[Psychodrame] Vampire

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[Psychodrame] Vampire

Message par Fabien | L'Alcyon » 25 Juil 2011, 15:07

Ce rapport de partie part d'une discussion avec Fred dans laquelle on se demandait si Psychodrame pouvait se dérouler dans d'autres univers que l'univers contemporain actuel. Fred disait, avec raison, qu'il est très difficile d'éprouver (au double sens de ressentir et de tester) les émotions d'un non-humain, puisque nous n'en avons jamais fait l'expérience intime.

Par ailleurs, ce qu'on appelle le "hack" (je préfère le terme français de piratage) m'a toujours rendu dubitatif, malgré les nombreuses expériences militantes et intéressantes de Guillaume Nocker dans ce domaine (ça par exemple).
Un piratage est le fait d'adapter les règles d'un jeu à un univers pour lequel il n'a pas été prévu au départ (Star Wars avec les règles de Dogs in the Vineyards en est un exemple connu). Attention, c'est différent du fait de jouer dans un univers particulier à un jeu sans univers défini ; par exemple, jouer à Breaking the Ice d'Emily Care Boss (dans lequel on joue des histoires d'amour, traduction prochaine à la Boîte à Heuhhh) dans l'univers du Seigneur des Anneaux ne pose pas de problème, parce que le jeu accepte différents univers sans problème.
Je trouve que le piratage pose au moins un problème théorique majeur. Les théories forgiennes considèrent que l'univers (le "Contenu") fait partie du Système de jeu, en ce que, couplé aux Personnages, il permet d'arriver aux Situations du jeu (voir cet article de Troy Costisick, "Does Setting still matter ?" pour un développement un peu moins abstrait). Pour dire les choses autrement, l'univers est intimement solidaires des règles dans la création d'une expérience de jeu spécifique.
Donc, si on modifie l'univers d'un jeu qui a été bâti pour une expérience de jeu spécifique, on change radicalement le jeu et l'expérience qu'il propose. Je le sais pour avoir amplement et vainement utilisé les mécanismes de Prosopopée dans Monostatos: un bon jeu a une cohérence interne profonde et on ne peut pas le démanteler sans risque de le corrompre. Je pense que Fred m'approuvera, étant donné la relation tumultueuse qu'il a entretenu avec Dogs in the Vineyards !

Et puis, en y repensant, je me suis dit que d'un point de vue empirique, au moins un univers mériterait d'être exploré par Psychodrame, celui de Vampire de White Wolf. Deux raisons pour cela.
D'une part une raison due à Psychodrame: l'univers de Vampire s'y prête parce qu'on y joue des êtres qui ont été humains (donc on peut être en empathie avec son vampire relativement facilement) et, par ailleurs, parce que Vampire permet d'explorer de nouveaux dilemmes (comme on va le voir) à la fois en proposant de nouveaux enjeux et en proposant de nouveaux risques.
D'autre part une raison due à Vampire: j'ai toujours entendu dire que les vampires de Vampire étaient des êtres torturés par leur immortalité et par leur Bête, pleins d'émotions et de draaame, mais je ne l'ai jamais vu dans aucune partie du Monde des Ténèbres auxquelles j'ai jouées. Je voulais voir ce que ça pouvait donner avec des règles faites pour le dilemme et l'exploration des émotions.

Je trouve cette expérience intéressante également sur le plan théorique, parce que on l'a menée en ayant en tête les problématiques théoriques exposées plus haut, ce qui nous permet d'y répondre de manière plus précise.
Le questionnement théorique vaut également pour Psychodrame: quel genre d'univers convient le mieux au système de jeu de Psychodrame ? Exclusivement l'univers contemporain ? Ou il y a-t-il d'autres univers qui pourraient servir la démarche créative de Psychodrame ? Si oui, quels seraient leurs caractéristiques ?

Ne reculant devant aucun défi, Lorraine, Daniel, Guillaume Nocker et moi avons donc testé hier, pour toi public, Psychodrame dans l'univers de Vampire.
Mes compagnons connaissent l'univers bien mieux que moi, ce sont donc eux qui se sont chargés de me l'expliquer et de m'en donner les possibilités.
Nous avons repris les règles les plus récentes de Psychodrame en modifiant ceci (sur la recommandation de Fred):
  • chaque figure entraîne deux points de retombées au lieu d'un seul
  • les narrations doivent être faites à la troisième personne (pour obliger à faire attention au langage non-verbal des personnages)
  • le Problème devait être exprimé sous la forme d'une question du genre "Puis-je faire ceci, sans que cela?", "ceci" étant un enjeu et "cela" un risque (nous avons suivi cette règle pour donner plus de facilité aux Metteurs en scène à créer des scènes: il lui suffit de concrétiser le Problème à travers la scène)
La partie a été enregistré, donc le compte-rendu est plutôt proche de la partie.

***
Personnages

Je jouais Cosimo della Rocca, prince (=dirigeant vampirique) de Paris, ayant pris le pouvoir relativement pacifiquement suite à une crise de gouvernance vampirique en mai 68 ; c'est un ancien aristocrate d'une cite-état de la Renaissance
Problème: Puis-je conserver le pouvoir sans devenir un monstre?
Croyance: Je ne suis pas fait pour le pouvoir.
Croyance: Il faut que les individus obéissent à la loi.
Relation: Georges - mon fidèle infant [= le vampire que j'ai créé]
Relation à un Problème: Jules devrait savoir que les seules romances valables sont entre hommes
Nuance: Audrey est un divertissement correct pour Jules

Guillaume jouait Jules, électron libre aux ressources multiples d'environ 150 ans ; séducteur de femmes ; amant du prince Della Rocca.
Problème: Puis-je me respecter tout en continuant à manipuler des femmes pour mon bon plaisir?
Croyance: Le pouvoir politique est à éviter absolument [sousentendu: en ce qui me concerne]
Croyance: Les humains sont incapables de résister aux vampires
Relation: Cosimo, le seul être digne de mon amour
Relation à un Problème: Audrey doit comprendre qu'il n'y a pas de sens à trouver dans la vie vampirique
Nuance: Cultiver des relations politiques est loin d'être inutile

Lorraine jouait Audrey, vampire tout juste "né", jeune femme de 18 ans, fille d'un grand capitaine d'industrie ; elle a été vampirisée par Georges, sur ordre de Cosimo qui faisait d'une pierre deux coups en donnant des responsabilités à son infant et en scellant avec la famille d'Audrey une alliance éternelle (seul le père d'Audrey était au courant, même Audrey ne sait pas qu'elle a été vendue ainsi). Elle est également devenue la compagne de beuverie de Jules.
Problème: Puis-je encore trouver un sens à ma "vie"?
Croyance: Je refuse d'être un prédateur
Croyance: Les autres vampires sont des marionnettes de l'absurde
Relation: Georges - puis-je lui pardonner d'avoir cédé [en acceptant de me vampiriser]?
Relation à un Problème: Georges doit cesser de fréquenter les autres vampires pour redevenir quelqu'un de bien
Nuance: J'en veux aux humains d'avoir leur vie devant eux

Daniel jouait Georges, infant de Cosimo sensé le remplacer à terme (il a été créé pour ça), mais qui refuse ce pouvoir ; il estime que le prince, qui l'a créé, est devenu un monstre. Il a été obligé de vampiriser Audrey.
Problème: Puis-je rester dans la société vampirique sans devenir un monstre ?
Croyance: Personne ne devrait choisir pour quelqu'un d'autre
Croyance: Je peux me maîtriser
Relation: Je ne pourrai jamais aimer Audrey
Relation à un Problème: Le pouvoir a rendu Cosimo monstrueux
Nuance: Je me sens responsable d'Audrey

La création des personnages a pris environ deux heures.

