Trois éditions, trois jeux différents
Publié : 14 Sep 2007, 21:01
Nouveau Thread sur le thème des LAST CHRONICLES OF ERDOR (2008)
Bonjour Fred,
Nous brûlons les étapes en parlant de la version anglaise, mais cela répondra aussi à la question de Laurent/Nico du Dème de Naxos, en partie.
Pourquoi avoir choisi deux éditions différentes du jeu ne comportant pas les mêmes règles en français et en anglais ?
Parce que ce ne sera PAS le même jeu du tout. C'est très important de le saisir. Je ne traduis pas, c'est ennuyeux; je réinvente.
Erdor, c'est la prémisse, est un monde de rêve. 100% onirique. Au sens réel : la réalité y est impermanente, elle change, le temps s'y écoule bizarrement, des événements se contredisent parfois. Des héros vivent à plusieurs époques différentes, les dilemmes du monde diffèrent. Les jeux de rôles, à ce titre, sont des interfaces pour explorer un monde différemment. La 2e édition n'est pas le même jeu que la première. On n'y joue pas de la même façon
Je m'explique concrètement :
- La première édition des CHRONIQUES D'ERDOR est un jdr « classique », qui vise à soutenir un style de jeu dans lequel on surmonte des défis par des exploits plus grands que nature. (i.e. Ludisme/Gamist). Le monde y état présenté dans le langage de ses habitants et selon la vision de l'un d'eux (partielle, biaisée), lourd en néologismes, selon une perspective très spécifique, laissant entendre qu'une « vérité unique » existait. Les lecteurs attentifs auront remarqué que différents éléments, notamment dans les légendes et les secrets de Kraan, contredisent très subtilement cette approche. J'ai réalisé que c'était, justement, trop subtil et échappait donc à la majorité des lecteurs. Le jeu se perdait dans des détails secondaires, oubliant l'essentiel qui me tenait à coeur : présenter la mort d'un rêve. Je regarde aujourd'hui les CdE1 comme un projet un peu grossier, mais avec du potentiel, et je m'étonne encore de l'intérêt qu'il a soulevé. Visuellement, surtout, il n'était franchement pas terrible, mais à l'époque je ne pouvais faire mieux.
- La 2e édition (actuelle) des CHRONIQUES D'ERDOR est un jdr moins classique qui vise à soutenir un style « Simulationniste » dans lequel la réalité se « construit ». Par exemple, la création d'une oeuvre d'art ou une chanson complexe s'y résout comme un « combat », et inversement une situation diplomatique s'incarne à travers une série de manoeuvres tactiques à utiliser. Les exemples du jeu, par exemple, illustrent comment jouer *dramatiquement* la lutte contre une tempête de sable, un procès, un naufrage, etc. Le récit est donc porté par le joueur réellement, car TOUT PHÉNOMÈNE prend l'importance qu'on lui accorde. Les violons sont donc aussi importants que les épées, mécaniquement, en recourant à des profils génériques simples pour TOUT. Les CdE2 est donc un jeu d'exploration et de construction d'un monde de rêve. Il n'est pas « exo-universaliste » comme se veut GURPS, au contraire : son système est « endo-universaliste » en ce que n'importe quel acte À L'INTÉRIEUR D'ERDOR revêt l'importance que le joueur lui prête. Ce choix de design répond à mon besoin de refléter la façon dont nous jouions vraiment, les groupes de jeu n'ayant généralement que très peu de combattants et fort peu de conflits armés. Le mot CHRONIQUES, dans le nom, n'est pas anodin; l'histoire a toujours été centrée sur des récits vécus par les groupes, des récits très personnels donc. La toute première pré-édition, que nous appelons entre nous « proto-Erdor », s'appelait d'ailleurs « Le cartulaire des terres mystérieuses d'Erdor », marquant donc une différence, et ça tenait en 20 pages moches et mal écrites.
