !, voltiger ! etc). Difficile (et même inutile selon moi) de préparer un scénario quand les joueurs vont changer d'objectif toutes les 5 minutes.
J'ai décidé de proposer de faire tourner le MJ entre chaque tour, sur les 4 joueurs seule une amie a accepter de partager la tâche de meujeutage avec moi. Nous avons décidé de nous créer chacun un personnage et de passer le relai à chaque tour.

Pourquoi parlé-je de "Strip JDR" ? Pour attirer des clics sur ce sujet ? Avons-nous couplé notre partie avec des jeux libertins ?
Absolument pas ! En fait je l'utilise parce que la fiction générée m'évoquait les Comic-Strip : ces bandes dessinées faites de succession de gags et qui ne se préoccupent pas de construire une histoire qui s'inscrit sur la durée (Calvin et Hobbs, Garfield, XKCD...).
Même si en tant que MJ j'ai introduit un personnage ayant une carte au trésor tatouée sur le crâne et enfermé dans une prison à Barcelone (m'inspirant d'un élément de scénario proposé dans le bouquin de règle), et donc un fil rouge pour la partie, chaque tour marquait une rupture narrative sur le précédent. Un coup il s'agissait d'une attaque d'un navire de corsaires anglais déguisés en pirates espagnols, d'un autre d'un duel entre les PJs et un groupe de toreros dans une auberge, d'une recherche d'un pirate dans la ville de Barcelone en parlant espagnol (bon en fait en rajoutant des "o" après les noms communs), de la rencontre sur une île déserte avec un naufragé accompagné d'une pastèque qu'il appelait "Samedi".
En général quand on fait un CR, il est facile de prendre du recul sur la fiction racontée et d'en faire un récit cohérent. Ici le scénario fonctionnait tellement par bribes, par strip, que cela n'aurait que peu de sens. C'est loin d'être un défaut du jeu qui est extrêmement plaisant à jouer.

Tout dans son système amène de la fiction, les pirates sont astreints à des tabous qui leur empêchent de tuer un nombre impair de personnes (un meurtre en amène toujours un autre), quand on fait un 5 sur un jet de dé, les joueurs sont incités à multiplier les actions les plus stupides : celui qui fait un nouveau 5 gagne un trésor ! A chaque tour les joueurs ont un objectif différent...
La partie fut courte, horaire du dernier RER oblige, mais elle aurait pu continuer plus longtemps (où s'arrêter bien avant) sans que la qualité de la partie n'en soit impactée.

Ma conclusion après partie est la même qu'après lecture, Pirates ! est ce qui se fait de mieux dans la catégorie des jeux apéritif : son objectif est l'amusement immédiat de ses participants et il permet de jouer autant de temps (et aussi peu de temps) qu'on le souhaite, sans préparation. Une franche réussite !

Salut Steve J!
Si j'ai bien compris l'objectif de ton thread, c'est de nous présenter ce jeu que tu a apprécié. J'aimerais bien en savoir un peu plus sur quelques éléments du jeu.

-Le jeu est divisé en tours, au cours desquels les joueurs font part des désir de leurs personnages de faire un truc de Pirate.
Concrètement, un joueur décide d'une activité et les autres personnages y participent eux aussi? Ou bien seul le personnage du joueur entre en action? Ou bien le choix résulte d'un accord collectif?

-Quel est le rôle du MJ dans ce jeu? (Vu le système de tours et ta volonté de partager la tâche j'imagine qu'il n'a pas un contrôle très fort sur la fiction, mais que fait-il à l'intérieur des tours?) Et comment est gérée l'adversité aux joueurs?

Hello,

Merci Steve de nous faire découvrir cette intéressante façon de jouer. Je n'ai pas prévu Pirates! pour du MJ tournant (mes joueurs sont trop flemmards !) mais l'idée est très bonne, et comme tu l'expliques le jeu s'y prête très bien, pourvu que l'on joue en improvisation. Ça tombe bien, il est fait pour ça, les scénarios fournis servent principalement à donner des idées et à montrer la façon décomplexée avec laquelle on peut jouer. Je pense que j'essayerai aussi le MJ tournant lors de ma prochaine partie ! Et content que le jeu ait eu du succès lors de cette soirée. =)

J'ai juste une question : ce que tu appelles des tours, ce sont les scènes, ou bel et bien une nouvelle journée qui passe dans le jeu ? Car la règle des envies du jour, c'est pour un jour qui passe (mais récemment, en faisant un diagramme des mécanismes du jeu, je me faisais la réflexion que les faire à chaque scène aurait été assez logique et bienvenu.)

