par Yohan » 22 Juin 2012, 17:11
Personnellement je ne pense pas que dans l'état actuel de l'industrie francophone du jeu de rôle, les éditeurs puissent être qualifiés de "méchants". Pour la simple raison que contrairement a ce que l'on peut voir dans l'industrie du jeu vidéo actuellement, la question de l'argent reste de toute façon un élément secondaire dans la motivation des éditeurs francophones.
En effet, contrairement a l'industrie du jeu vidéo, l'industrie du jeu de rôle francophone ne pense non pas en terme de bénéfice potentiel mais plutôt en terme de minimisation des pertes. De ce que j'ai crû comprendre a l'écoute de ce podcast, il n'y a même pratiquement aucun éditeur francophone dont l'activité éditoriale lui assure un revenu suffisant pour vivre.
Dès lors, le risque de dérive mercantiliste tel qu'ont peu actuellement l'observer dans l'industrie du jeu vidéo (multiplication des suites de grosses licences type Call of Duty, diminution de l''innovation et de la prise de risque...) me semble hautement improbable.
Néanmoins, comme l'expliquent a de nombreuses reprises les éditeurs présents dans ce podcast, les contraintes monétaires sont beaucoup plus lourdes pour un éditeur que pour un indépendant, pour la simple raison que ces derniers doivent gérer plusieurs projets a la fois.
Il est donc normal que cette contrainte limite la prise de risque des éditeurs, et que les projets que choisissent ces derniersaient des contenus moins originaux que ceux que proposeraient un indépendant.
Après Romaric pose une question très judicieuse: A quoi servent ces intermédiaires que sont les éditeurs? Est-ce qu'un indépendant ne fait pas tout aussi bien leur job sans avoir recours a eux?
A mon sens les éditeurs qui participaient a ce podcast donnent trois bonnes raisons:
1. Ils peuvent décharger l'auteur de certaines tâches, et notamment la production du matériel, la mise en vente et la
communication. Tout ceci moyennant finance, évidemment, puisque comme Romaric le souligne a un moment dans le podcast, ceci équivaut a un "Service".
2. Ils fournissent les fonds aux auteurs qui ne désirent pas risquer leurs propres deniers dans la diffusion de leur jeu de rôle.
A mon avis c'est un des rôles qui rendent les éditeurs particulièrement utiles pour les auteurs de jeu de rôle. Évidemment
un tel don de la part de l'éditeur a d'importantes implications. Pour éviter de perdre de l'argent, l'éditeur doit s'assurer que le
projet de l'auteur est viable économiquement. Si ce n'est pas le cas, soit le projet est refusé, soit il propose au joueur d'aménager le projet de sorte qu'il soit plus viable économiquement. La deuxième possibilité peut apparaitre comme une
compromission de la part de l'auteur mais ont peut opposer plusieurs arguments a une telle vision.
Premièrement, un jeu de rôle peut tout simplement être considéré comme un jeu par certains auteurs, et non comme une œuvre d'art. L'auteur ne cherche parfois pas a faire passer un message mais simplement a ce que les joueurs s'amusent. Dès lors changer certains aspects du jeu pour des raisons économiques pose peu de problèmes moraux.
Deuxièmement l'auteur a le choix. L'éditeur ne lui met pas un couteau sous la gorge pour l'obliger a accepter les termes du contrat, mais lui indique simplement qu'il n'est pas prêt à mettre son propre argent en jeu pour assurer la diffusion du jeu.
Si le joueur est néanmoins certain que son jeu a un vrai potentiel sans qu'aucun changement ne soit opéré, il peut toujours
décider de prendre son courage a deux mains et de devenir indépendant.
3. L'éditeur a un rôle de conseil non négligeable, sans même que ses conseils aient un rapport avec la viabilité économique du jeu. Un bon éditeur a de l'expérience, un regard critique sans doute assez aiguisé après avoir vu passer un certain nombre de projets devant ses yeux, et est a même de déceler des problèmes qui auraient échappés a l'auteur. Et si les conseils de l'éditeur ne plaisent pas a l'auteur, ce dernier a toujours la possibilité de passer par un autre éditeur ou de devenir indépendant.
"Et nous avons aussi des Maisons consacrées aux Erreurs des Sens, où nous réalisons avec succès tout genre de Manipulations, Fausses Apparitions, Impostures et Illusions..."
- Francis Bacon, La nouvelle Atlantis