- La 3e version (50% écrite), n'est pas une traduction ni une version « corrigée » de la précédente. C'est une expérience radicale en design. THE LAST CHRONICLES OF ERDOR (notez *last* dans le titre) sera un jeu TOTALEMENT DIFFÉRENT des deux autres. Un système à visée foncièrement « Narrativiste ». Celui-là sera écrit « juste pour me faire plaisir »; ce sera l'aboutissement de ma vision personnelle, avec une thème religieux eschatologique très prononcé, et donc très extrême par rapport aux genres, et donc à public très restreint. Les réactions seront sans doute très polarisées, comme j'ai pu le constater à ce jour.
Au contraire de la 2e édition, qui se niche comme un cousin bizarre de Skyrealms of Jorune, Tékumel ou Talislanta, les LCOE placera les héros comme des Prophètes du Mouvement Énigmatique (présenté dans la 2e édition), dotés de pouvoirs supérieurs à quoi que ce soit dans le monde, capable de le détruire et peut-être d'en sauver quelques-uns. Ils détiendront Sept Certitudes, tout le reste pourra être contredit. Les joueurs-PJ, Juges de la Flamme Indigo, tenant conclave et se disputant ou guerroyant avec ses pairs Juges au Hall de Pierres-Miroir Taillées face à l'anéantissement de leur monde - invasions, tsunamis, déchirements politiques, génocides...
Les Juges, à qui nul ne peut mentir ou échapper, parcourent le monde pour juger celui-ci avant la fin des temps, avec leur seule conscience comme guide face à des dilemmes moraux impossibles. Chaque juge dirige sa tribu en maître absolu, édicte ses actes de foi, parle aux rois avec dureté. On ne joue pas ici des aventuriers, mais des chefs d'État. Le monde sera condamné; les Juges ne pourront pas le sauver, leur rôle sera de le juger dans un contexte frappé par la fin des temps et une panique mondiale qui pousse gouvernants dans des situations désespérées. « Choix moraux déchirants, avec le sort de peuples dans la balance » illustre le thème du jeu.« Pouvoir absolu, responsabilité absolue. » Le MJ joue un rôle secondaire, celui qui soulève des dilemmes moraux et incite les joueurs à risquer le tout pour le tout et faire des choix déchirants.
Ce jeu se situera plus tard dans le temps que la nouvelle édition française - impossible de savoir combien, le temps n'étant pas mesuré dans les LCOE (au contraire des CdE2) - et dans une interprétation très stylisée, plus loin que ce qui a jamais été fait je crois. Un jeu à poésie extrême : aucun nom propre (seulement des titres), aucun calendrier, aucune unité de mesure pour quoi que ce soit sauf si ce nombre a une valeur symbolique.
La réalité sera plus ambiguë que jamais. Les noms eux-mêmes seront des Traits et un personnage sera défini par 10 phrases, rien d'autre, chacune valant 1D, et il n'y aura pas de progression de héros ni de Santé ni rien du genre, juste des changements à ces Traits reflétant ce que ressent à l'intérieur un Juge nommé par l'ÉNIGME pour mettre le monde à genoux, face à ses semblables dotés du même pouvoir mais d'opinions différentes.
Dans LCOE, un joueur ne s'abaissera pas à lever une épée. Il ordonne à ses disciples d'agir à sa place, ou élève simplement la voix. Le but n'est pas de gagner, mais de voir « jusqu'à quelles conséquences accepterais-tu pour gagner ce que tu désires »? Le système gère les conséquences par une échelle cosmique, dont j'ai déjà parlé sur Silentdrift. Dans un exemple de playtest, les joueurs ont déclenché une guerre et volontairement amené 2 tribus à se massacrer pour sauver UN SEUL ÊTRE, un vieillard rongé de remords prêt à mourir pour ses erreurs passées. Nous avons revécu la guerre Israël-Liban, d'une certaine façon. C'était intense, troublant même. Mais ce n'est pas pour tous les goûts... LCOE vise un créneau très étroit. Ce n'est pas un jeu d'aventures tragiques, comme l'est CdE2. C'est un jeu de tragédie, comme le sont les Rois Maudits de Druon par exemple. Inversement, la 2e édition des CdE rejoint au contraire un éventail très large de styles de joueurs, malgré leur thème de Sword & Sorcery très coloré, et adresse explicitement les styles de jeu dans les mécanismes.
