Par ailleurs, ce qu'on appelle le "hack" (je préfère le terme français de piratage) m'a toujours rendu dubitatif, malgré les nombreuses expériences militantes et intéressantes de Guillaume Nocker dans ce domaine (ça par exemple).
Un piratage est le fait d'adapter les règles d'un jeu à un univers pour lequel il n'a pas été prévu au départ (Star Wars avec les règles de Dogs in the Vineyards en est un exemple connu). Attention, c'est différent du fait de jouer dans un univers particulier à un jeu sans univers défini ; par exemple, jouer à Breaking the Ice d'Emily Care Boss (dans lequel on joue des histoires d'amour, traduction prochaine à la Boîte à Heuhhh) dans l'univers du Seigneur des Anneaux ne pose pas de problème, parce que le jeu accepte différents univers sans problème.
Je trouve que le piratage pose au moins un problème théorique majeur. Les théories forgiennes considèrent que l'univers (le "Contenu") fait partie du Système de jeu, en ce que, couplé aux Personnages, il permet d'arriver aux Situations du jeu (voir cet article de Troy Costisick, "Does Setting still matter ?" pour un développement un peu moins abstrait). Pour dire les choses autrement, l'univers est intimement solidaires des règles dans la création d'une expérience de jeu spécifique.
Donc, si on modifie l'univers d'un jeu qui a été bâti pour une expérience de jeu spécifique, on change radicalement le jeu et l'expérience qu'il propose. Je le sais pour avoir amplement et vainement utilisé les mécanismes de Prosopopée dans Monostatos: un bon jeu a une cohérence interne profonde et on ne peut pas le démanteler sans risque de le corrompre. Je pense que Fred m'approuvera, étant donné la relation tumultueuse qu'il a entretenu avec Dogs in the Vineyards !
Et puis, en y repensant, je me suis dit que d'un point de vue empirique, au moins un univers mériterait d'être exploré par Psychodrame, celui de Vampire de White Wolf. Deux raisons pour cela.
D'une part une raison due à Psychodrame: l'univers de Vampire s'y prête parce qu'on y joue des êtres qui ont été humains (donc on peut être en empathie avec son vampire relativement facilement) et, par ailleurs, parce que Vampire permet d'explorer de nouveaux dilemmes (comme on va le voir) à la fois en proposant de nouveaux enjeux et en proposant de nouveaux risques.
D'autre part une raison due à Vampire: j'ai toujours entendu dire que les vampires de Vampire étaient des êtres torturés par leur immortalité et par leur Bête, pleins d'émotions et de draaame, mais je ne l'ai jamais vu dans aucune partie du Monde des Ténèbres auxquelles j'ai jouées. Je voulais voir ce que ça pouvait donner avec des règles faites pour le dilemme et l'exploration des émotions.
Je trouve cette expérience intéressante également sur le plan théorique, parce que on l'a menée en ayant en tête les problématiques théoriques exposées plus haut, ce qui nous permet d'y répondre de manière plus précise.
Le questionnement théorique vaut également pour Psychodrame: quel genre d'univers convient le mieux au système de jeu de Psychodrame ? Exclusivement l'univers contemporain ? Ou il y a-t-il d'autres univers qui pourraient servir la démarche créative de Psychodrame ? Si oui, quels seraient leurs caractéristiques ?
Ne reculant devant aucun défi, Lorraine, Daniel, Guillaume Nocker et moi avons donc testé hier, pour toi public, Psychodrame dans l'univers de Vampire.
Mes compagnons connaissent l'univers bien mieux que moi, ce sont donc eux qui se sont chargés de me l'expliquer et de m'en donner les possibilités.
Nous avons repris les règles les plus récentes de Psychodrame en modifiant ceci (sur la recommandation de Fred):
- chaque figure entraîne deux points de retombées au lieu d'un seul
- les narrations doivent être faites à la troisième personne (pour obliger à faire attention au langage non-verbal des personnages)
- le Problème devait être exprimé sous la forme d'une question du genre "Puis-je faire ceci, sans que cela?", "ceci" étant un enjeu et "cela" un risque (nous avons suivi cette règle pour donner plus de facilité aux Metteurs en scène à créer des scènes: il lui suffit de concrétiser le Problème à travers la scène)
***
Personnages
Je jouais Cosimo della Rocca, prince (=dirigeant vampirique) de Paris, ayant pris le pouvoir relativement pacifiquement suite à une crise de gouvernance vampirique en mai 68 ; c'est un ancien aristocrate d'une cite-état de la Renaissance
Problème: Puis-je conserver le pouvoir sans devenir un monstre?
