Wenlock
Publié : 26 Déc 2007, 18:55
quote: Originally posted by Sens:
Je voudrais vous convaincre que la philosophie peut vous être très utile pour la conception de vos univers et de vos parties.
Pour commencer, je crois que cette attitude est anti-philosophique : vouloir convaincre.
Elle part de deux postulats : qu'on en est pas convaincus, qu'il faut nous en convaincre.
Ca m'embête dans le sens où, justement, ceux d'entre nous qui n'en sont [b]pas convaincus ont peut-être d'excellentes raisons de ne pas l'être. Pour le bien de la discussion, j'aurais voulu me concentrer d'avantage sur le contenu que sur ce "détail" d'attitude, parce qu'il me semble que le fond est juste. Mais je voudrais faire valoir que, philosophiquement parlant, tu peux poser des questions/proposer une réflexion OU faire valoir une opinion, mais pas les deux à la fois.
quote: Originally posted by Sens:
En philosophie je suis ce qu’on appelle, pompeusement, un métaphysicien.
Disons pour simplifier que la métaphysique est une partie de la philosophie qui se pose les questions suivantes : « Qu’est-ce qui existe ? », « Qu’est ce que le monde ? » « Qu’elle est sa structure ? »
Ces questions, lorsque nous créons un background, un univers, nous sommes obligés de nous les poser.
Bunk, deuxième occurence du même problème : non, nous ne sommes pas obligés de nous les poser métaphysiquement parlant. Parce que la métaphysique étudie le rapport de l'individu au Vrai monde, celui auquel on ne peut échapper parce qu'il sera toujours là, quoiqu'on fasse. La création d'un univers de JdR repose sur une volonté différente : produire un univers jouable. Jouable, donc cohérent, ou à la limite qui donne l'illusion de la cohérence, pour peu que cette illusion soit suffisamment solide. Mais pour produire cet univers, il suffit de définir ce qui existe : dans un monde imaginaire, rien ne nous oblige à admettre la réalité du Vrai Monde. On mettra dans nos jeux ce qui nous plaît, et seulement ce qui nous plaît, sans avoir par exemple à y intégrer de réalisme, de philosophie ou même d'explication structurelle. "Patient 13" par exemple est un univers tout à fait jouable qui, pourtant, ne semble pas proposer d'explication à son univers. C'est un univers "cauchemardesque", disons "onirique mais noir", qui se satisfait pleinement de l'absence de structure et d'explication propre au rêve. (Bien sûr, on PEUT expliquer les rêves, mais ce n'est pas indispensable pour jouer dans l'onirisme, et surtout on ne peut recourir à l'analyse pendant qu'on rêve, et donc pas pendant qu'on joue à "Patient 13".)
quote: Originally posted by Sens:
Quelle réponse donnée à ces questions ? :
- la somme des objets forme-t-elle le monde, comme le pensait Descartes ? Le monde ne serait que la somme des objets qui le compose. Une table + un ordinateur + une chaise + un salon, etc… Cette adition une fois terminée donnerait la solution ?
- ou est-ce que le monde se compose d’atome comme le pensait Démocrite. Selon la situation des atomes on aura tantôt une chaise, tantôt une table, etc. Finalement selon Démocrite le monde n’est qu’une collection atomique.
- ou une collection de fait, comme le pensait Wittgenstein ? Le monde n’est pas composé d’objets selon lui. Il est la totalité des faits.
- ou comme peuvent le penser d’autres philosophes ce monde n’existe peut-être que dans nos esprits. Il n’est peut-être constitué que de propriétés mentales.
Ok, décidément, on échappera pas à cette question d'attitude : tu présupposes là encore qu'il y a un certain nombre de réponses "possibles" à ta question (ou du moins, c'est ce que je comprends de ta formulation). C'est limitatif, mais c'est surtout (encore) anti-philosophique : les questions sont des pré-requis philosophiques, pas les réponses.