***
Partie

Première scène, je fais ma scène d'exposition (les scènes du premier tour de table de Psychodrame sont toutes des scènes d'exposition).
Je décris un squat au début des années 70 (donc dans les premières années du règne de mon personnage). Des vampires armés entrent brutalement et se précipitent à la cave où ils trouvent des hippies (vampires et humains) en train de prendre du bon temps de diverses manières. Tous sont rapidement maîtrisés, notamment par le sénéchal (le bras armé du prince), un vampire immense et terriblement laid. Le prince della Rocca entre finalement. Trois vampires hippies sont maintenus à terre. Le prince s'adresse à leur leader: "Je t'avais exilé pour violation de la Mascarade, non ?" [La Mascarade est le fait que l'existence des vampires reste inconnue des humains, la briser est un des pires crimes que puissent commettre un vampire, puni de mort normalement.] Son interlocuteur l'injurie et affirme qu'être vampire est un don qui doit être partagé pour tous et pas conservé par une élite. Le prince lui demande s'il va revenir à nouveau s'il est à nouveau exilé. L'autre répond par un silence éloquent et le prince, à regret, fait un mouvement de tête vers son sénéchal. Celui-ci défonce la tête du vampire en question avec une hache. Le prince sort de la pièce et se promène dans le bâtiment alors que le massacre se poursuit à la cave. Il contemple les oeuvres d'art psychédéliques et feuillette avec intérêt la bibliothèque. Au moment de partir et d'incendier la maison, il ordonne à son sénéchal d'emporter certaines oeuvres et certains livres pour les ramener chez lui. Il contemple l'incendie du squat.
[Guillaume a fait remarqué que ma scène aurait pu être une scène problématique, comme beaucoup de scène d'exposition.]

Deuxième scène d'exposition par Guillaume
Guillaume décrit un petit appartement d'étudiante. Jules est au lit avec Marine, une jeune femme, ils fument paisiblement, ils viennent de faire l'amour. La nuit est belle. Subitement, le petit ami de la jeune femme rentre ; cette dernière semble s'éveiller d'un rêve et panique. Guillaume me fait jouer le petit ami en question, j'hésite entre différents comportements (fuite... c'est assez difficile de jouer une situation pareille sans tomber dans le cliché !) pour finalement le faire se jeter de colère sur Jules. Celui-ci l'attrape et lui casse la nuque malgré les supplications de Marine. Elle sort sa bombe à poivre lorsqu'il s'approche d'elle, mais il l'hypnotise et ils recommencent à faire l'amour avec le cadavre à côté.
On discute sur le fait que la scène ressemblait beaucoup à une partie de Vampires de Gijsbers. Plus tard dans la partie, on établit que Jules s'occupe de faire disparaître le corps pour que Marine ne puisse pas le confronter.

Troisième scène d'exposition par Lorraine
La scène se passe dans un bar où des jeunes bacheliers fêtent leur BAC. Audrey est assise dans un coin du bar, elle déprime en regardant ses copains de classe faire la fête. [On discute sur ce que sa famille est devenue et du fait qu'elle est portée disparue ; on tombe d'accord sur le fait que son personnage a été vendu par sa propre famille pour sceller une alliance entre elle et les vampires.] Un vampire vient à la table d'Audrey, dans un coin du bar et l'incite à se nourrir (elle est trop faible, elle a fin de sang). Elle essaie de fuir le vampire, mais elle est trop fatiguée, elle ne parvient pas à le semer. Elle finit par croiser un mec de sa classe, mais elle est tellement fatiguée qu'elle se nourrit de lui sans pouvoir se contrôler et s'enfuit en courant.

Quatrième scène d'exposition par Daniel
Une limousine arrive à l'extérieur d'une grande demeure appartenant au prince. Georges en descend, est accueilli par un majordome et entre dans une réception où il y a beaucoup de beau monde, vampire et humain. Il est abordé par un vampire, Stéphane, ils échangent et Georges refuse durement de se joindre à la fête et à la beuverie de sang. Stéphane argumente sur le fait que Georges pourrait ainsi se faire plaisir, qu'il ne doit pas refuser ça, que tout le monde ici est plus ou moins d'accord. "Ca suffit Stéphane, tu sais pourquoi je suis venu ici". Stéphane s'en va, Georges contemple avec dédain l'assemblée et les couples qui se forment et qui se dirige vers des alcôves. Georges ignore une femme qui lui fait des avances ; il lui glisse "vous feriez mieux de rentrer chez vous". Finalement, un domestique le rejoint et, sur un plateau d'argent, lui apporte une enveloppe cacheté par le sceau du prince. A l'intérieur, il y a un carton avec juste le nom d'une jeune femme, celui d'Audrey, qu'il doit mordre.
Daniel explique qu'il s'agit d'une scène avant qu'Audrey ne soit vampirisée et que son personnage devait venir recevoir ici le nom de celle qu'il doit vampiriser. On compare sa vampirisation à un mariage arrangé.

Cinquième scène, je choisis une scène problématique. Tous les autres joueurs réfléchissent pour mettre la scène en place (contrairement aux règles qui voulaient qu'un seul joueur s'y colle). C'est finalement Lorraine qui pose la scène.
Dans un grand restaurant parisien, la mère d'Audrey attend à une table. Finalement le prince della Rocca, qu'elle ne connait que sous l'identité d'un collectionneur d'art ami de son mari. Ils discutent et elle amène rapidement le sujet sur la disparition de sa fille. Della Rocca fait semblant de ne rien savoir. La mère d'Audrey lui montre des photos récentes (de la scène d'exposition de Lorraine où on voit sa fille et un homme de Della Rocca discuter ensemble). Finalement Lorraine engage le Conflit. Enjeu: que Della Rocca admette qu'il a en effet fait disparaître Audrey. Risque: que la mère d'Audrey aille voir les média pour l'accuser publiquement. Résultat: j'emporte l'enjeu mais je subis le risque. J'ai hésité à utiliser un coup de théâtre, mais c'était difficile parce que mes croyances s'y prêtaient mal, finalement je ne l'ai pas fait.
[Je me permets de ne pas décrire toutes les retombées, dont l'impact pour l'histoire est assez mineur pour la majorité.]