Croyance: Je ne suis pas fait pour le pouvoir.
Croyance: Il faut que les individus obéissent à la loi.
Relation: Georges - mon fidèle infant [= le vampire que j'ai créé]
Relation à un Problème: Jules devrait savoir que les seules romances valables sont entre hommes
Nuance: Audrey est un divertissement correct pour Jules
Guillaume jouait Jules, électron libre aux ressources multiples d'environ 150 ans ; séducteur de femmes ; amant du prince Della Rocca.
Problème: Puis-je me respecter tout en continuant à manipuler des femmes pour mon bon plaisir?
Croyance: Le pouvoir politique est à éviter absolument [sousentendu: en ce qui me concerne]
Croyance: Les humains sont incapables de résister aux vampires
Relation: Cosimo, le seul être digne de mon amour
Relation à un Problème: Audrey doit comprendre qu'il n'y a pas de sens à trouver dans la vie vampirique
Nuance: Cultiver des relations politiques est loin d'être inutile
Lorraine jouait Audrey, vampire tout juste "né", jeune femme de 18 ans, fille d'un grand capitaine d'industrie ; elle a été vampirisée par Georges, sur ordre de Cosimo qui faisait d'une pierre deux coups en donnant des responsabilités à son infant et en scellant avec la famille d'Audrey une alliance éternelle (seul le père d'Audrey était au courant, même Audrey ne sait pas qu'elle a été vendue ainsi). Elle est également devenue la compagne de beuverie de Jules.
Problème: Puis-je encore trouver un sens à ma "vie"?
Croyance: Je refuse d'être un prédateur
Croyance: Les autres vampires sont des marionnettes de l'absurde
Relation: Georges - puis-je lui pardonner d'avoir cédé [en acceptant de me vampiriser]?
Relation à un Problème: Georges doit cesser de fréquenter les autres vampires pour redevenir quelqu'un de bien
Nuance: J'en veux aux humains d'avoir leur vie devant eux
Daniel jouait Georges, infant de Cosimo sensé le remplacer à terme (il a été créé pour ça), mais qui refuse ce pouvoir ; il estime que le prince, qui l'a créé, est devenu un monstre. Il a été obligé de vampiriser Audrey.
Problème: Puis-je rester dans la société vampirique sans devenir un monstre ?
Croyance: Personne ne devrait choisir pour quelqu'un d'autre
Croyance: Je peux me maîtriser
Relation: Je ne pourrai jamais aimer Audrey
Relation à un Problème: Le pouvoir a rendu Cosimo monstrueux
Nuance: Je me sens responsable d'Audrey
La création des personnages a pris environ deux heures.
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Partie
Première scène, je fais ma scène d'exposition (les scènes du premier tour de table de Psychodrame sont toutes des scènes d'exposition).
Je décris un squat au début des années 70 (donc dans les premières années du règne de mon personnage). Des vampires armés entrent brutalement et se précipitent à la cave où ils trouvent des hippies (vampires et humains) en train de prendre du bon temps de diverses manières. Tous sont rapidement maîtrisés, notamment par le sénéchal (le bras armé du prince), un vampire immense et terriblement laid. Le prince della Rocca entre finalement. Trois vampires hippies sont maintenus à terre. Le prince s'adresse à leur leader: "Je t'avais exilé pour violation de la Mascarade, non ?" [La Mascarade est le fait que l'existence des vampires reste inconnue des humains, la briser est un des pires crimes que puissent commettre un vampire, puni de mort normalement.] Son interlocuteur l'injurie et affirme qu'être vampire est un don qui doit être partagé pour tous et pas conservé par une élite. Le prince lui demande s'il va revenir à nouveau s'il est à nouveau exilé. L'autre répond par un silence éloquent et le prince, à regret, fait un mouvement de tête vers son sénéchal. Celui-ci défonce la tête du vampire en question avec une hache. Le prince sort de la pièce et se promène dans le bâtiment alors que le massacre se poursuit à la cave. Il contemple les oeuvres d'art psychédéliques et feuillette avec intérêt la bibliothèque. Au moment de partir et d'incendier la maison, il ordonne à son sénéchal d'emporter certaines oeuvres et certains livres pour les ramener chez lui. Il contemple l'incendie du squat.