En l'occurrence, l'imaginaire n'a pas besoin de choisir parmi les réponses que tu donnes. Il peut à la fois esquiver complètement la question (absence de réponse) ou lui donner une réponse purement imaginaire : le monde est rêvé par les grands dragons (propriété mentale, mais pas celle des individus), le monde est la somme des illusions chacune plus ou moins influente de l'humanité (propriété mentale partiellement extérieure aux individus), le monde n'est qu'un ensemble de règles prédéfinies que tous doivent suivre (factuel, mais arbitraire), le monde est un consensus utile à l'interaction des joueurs, le monde est une assiette plate portée par des éléphants eux-mêmes portés par une tortue cosmique (factuel, sans souci de cohérence cosmologique)...
quote: Par métaphysique on entend souvent aussi les questions religieuses :
On a raison de penser cela, car les premières réponses données aux questions métaphysiques étaient d’ordre religieuse. Le Monde était Dieu, le monde était structuré par une entité divine. Si le soleil courait au-dessus de nos tête c’était parce qu’Hélios tirait son char dans le ciel, etc.
En fait, c'est Pégase qui tire le char d'Hélios, guidé par Appolon, mais j'admets que c'est là pur pinaillage puisque j'admets le reste de la proposition.
quote: Historiquement la métaphysique est à l’origine de notre physique. C’est parce que les hommes se sont posés des questions métaphysiques qu’ils ont trouvé les réponses dans la physique.
Mais, au risque de me répéter, ce qui est vrai pour le Vrai Monde n'est absolument pas indispensable à l'univers imaginaire...
quote: Pour construire un univers nous devons d’abord poser une cosmologie. Nous devons bâtir un panthéon.
Non.
Pas du tout.
Nous ne "devons" rien d'autre que de rechercher un résultat jouable. Il y a des univers sans panthéon, sans cosmologie définie (j'en fais jouer un depuis dix ans avec des troupeaux de joueurs sans problème), des univers où la cosmologie est pure importation, d'autre où elle est originale, fondatrice et indispensable... Tout est possible, puisqu'on est dans l'imaginaire.
quote: Prenons l’exemple du « Vampire » de White Wolf. Ce jeu possède une métaphysique simple basée sur trois entités : Le Ver, le Tisserant et Gaïa. Le monde de Vampire est bâti et structuré autour de ces trois entités métaphysiques.
Le monde est généré par les conflits qu’entretiennent ces trois divinités.
Le monde intra-diégétique, oui. L'univers de jeu, non. Je distingue les deux parce qu'il y a là un argument en faveur de la non-nécessité d'une cosmologie : le Monde des Ténèbres a été conçu avant tout selon l'idée qu'on allait jouer des "monstres", et donc qu'on allait développer toute une société autour des archétypes classiques de monstres : vampires, loups-garous, spectres... Ce n'est que lorsque la gamme a intégré "Mage" et abouti à la nécessité d'organiser les sociétés monstrueuses au sein d'un ensemble cohérent qu'une cosmogonie a été définie : c'était une nécessité éditoriale propre à cette gamme, pas une nécessité créative. Car les différents univers et archétypes du "Monde des Ténèbres" étaient déjà jouables avant l'apparition de l'explication d'ensemble.
quote: Prenons un autre exemple : Ambre. La structure de l’univers dans Ambre est bornée par l’existence de deux pôles symétriques. L’ordre et le chaos. Le Logrus symbolise le chaos, tandis que Ambre symbolise l’ordre.
Je re-pinaille, mais : non, c'est la Marelle qui représente l'ordre et se pose en équivalant "ambrien" du Logrus.
quote: On retrouve ce genre de métaphysique dans de nombreux jeux de rôle : AD et D, Warhammer possèdent également se genre de structure.
Je ne suis pas tout à fait d'accord sur Warhammer : là encore, il y a bien un pôle "ordre", un pôle "chaos", mais il y a entre les deux tout un tas de choses qui échappent complétement et à l'un, et à l'autre. Du moins était-ce comme ça dans l'édition précédente (je connais trop peu la nouvelle).
quote: La métaphysique de ces deux jeux va même jusqu’à structuré les morales, les psychologies des personnages (« chaotique mauvais », « loyal bon » etc.).