Sixième scène, Guillaume choisit une scène problématique. Je propose une scène.
Durant une visite guidée nocturne du Musée du Louvres (qui se trouve aussi être le lieu de la Cour du prince), Jules drague une jeune femme et l'entraîne à l'écart. Au moment où il va la mordre pour prendre son sang, il est repoussé par Marine (la jeune étudiante dont il a tué le copain), échevelée, agarde, comme folle. Elle l'accuse de l'avoir détruite (elle ne se souvient que de bribes), lui crache au visage et s'en va. La scène commence ici.
La jeune femme que draguait Jules lui demande des explications, d'autant qu'Audrey passe à côté et jette de l'huile sur le feu en sousentendant que Jules a effectivement détruit la vie de Marine.
Jules s'avance vers elle pour l'hypnotiser. On envisage un conflit entre Jules et la jeune femme, mais on se dit que ce n'est pas vraiment intéressant. Finalement Daniel fait intervenir son personnage Georges, qui pose une main sur l'épaule de Jules et lui interdit de faire du mal à cette jeune femme (il déteste la violence aux autres, en particulier aux humains). Le Conflit s'engage. Enjeu: que Jules puisse mordre comme il souhaite sa proie. Risque: que Jules prenne peur de Georges (qui est tout de même l'infant du prince malgré sa jeunesse). Conclusion: Guillaume emporte l'enjeu mais subit le risque, il y a des retombées sur les deux personnages (notamment Georges dont la jauge de Colère augmente). Guillaume raconte l'issue de la scène: les deux personnages s'énervent réciproquement et finissent par être toutes griffes dehors, crocs sortis, lorsqu'ils entendent arriver le sénéchal. Ils savent que se battre dans la Cour du prince est une faute grave. Jules prend sa proie par la main et ils s'éloignent ; Georges crie à Jules: "Souviens-toi que je serai toujours dans ton dos !"

Septième scène, Lorraine choisit une scène problématique. Je propose à nouveau une scène.
Audrey est dans une chambre d'un étudiant qu'elle vient de mordre. Il est endormi au lit à côté d'elle. On entend la rumeur du bâtiment. La chambre est plongée dans le noir, seul un écran de télévision projette une lumière bleue. Audrey zappe jusqu'à tomber sur l'image de sa mère en train de pleurer dans une émission à sensation sur TF1, suppliant qu'on lui rende sa fille, accusant Cosimo della Rocca. "Si ma fille m'était rendue, ça me rendrait heureuse jusqu'à la fin de mes jours."
Lorraine décide de se lancer dans un Conflit intérieur: elle prend le rôle de la partie d'elle qui voudrait faire le deuil de sa mère et elle me donne la partie d'elle qui voudrait aller la retrouver (elle sait que c'est une faute par rapport à la société vampirique). Enjeu: ne pas céder pour aller retrouver sa mère. Risque: que sa mère devienne folle. Conclusion: Lorraine gagne l'enjeu mais subit le risque. [Il y a eu des retombées sur la partie d'elle que je jouais, mais elles ne sont pas prises en compte, ce qui semble naturel.] Audrey éteint donc la télévision.

Huitième scène, Daniel choisit une scène problématique. Je propose encore une scène.
La scène se passe dans la même demeure que celle où s'était déroulée la scène d'exposition. Le prince della Rocca éduque son infant à la politique et à la manipulation au milieu d'une réception. Alors qu'ils sont en train de discuter, une lame émerge de la poitrine du prince qui s'écroule. C'est la mère d'Audrey qui vient de la lui planter dans le dos avec force (puisque ça traverse!). Elle et son mari sont immédiatement entraînés par la sécurité vers le bureau du prince où Georges lui enlève le couteau. Le prince s'assied dans son fauteuil, reprend ses esprits. La mère d'Audrey est à genoux, son père est bien encadré. Le prince demande à Georges ce qu'il faut faire selon lui. Georges sait qu'un tel crime est puni de mort, mais il pense que le prince s'est laissé volontairement avoir pour pouvoir mettre son infant à l'épreuve, pour l'obliger à prendre une décision politique difficile. [Moi je ne sais pas ce que pense mon personnage de tout ça, je le vois même plutôt compréhensif, mais le plus important est ici l'image que s'en fait Georges.]
Daniel déclare le Conflit: il veut que Georges convainque le prince de laisser la vie sauve à la mère d'Audrey (enjeu). Le risque est que le prince perde confiance en son infant. Conclusion: Daniel emporte l'enjeu et subit le risque (les retombées sont très lourdes: 6 points!). Guillaume distribue les retombées à Georges, le personnage de Daniel, et porte la jauge de Colère à 10, ce qui signifie que Daniel doit raconter un acte de colère irréversible (pouvant tuer un autre personnage ou le personnage lui-même).
Daniel raconte donc l'issue de la scène ainsi: Georges a été chargé de la sentence (effacer la mémoire de la mère d'Audrey à l'écart de la fête) et il est accompagné du sénéchal qui doit surveiller que cette sentence est bien exécutée. Georges n'y arrive pas, c'est trop difficile (émotionellement) pour lui. Finalement le sénéchal lève sa hache et se prépare à abattre la mère d'Audrey en disant à Georges : "Vous n'y arrivez pas, c'est évident, vous êtes un faible". Mais Georges est plus rapide, il se saisit d'une arme à proximité et tranche en deux la tête du sénéchal. Il hurle à la mère d'Audrey terrorisée de s'enfuir, ce qu'elle fait et sa déposition à la police constituera une violation de Mascarade. Georges quitte la pièce où le tas de cendre du sénéchal se disperse doucement.

Nous avons arrêté là pour des contraintes d'horaires. Nous avons joué 3 heures, en plus des deux heures de création de personnage.

***
Sur le problème théorique du piratage
Pour donner mon sentiment, cette partie ne m'a pas convaincu du piratage. Je continue à penser qu'on affaiblit un jeu en le transposant dans un univers qui n'est pas le sien.

Durant cette partie, je ne me suis pas senti engagé affectivement (alors que c'est le cas dans la plupart de mes parties de Psychodrame) et j'ai eu du mal à "croire" aux Conflits et à leurs enjeux. Peut-être parce que le Problème de mon personnage ne me touche pas personnellement, mais je pense surtout parce que les enjeux des vampires sont déjà trop éloignés de ceux d'un être humain réel, contrairement à ce que je pensais. Ou alors, j'aurais dû me contraindre à jouer un vampire jeune.
Attention, la partie n'était pas inintéressante, mais j'ai trouvé que le potentiel du jeu ne se déployait pas pleinement.