[Guillaume a fait remarqué que ma scène aurait pu être une scène problématique, comme beaucoup de scène d'exposition.]
Deuxième scène d'exposition par Guillaume
Guillaume décrit un petit appartement d'étudiante. Jules est au lit avec Marine, une jeune femme, ils fument paisiblement, ils viennent de faire l'amour. La nuit est belle. Subitement, le petit ami de la jeune femme rentre ; cette dernière semble s'éveiller d'un rêve et panique. Guillaume me fait jouer le petit ami en question, j'hésite entre différents comportements (fuite... c'est assez difficile de jouer une situation pareille sans tomber dans le cliché !) pour finalement le faire se jeter de colère sur Jules. Celui-ci l'attrape et lui casse la nuque malgré les supplications de Marine. Elle sort sa bombe à poivre lorsqu'il s'approche d'elle, mais il l'hypnotise et ils recommencent à faire l'amour avec le cadavre à côté.
On discute sur le fait que la scène ressemblait beaucoup à une partie de Vampires de Gijsbers. Plus tard dans la partie, on établit que Jules s'occupe de faire disparaître le corps pour que Marine ne puisse pas le confronter.
Troisième scène d'exposition par Lorraine
La scène se passe dans un bar où des jeunes bacheliers fêtent leur BAC. Audrey est assise dans un coin du bar, elle déprime en regardant ses copains de classe faire la fête. [On discute sur ce que sa famille est devenue et du fait qu'elle est portée disparue ; on tombe d'accord sur le fait que son personnage a été vendu par sa propre famille pour sceller une alliance entre elle et les vampires.] Un vampire vient à la table d'Audrey, dans un coin du bar et l'incite à se nourrir (elle est trop faible, elle a fin de sang). Elle essaie de fuir le vampire, mais elle est trop fatiguée, elle ne parvient pas à le semer. Elle finit par croiser un mec de sa classe, mais elle est tellement fatiguée qu'elle se nourrit de lui sans pouvoir se contrôler et s'enfuit en courant.
Quatrième scène d'exposition par Daniel
Une limousine arrive à l'extérieur d'une grande demeure appartenant au prince. Georges en descend, est accueilli par un majordome et entre dans une réception où il y a beaucoup de beau monde, vampire et humain. Il est abordé par un vampire, Stéphane, ils échangent et Georges refuse durement de se joindre à la fête et à la beuverie de sang. Stéphane argumente sur le fait que Georges pourrait ainsi se faire plaisir, qu'il ne doit pas refuser ça, que tout le monde ici est plus ou moins d'accord. "Ca suffit Stéphane, tu sais pourquoi je suis venu ici". Stéphane s'en va, Georges contemple avec dédain l'assemblée et les couples qui se forment et qui se dirige vers des alcôves. Georges ignore une femme qui lui fait des avances ; il lui glisse "vous feriez mieux de rentrer chez vous". Finalement, un domestique le rejoint et, sur un plateau d'argent, lui apporte une enveloppe cacheté par le sceau du prince. A l'intérieur, il y a un carton avec juste le nom d'une jeune femme, celui d'Audrey, qu'il doit mordre.
Daniel explique qu'il s'agit d'une scène avant qu'Audrey ne soit vampirisée et que son personnage devait venir recevoir ici le nom de celle qu'il doit vampiriser. On compare sa vampirisation à un mariage arrangé.
Cinquième scène, je choisis une scène problématique. Tous les autres joueurs réfléchissent pour mettre la scène en place (contrairement aux règles qui voulaient qu'un seul joueur s'y colle). C'est finalement Lorraine qui pose la scène.
Dans un grand restaurant parisien, la mère d'Audrey attend à une table. Finalement le prince della Rocca, qu'elle ne connait que sous l'identité d'un collectionneur d'art ami de son mari. Ils discutent et elle amène rapidement le sujet sur la disparition de sa fille. Della Rocca fait semblant de ne rien savoir. La mère d'Audrey lui montre des photos récentes (de la scène d'exposition de Lorraine où on voit sa fille et un homme de Della Rocca discuter ensemble). Finalement Lorraine engage le Conflit. Enjeu: que Della Rocca admette qu'il a en effet fait disparaître Audrey. Risque: que la mère d'Audrey aille voir les média pour l'accuser publiquement. Résultat: j'emporte l'enjeu mais je subis le risque. J'ai hésité à utiliser un coup de théâtre, mais c'était difficile parce que mes croyances s'y prêtaient mal, finalement je ne l'ai pas fait.