Oui, mais c'est pas une intention philosophique : c'est une représentation simplifiée qui participe aux règles du jeu et permet en fait d'ordonner l'univers. C'est un outil, produit dans un but pratique : pas une philosophie.
quote: Je pense que tous les jeux de rôle sont des recherches métaphysiques qui parfois s’ignorent.
C'est une "opinion", au sens philosophique du terme : même s'il s'avère que je suis en partie d'accord avec toi (au moins dans le sens où tous les univers de jeux trahissent la vision du monde de leurs auteurs, toutes ces visions ne sont pas des recherches, elles sont même le plus souvent des opinions elles-mêmes, et nombre d'entre elles échappent totalement au questionnement philosophique au profit d'intention historiques, comiques ou politiques).
Donc, au final : «moi je pense que non, pas "tous"». En fait je pense que, une fois de plus, tu affirmes quand la pratique philosophique devrait t'amener à questionner.
quote: Les mondes que nous créons, au cours des parties, peuvent être à l’origine de découvertes philosophiques et mêmes scientifiques majeures.
Je suis prêt à l'admettre, mais je cracherais pas sur des exemples concrets (surtout sur l'aspect scientifique).
quote: Il existe une loi en métaphysique. Cette dernière vaut comme une boussole pour la recherche.
« Tout ce qui est concevable dans l’imagination est vrai en métaphysique. »
La structure du monde est ce qui ne change pas dans tous les mondes possibles. Imaginons que nous puissions réunir tous les jeux de rôle créés. Nous pourrions tenter de les comparer et de voir s’il n’existe pas quelques régularités.
Prenons nos exemples au-dessus. Deux entités reviennent constamment : L’ordre et le Chaos. Car derrière Gaïa, dans vampire, se cache le chaos de l’Umbra et derrière le Tisserant se cache l’ordre des humains et des civilisations. Le Ver est juste ce qui détruit l’un ou l’autre.
Malheureusement, je pense que cette analyse est faussée par le présupposé : tu trouves ce que tu cherches, parce que c'est ça que tu veux trouver. Par exemple, on pourrait argueur que "Shadowrun" est un univers possédant encore ces deux pôles (technologie = ordre, magie = chaos, corpo= ordre, runners = chaos) ou -et ce serait au moins aussi justifié- que c'est un univers non-polarisé, d'avantage conçu cautour de la confrontation magie/technologie, les deux pôles comportant des parts égales d'ordre et de chaos (c'est d'ailleurs l'opinion des auteurs, si je puis me permettre cet "argument d'autorité")..
quote: Les régularités que nous observons dans nos univers et dans nos parties sont la structure du monde.
Et les irrégularités, c'est quoi ? C'est juste décoratif ? On bien ce sont des éléments assez signifiants pour qu'on remette en question (youpi : la remise en question, c'est la base de toute philo) le schéma de départ ?
quote: La métaphysique est loin d’être morte comme le pense la majorité des philosophes. Elle est très vivante au contraire. Elle est devenue source de jeu et de plaisir, nous pouvons maintenant jouer avec cette dernière.
Tiens, je suis complètement d'accord avec ça (peut-être l'influence de Michel Onfray ?), mais je vois pas le rapport avec la choucroute.
quote: Le jeu de rôle est une continuité de la recherche métaphysique.
On frise le syllogisme, là, quand-même. Tu tombes sur cette conclusion parce qu'elle est conforme à ton pré-supposé de départ, pas du tout parce que ton raisonnement la justifie.
Le jeu de rôle peut être une recherche métaphysique, comme il peut ne pas l'être du tout; Autant je trouve intéressant d'explorer la première option et je me joins à l'idée que ça peut à la fois résoudre des problèmes créatifs ET produire de nouvelles idées, autant je reconnais à tous ceux qui le souhaitent le droit d'en avoir rien à foutre, de la métaphysique, et de produire quand-même des jeux passionnants, riches et -surtout- jouables.
quote: Il peut donc apporter de nouvelles thèses et de nouvelles réponses aux questions qui animent les hommes.