Au-delà de ça, je ne suis pas très familier de l'univers et l'issue des situations ne m'était pas toujours claire.
Daniel disait qu'il faudrait se mettre d'accord avant la partie sur les possibilités des vampires: comme la fiction est construite à plusieurs et qu'il n'y a pas d'arbitre capable de trancher, il faut être d'accord sur ce qui est possible et impossible. Sinon, il peut y avoir des conflits entre joueurs: "si j'avais su que telle action était possible, j'aurais fait agir mon personnage différemment". C'est vrai bien entendu pour un jeu dans l'univers contemporain (où chaque joueur a des connaissances différentes du monde), mais cela s'accentue vertigineusement pour les univers imaginaires.
C'est encore plus vrai dans un jeu à démarche créative Story Now (voir la fin de ce message) où chaque acte d'un personnage a des conséquences très importantes.
Lorsqu'un jeu de rôle forgien est prévu pour jouer dans un univers particulier, il décrit les possibilités du surnaturel dans cet univers, donc les joueurs savent à quoi s'en tenir (comme Démiurges de Fred par exemple). Je pense que c'est un autre argument contre le piratage.

Daniel et Guillaume faisaient également remarquer que les vampires, surtout dans Vampire, sont surpuissants, les humains ne peuvent pas leur résister (d'autant plus qu'ils sont inconnus du reste du monde). Donc les vrais Conflits ne peuvent avoir lieu qu'entre vampires. Comment entretenir une vraie relation avec un être humain dont je peux lire et modifier les pensées à volonté ? C'est dommage parce que ça veut dire que beaucoup de relations intéressantes entre vampires et humains sont difficiles à explorer authentiquement (alors que c'est un thème récurrent des histoires de vampires). Ou alors la question centrale est presque toujours celle de "vais-je t'hypnotiser pour obtenir ce que je veux de toi ou vais-je rester quelqu'un de bien ?".
Une dernière chose que je n'ai compris qu'après la partie est le fait que je trouve l'univers caricatural. Les lois vampiriques sont supposément appliquées sans nuance, les humains ne peuvent pas résister, les anciens sont toujours plus fort que les jeunes, les vieux vampires sont tous obligatoirement cyniques et manipulateurs... Je trouve que c'est un univers enfermant avec moins d'espace de créativité que l'univers réel, si on y réfléchit bien.

Bref, même un univers aussi peu différent du nôtre que celui de Vampire pose problème, à mon sens, pour y "adapter" un jeu comme Psychodrame. Je laisse les autres participants à la partie exprimer leurs points de vue.

Je pense que pour "adapter" Psychodrame à un autre univers il faudrait que l'univers obéisse au moins à ces caractéristiques:
  1. les personnages ne peuvent être que des êtres humains ou des "dérivés" d'être humains
  2. les changements par rapport à notre univers sont clairs et connus de tous les participants, en particulier en ce qui concerne les moyens d'actions des personnages
  3. tout ce qui est de l'ordre de pouvoirs mentaux doit être encadré et réfléchi très précisément
En attendant, je crois que je préfère continuer à jouer à Psychodrame dans l'univers contemporain.

Considérations diverses sur Psychodrame
Concernant le choix du Metteur en scène, les règles disent:
Les joueurs joueront le Metteur en scène à tour de rôle. Priorité au dernier à avoir endossé ce rôle pour le Protagoniste en cours, à moins que vous ne préfériez alterner en fonction des envies et des idées des joueurs.
Dans ce cas, j'ai souvent fait la mise en scène parce que j'ai tendance à avoir l'imagination plus facile. On s'est fait la remarque que c'était un peu dommage, notamment parce qu'il se peut que les autres joueurs trouvent des idées facilement lorsque le rôle de Metteur en scène leur est imposé. Pour que le rôle tourne, y compris vers ceux qui n'osent pas parler, on suggère deux règles: 1) interdiction de mettre en scène plus d'une fois dans un tour de table 2) on ne met pas en scène pour un joueur avant que tous les autres ne l'aient fait. Comme ça, tout le monde doit mettre en scène au moins une fois dans un tour de table et chaque personne met en place au moins une scène pour chaque autre joueur.

Ici, nous avons établi que quand un joueur joue un personnage secondaire dans un Conflit, il doit jouer les cartes qui poseront le dilemme le plus intéressant possible pour l'autre (y compris en risquant des retombées). Qu'en est-il lorsqu'on joue son personnage dans le Conflit d'une scène d'un autre personnage? Faut-il jouer pour gagner (en plaidant pour son personnage)? Ou faut-il faire comme avec un personnage secondaire ?

Je continue à être mitigé quant à la narration à la troisième personne. Nous avons eu du mal à la respecter et je ne sais pas si c'est vraiment grâce à elle que nous avons fait attention au langage non-verbal de nos personnages. Si nous y avons fait attention, c'est surtout parce que nous faisions un effort dans ce sens.
Donc, je crois que soit il faut en faire une simple recommandation, soit en faire une règle incitative du genre: si un joueur peut exprimer le sentiment de son personnage sans le faire parle, il peut tirer une carte supplémentaire durant un Conflit.

C'est la première fois que je vois une jauge d'émotion déborder. Je me dis qu'au-delà de la menace que cela fait peser sur les joueurs, ça oblige les personnages à prendre des décisions tranchées au bout d'un moment. Ils doivent finalement s'engager, pas d'hésitations à l'infini. J'aime bien ça. D'autant qu'ici les conséquences de l'acte de Georges étaient très intéressantes pour mon personnage (son infant lui a désobéit et il a perdu son fidèle bras droit).

***
J'invite Lorraine, Daniel et Guillaume à compléter et corriger mon compte-rendu et à donner leurs propres retours et critiques.
Je réponds avec plaisir à vos questions, en particulier s'il y a des termes ou des situations de Vampire qui vous semblent confuses.
Les réflexions développées sur les points précédents sont particulièrement les bienvenus.
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Frédéric » 25 Juil 2011, 17:16

Salut à vous, merci beaucoup Fabien pour ce rapport de partie, j'ai pris énormément de plaisir à le lire en me répétant à chaque fois : voilà le genre de parties que j'aimerais jouer avec des Vampires ! Plutôt que de se bastonner à coup de boules de feu.
Tu as anticipé la plupart de mes questions et les remarques au sujet du jeu lui-même me paraissent pertinentes, je n'ai pas de discussion à pousser à leur sujet (mes doutes seront explorés dans de prochaines parties).

En ce qui concerne l'utilisation d'un univers aussi précis que Vampire, je pense comprendre tout ce que tu dis à ce sujet, ça me parle.
Pour ma part, je crois qu'il serait vraiment meilleur de jouer des histoires de vampire sans les codifier à ce point, ainsi, certains pourraient jouer plutôt à la façon d'un Dracula de Coppola, d'autres du Entretien avec un Vampire, d'autres pourraient jouer des humains mêlés au vampires à la façon de True Blood, plutôt que devoir respecter un univers très codifié, chacun pourrait explorer la thématique du vampire à sa guise en exploitant toute la liberté qu'un jeu comme Psychodrame leur propose avec comme seule contrainte la crédibilité et le respect de ce qui a déjà été exploré.

