En réalité, Dogs in the Vineyard n'est pas réellement "strict", il propose des techniques de maîtrise dans des espaces qui sont habituellement totalement négligées par les textes de JDR et que les MJ tendent à remplir par des mécanismes réflexes, ou qui fonctionnent bien avec leurs jeux favoris, mais pas forcément avec d'autres.
Être MJ, c'est exigeant en énergie, travail et concentration, et avoir du recul sur sa maîtrise, c'est encore pire. Quand le MJ s'éclate, il a tendance à croire que c'est pareil pour ses joueurs et bien évidemment, on sait tous que c'est loin d'être le cas.
Exemples de techniques de maîtrise de DITV :
- "Révélez activement les problèmes" (celle-ci est exemplaire : c'est juste un conseil ! Mais on se rend compte qu'il est primordial pour ne pas que Ditv, jeu où les conflits sociaux sont le cœur, se transforme en jeu d'enquêtes. L'éluder ne produira pas de mauvaises parties, mais on sent dans ce conseil que l'auteur a une véritable proposition et qu'il a testé son jeu avec fougue, qu'il le cerne et sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Et au final, appliquer ce conseil donne des parties plus intenses).
- "Dites oui ou lancez les dés"
- "Ne prévoyez jamais comment une scène devra être résolue"
- "L'influence démoniaque" est un super outil pour permettre au MJ de créer une escalade de difficulté pour soumettre les joueurs à une pression dramatique croissante.
- La méthode de scénarisation proposée est accessible à tout un chacun.
Bien que le choix des thèmes abordés soit à mon avis très important, mais autant que ceux choisis par les joueurs : dans mon
CR de Ditv sur le thread sur la synesthésie, mon personnage était dopé à la problématique existentielle (traits du genre : "Les prostituées sont le mal incarné" ; "Orphelin né d'une prostituée" ; "Pense que la destinée n'a pas de prise sur lui"...) et ça a fait super bon ménage avec le jeu. J'ai eu des joueurs beaucoup plus sages qui se contentaient de traits "d'efficacité" et de "vertu soft" il faut dire que j'ai nettement moins pris mon pied.
Maintenant, je pense qu'on est plus là dans une difficulté à aligner les envies de chacun, parce que Ditv, ce n'est pas un jeu auto-étiqueté "jeu à problématiques existentielles" (encore que), mais il fournit une puissante dynamique pour rendre ceux liés au rapport morale/violence, vraiment intenses.
Donc c'est sûr que si les joueurs ont envie de poutrer du gob', la sauce ne prendra peut être pas...
D'ailleurs, dans une de mes parties, en tant que MJ, on est arrivés à une grosse baston à la fin de la partie, c'était nul à chier... Le jeu n'est pas fait pour ça, clairement, du moins, ce moment n'était pas ennuyeux, mais il était très loin d'avoir la profondeur de toutes les autres scènes jouées.
Donc, j'ai merdé malgré toutes les précautions de Vincent Baker. Bien entendu, cerner les limites d'un jeu, ce n'est pas forcément évident, c'est comme ceux qui veulent jouer à Psychodrame avec les règles de D&D. Ce sera naze. (La synesthésie ne prendra pas et on se retrouvera dans un simulacre consensuel).
Vincent Baker dit qu'il faut environ 3 parties de Ditv pour commencer à apprécier vraiment le jeu. Ça fait sans doute beaucoup moins que la plupart des jeux du commerce et c'est là où je pense que le devoir d'un auteur de JDR, c'est de ne pas laisser les joueurs s'enliser dans des techniques qui vont parasiter leur plaisir de jeu.
Parce que la quête du bon MJ et des bons joueurs, si vous voulez mon avis, c'est pire que la quête du Graal. Alors que de bons auteurs de JDR, ça existe !
S'il fallait inventer 30% des règles du monopoly, personne n'y jouerait, parce que ça ne fonctionnerait pas, trop peu de gens parviendraient à quelque chose de satisfaisant, parce qu'inventer un jeu de société, ça n'a rien d'évident.