Dans les LCOE, Dogs in the Vineyard a énormément influencé la notion de « Conséquences » (Fallout), mais ici elles seront à l'échelle cosmique : l'éclatement des 10 Sphères qui constituent le monde en raison des actes mortels. Côté monde, Burning Empires a inspiré la notion « explorer le même thème tragique dans des contextes différents ». Côté ton, ceux familiers avec Polaris : Tales of the Chivalric North auront une idée de ce genre littéraire et d'ambiance suscitée. Le tout sera soutenu, chose rare chez les jeux « Narrativistes », par une campagne (Chronicle) composée de cinq fois cinq Psaumes (Psalms) montrant la fin des temps dans chacune des cinq régions. Le monde sera de même comparé différement.
Il n'y a donc pas de comparaison ni de passerelle possible entre CdE2 et LCOE. Ça n'a pas le même objet. LCOE se rapproche plus que jamais d'un jeu de plateau, qui est d'ailleurs aussi un projet pour celle-ci.
Si l'on devait faire des analogies avec l'informatique, je comparerais les systèmes comme suit :
- La 1ère édition à Earthdawn (Ludiste), un jeu d'héroïsme au ton manga;
- La 2e édition à « Second Life » (Simulationniste), un jeu d'exploration dans un monde fantastique confronté à une imminente guerre mondiale;
- La 3e édition dans une version mystique de « Civilization », un jeu philosophique de souverains sur les dilemmes moraux à la fin des temps.
Peut-on importer un personnage de Half Life à Civilization? Il n'y serait qu'un vulgaire pion, l'échelle n'étant pas la même...
Trois jeux, trois thèmes, un même univers mais présenté très différemment chaque fois. Comme « L'Incal » vs « La Caste des Métabarons » de Jodorwsky, les parallèles des 2 jeux ne sont pas à la même échelle.
À titre de « preview », voici un extrait du sommaire de THE LAST CHRONICLES OF ERDOR:
What is this Game About?
This game is about confronting the inevitable death of an alien world, making moral choices and facing their tragic outcomes in a strange land of beauty and horror. Its central concept rests onto a single question: Knowing that your world is going to die, how far would you go to preserve what you cherish the most?
The players take on the role of the Judges of the Indigo Flame, prophets, warriors and healers from all peoples and nations. They were given power by the ENIGMA to judge mortalkind in a doomed world, mere moments before its total annihilation. The Judges wander the world as its end grows near, passing judgement on the wicked, saving the innocent from oppression and destroying the forces that serve the Shattering. Yet their world is inevitably doomed. The clash between the values cherished by the Judges, both cultural and personal, and their duty to save Erdor drives their adventures.
The role of the Game Master, in turn, is to challenge the players with hard moral dilemmas and their consequences, to frame poetic scenes and aggravate conflicts, driving up the stakes at every occasion. He imagines nations, communities, tribes and clans viciously torn by the Shattering, without thinking of a solution before hand. Adventures are designed as morality plays, grey zones of conflicting passions with the world’s growing corruption as the consequence.
The story belongs to the Judges. Once the situation is presented, the Game Master simply reacts to the Judges’ endeavours. His ultimate goal is to force heart-rending choices on the players.
(...) This game’s theme is not about victory against formidable foes. Any foe will fall if a Judge is willing to put everything aside to win. This game is about taking a stand on moral dilemmas in the last days of a dying alien world, and facing the consequences of these choices.
Je n'en dirai pas plus sur la 3e édition en ce moment. Comme le look « Magnum » de Zoolander, c'est pas encore prêt. :P Mais reste assuré, Fred: ce ne sera pas le même jeu. Aucune redondance à avoir les deux, même l'univers sera exploré très, très différemment avec de grands acteurs présentés sous un angle différent, pour mieux saisir la complexité du monde.