Yohan, tu trouveras toutes les informations nécessaires dans le pdf gratos qui se trouve sur le site indiqué par Steve, mais je peux tout de même répondre rapidement à tes questions. Dans ce jeu les PJ sont souvent, très souvent blessés, c'est un des ressorts comiques du jeu. En général ils se relèvent aussitôt mais parfois la fatigue se fait ressentir et ils restent à terre pour souffler un peu. Puis le MJ décrète qu'on attaque une nouvelle scène (changement d'endroit, lendemain, fin d'un combat, etc...) et tout le monde se relève pour recommencer à faire des bêtises. Ces scènes sont des petites unités de temps et de lieu. Ensuite comme je le disais ci-dessus, lorsque le pirate se réveille le matin il a une envie du jour : chaque PJ en a une, elle est tirée au hasard, il s'agit d'une de ses compétences de pirates (il y en a six.) Dès qu'il aura réussi à utiliser avec succès cette compétence, il gagne un trésor et l'envie est passée. C'est une règle pour pousser les joueurs à agir, surtout en début de partie quand tout le monde est froid et se demande ce qu'il va faire, et pour représenter de façon amusante le côté frustre, vicieux et inconscient du pirate. Donc tout le monde vaque à ses occupations au petit matin, en général c'est vite fait, pour certains ça traîne un peu et c'est seulement plus tard, au cours des aventures de la journée, qu'ils assouviront leur envie. Ce n'est pas une motivation à long terme, plutôt du cours terme, donc c'est vite fait.

Dans ce jeu le MJ à un rôle très classique, même si Steve a pris quelques libertés là-dessus. Le jeu est très peu demandeur pour le MJ, les règles suffisent à motiver les joueurs à faire tout un tas de bêtises, le MJ doit juste veiller à ce que les règles soient appliquées (normalement ça se fait tout seul), décrire de façon humoristique les blessures des pirates et proposer de nouvelles scènes. Il n'a aucun jet de dé à faire, aucune caractéristique pour les PNJ ni pour quoi que ce soit. Il n'y a pas de difficulté à l'opposition, l'erreur est fréquente de toute façon, seulement adoucie par l'utilisation de points de Moule, une réserve commune à tous les PJ et qui évite au personnage blessé de rester à terre.

michaël.

Ta question sur les tours/jours me fait prendre conscience du fait que j'ai fait un deuxième écart par rapport aux règles (ça et le fait de partager la maîtrise avec une autre joueuse) : je lançais le dé d'Envie à chaque début de tour et non pas à chaque début de jour. On demandait au bout de 5-10 minutes de jeu si tout le monde était prêt à passer à un autre tour et hop une Envie de pirates nouvelle pour tout le monde. C'est sans doute en partie ça qui rendait le rythme aussi rapide (tout amenait les PJs à gesticuler dans tous les sens en créant des péripéties nouvelles toutes les 2 minutes).
En fait nous ne nous préoccupions pas de la notion de jour (un voyage pouvait durer une scène mais pas 10 jours par exemple).

Salut Steve

Juste une petite remarque en passant pour dire que je trouve cette variante en « strips » absolument fascinante ! Malgré une culture BD super développée en francophonie, avec des albums fonctionnant comme tu l'expliques et qui sont connus de tous (je pense notamment aux Gaston Lagaffe, Boule & Bill, Agent 202, Titeuf, Cédric, etc. et, c'est US mais ultra connu quand même, Calvin & Hobbes), je n'avais jamais entendu parler de l'idée de jouer selon des « gags » sans se soucier d'une cohérence globale. Mais bon sang, c'est super comme idée. Au feu l'histoire ! Ça me donne encore plus envie d'essayer Pirates !

Il faut dire qu'il n'y a pas beaucoup de jeux humoristiques. À part Toons auquel je n'ai jamais joué (aucune idée de ce qu'on propose comme structure pour la narration dans le livre) et Alea Jacta Est de Romaric qui se veut fidèle à Astérix et propose donc des aventures complètes, je ne connais rien qui se rapproche de ce que propose Pirates !

Le seul autre jeu que je connaisse qui pourrait se rapprocher de cette idée de « non-histoire » est Clover de Ben Lehman, mais ce ne sont pas nécessairement des gags et la partie que j'ai jouée a quand même duré 30 minutes (Fréd' et Fabien ont fait un rapport d'une autre partie). À la rigueur Prosopopée aussi, mais ça dure quand même une demi à deux heures par épisode.

Juste pour qu'on se fasse une bonne idée de ce que ça donne en jeu, pourrais-tu nous relater brièvement deux « strips » qui illustrent l'abandon de la contrainte de faire une histoire globale et cohérente ? Je comprends parfaitement l'inutilité de rapporter l'ensemble de la partie, mais là c'est tout de même un peu abstrait.

