Effectivement j'ai pour le moment du mal à jouer les PNJ en général. De temps en temps en théâtral, de temps en temps en mode indirect (il te dit ça, il cherche ceci, etc...). C'est un de mes grand défaut. Ayant commencé MJ je n'ai pas eu l'entrainement au temple de Bridal Falls City concernant ce point.
Au vu des différents rapports de partie, l'incarnation par le MJ des runes de dieu est l'un des éléments les plus difficiles de SENS. D'abord car très peu de jeu de rôles poussent les MJ à incarner des personnages que les maîtres de jeu n'ont pas crées eux mêmes (à l’exception des campagnes vendues dans le commerce.) Qui a déjà joué l'empereur dans Warhammer par exemple? A l'inverse, SENS oblige le MJ a prendre en main des personnages pré-existants, et qui doivent absolument avoir un rôle central dans le jeu.
Or la plupart du temps, au vu de mon expérience, lorsque l'on réfléchis à la création de personnages assez fouillés pour une partie de jeu-de-rôle, on a toujours tendance à créer des personnages dont on se sent pour une raison ou une autre proche, avec lesquels on partage quelque chose, aussi ténu ce quelque chose soit-il. On ressent une empathie avec le personnage, on sait plus ou moins comment il peut réagir à telle ou telle situation, comment il va s'exprimer, etc...
Dans Sens, Romaric a crée les runes de dieu de cette manière (enfin je crois), en faisant de chacun d'eux le réceptacle d'une partie de sa personnalité ou des problématiques qui l'intéressaient. Myphos c'est le coté mathématicien mégalo, Solipsis la figure du pédagogue, Classis c'est la folie créative et imaginative (quelque chose que beaucoup de joueurs de jeu de rôle partagent, ce qui explique qu'il soit facile à jouer, en plus de son coté un peu caricatural) et une figure de l'absurde. Après Finlongfinger c'est la mort, là déjà on voit une certaine tendance à la caricature (les podcasts le décrivent souvent comme un gros bourrin limite débile), et enfin Wilfried, que Romaric admet ne pas savoir jouer car trop différent de lui.
Les théories de l'Actor Studio, une méthode de jeu d'acteur mise au point par un théoricien russe et reprise par les plus grands acteurs hollywodiens (De Niro par exemple) mettent beaucoup en avant cette idée d'un partage de point communs entre le personnage joué et l'acteur lui même. Si on ne partage rien avec le personnage, ou si l'on ne trouve pas de lien avec lui, on reste soit au stade du jeu complètement plat (les joueurs ont alors l'impression d'être face à un personnage sans aucune personnalité), soit on fait de la caricature pour pallier à ce manque, mais là encore on a le sentiment d'être face à un pantin et non à une véritable personne.
A mes yeux le seul moyen de jouer correctement un personnage c'est de le "créer" en fonction de ta propre personnalité, de tes propres interrogations etc... C'est difficile ici, car tu doit gérer un personnage qui existe par ailleurs tel que Romaric l'a créé, et que tu doit néanmoins te réapproprier, sans pour autant totalement détruire l'intention initiale.
Un vrai travail d'acteur en somme.
Autre élément que met en avant l'Actor Studio, c'est la compréhension de l'histoire du personnage, des expériences qu'il a vécu avant que tu ne l'incarne. A la base cette méthode a été créée pour jouer des rôles "naturalistes", qui impliquaient donc une vraie compréhension de la provenance sociale du personnage joué, de la manière dont la société l'avait façonné etc.
C'est exactement pareil en jeu de rôle, et c'est même absolument primordial pour savoir comment jouer son personnage au delà du simple "jeu d'acteur", c'est à dire comment les joueurs vont pouvoir l' "explorer", de la même manière qu'ils explorent l'univers du jeu.
D'où vient la maxime de Solipsis, "Il est des choses qu'il vaut mieux ne pas savoir" par exemple?
Bien sûr, cette idée est liée au fait qu'elle soit l'incarnation de la rune de vie, mais on ne peut se contenter de cette justification presque "génétique" (ou plutôt métaphysique) pour expliquer sa position philosophique, sans quoi le personnage devient complètement vide, un pantin sans âme au service d'une notion philosophique. Cette prise de position n'est pas non plus le simple fait d'une longue réflexion théorique totalement déconnectée du réel, qui l'aurait simplement amenée à aboutir à un résultat d'équation un peu différente de celle de Myphos.
C'est son expérience de vie qui la pousse a penser de cette façon et à agir comme elle le fait! Je n'arrivais pas à dépasser le stade superficiel de la compréhension de ce personnage avant de réaliser ce qui l'a amené à mettre en avant une telle maxime. Et puis à un moment ça a fait tilt! Solipsis est celle qui a aidé Myphos à décoder Cosmo et Rebirth! Elle pense que la guerre des immortels est entièrement de sa faute, que sans elle pour aider Myphos, ce dernier n'aurais peut-être jamais décodé la machine! Le moteur de Solipsis dans la résistance c'est sa culpabilité. Pour elle le savoir est un fardeau énorme, et le transmettre aux Bugs reviendrait à décharger ce fardeau sur les épaules d'autres personnes, et donc un acte de lâcheté terrible.
Et une fois qu'on a compris cela, l'exploration du personnage par les joueurs peut commencer! Imagine qu'ils commencent à confronter Solipsis après que tu leur ai asséné la maxime un trop grand nombre de fois, et que leur frustration atteint son comble. Ils la poussent dans ses derniers retranchements, et l'obligent à leur expliquer pourquoi "il y a des choses qu'il vaut mieux ne pas savoir". Là les joueurs comprennent mieux le personnage, il prend de l'ampleur pour eux.
Mieux, maintenant qu'ils ont "explorés" le personnage, il peuvent tenter de le changer! Pourquoi ne parviendrais-t-il pas à convaincre Solipsis qu'ils sont prêt à l'aider à porter de ce lourd fardeau et à en prendre un peu sur leurs épaules
(mon précieeeeux)?
Voilà, j'espère que ces conseils te permettrons de mieux incarner tes PNJ, désolé pour le pavé mais ça m'a aussi permis de formuler mes idées sous ne forme cohérente donc c'est aussi en partie pour moi que j'ai écris ce post^^.