Bonjour Fred,
Nous brûlons les étapes en parlant de la version anglaise, mais cela répondra aussi à la question de Laurent/Nico du Dème de Naxos, en partie.
Pourquoi avoir choisi deux éditions différentes du jeu ne comportant pas les mêmes règles en français et en anglais ?
Parce que ce ne sera PAS le même jeu du tout. C'est très important de le saisir. Je ne traduis pas, c'est ennuyeux; je réinvente.
Erdor, c'est la prémisse, est un monde de rêve. 100% onirique. Au sens réel : la réalité y est impermanente, elle change, le temps s'y écoule bizarrement, des événements se contredisent parfois. Des héros vivent à plusieurs époques différentes, les dilemmes du monde diffèrent. Les jeux de rôles, à ce titre, sont des interfaces pour explorer un monde différemment. La 2e édition n'est pas le même jeu que la première. On n'y joue pas de la même façon
Je m'explique concrètement :
- La première édition des CHRONIQUES D'ERDOR est un jdr « classique », qui vise à soutenir un style de jeu dans lequel on surmonte des défis par des exploits plus grands que nature. (i.e. Ludisme/Gamist). Le monde y état présenté dans le langage de ses habitants et selon la vision de l'un d'eux (partielle, biaisée), lourd en néologismes, selon une perspective très spécifique, laissant entendre qu'une « vérité unique » existait. Les lecteurs attentifs auront remarqué que différents éléments, notamment dans les légendes et les secrets de Kraan, contredisent très subtilement cette approche. J'ai réalisé que c'était, justement, trop subtil et échappait donc à la majorité des lecteurs. Le jeu se perdait dans des détails secondaires, oubliant l'essentiel qui me tenait à coeur : présenter la mort d'un rêve. Je regarde aujourd'hui les CdE1 comme un projet un peu grossier, mais avec du potentiel, et je m'étonne encore de l'intérêt qu'il a soulevé. Visuellement, surtout, il n'était franchement pas terrible, mais à l'époque je ne pouvais faire mieux.
- La 2e édition (actuelle) des CHRONIQUES D'ERDOR est un jdr moins classique qui vise à soutenir un style « Simulationniste » dans lequel la réalité se « construit ». Par exemple, la création d'une oeuvre d'art ou une chanson complexe s'y résout comme un « combat », et inversement une situation diplomatique s'incarne à travers une série de manoeuvres tactiques à utiliser. Les exemples du jeu, par exemple, illustrent comment jouer *dramatiquement* la lutte contre une tempête de sable, un procès, un naufrage, etc. Le récit est donc porté par le joueur réellement, car TOUT PHÉNOMÈNE prend l'importance qu'on lui accorde. Les violons sont donc aussi importants que les épées, mécaniquement, en recourant à des profils génériques simples pour TOUT. Les CdE2 est donc un jeu d'exploration et de construction d'un monde de rêve. Il n'est pas « exo-universaliste » comme se veut GURPS, au contraire : son système est « endo-universaliste » en ce que n'importe quel acte À L'INTÉRIEUR D'ERDOR revêt l'importance que le joueur lui prête. Ce choix de design répond à mon besoin de refléter la façon dont nous jouions vraiment, les groupes de jeu n'ayant généralement que très peu de combattants et fort peu de conflits armés. Le mot CHRONIQUES, dans le nom, n'est pas anodin; l'histoire a toujours été centrée sur des récits vécus par les groupes, des récits très personnels donc. La toute première pré-édition, que nous appelons entre nous « proto-Erdor », s'appelait d'ailleurs « Le cartulaire des terres mystérieuses d'Erdor », marquant donc une différence, et ça tenait en 20 pages moches et mal écrites.
