Mélanie, je voudrais t'exposer via un rapport de partie les avantages et inconvénients que je vois aux modifications que tu as apportées au système de résolution de ton jeu.
Exemple 1 :
Frédéric, suite à de terribles révélations pense que Marc commence à comprendre ce qui se manigance, pourquoi des évènements étranges se produisent autour de la mort de son vieil ami.
Frédéric décide de monter la jauge à 4 et décide que l'état émotionnel de Marc est "aberrant".
Puis, la fiancée du défunt sonne à la porte du manoir et pose des questions qui font peur à Marc (ou à Fred) car elles corroboreraient ses intuitions : ils ont ouvert "la porte", elle et le défunt, et elle veut profiter des pouvoirs qu'elle recèle.
Marc se montre donc affable et invite la fiancée à entrer, il dit des choses bizarres, il a l'air accueillant, mais un peu inquiétant, il part dans des élucubrations "aberrantes" et sans crier gare, il attrape un chandelier et tente d'assommer la fiancée.
Son émotion étant au niveau 4, il lance 4 dés et réussit son action. Il attache la femme à une chaise et la bâillonne.
Exemple 2 :
Frédéric joue Joachim, cette fois-ci, dans une autre partie.
Joachim discute avec cette enfant-spectre qui leur demande à lui et aux autres PJ de l'aider à rejoindre ses parents et finalement elle veut rester ici avec eux.
Joachim a perdu sa femme il y a quelques années. Ce contact étrange avec ce fantôme lui fait espérer qu'il pourra peut être prendre contact avec l'au-delà et avec sa défunte femme. Son état émotionnel est "en effervescence" (face aux perspectives qui lui offrent cette rencontre).
Il demande donc à le petite fille si elle voit parfois d'autres gens comme elle. Mais elle dit être seule.
Joachim lui dit qu'il veut bien l'aider, mais elle se fâche, puisque finalement elle préfère rester avec lui.
Conflit : Joachim prend un ton ferme et autoritaire et explique à l'enfant qu'il veut l'aider et qu'elle doit lui faire confiance, donc qu'elle doit cesser ses caprices.
Frédéric gagne le conflit.
Comparatif :
Tout au long de la partie, le joueur est incité à moduler sa jauge émotionnelle et inventer des termes pour qualifier l'état émotionnel de son personnage face aux évènements vécus.
Concernant le premier système de résolution :
Pour schématiser, plus la jauge émotionnelle du PJ est haute, plus le joueur peut piocher de dés (des d6). Il les lance en une fois, le MJ choisit le niveau de difficulté avant. S'il a le bon nombre de succès, il gagne, sinon, il perd.
- + la jauge prend tout son sens, puisqu'il n'y a qu'elle qui détermine le nombre de dés à piocher, du coup, l'état émotionnel "aberrant" apporte beaucoup à la prestation du joueur.
- - l'histoire et les traits du personnage n'interviennent pas vraiment dans le conflit
- Le conflit se résout en un jet de dés. Je ne pense pas que ce soit un problème, bien que l'intensité est forcément moindre, il n'y a pas "d'escalade".
Concernant le second système de résolution :
Pour résumer : les joueurs piochent autant de dés que le niveau de leur jauge émotionnelle + les traits en lien avec la situation. Puis ils les misent en choisissant le nombre parmi la réserve constituée et les joueurs en conflit les lancent en même temps. Le vainqueur fait défausser un dé à l'adversaire, les deux défaussent les dés utilisés.
Fin du conflit : quand un joueur n'a plus de dés.
- + l'histoire et les traits des personnages deviennent centraux : Joachim décide de discuter avec l'enfant parce qu'il a son propre objectif qui se dessine et dans le conflit, cela ressort et lui offre des directions différentes au conflit
- - la jauge n'a plus d'intérêt et cela me paraît très dommageable, puisque c'est quand même l'élément central du jeu hors conflit pour le joueur. Il n'a plus tellement de raison d'être si quand on en vient à profiter de l'avantage qu'il offre, on peut aisément le compenser par les traits (ce qui s'est produit dans les conflits de notre dernière partie).
- Le conflit est articulé sur plusieurs actions, ce qui offre une possibilité d'escalade dans le conflit. Mais cela pose problème dans l'utilisation de la jauge, puisque ses dés sont piochés une fois au début du conflit, point final. Soit il faudrait trouver un moyen de permettre des modifications de cette jauge pendant le conflit, mais qui ne pourra pas être aussi libre que hors conflit, mais cela pose un problème évident : dès que le conflit est fini, le joueur peut redescendre à zéro s'il en a envie et dire que son personnage va bien alors qu'il s'en est pris plein la gueule. Il faudrait peut-être induire un paramètre supplémentaire. Par exemple, pendant le conflit, quand l'adversaire gagne un échange, il peut changer l'état émotionnel de la jauge de son adversaire en choisissant le terme. Le joueur doit pouvoir re-piocher des dés s'il utilise la jauge, sinon elle n'aura pas vraiment d'intérêt. Et à la fin du conflit, on compte le nombre de fois que l'émotion a changé et plus le personnage a changé d'émotion, plus il aura des conséquences X ou Y.
Je pense qu'il va falloir faire pas mal d'essais et de choix difficiles. La question majeure, c'est : les conflits articulés sur plusieurs actions apportent quoi ? Est-ce indispensable pour ce jeu ? Pour ma part j'en ai mis dans Démiurges, mais pas dans Bienvenue à Poudlard, dans Psychodrame mais pas dans Prosopopée, dans Gloria mais pas dans ONn'aJÉ...
Souvent, je me demande simplement si les thèmes abordés par le jeu en ont besoin. Si je veux un maximum de fluidité, que je veux centrer l'attention sur l'évolution de l'histoire de manière dynamique et fluide, sur le décor etc. Je vais limiter à un jet de dés. Si je veux augmenter l'impression de lutte difficile et complexe, je vais utiliser des conflits articulés. C'est assez difficile à décrire, mais ce choix peut avoir des conséquences importantes sur l'expérience qu'offre le jeu. (À tous : Si vous avez des choses à dire sur ce sujet, je suis preneur, moi même, mes choix à ce sujet restent très intuitifs).