De "nouvelles", je ne sais pas. Par contre, le JdR pourrait utilement apporter la philosophie à ceux qui en tireraient bénéfice, le JdR pourrait tirer profit de l'outil métaphysique pour se construire et explorer de nouveaux territoires de jeu. Encore faut-il qu'on évite d'enfoncer la philo au marteau jusque dans les univers où on s'en passe très bien.
quote: Je pourrais m’arrêter là.
Mais le jeu de rôle apporte beaucoup plus encore.
Car dans la structure même du jeu de rôle classique, tel que nous le pratiquons, se trouve des réponses philosophiques majeures.
Qu’est ce que le MJ sinon le Dieu créateur du monde où évolue les PJ ? Il décrit les décors, il dit ce qui est.
QUOI ?!!? Mais pas du tout ! Le MJ est l'animateur du jeu et le gestionnaire de l'intrigue narrative : de là, qu'il se prenne pour Dieu, qu'il s'impose comme autorité ou qu'au contraire il se conçoive simplement comme l'un des participants du jeu, sans plus d'autorité, de pouvoir ou de paternité créative que les autres joueurs, ça relève d'un choix ludique et relationnel propre à chacun !
Encore une opinion posée comme une analyse philosophique !
(Note que je contre par ma propre opinion : je ne prétends pas t'opposer un vrai argument philosophique, ce serait hors de propos.)
quote: Qu’est ce que les PJs sinon les êtres libres, échappant aux anticipations du maître de jeu ? Ce sont ces volontés insaisissables qui échappent à la physique objective. Ce sont les « âmes », comme les appelait les anciens au moyen âge.
Bien autre chose : ils peuvent être des PNJ avec un séide du MJ aux commandes (donc, techniquement, des personnages "avec joueur", mais sans guère de libre-arbitre), ils peuvent n'avoir aucune âme (si je joue un robot sans libre-arbitre, mon PJ n'a pas d'âme), ils peuvent avoir potentiellement une âme et que les joueurs s'en cognent (c'est même très courant), ils peuvent n'être que des outils aux mains des joueurs, ils peuvent être de pure objets narratifs gérés de manière "scénarisée" par les joueurs...
quote: Qu’est ce que les règles du jeu ? Sinon la logique dans la réalité qui sert d’encrage au raisonnement et lois physiques ?
Je serais d'accord avec ça si tu ajoutais l'univers aux règles : univers et système de jeu forment à eux deux le "référent" nécessaire au jeu de société qu'est le jdr. C'est encore un fois mon opinion (bien que je puisse l'argumenter), mais elle suffit comme réponse à la tienne (puisque je n'ai pas, moi, l'ambition d'être philosophe).
quote: Toutes ces questions je tente de les poser dans mon jeu « Sens Hexalogie ».
Et je vous incite à vous les poser vous-même en vous divertissant.
« Faîtes vous plaisir : réfléchissez à votre passion ! » pourrait être mon credo.
Je voulais créer un jeu de « philo-fiction » qui allie à la fois la réflexion au divertissement. Il n’y a que vous qui puissiez me dire s’il est réussi, ou non.
Qu’en pensez-vous ?
J'en pense que c'est mal barré.
Maintenant, il y a sûrement beaucoup plus dans un jeu développé que dans un post sur forum et je ne remets pas en question la validité de ton jeu et la cohérence de son résultat avec tes intentions. J'exprime juste que, avant que je fasse l'effort de lire ton jeu, il faudra que tu me convainques (puisque c'est ton ambition) que la pensée philosophique qui a présidé à son écriture et d'une autre tenue que celle qui a produit ce message.
PS : je en discute pas le bien fondé de la démarche consistant à mettre de la philo dans le JdR (la métaphysique étant, selon mon opinion, un outil potentiellement très utile au JdR mais pas obligatoire), mais bien la rigueur de ta démarche philosophique, qui me semble comporter un contre-sens assez balaise, débouchant sur un sacré paquet de chausse-trappes sémantiques.