[Je me permets de ne pas décrire toutes les retombées, dont l'impact pour l'histoire est assez mineur pour la majorité.]
Sixième scène, Guillaume choisit une scène problématique. Je propose une scène.
Durant une visite guidée nocturne du Musée du Louvres (qui se trouve aussi être le lieu de la Cour du prince), Jules drague une jeune femme et l'entraîne à l'écart. Au moment où il va la mordre pour prendre son sang, il est repoussé par Marine (la jeune étudiante dont il a tué le copain), échevelée, agarde, comme folle. Elle l'accuse de l'avoir détruite (elle ne se souvient que de bribes), lui crache au visage et s'en va. La scène commence ici.
La jeune femme que draguait Jules lui demande des explications, d'autant qu'Audrey passe à côté et jette de l'huile sur le feu en sousentendant que Jules a effectivement détruit la vie de Marine.
Jules s'avance vers elle pour l'hypnotiser. On envisage un conflit entre Jules et la jeune femme, mais on se dit que ce n'est pas vraiment intéressant. Finalement Daniel fait intervenir son personnage Georges, qui pose une main sur l'épaule de Jules et lui interdit de faire du mal à cette jeune femme (il déteste la violence aux autres, en particulier aux humains). Le Conflit s'engage. Enjeu: que Jules puisse mordre comme il souhaite sa proie. Risque: que Jules prenne peur de Georges (qui est tout de même l'infant du prince malgré sa jeunesse). Conclusion: Guillaume emporte l'enjeu mais subit le risque, il y a des retombées sur les deux personnages (notamment Georges dont la jauge de Colère augmente). Guillaume raconte l'issue de la scène: les deux personnages s'énervent réciproquement et finissent par être toutes griffes dehors, crocs sortis, lorsqu'ils entendent arriver le sénéchal. Ils savent que se battre dans la Cour du prince est une faute grave. Jules prend sa proie par la main et ils s'éloignent ; Georges crie à Jules: "Souviens-toi que je serai toujours dans ton dos !"
Septième scène, Lorraine choisit une scène problématique. Je propose à nouveau une scène.
Audrey est dans une chambre d'un étudiant qu'elle vient de mordre. Il est endormi au lit à côté d'elle. On entend la rumeur du bâtiment. La chambre est plongée dans le noir, seul un écran de télévision projette une lumière bleue. Audrey zappe jusqu'à tomber sur l'image de sa mère en train de pleurer dans une émission à sensation sur TF1, suppliant qu'on lui rende sa fille, accusant Cosimo della Rocca. "Si ma fille m'était rendue, ça me rendrait heureuse jusqu'à la fin de mes jours."
Lorraine décide de se lancer dans un Conflit intérieur: elle prend le rôle de la partie d'elle qui voudrait faire le deuil de sa mère et elle me donne la partie d'elle qui voudrait aller la retrouver (elle sait que c'est une faute par rapport à la société vampirique). Enjeu: ne pas céder pour aller retrouver sa mère. Risque: que sa mère devienne folle. Conclusion: Lorraine gagne l'enjeu mais subit le risque. [Il y a eu des retombées sur la partie d'elle que je jouais, mais elles ne sont pas prises en compte, ce qui semble naturel.] Audrey éteint donc la télévision.
Huitième scène, Daniel choisit une scène problématique. Je propose encore une scène.
La scène se passe dans la même demeure que celle où s'était déroulée la scène d'exposition. Le prince della Rocca éduque son infant à la politique et à la manipulation au milieu d'une réception. Alors qu'ils sont en train de discuter, une lame émerge de la poitrine du prince qui s'écroule. C'est la mère d'Audrey qui vient de la lui planter dans le dos avec force (puisque ça traverse!). Elle et son mari sont immédiatement entraînés par la sécurité vers le bureau du prince où Georges lui enlève le couteau. Le prince s'assied dans son fauteuil, reprend ses esprits. La mère d'Audrey est à genoux, son père est bien encadré. Le prince demande à Georges ce qu'il faut faire selon lui. Georges sait qu'un tel crime est puni de mort, mais il pense que le prince s'est laissé volontairement avoir pour pouvoir mettre son infant à l'épreuve, pour l'obliger à prendre une décision politique difficile. [Moi je ne sais pas ce que pense mon personnage de tout ça, je le vois même plutôt compréhensif, mais le plus important est ici l'image que s'en fait Georges.]