Ça me rappelle le CR de la partie de Zombie Cinema dans l'univers de Changeling dans lequel une question qui me paraissait importante était :
Pour ce qui est de l'univers des Changelings invisible aux humains, j'ai du mal à imaginer pouvoir garantir une vraie cohérence dans un jeu s'il n'a pas été fait pour ça. Il ne s'agit pas forcément de créer des mécaniques pour ça, mais inciter vivement les joueurs à observer ce principe, voire nommer un joueur qui aurait des responsabilités relatives à ce fait.
Du coup, tu introduis dans Zombie Cinema qui est un jeu simple d'un point de vue structure, un ajout assez conséquent sur le boulot que vont avoir les participants pour imaginer les conséquences des évènements (souvent à grande échelle vers la fin). C'est le paradigme qui change entre Zombie Cinema et Changelings, il faudrait donc adapter le système en conséquence pour rendre cette dimension plus intuitive dans le jeu et ce, d'autant plus que Zombie CInema a très peu de contraintes créatives. À la rigueur, si on zappe une description du plateau concernant les zombies, c'est pas bien grave. Mais avec cette question d'invisibilité, tu as ajouté un enjeu créatif qui rend le jeu moins simple.

Est-ce que c'est la même question qui se pose dans l'adaptation de Vampire à Psychodrame ? (Au delà des qualités et défauts intrinsèques à l'univers lui-même).
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Fabien | L'Alcyon » 25 Juil 2011, 22:10

Si par là tu entends qu'on a du mal à imaginer, dans l'univers de Vampire, quelles peuvent être les conséquences possibles et crédibles des actions, aux yeux des autres joueurs, je crois que la réponse est oui.

Effectivement, nous aurions peut-être eu avantage à ne pas utiliser un univers aussi rigide. Ce n'est peut-être pas le surnaturel qui pose problème, mais plutôt un univers développé et codifié à l'extrême comme celui de Vampire : la Mascarade. Bonne remarque.
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Nocker (Guillaume) » 26 Juil 2011, 10:22

Cette réponse me semble avoir un haut niveau dans son Attribut "Fouilli". Veuillez m'en excuser.

Par rapport au doutes initiaux sur le piratage en général :
Ca n'est pas parce qu'un setting est intimement solidaire d'un système qu'on ne peut en trouver un autre qui s'y adapte tout aussi bien. Les auteurs s'y adonnent parfois officiellement, et certains hacks deviennent presque aussi célèbres et bons que leur jeu initial (Sorcerer => Demon Cops, Sword & Sorcerer, Urge... ; Apocalypse World => nombreux hacks sur son forum, dont MonsterHearts, Dungon World qui marchent du tonnerre ; A Penny For My Thoughts => deux variantes proposées dans le livre de base ; Dogs in the Vineyard => 4 idées de hacks proposées dans le livre de base ; Don't Rest Your Head => Don't Lose Your Mind ; InSpectres => 4 hacks présentés sur le site officiel ; Panty Explosion Perfect => l'auteur lui-même a confectionné 5 plaquettes de hack ; Rustbelt => trois settings alternatifs sont prosposés dans le livre de base ; TechNoir => l'auteur développe plusieurs hacks et un guide de hack de son jeu ; The Committee for the Exploration of Mysteries => plus de 7 hacks proposés dans le livre de base) Et c'est toujours ce que j'ai tenté de faire lors de mes hacks perso : trouver un univers dont les thèmes collent aussi bien que l'originel au système, si besoin en faisant de légères modifications mécaniques, souvent de couleur. Dans cet environnement plein de hacks parfois officiels, je trouve osé de considérer le hack comme impossible ou néfaste au jeu. Il n'est pas forcément facile, mais rarement impossible.

Je suis d'accord qu'il y a certains jeux qui ont leur système et leur setting plus liés que d'autres, mais Psychodrame ne me semble pas du tout faire partie de cette catégorie (Bliss Stage, FreeMarket, Time & Temp, The Dreaming Crucible et Timestream, sont des exemples de jeux que je trouve très difficiles à hacker). Je pense que Psychodrame bénéficierait d'un ensemble de conseils permettant de s'écarter du setting de base (contemporain des joueurs, local au joueur, culture connue des joueurs, situations connues des joueurs). Quels fossés à éviter, quels points de règles renforcer (ou modifier légèrement) éventuellement, etc.

Je comprends que quand on cherche une empathie profonde avec son personnage (ce que Fabien explique avec son "éprouver" des émotions), prendre un setting inhabituel parait un peu contradictoire, mais moi je n'ai pas eu besoin de cet aspect empathie pour aimer explorer les émotions de mon personnage (explorer ne requiert pas l'empathie, ça peut être intellectuel), et je me suis bien amusé avec ces personnages. Dans True Blood, on ne peut pas dire qu'on ne s'identifie jamais à un personnage surnaturel, qui pourtant sont censés penser un peu différemment de nous. Et les exemples se multiplient dans les fictions. J'ai dans l'idée que ça ne suffit pas pour Fred et Fabien, qui cherchent dans ce jeu une communion avec les émotions des personnages. Je pense pour ma part qu'on peut faire une partie très agréable de Psychodrame (et avec tout le danger que vous recherchez) sans pour autant faire de l'immersion dans le style de l'école de Turku, et sans non plus faire de soap sans saveur (qui est la défense classique face aux parties de drames sans immersion profonde).

Contrairement à ce que propose le jeu Vampires de Gijsbers, j'ai tenté de faire un personnage qui n'irait pas forcément jusqu'au bout dans la manipulation et la souffrance des femmes. Je prévoyais même d'introduire des nuances dans la partie, jusqu'à peut-être en faire un repenti.

Je suis persuadé qu'il faut faire respecter avec force la règle de cadrage de scène. Pas dans le sens où personne ne parle quand quelqu'un doit cadrer une scène (à la Microscope), mais qu'il faut d'abord désigner une personne pour cadrer la scène, et ensuite les possibles discussions amènent cette personne (qui a le dernier mot) à choisir un cadrage précis. La méthode qu'on a employée (tout le monde discute jusqu'à ce que quelqu'un se lance dans un cadrage) donne trop un effet de consensus, et pousse le plus courageux à reprendre les idées pour les cristalliser. Je vais dans le sens de Fred, sur le rapport de Zombie Cinéma) quand il dit que la confrontation des idées est nécessaire, et qu'il faut éviter les consensus plats.

J'étais dérangé par le fait qu'une même décision mécanique (avancer une carte) puisse avoir deux conséquences complètement indépendantes, mais j'en suis revenu. On peut imaginer qu'il est bon d'associer deux risques (un Risque fictionnel, et des retombées mécaniques) pour lier les choses.

