;pSinon, plus sérieusement, le truc que tu dis ne pas aimer dans les jeux "narr-quelque chose", je pense que c'est quand le jeu est découpé en scènes structurées et formalisées.
(Monostatos par exemple est un jeu découpé en scènes et qui pourtant soutient une démarche ludiste).
Peut-être même, plus précisément, dis-moi si je me trompe, je crois que tu n'aimes pas quand le jeu est découpé en scènes et que tu dois changer de rôle entre "plaider pour ton personnage" et "mettre en scène une nouvelle scène pour le personnage d'un autre joueur (avec éventuellement de l'adversité)". Me trompes-je ?
J'ai du mal à envisager que ça puisse être un critère objectif de qualité :
En ce qui concerne le découpage par scènes, c'est une Technique que les MJ utilisent quasi systématiquement quand les groupes de PJ se séparent. Le but de formaliser une telle Technique dans les règles d'un jeu permet de jouer des histoires qui mettent en avant chaque PJ, à la manière d'une série, plutôt qu'un groupe de personnages. Cela signifie que l'on va plutôt suivre plusieurs intrigues, qui peuvent ou pas se relier entre-elles (selon les jeux). Ça permet aussi de répartir le temps de jeu entre les joueurs, plutôt que de laisser les bavards attirer toute l'attention sur eux. Enfin, ça permet de forcer les ellipses et d'aller directement à l'essentiel et d'éviter les moments de flottement.
En ce qui concerne le fait de se partager le rôle du MJ entre participants : cela permet de tirer parti de l'imagination de chacun, car avec peu de préparation, dans certaines conditions, ça peut être un boulot assez lourd, que de laisser une personne cadrer toutes les scènes (on pourrait imaginer que ce soit le cas à Polaris par exemple si l'autorité du MJ n'était pas à ce point répartie). De plus, centraliser l'adversité sur un MJ tend à créer un rapport d'autorité spécifique et dans certains jeux (Les Cordes Sensibles ou Prosopopée pour ne citer qu'eux) peuvent apaiser les joueurs d'être sur un pied d'égalité : d'être tous Protagoniste à un moment et Metteur en scène à d'autres. Enfin, dans certains jeux, être MJ serait tout simplement ennuyeux, donc plutôt que de lui infliger ça, on rend ce rôle tournant afin de permettre à tout le monde de participer pleinement (On pourrait imaginer que dans Zombie Cinema, s'il y avait un seul MJ, il se ferait chier comme un rat mort... ou un rat zombie).
Bien sûr, pendant que l'on joue le rôle de metteur en scène ou d'adversité, on ne plaide pas pour son PJ. Pour certains, c'est difficile car ils préfèrent avoir du temps pour bien s'habituer à leur PJ. Mais en réalité, les jeux comme Polaris ou Zombie Cinema ne demandent pas du tout le même effort qu'une partie traditionnelle pour cela : l'objectif est clair, le profil du personnage défini selon des règles efficaces. Mais surtout, créer une cohérence forte dans chaque décision et chaque attitude de son PJ n'est pas le but de ces jeux-là. Dans ces jeux là, les paradoxes des personnages nourrissent l'histoire. C'est la particularité que permet la justification a posteriori : le manque de préparation n'est pas inconsistant puisque c'est la fiction toute entière qui s'adapte aux choix des joueurs, tandis que dans les pratiques simulationnistes traditionnelles, les choix des joueurs doivent se soumettre à la logique de la fiction pré-établie.
Et cette différence est énorme et à la fois insignifiante.
- Énorme parce que toutes les contraintes et la rigueur dont on peut avoir le besoin et l'habitude dans les vieilles pratiques n'ont pas cours dans un Polaris ou un Dogs in the Vineyard.
- Insignifiante parce que dans un cas comme dans l'autre, tout ce qui est demandé au joueur en réalité, c'est de plaider pour son personnage, c'est à dire : de prendre des décisions en fonction des intérêts du personnage. Ça reste du JDR.
Les jeux plus tradi sont plus exigeants en terme d'apprentissage pour que ça fonctionne, un Polaris beaucoup moins. En revanche, un joueur chevronné devra souvent désapprendre tout ce qu'il a appris dans sa pratique traditionnelle pour réussir à jouer pleinement à un JDR à partage d'autorité.
Tout ça pour dire que je crois qu'on peut postuler qu'il ne s'agit que d'une question d'habitude et je pense que quand tu sauras vraiment mettre entre parenthèses tes habitudes de joueur traditionnel, peut-être te rendras-tu compte que ces Techniques ne sont en rien un frein à ton implication et à faire carburer ton imaginaire dans les jeux à partage de narration.
Dernier point : "JDR à partage de narration" est une expression qui se définit simplement. Si l'on considère que le boulot minimum d'un joueur consiste à dire ce que dit et fait son personnage, il ne s'agit pas de narration, mais d'interprétation. Le seul participant ayant le rôle de narrer dans les pratiques traditionnelles est le MJ, quand il décrit des scènes. Voilà pourquoi, dès lors que l'on offre plus de Responsabilités narratives aux joueurs, on "partage" la narration. Pour plus d'infos, lire cet excellent article de Eero Tuovinen :
http://isabout.wordpress.com/2010/02/16 ... -rpg-play/Cheers ;)