Je voudrais vous convaincre que la philosophie peut vous être très utile pour la conception de vos univers et de vos parties.
Pour commencer, je crois que cette attitude est anti-philosophique : vouloir convaincre.
Elle part de deux postulats : qu'on en est pas convaincus, qu'il faut nous en convaincre.
Ca m'embête dans le sens où, justement, ceux d'entre nous qui n'en sont [b]pas convaincus ont peut-être d'excellentes raisons de ne pas l'être. Pour le bien de la discussion, j'aurais voulu me concentrer d'avantage sur le contenu que sur ce "détail" d'attitude, parce qu'il me semble que le fond est juste. Mais je voudrais faire valoir que, philosophiquement parlant, tu peux poser des questions/proposer une réflexion OU faire valoir une opinion, mais pas les deux à la fois.
quote: Originally posted by Sens:
En philosophie je suis ce qu’on appelle, pompeusement, un métaphysicien.
Disons pour simplifier que la métaphysique est une partie de la philosophie qui se pose les questions suivantes : « Qu’est-ce qui existe ? », « Qu’est ce que le monde ? » « Qu’elle est sa structure ? »
Ces questions, lorsque nous créons un background, un univers, nous sommes obligés de nous les poser.
Bunk, deuxième occurence du même problème : non, nous ne sommes pas obligés de nous les poser métaphysiquement parlant. Parce que la métaphysique étudie le rapport de l'individu au Vrai monde, celui auquel on ne peut échapper parce qu'il sera toujours là, quoiqu'on fasse. La création d'un univers de JdR repose sur une volonté différente : produire un univers jouable. Jouable, donc cohérent, ou à la limite qui donne l'illusion de la cohérence, pour peu que cette illusion soit suffisamment solide. Mais pour produire cet univers, il suffit de définir ce qui existe : dans un monde imaginaire, rien ne nous oblige à admettre la réalité du Vrai Monde. On mettra dans nos jeux ce qui nous plaît, et seulement ce qui nous plaît, sans avoir par exemple à y intégrer de réalisme, de philosophie ou même d'explication structurelle. "Patient 13" par exemple est un univers tout à fait jouable qui, pourtant, ne semble pas proposer d'explication à son univers. C'est un univers "cauchemardesque", disons "onirique mais noir", qui se satisfait pleinement de l'absence de structure et d'explication propre au rêve. (Bien sûr, on PEUT expliquer les rêves, mais ce n'est pas indispensable pour jouer dans l'onirisme, et surtout on ne peut recourir à l'analyse pendant qu'on rêve, et donc pas pendant qu'on joue à "Patient 13".)
quote: Originally posted by Sens:
Quelle réponse donnée à ces questions ? :
- la somme des objets forme-t-elle le monde, comme le pensait Descartes ? Le monde ne serait que la somme des objets qui le compose. Une table + un ordinateur + une chaise + un salon, etc… Cette adition une fois terminée donnerait la solution ?
- ou est-ce que le monde se compose d’atome comme le pensait Démocrite. Selon la situation des atomes on aura tantôt une chaise, tantôt une table, etc. Finalement selon Démocrite le monde n’est qu’une collection atomique.
- ou une collection de fait, comme le pensait Wittgenstein ? Le monde n’est pas composé d’objets selon lui. Il est la totalité des faits.
- ou comme peuvent le penser d’autres philosophes ce monde n’existe peut-être que dans nos esprits. Il n’est peut-être constitué que de propriétés mentales.
Ok, décidément, on échappera pas à cette question d'attitude : tu présupposes là encore qu'il y a un certain nombre de réponses "possibles" à ta question (ou du moins, c'est ce que je comprends de ta formulation). C'est limitatif, mais c'est surtout (encore) anti-philosophique : les questions sont des pré-requis philosophiques, pas les réponses.