J'aimerais préciser le processus qui nous a fait abandonner l'idée de faire un conflit entre Jules et la jeune femme qu'il souhaitait hypnotiser. Il semblait difficile de trouver une raison pour laquelle un Vampire de 150 ans et maitre de la séduction surnaturelle puisse échouer à hypnotiser une jeune femme sans aucune expérience du surnaturel (a priori) et dans des conditions de solitude. J'ai fait la comparaison d'un homme attaché sur une chaise qu'un autre homme braquerait avec un fusil. Qui aurait l'idée de jouer un conflit pour que l'un tue l'autre ?
Après la partie, j'ai réfléchi, et j'en suis venu à la conclusion qu'il est quasiment toujours possible d'imaginer des raisons d'échec. Dans le cas du mec braqué, il peut très bien implorer la pitié, ou persuader le tueur qu'il se ferait attraper, l'effrayant. Dans le cas de Jules et sa "copine", la fille peut toujours implorer sa pitié, ou se servir des paroles de mise en garde de Marine pour renforcer sa volonté, ou encore révéler un pieu, surprenant Jules (je me suis attaqué à Buffy ! OMG). Il n'est que rarement impossible de justifier un conflit, après réflexion, si l'on accepte que rien n'est instantané et automatique.

J'ai, je crois, un problème avec le fait qu'il y ait un cas où des retombées ne sont pas prises en compte : dans un conflit interne où le côté joué par un autre joueur en prend. J'ai du mal à imaginer que le côté qui cherche à revoir sa mère soit une "entité" différente. Après tout, c'est sa croyance "Je suis jaloux des humains qui ont encore la vie devant eux" qui la pousse à agir comme ça, et cette croyance n'est pas moins "elle" que le reste. Une retombée pourrait être que cette croyance diminue, ou que sa jauge de confiance augmente. Mais qu'elle ne soit pas affectée alors qu'elle vient de refuser un aspect de sa personnalité est étrange. Laisser de côté ces retombées qui sont juste oubliées est aussi dommage dans mon esprit que quand c'était aussi le cas des retombées aux PNJs.

Une règle qui me semble utile (mais est-elle obligatoire ?) dans un univers pour Psychodrame est qu'il ne doit pas être impossible de résister aux pouvoirs mentaux, même s'ils sont puissants et maitrisés. Sinon, cela crée des personnages marionnettes avec qui les relations sont insignifiantes. Rien n'empêche cependant que résister à des pouvoirs puissants coûte énormément. De même dans la vie normale, s'opposer à un chantage odieux peut coûter un statut social, une vie ou la richesse.

Je voudrais ajouter que je trouverais tout aussi difficile (ou facile mais caricatural) de jouer dans plein de cultures ou de groupes d'humains contemporains. Fred a bien joué un violeur et il n'a aucune idée (Seigneur !) de la manière dont sa psyché marche après un tel acte. Moi, je n'ai aucune idée de la manière dont pensent les Talibans, les adolescentes fans de Justin Bieber, les présidents d'Etats, les enfants de 4 ans, les cancéreux en phase terminale, les aveugles, les experts en neurologie, les génies philosophes, etc. Je pense qu'une partie où j'en jouerait un serait tout aussi difficile (ou, encore une fois, caricaturale) qu'une partie où je joue un vampire. Et encore, j'en connais assez sur ces derniers pour m'en sortir mieux qu'avec plusieurs de mes exemples.
C'est pour ça que la condition "contemporain" me parait être une fausse limite, et qu'il en faudrait d'autres (voir mon 2e paragraphe sur les conseils à inclure).

J'approuve la remarque sur la 3e personne. Il est plus efficace de conseiller de parsemer les descriptions de gestes et expressions que d'imposer une contrainte aussi peu naturelle et qui intervient tout le temps dans le discours (une bonne dizaine de fois j'ai, je crois, corrigé quelqu'un qui parlait à la première personne, et je ne l'ai pas fait pour qu'il décrive ses gestes, juste pour faire respecter la règle, ça ne m'a donc pas paru efficace)
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Daniel » 26 Juil 2011, 12:45

Très bon résumé de la partie, beau travail Fabien ! Je reviens rapidement sur deux petites choses que tu as dites :

Ce n'est peut-être pas le surnaturel qui pose problème, mais plutôt un univers développé et codifié à l'extrême comme celui de Vampire : la Mascarade. Bonne remarque.


Tous les univers sont potentiellement développés et codifiés à l'extrême qu'ils soient surnaturels ou non. Si nous jouons une partie de Psychodrame dans un contexte historique comme l'Angleterre Victorienne ou le Japon de l'Ere Edo, il risque de se poser le même genre de problème que tu évoquais sur la difficulté de prévoir les conséquences sociales d'un acte. De même, une partie se déroulant de nos jours dans un milieu social ou culturel que je connais mal (les habitants de la campagne chinoise, les juifs orthodoxes new yorkais...) présentera les mêmes contraintes.

L'important lorsque nous développons la fiction c'est que notre espace imaginaire commun ne soit pas fragilisé par des propositions qui pourraient nous apparaître comme étant contradictoires à la logique interne de l'Univers. En l'absence d'un joueur qui détient la propriété de l'Univers et qui statue sur ce qui est possible ou pas (rôle tenu par le maître de jeu dans les jeux de rôles classiques), je vois deux manières de résoudre le problème :

- Un Univers très rigide mais dont le fonctionnement, les codes et les règles sont suffisamment bien connues de tous les joueurs. Vampire la Mascarade peut fonctionner mais tout le monde doit être au diapason sur ce qu'il est possible de faire ou pas. Les parties habituelles de Psychodrame se déroulant dans notre société ne soulève généralement pas de problèmes puisqu’il y a un consensus entre les joueurs sur la vraisemblance et la crédibilité des situations.

- Un Univers très souple et peu déterminé que les joueurs décident de construire au fur et à mesure de la narration. Il faut alors simplement veiller à ne pas contredire ce que la fiction a déjà fixée. Les joueurs ne doivent pas avoir d'idées trop arrêtées sur l'Univers, puisque celui est susceptible de dévier au fur et à mesure de la narration. Une partie peut donc se dérouler avec des vampires génériques dont on précisera les limites et les forces au cours des scènes.

Une dernière chose que je n'ai compris qu'après la partie est le fait que je trouve l'univers caricatural. Les lois vampiriques sont supposément appliquées sans nuance, les humains ne peuvent pas résister, les anciens sont toujours plus fort que les jeunes, les vieux vampires sont tous obligatoirement cyniques et manipulateurs... Je trouve que c'est un univers enfermant avec moins d'espace de créativité que l'univers réel, si on y réfléchit bien.