- La 3e version (50% écrite), n'est pas une traduction ni une version « corrigée » de la précédente. C'est une expérience radicale en design. THE LAST CHRONICLES OF ERDOR (notez *last* dans le titre) sera un jeu TOTALEMENT DIFFÉRENT des deux autres. Un système à visée foncièrement « Narrativiste ». Celui-là sera écrit « juste pour me faire plaisir »; ce sera l'aboutissement de ma vision personnelle, avec une thème religieux eschatologique très prononcé, et donc très extrême par rapport aux genres, et donc à public très restreint. Les réactions seront sans doute très polarisées, comme j'ai pu le constater à ce jour.
Au contraire de la 2e édition, qui se niche comme un cousin bizarre de Skyrealms of Jorune, Tékumel ou Talislanta, les LCOE placera les héros comme des Prophètes du Mouvement Énigmatique (présenté dans la 2e édition), dotés de pouvoirs supérieurs à quoi que ce soit dans le monde, capable de le détruire et peut-être d'en sauver quelques-uns. Ils détiendront Sept Certitudes, tout le reste pourra être contredit. Les joueurs-PJ, Juges de la Flamme Indigo, tenant conclave et se disputant ou guerroyant avec ses pairs Juges au Hall de Pierres-Miroir Taillées face à l'anéantissement de leur monde - invasions, tsunamis, déchirements politiques, génocides...
Les Juges, à qui nul ne peut mentir ou échapper, parcourent le monde pour juger celui-ci avant la fin des temps, avec leur seule conscience comme guide face à des dilemmes moraux impossibles. Chaque juge dirige sa tribu en maître absolu, édicte ses actes de foi, parle aux rois avec dureté. On ne joue pas ici des aventuriers, mais des chefs d'État. Le monde sera condamné; les Juges ne pourront pas le sauver, leur rôle sera de le juger dans un contexte frappé par la fin des temps et une panique mondiale qui pousse gouvernants dans des situations désespérées. « Choix moraux déchirants, avec le sort de peuples dans la balance » illustre le thème du jeu.« Pouvoir absolu, responsabilité absolue. » Le MJ joue un rôle secondaire, celui qui soulève des dilemmes moraux et incite les joueurs à risquer le tout pour le tout et faire des choix déchirants.
Ce jeu se situera plus tard dans le temps que la nouvelle édition française - impossible de savoir combien, le temps n'étant pas mesuré dans les LCOE (au contraire des CdE2) - et dans une interprétation très stylisée, plus loin que ce qui a jamais été fait je crois. Un jeu à poésie extrême : aucun nom propre (seulement des titres), aucun calendrier, aucune unité de mesure pour quoi que ce soit sauf si ce nombre a une valeur symbolique.
La réalité sera plus ambiguë que jamais. Les noms eux-mêmes seront des Traits et un personnage sera défini par 10 phrases, rien d'autre, chacune valant 1D, et il n'y aura pas de progression de héros ni de Santé ni rien du genre, juste des changements à ces Traits reflétant ce que ressent à l'intérieur un Juge nommé par l'ÉNIGME pour mettre le monde à genoux, face à ses semblables dotés du même pouvoir mais d'opinions différentes.
Dans LCOE, un joueur ne s'abaissera pas à lever une épée. Il ordonne à ses disciples d'agir à sa place, ou élève simplement la voix. Le but n'est pas de gagner, mais de voir « jusqu'à quelles conséquences accepterais-tu pour gagner ce que tu désires »? Le système gère les conséquences par une échelle cosmique, dont j'ai déjà parlé sur Silentdrift. Dans un exemple de playtest, les joueurs ont déclenché une guerre et volontairement amené 2 tribus à se massacrer pour sauver UN SEUL ÊTRE, un vieillard rongé de remords prêt à mourir pour ses erreurs passées. Nous avons revécu la guerre Israël-Liban, d'une certaine façon. C'était intense, troublant même. Mais ce n'est pas pour tous les goûts... LCOE vise un créneau très étroit. Ce n'est pas un jeu d'aventures tragiques, comme l'est CdE2. C'est un jeu de tragédie, comme le sont les Rois Maudits de Druon par exemple. Inversement, la 2e édition des CdE rejoint au contraire un éventail très large de styles de joueurs, malgré leur thème de Sword & Sorcery très coloré, et adresse explicitement les styles de jeu dans les mécanismes.