Daniel déclare le Conflit: il veut que Georges convainque le prince de laisser la vie sauve à la mère d'Audrey (enjeu). Le risque est que le prince perde confiance en son infant. Conclusion: Daniel emporte l'enjeu et subit le risque (les retombées sont très lourdes: 6 points!). Guillaume distribue les retombées à Georges, le personnage de Daniel, et porte la jauge de Colère à 10, ce qui signifie que Daniel doit raconter un acte de colère irréversible (pouvant tuer un autre personnage ou le personnage lui-même).
Daniel raconte donc l'issue de la scène ainsi: Georges a été chargé de la sentence (effacer la mémoire de la mère d'Audrey à l'écart de la fête) et il est accompagné du sénéchal qui doit surveiller que cette sentence est bien exécutée. Georges n'y arrive pas, c'est trop difficile (émotionellement) pour lui. Finalement le sénéchal lève sa hache et se prépare à abattre la mère d'Audrey en disant à Georges : "Vous n'y arrivez pas, c'est évident, vous êtes un faible". Mais Georges est plus rapide, il se saisit d'une arme à proximité et tranche en deux la tête du sénéchal. Il hurle à la mère d'Audrey terrorisée de s'enfuir, ce qu'elle fait et sa déposition à la police constituera une violation de Mascarade. Georges quitte la pièce où le tas de cendre du sénéchal se disperse doucement.
Nous avons arrêté là pour des contraintes d'horaires. Nous avons joué 3 heures, en plus des deux heures de création de personnage.
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Sur le problème théorique du piratage
Pour donner mon sentiment, cette partie ne m'a pas convaincu du piratage. Je continue à penser qu'on affaiblit un jeu en le transposant dans un univers qui n'est pas le sien.
Durant cette partie, je ne me suis pas senti engagé affectivement (alors que c'est le cas dans la plupart de mes parties de Psychodrame) et j'ai eu du mal à "croire" aux Conflits et à leurs enjeux. Peut-être parce que le Problème de mon personnage ne me touche pas personnellement, mais je pense surtout parce que les enjeux des vampires sont déjà trop éloignés de ceux d'un être humain réel, contrairement à ce que je pensais. Ou alors, j'aurais dû me contraindre à jouer un vampire jeune.
Attention, la partie n'était pas inintéressante, mais j'ai trouvé que le potentiel du jeu ne se déployait pas pleinement.
Au-delà de ça, je ne suis pas très familier de l'univers et l'issue des situations ne m'était pas toujours claire.
Daniel disait qu'il faudrait se mettre d'accord avant la partie sur les possibilités des vampires: comme la fiction est construite à plusieurs et qu'il n'y a pas d'arbitre capable de trancher, il faut être d'accord sur ce qui est possible et impossible. Sinon, il peut y avoir des conflits entre joueurs: "si j'avais su que telle action était possible, j'aurais fait agir mon personnage différemment". C'est vrai bien entendu pour un jeu dans l'univers contemporain (où chaque joueur a des connaissances différentes du monde), mais cela s'accentue vertigineusement pour les univers imaginaires.
C'est encore plus vrai dans un jeu à démarche créative Story Now (voir la fin de ce message) où chaque acte d'un personnage a des conséquences très importantes.
Lorsqu'un jeu de rôle forgien est prévu pour jouer dans un univers particulier, il décrit les possibilités du surnaturel dans cet univers, donc les joueurs savent à quoi s'en tenir (comme Démiurges de Fred par exemple). Je pense que c'est un autre argument contre le piratage.