Parmi toutes les variations sur le thème du vampire, je trouve également que Mascarade est l’une des plus caricaturales et figées. Même une série comme True Blood, par ailleurs assez outrancière, me semble plus subtile et plus riche en possibilité. Par aileurs je vois les vampires de True Blood plus sujets à leurs émotions que ceux de Mascarade (ils pleurent par exemple).
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Wish » 27 Juil 2011, 00:40

J'ai été assez impressionnée de la vitesse à laquelle tu as fait ce compte-rendu, Fabien ! J'ai l'impression que ton dictaphone te donne une sacrée efficacité.

Je voulais juste ajouter quelque chose à propos de tes propos sur l'implication dans la partie :
Durant cette partie, je ne me suis pas senti engagé affectivement (alors que c'est le cas dans la plupart de mes parties de Psychodrame) et j'ai eu du mal à "croire" aux Conflits et à leurs enjeux. Peut-être parce que le Problème de mon personnage ne me touche pas personnellement, mais je pense surtout parce que les enjeux des vampires sont déjà trop éloignés de ceux d'un être humain réel, contrairement à ce que je pensais. Ou alors, j'aurais dû me contraindre à jouer un vampire jeune.


Personnellement, je me suis sentie tout aussi impliquée, voire plus impliquée que lors de notre partie précédente, qui se déroulait dans le monde contemporain classique. Ce qu'il faut bien voir, c'est que le vampire est là pour être une métaphore de l'humain : il explore le désir et la séduction, la relation de prédation par rapport aux autres, une relation au pouvoir exacerbée par les aptitudes surnaturelles, la relation à la "bête" qui dort en chacun ... Cet aspect métaphorique peut être à la fois un avantage et un inconvénient dans une partie de Psychodrame : il introduit une distance. C'est peut-être cette distance qui t'a éloigné de la problématique et qui a réduit ton implication par rapport aux parties précédentes. Moi je sais qu'en tout cas, j'ai profité au maximum de l'aspect métaphorique pour explorer des choses que je n'aurais pas forcément mises en jeu dans une partie ordinaire, parce que justement la distance introduite par la métaphore me permettait d'être suffisamment en confiance. Et je pense vraiment que l'on peut se servir de cela, pas vraiment pour "ajouter" quelque chose à une partie, mais pour poursuivre dans le chemin donné par le jeu de base.

Voilà, c'était ma modeste première contribution, je ne pense pas avoir à ajouter plus de remarques sur le fonctionnement mécanique, les autres participants ont bien su résumer le tout. En tout cas, personnellement, je pense que le "hack" permet d'explorer d'une manière légèrement différente ce qui fait tout le sel et le "danger" du jeu.

--
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Bichette » 27 Juil 2011, 14:49

Kamoulox, moi qui comptait utiliser le système de Psychodrame pour jouer à Buffy avec toi, j'espère que cette expérience ne t'aura pas suffisamment refroidi. Tu vas voir ce que c'est des personnages avec des sentiments :p.
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Footbridge » 30 Juil 2011, 14:18

Eh bien vos séances de jeu ont l'air passionnantes... vous m'invitez un de ces 4 ? ;-)

Moi je vois bien Psychodrame un peu comme fiasco : la possibilité d'explorer différentes ambiances, différents settings ne me choque pas. Par contre, c'est vrai que si on joue sur les émotions et la psyché humaine, il faut pouvoir incarner des personnages dont les problématiques et la vie intérieure ressemble un tant soit peu à celles d'un être humain. Le vrai débat c'est ensuite de savoir si un vampire est une bête inhumaine ou bien une métaphore pour l'humain.

Sans avoir joué à la partie, mais en lisant vos retours, j'ai quand même bien l'impression que le côté "vampirique" était pas mal rendu. Pour moi, cela montre quand même à nouveau que le système compte vraiment. Dans aucune partie de Vampire avec les règles classiques proposées par WW, je n'ai atteint un tel niveau de questionnement, de dilemme et d'ambiguité. Donc à mon avis, le système de Psychodrame est nettement plus adapté aux problématiques de Vampire que le système usuel de l'Art du Conteur.

C'est vrai qu'il manque quand même quelque part un jeu narratif plus adapté pour raconter des histoires de vampires plus générales, pas forcément aussi réductrices que celles de Gijsbers.
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Frédéric » 31 Juil 2011, 16:30

Fabien (Footbridge) :
j'ai quand même bien l'impression que le côté "vampirique" était pas mal rendu. Pour moi, cela montre quand même à nouveau que le système compte vraiment. Dans aucune partie de Vampire avec les règles classiques proposées par WW, je n'ai atteint un tel niveau de questionnement, de dilemme et d'ambiguité. Donc à mon avis, le système de Psychodrame est nettement plus adapté aux problématiques de Vampire que le système usuel de l'Art du Conteur.

Ça, ça me fait rudement plaisir ! ^^

Guillaume, Daniel et Lorraine,
merci de vos retours.

Je suis d'accord sur la nécessité de rendre les retombées de l'adversaire effectives pour le protagoniste lors des Conflits internes.

Pour les retombées sur les PNJ, je les note sur un papier pour m'aiguiller sur la manière dont ils changent.

Pour le jeu à la troisième personne en fait, je pense que c'est une manière plus appropriée quand le joueur est également responsable du décor, en position « MJ » relative (comme durant les scènes d'exposition)... Je vais creuser cette histoire autrement.


***

Sur la question de piratage, j'aimerais qu'on soit clair : pour moi, jouer à Dogs dans un contexte différent comme l'Europe sous l'inquisition, ce n'est pas du piratage, parce que l'auteur lui-même le propose car ça respecte parfaitement le "but" du jeu.

Y greffer un univers qui n'a pas été fait pour, je dirais que dans le meilleur des cas, c'est un travail d'adaptation, de détournement éventuellement, dans le pire des cas, c'est contre productif pour la simple et bonne raison qu'un univers comme celui de Vampire de White wolf est fait pour les complots, les manigances, les mystères, les enquêtes et la baston : tout ce qui est complètement nul et non avenu dans Psychodrame.

Il y a ici un conflit important entre les présupposés de l'univers et ce pour quoi le système a été fait : le fait que les vampires sachent contrôler et lire les pensées d'un individu, le fait que l'âge implique une victoire ou une défaite automatique, que les Malkavian sont fous etc. Sont des déterminismes qui normalisent les comportements, or Psychodrame cherche justement à s'affranchir de ces déterminismes. Nous ne sommes pas des ethnologues ou des historiens qui cherchent à restituer l'exactitude des comportements d'un peuple réel ou imaginaire, on cherche à explorer le sens des actes par leurs conséquences.

Aborder une problématique signifie que les choix qu'elle amène par l'intermédiaire des dilemmes par exemple doivent tous être pertinents : un dilemme oppose deux possibilités d'égale valeur. Si l'origine ethnique ou la culture du personnage déséquilibrent les choix, voire en rend certains caduques, ça entrave le jeu.