Idem, ça me fait grandement envie, d'autant plus que je viens de recevoir le petit livre de chez Lulu.

J'aimerais voir ce que ça donne, même si je suis déjà convaincu, en grand adepte des formes de narration innovantes que je suis.

C'est marrant que vous parliez d'innovation à propos de la non-histoire, pour reprendre le terme de Christoph, parce que moi je n'arrive pas du tout à voir cela comme une innovation. C'est clairement pratique, confortable, comme le dit Steve ça permet de joueur aussi peu ou autant qu'on en a envie, on ôte complètement la contrainte de temps. C'est pour ces raisons que j'ai adopté ce format, par contre je le voyais un peu comme un truc honteux, un défaut selon l'opinion rôlistique générale, où l'on préfère les histoires, les scénarios et les arcs narratifs.

Et quand je jette un œil sur mes autres projets (des trucs que je sors de recoins plus ou moins poussiéreux de mon disque dur, de la même façon que Thomas), je m'aperçois qu'ils sont à peu près du même acabit. Et l'un d'eux date d'une vingtaine d'années, autant pour l'innovation ! =)

On a peut-être tous dans nos habitudes des choses qui paraissent complètement nouvelles pour d'autres joueurs, ce serait intéressant de pouvoir partager ça.

michaël.

Hello Michaël

Quelque part ça n'a rien de révolutionnaire en soi (la BD le fait depuis des... siècles?), et ça ne m'étonne pas que tu aies déjà joué comme ça depuis longtemps, mais comme tu le dis, ça ne cadre pas du tout dans la culture rôliste. Donc ça doit être super rare dans les textes de jeux publiés. Ce serait super d'avoir l'avis d'une de ces encyclopédies vivantes du JdR (si Philippe Tromeur lit ça par exemple...), mais en tout cas à ma connaissance, c'est même inexistant. Ça devient gentiment innovant quand même...

D'ailleurs, si je ne m'abuse, ce n'est même pas explicitement écrit dans Pirates ! En tout cas la version en-ligne que j'ai lu il y a quelques semaines avait encore des conseils de création de scénario, ce qui implique une vague préparation et une histoire (simple, certes, mais ça reflète la culture « dominantes »), alors que plus on creuse ces rapports de partie, plus on se rend compte que ce n'est pas vraiment nécessaire, voire même un peu contre-productif. À la lecture seule, je serais passé à côté de ce qu'on découvre dans ces deux fils sur ton jeu. Si je peux me permettre : au feu le sentiment de honte, et si tu décides un jour de faire une deuxième édition, je t'encourage à suivre ta pratique à la lettre et de jeter l'approche scénaristique aux requins. Dans tous les cas, si tu dois retirer quelque chose de ces discussions, c'est que tes idées valent largement la peine d'être partagées, peu importe ce que dit le bon sens rôliste. Ou peut-être justement parce qu'elles ne suivent pas tout à fait le consensus.

Je suis également très intrigué. Hop dans ma besace epub pour jeter un coup d'oeil et si ça me plait, hop j'y joue.

Hello,

Tu as raison Christoph, dans le livre j'aborde le sujet de l'improvisation vs scénario, j'indique rapidement que le jeu est fait pour improviser mais qu'écrire un scénario est possible, mais rien ne précise que l'on peut jouer sans histoire. Les listes d'inspiration le suggèrent (événements en mer, événements à terre) mais comme tu l'as dit, ça échappe complètement au lecteur. Je note ta proposition pour une hypothétique deuxième version, j'ai déjà pas mal de choses à modifier ou ajouter. =)

Un jeu sans histoire déjà édité ? Ça existe, il y a l'École du Moulinet de Jade, dans la compilation du Royal Rumble 2, qui date de 2006. On y joue des apprentis pêcheurs, qui apprennent des techniques, visitent le pays, découvrent des maîtres, participent à des tournois et affrontent... des poissons. Bref il reprend les codes des films d'arts martiaux mais les transpose à la pêche. Ce jeu se joue sans scénario et sans durée précise, il utilise lui aussi un cercle vertueux qui “capture” les joueurs et suffit à les motiver, avec très peu d'inputs de la part du MJ. En lieu et place de scénario, ce jeu donne un exemple montrant comment mettre en branle ce cercle vertueux. Donc ça a déjà été fait mais... c'était encore moi. C'est justement une transposition de ce jeu que j'ai fait il y a une vingtaine d'années, sur le thème des arts martiaux. C'est un des deux projets que j'essaye de mettre à jour en ce moment.

michaël.