Daniel et Guillaume faisaient également remarquer que les vampires, surtout dans Vampire, sont surpuissants, les humains ne peuvent pas leur résister (d'autant plus qu'ils sont inconnus du reste du monde). Donc les vrais Conflits ne peuvent avoir lieu qu'entre vampires. Comment entretenir une vraie relation avec un être humain dont je peux lire et modifier les pensées à volonté ? C'est dommage parce que ça veut dire que beaucoup de relations intéressantes entre vampires et humains sont difficiles à explorer authentiquement (alors que c'est un thème récurrent des histoires de vampires). Ou alors la question centrale est presque toujours celle de "vais-je t'hypnotiser pour obtenir ce que je veux de toi ou vais-je rester quelqu'un de bien ?".
Une dernière chose que je n'ai compris qu'après la partie est le fait que je trouve l'univers caricatural. Les lois vampiriques sont supposément appliquées sans nuance, les humains ne peuvent pas résister, les anciens sont toujours plus fort que les jeunes, les vieux vampires sont tous obligatoirement cyniques et manipulateurs... Je trouve que c'est un univers enfermant avec moins d'espace de créativité que l'univers réel, si on y réfléchit bien.
Bref, même un univers aussi peu différent du nôtre que celui de Vampire pose problème, à mon sens, pour y "adapter" un jeu comme Psychodrame. Je laisse les autres participants à la partie exprimer leurs points de vue.
Je pense que pour "adapter" Psychodrame à un autre univers il faudrait que l'univers obéisse au moins à ces caractéristiques:
- les personnages ne peuvent être que des êtres humains ou des "dérivés" d'être humains
- les changements par rapport à notre univers sont clairs et connus de tous les participants, en particulier en ce qui concerne les moyens d'actions des personnages
- tout ce qui est de l'ordre de pouvoirs mentaux doit être encadré et réfléchi très précisément
Considérations diverses sur Psychodrame
Concernant le choix du Metteur en scène, les règles disent:
Dans ce cas, j'ai souvent fait la mise en scène parce que j'ai tendance à avoir l'imagination plus facile. On s'est fait la remarque que c'était un peu dommage, notamment parce qu'il se peut que les autres joueurs trouvent des idées facilement lorsque le rôle de Metteur en scène leur est imposé. Pour que le rôle tourne, y compris vers ceux qui n'osent pas parler, on suggère deux règles: 1) interdiction de mettre en scène plus d'une fois dans un tour de table 2) on ne met pas en scène pour un joueur avant que tous les autres ne l'aient fait. Comme ça, tout le monde doit mettre en scène au moins une fois dans un tour de table et chaque personne met en place au moins une scène pour chaque autre joueur.Les joueurs joueront le Metteur en scène à tour de rôle. Priorité au dernier à avoir endossé ce rôle pour le Protagoniste en cours, à moins que vous ne préfériez alterner en fonction des envies et des idées des joueurs.
Ici, nous avons établi que quand un joueur joue un personnage secondaire dans un Conflit, il doit jouer les cartes qui poseront le dilemme le plus intéressant possible pour l'autre (y compris en risquant des retombées). Qu'en est-il lorsqu'on joue son personnage dans le Conflit d'une scène d'un autre personnage? Faut-il jouer pour gagner (en plaidant pour son personnage)? Ou faut-il faire comme avec un personnage secondaire ?
Je continue à être mitigé quant à la narration à la troisième personne. Nous avons eu du mal à la respecter et je ne sais pas si c'est vraiment grâce à elle que nous avons fait attention au langage non-verbal de nos personnages. Si nous y avons fait attention, c'est surtout parce que nous faisions un effort dans ce sens.
Donc, je crois que soit il faut en faire une simple recommandation, soit en faire une règle incitative du genre: si un joueur peut exprimer le sentiment de son personnage sans le faire parle, il peut tirer une carte supplémentaire durant un Conflit.
C'est la première fois que je vois une jauge d'émotion déborder. Je me dis qu'au-delà de la menace que cela fait peser sur les joueurs, ça oblige les personnages à prendre des décisions tranchées au bout d'un moment. Ils doivent finalement s'engager, pas d'hésitations à l'infini. J'aime bien ça. D'autant qu'ici les conséquences de l'acte de Georges étaient très intéressantes pour mon personnage (son infant lui a désobéit et il a perdu son fidèle bras droit).
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J'invite Lorraine, Daniel et Guillaume à compléter et corriger mon compte-rendu et à donner leurs propres retours et critiques.
Je réponds avec plaisir à vos questions, en particulier s'il y a des termes ou des situations de Vampire qui vous semblent confuses.
Les réflexions développées sur les points précédents sont particulièrement les bienvenus.