En l'occurrence, l'imaginaire n'a pas besoin de choisir parmi les réponses que tu donnes. Il peut à la fois esquiver complètement la question (absence de réponse) ou lui donner une réponse purement imaginaire : le monde est rêvé par les grands dragons (propriété mentale, mais pas celle des individus), le monde est la somme des illusions chacune plus ou moins influente de l'humanité (propriété mentale partiellement extérieure aux individus), le monde n'est qu'un ensemble de règles prédéfinies que tous doivent suivre (factuel, mais arbitraire), le monde est un consensus utile à l'interaction des joueurs, le monde est une assiette plate portée par des éléphants eux-mêmes portés par une tortue cosmique (factuel, sans souci de cohérence cosmologique)...
quote: Par métaphysique on entend souvent aussi les questions religieuses :
On a raison de penser cela, car les premières réponses données aux questions métaphysiques étaient d’ordre religieuse. Le Monde était Dieu, le monde était structuré par une entité divine. Si le soleil courait au-dessus de nos tête c’était parce qu’Hélios tirait son char dans le ciel, etc.
En fait, c'est Pégase qui tire le char d'Hélios, guidé par Appolon, mais j'admets que c'est là pur pinaillage puisque j'admets le reste de la proposition.
quote: Historiquement la métaphysique est à l’origine de notre physique. C’est parce que les hommes se sont posés des questions métaphysiques qu’ils ont trouvé les réponses dans la physique.
Mais, au risque de me répéter, ce qui est vrai pour le Vrai Monde n'est absolument pas indispensable à l'univers imaginaire...
quote: Pour construire un univers nous devons d’abord poser une cosmologie. Nous devons bâtir un panthéon.
Non.
Pas du tout.
Nous ne "devons" rien d'autre que de rechercher un résultat jouable. Il y a des univers sans panthéon, sans cosmologie définie (j'en fais jouer un depuis dix ans avec des troupeaux de joueurs sans problème), des univers où la cosmologie est pure importation, d'autre où elle est originale, fondatrice et indispensable... Tout est possible, puisqu'on est dans l'imaginaire.
quote: Prenons l’exemple du « Vampire » de White Wolf. Ce jeu possède une métaphysique simple basée sur trois entités : Le Ver, le Tisserant et Gaïa. Le monde de Vampire est bâti et structuré autour de ces trois entités métaphysiques.
Le monde est généré par les conflits qu’entretiennent ces trois divinités.
Le monde intra-diégétique, oui. L'univers de jeu, non. Je distingue les deux parce qu'il y a là un argument en faveur de la non-nécessité d'une cosmologie : le Monde des Ténèbres a été conçu avant tout selon l'idée qu'on allait jouer des "monstres", et donc qu'on allait développer toute une société autour des archétypes classiques de monstres : vampires, loups-garous, spectres... Ce n'est que lorsque la gamme a intégré "Mage" et abouti à la nécessité d'organiser les sociétés monstrueuses au sein d'un ensemble cohérent qu'une cosmogonie a été définie : c'était une nécessité éditoriale propre à cette gamme, pas une nécessité créative. Car les différents univers et archétypes du "Monde des Ténèbres" étaient déjà jouables avant l'apparition de l'explication d'ensemble.
quote: Prenons un autre exemple : Ambre. La structure de l’univers dans Ambre est bornée par l’existence de deux pôles symétriques. L’ordre et le chaos. Le Logrus symbolise le chaos, tandis que Ambre symbolise l’ordre.
Je re-pinaille, mais : non, c'est la Marelle qui représente l'ordre et se pose en équivalant "ambrien" du Logrus.
quote: On retrouve ce genre de métaphysique dans de nombreux jeux de rôle : AD et D, Warhammer possèdent également se genre de structure.
Je ne suis pas tout à fait d'accord sur Warhammer : là encore, il y a bien un pôle "ordre", un pôle "chaos", mais il y a entre les deux tout un tas de choses qui échappent complétement et à l'un, et à l'autre. Du moins était-ce comme ça dans l'édition précédente (je connais trop peu la nouvelle).
quote: La métaphysique de ces deux jeux va même jusqu’à structuré les morales, les psychologies des personnages (« chaotique mauvais », « loyal bon » etc.).