Dans les LCOE, Dogs in the Vineyard a énormément influencé la notion de « Conséquences » (Fallout), mais ici elles seront à l'échelle cosmique : l'éclatement des 10 Sphères qui constituent le monde en raison des actes mortels. Côté monde, Burning Empires a inspiré la notion « explorer le même thème tragique dans des contextes différents ». Côté ton, ceux familiers avec Polaris : Tales of the Chivalric North auront une idée de ce genre littéraire et d'ambiance suscitée. Le tout sera soutenu, chose rare chez les jeux « Narrativistes », par une campagne (Chronicle) composée de cinq fois cinq Psaumes (Psalms) montrant la fin des temps dans chacune des cinq régions. Le monde sera de même comparé différement.
Il n'y a donc pas de comparaison ni de passerelle possible entre CdE2 et LCOE. Ça n'a pas le même objet. LCOE se rapproche plus que jamais d'un jeu de plateau, qui est d'ailleurs aussi un projet pour celle-ci.
Si l'on devait faire des analogies avec l'informatique, je comparerais les systèmes comme suit :
- La 1ère édition à Earthdawn (Ludiste), un jeu d'héroïsme au ton manga;
- La 2e édition à « Second Life » (Simulationniste), un jeu d'exploration dans un monde fantastique confronté à une imminente guerre mondiale;
- La 3e édition dans une version mystique de « Civilization », un jeu philosophique de souverains sur les dilemmes moraux à la fin des temps.
Peut-on importer un personnage de Half Life à Civilization? Il n'y serait qu'un vulgaire pion, l'échelle n'étant pas la même...
Trois jeux, trois thèmes, un même univers mais présenté très différemment chaque fois. Comme « L'Incal » vs « La Caste des Métabarons » de Jodorwsky, les parallèles des 2 jeux ne sont pas à la même échelle.
À titre de « preview », voici un extrait du sommaire de THE LAST CHRONICLES OF ERDOR:
What is this Game About?
This game is about confronting the inevitable death of an alien world, making moral choices and facing their tragic outcomes in a strange land of beauty and horror. Its central concept rests onto a single question: Knowing that your world is going to die, how far would you go to preserve what you cherish the most?
The players take on the role of the Judges of the Indigo Flame, prophets, warriors and healers from all peoples and nations. They were given power by the ENIGMA to judge mortalkind in a doomed world, mere moments before its total annihilation. The Judges wander the world as its end grows near, passing judgement on the wicked, saving the innocent from oppression and destroying the forces that serve the Shattering. Yet their world is inevitably doomed. The clash between the values cherished by the Judges, both cultural and personal, and their duty to save Erdor drives their adventures.
The role of the Game Master, in turn, is to challenge the players with hard moral dilemmas and their consequences, to frame poetic scenes and aggravate conflicts, driving up the stakes at every occasion. He imagines nations, communities, tribes and clans viciously torn by the Shattering, without thinking of a solution before hand. Adventures are designed as morality plays, grey zones of conflicting passions with the world’s growing corruption as the consequence.
The story belongs to the Judges. Once the situation is presented, the Game Master simply reacts to the Judges’ endeavours. His ultimate goal is to force heart-rending choices on the players.
(...) This game’s theme is not about victory against formidable foes. Any foe will fall if a Judge is willing to put everything aside to win. This game is about taking a stand on moral dilemmas in the last days of a dying alien world, and facing the consequences of these choices.
Je n'en dirai pas plus sur la 3e édition en ce moment. Comme le look « Magnum » de Zoolander, c'est pas encore prêt. :P Mais reste assuré, Fred: ce ne sera pas le même jeu. Aucune redondance à avoir les deux, même l'univers sera exploré très, très différemment avec de grands acteurs présentés sous un angle différent, pour mieux saisir la complexité du monde.