Oui, mais c'est pas une intention philosophique : c'est une représentation simplifiée qui participe aux règles du jeu et permet en fait d'ordonner l'univers. C'est un outil, produit dans un but pratique : pas une philosophie.
quote: Je pense que tous les jeux de rôle sont des recherches métaphysiques qui parfois s’ignorent.
C'est une "opinion", au sens philosophique du terme : même s'il s'avère que je suis en partie d'accord avec toi (au moins dans le sens où tous les univers de jeux trahissent la vision du monde de leurs auteurs, toutes ces visions ne sont pas des recherches, elles sont même le plus souvent des opinions elles-mêmes, et nombre d'entre elles échappent totalement au questionnement philosophique au profit d'intention historiques, comiques ou politiques).
Donc, au final : «moi je pense que non, pas "tous"». En fait je pense que, une fois de plus, tu affirmes quand la pratique philosophique devrait t'amener à questionner.
quote: Les mondes que nous créons, au cours des parties, peuvent être à l’origine de découvertes philosophiques et mêmes scientifiques majeures.
Je suis prêt à l'admettre, mais je cracherais pas sur des exemples concrets (surtout sur l'aspect scientifique).
quote: Il existe une loi en métaphysique. Cette dernière vaut comme une boussole pour la recherche.
« Tout ce qui est concevable dans l’imagination est vrai en métaphysique. »
La structure du monde est ce qui ne change pas dans tous les mondes possibles. Imaginons que nous puissions réunir tous les jeux de rôle créés. Nous pourrions tenter de les comparer et de voir s’il n’existe pas quelques régularités.
Prenons nos exemples au-dessus. Deux entités reviennent constamment : L’ordre et le Chaos. Car derrière Gaïa, dans vampire, se cache le chaos de l’Umbra et derrière le Tisserant se cache l’ordre des humains et des civilisations. Le Ver est juste ce qui détruit l’un ou l’autre.
Malheureusement, je pense que cette analyse est faussée par le présupposé : tu trouves ce que tu cherches, parce que c'est ça que tu veux trouver. Par exemple, on pourrait argueur que "Shadowrun" est un univers possédant encore ces deux pôles (technologie = ordre, magie = chaos, corpo= ordre, runners = chaos) ou -et ce serait au moins aussi justifié- que c'est un univers non-polarisé, d'avantage conçu cautour de la confrontation magie/technologie, les deux pôles comportant des parts égales d'ordre et de chaos (c'est d'ailleurs l'opinion des auteurs, si je puis me permettre cet "argument d'autorité")..
quote: Les régularités que nous observons dans nos univers et dans nos parties sont la structure du monde.
Et les irrégularités, c'est quoi ? C'est juste décoratif ? On bien ce sont des éléments assez signifiants pour qu'on remette en question (youpi : la remise en question, c'est la base de toute philo) le schéma de départ ?
quote: La métaphysique est loin d’être morte comme le pense la majorité des philosophes. Elle est très vivante au contraire. Elle est devenue source de jeu et de plaisir, nous pouvons maintenant jouer avec cette dernière.
Tiens, je suis complètement d'accord avec ça (peut-être l'influence de Michel Onfray ?), mais je vois pas le rapport avec la choucroute.
quote: Le jeu de rôle est une continuité de la recherche métaphysique.
On frise le syllogisme, là, quand-même. Tu tombes sur cette conclusion parce qu'elle est conforme à ton pré-supposé de départ, pas du tout parce que ton raisonnement la justifie.
Le jeu de rôle peut être une recherche métaphysique, comme il peut ne pas l'être du tout; Autant je trouve intéressant d'explorer la première option et je me joins à l'idée que ça peut à la fois résoudre des problèmes créatifs ET produire de nouvelles idées, autant je reconnais à tous ceux qui le souhaitent le droit d'en avoir rien à foutre, de la métaphysique, et de produire quand-même des jeux passionnants, riches et -surtout- jouables.
quote: Il peut donc apporter de nouvelles thèses et de nouvelles réponses aux questions qui animent les hommes.
De "nouvelles", je ne sais pas. Par contre, le JdR pourrait utilement apporter la philosophie à ceux qui en tireraient bénéfice, le JdR pourrait tirer profit de l'outil métaphysique pour se construire et explorer de nouveaux territoires de jeu. Encore faut-il qu'on évite d'enfoncer la philo au marteau jusque dans les univers où on s'en passe très bien.
quote: Je pourrais m’arrêter là.
Mais le jeu de rôle apporte beaucoup plus encore.
Car dans la structure même du jeu de rôle classique, tel que nous le pratiquons, se trouve des réponses philosophiques majeures.
Qu’est ce que le MJ sinon le Dieu créateur du monde où évolue les PJ ? Il décrit les décors, il dit ce qui est.
QUOI ?!!? Mais pas du tout ! Le MJ est l'animateur du jeu et le gestionnaire de l'intrigue narrative : de là, qu'il se prenne pour Dieu, qu'il s'impose comme autorité ou qu'au contraire il se conçoive simplement comme l'un des participants du jeu, sans plus d'autorité, de pouvoir ou de paternité créative que les autres joueurs, ça relève d'un choix ludique et relationnel propre à chacun !
Encore une opinion posée comme une analyse philosophique !
(Note que je contre par ma propre opinion : je ne prétends pas t'opposer un vrai argument philosophique, ce serait hors de propos.)
quote: Qu’est ce que les PJs sinon les êtres libres, échappant aux anticipations du maître de jeu ? Ce sont ces volontés insaisissables qui échappent à la physique objective. Ce sont les « âmes », comme les appelait les anciens au moyen âge.
Bien autre chose : ils peuvent être des PNJ avec un séide du MJ aux commandes (donc, techniquement, des personnages "avec joueur", mais sans guère de libre-arbitre), ils peuvent n'avoir aucune âme (si je joue un robot sans libre-arbitre, mon PJ n'a pas d'âme), ils peuvent avoir potentiellement une âme et que les joueurs s'en cognent (c'est même très courant), ils peuvent n'être que des outils aux mains des joueurs, ils peuvent être de pure objets narratifs gérés de manière "scénarisée" par les joueurs...
quote: Qu’est ce que les règles du jeu ? Sinon la logique dans la réalité qui sert d’encrage au raisonnement et lois physiques ?
Je serais d'accord avec ça si tu ajoutais l'univers aux règles : univers et système de jeu forment à eux deux le "référent" nécessaire au jeu de société qu'est le jdr. C'est encore un fois mon opinion (bien que je puisse l'argumenter), mais elle suffit comme réponse à la tienne (puisque je n'ai pas, moi, l'ambition d'être philosophe).
quote: Toutes ces questions je tente de les poser dans mon jeu « Sens Hexalogie ».
Et je vous incite à vous les poser vous-même en vous divertissant.
« Faîtes vous plaisir : réfléchissez à votre passion ! » pourrait être mon credo.
Je voulais créer un jeu de « philo-fiction » qui allie à la fois la réflexion au divertissement. Il n’y a que vous qui puissiez me dire s’il est réussi, ou non.
Qu’en pensez-vous ?
J'en pense que c'est mal barré.
Maintenant, il y a sûrement beaucoup plus dans un jeu développé que dans un post sur forum et je ne remets pas en question la validité de ton jeu et la cohérence de son résultat avec tes intentions. J'exprime juste que, avant que je fasse l'effort de lire ton jeu, il faudra que tu me convainques (puisque c'est ton ambition) que la pensée philosophique qui a présidé à son écriture et d'une autre tenue que celle qui a produit ce message.
PS : je en discute pas le bien fondé de la démarche consistant à mettre de la philo dans le JdR (la métaphysique étant, selon mon opinion, un outil potentiellement très utile au JdR mais pas obligatoire), mais bien la rigueur de ta démarche philosophique, qui me semble comporter un contre-sens assez balaise, débouchant sur un sacré paquet de chausse-trappes sémantiques.