Si le type d'actes possibles et impossibles est prévu à l'avance, inutile d'en explorer les conséquences, on sait déjà qu'un jeune vampire qui trahit son prince sera condamné, qu'un vampire qui ne manigance pas se fera entuber par les autres etc.

Pour ce qui est de jouer des groupes humains définis ou dans des époques précises, le jeu n'est absolument pas fait pour ça. Je n'ai jamais rien vu de pire que des joueurs essayant de jouer des juifs
et tomber dans les pire clichés. Non, le problème c'est que ça prédéfinirait le champ des possibles, alors que le jeu demande au joueur de choisir librement pendant la partie face aux situations. La différence est immense, donc ;
- Un Univers très rigide mais dont le fonctionnement, les codes et les règles sont suffisamment bien connues de tous les joueurs. Vampire la Mascarade peut fonctionner mais tout le monde doit être au diapason sur ce qu'il est possible de faire ou pas. Les parties habituelles de Psychodrame se déroulant dans notre société ne soulève généralement pas de problèmes puisqu’il y a un consensus entre les joueurs sur la vraisemblance et la crédibilité des situations.
[/quote]
non, cette option là n'est pas envisageable pour Psychodrame. Même dans notre monde contemporain, le fait de jouer des représentants de groupes ethniques pervertit la démarche créative en des peintures burlesques de vilains stéréotypes. Le jeu fonctionne au mieux (selon ma démarche) quand tout cela reste flou, indéfini ou simplement librement évoqué pour renforcer l'exploration des problématiques.


Bien sûr, vous pouvez vous permettre d'assouplir ces déterminismes vampiriques pour jouer à Psychodrame, mais malgré tout, et c'est ce que montre le rapport de partie de Fabien, vous allez vous retrouver avec des éléments de background contre productifs dans l'expérimentation de Psychodrame.
Attention, cela dit, je n'interdis à personne de jouer des vampires, c'est même moi qui en ai parlé à Fabien et j'ai également joué une partie de Psychodrame avec des fantômes (certains PJ étaient des esprits de défunts, d'autres étaient des vivants qui pouvaient interagir avec eux).

Mais « jouer des vampires » ne signifie pas la même chose que « jouer dans le monde des ténèbres », car si la première proposition laisse aux joueurs toute latitude pour décider quels seront les comportements et les particularités des vampires avec toutes les contradictions nécessaires, (car oui, ce sont les contradictions et les paradoxes qui font le sel d'un jeu comme Psychodrame) la seconde les enferme dans des schémas pré-établis.
C'est d'ailleurs pour faciliter la liberté de choix et d'action qu'il n'y a aucune incitation à indiquer l'origine ethnique des PJ ni le lieu où ils vivent tant ça nuit à la qualité des parties.

Je ne sais pas trop si je vais mettre des conseils pour ceux qui voudraient changer de « contexte », après tout, je ne vois aucune raison d'y inciter tant c'est loin de mes préoccupations.
Je suis tout de même d'accord sur le fait que ça me paraît causer des problèmes d'impliquer des pouvoirs de contrôle ou de lecture des pensées (dans True Blood, la protagoniste y est immunisé). Je pense intégrer ça de façon plus générale à une idée qu'il ne faut pas pré-déterminer les actions possibles et leur portée. On s'en fout de ce que les personnages sont, tout ce qui nous intéresse, c'est ce qu'ils font !


Pour la question du role play, j'avoue que le role play, en tant qu'interprétation « théâtrale » des personnages ne m'intéresse pas vraiment dans Psychodrame. Je n'ai aucun goût dans les performances de comédien souvent assez approximatives et caricaturales pour ne pas dire minables des rôlistes, ce qui m'intéresse, c'est la relation entre les situations, les actes et les conséquences, qui en soi sont pourvoyeurs « d'émotions » ou quoi que ce soit qui crée le plaisir d'une partie.

À ce sujet, j'aimerais soulever que l'implication d'un joueur dans une partie de JDR est une alchimie entre :
  • les relations des joueurs (la liberté de se dévoiler dans Psychodrame, la confiance en chacun, la démarche sociale « je ne t'abandonnerai pas ») ;
  • la relation du joueur au sujet et aux situations explorées ;
  • la manière dont les enjeux se font et se défont dans la partie via le système) ;
  • et enfin, son propre engagement dans la partie.

Tout cela est vérifiable dans n'importe quelle partie de JDR.
Évidemment, un joueur qui choisit comme objectif « Puis-je conserver le pouvoir sans devenir un monstre? » mais par simple intérêt pour le sujet, sans que le sujet ne le touche personnellement, il est évident qu'il a moins de chances de développer une relation émotionnelle aussi puissante. Cependant, il y a aussi l'effort que va produire le joueur pour puiser de l'Exploration toute sa substance et faire abstraction du reste. Enfin, sa bonne disposition à sortir de sa zone de confort et la confiance en ses partenaires forment le contexte favorable à tout le reste.
Si vous trouvez une partie plutôt puissante ou faible, demandez-vous d'abord comment se sont articulés ces trois points. Surtout dans Psychodrame qui nous y confronte directement.

Que vous jouiez des vampires, des résistants/collabos de la seconde guerre mondiale, des esprits des morts ou quoi que ce soit, ce sont avant tout ces trois points (puisque le système c'est moi qui m'en charge majoritairement) qui seront responsables du sérieux et de l'implication de chacun dans la partie.


***

Le sujet de ma vision pour mon jeu est très important !
Guillaume a raison quand il dit que je cherche un jeu qui permette une « empathie profonde avec son personnage ».
Comme développé plus haut, en fait, il ne faut pas prédéterminer le setting, seulement renseigner la possibilité du surnaturel et de sa nature si les joueurs veulent aller de ce côté. Je n'ai absolument rien contre ça et je pense même que Psychodrame permet de bien le faire.

Néanmoins, j'aimerais discuter d'un point qui m'importe : mon jeu n'est pas encore fini, mais j'en ai une vision claire et qui s'affine continuellement.

Un certain nombre de vos remarques (Guillaume, Daniel et Lorraine) me donnent l'impression que la démarche du jeu n'était pas très claire : mon but est de procurer l'expérience la plus intense possible qui (tel que c'est écrit sur la première page) pousse à faire sortir les joueurs de leur zone de confort.
Les vampires me paraissent un bon moyen d'explorer une forme de violence et de cruauté (qui peuvent tout à fait être contrastées par l'humanité plus ou moins acceptée des vampires). Mais si le but est d'éviter de sortir de sa zone de confort en aseptisant la proposition du jeu, dans ce cas, vous risquez de sortir de la démarche du jeu et de l'affadir ou de le parodier.

Bien sûr, avec un jeu fini, vous faites ce que vous voulez, vous êtes grands. Mais pour un jeu qui n'est pas fini, je pense que connaître la démarche de l'auteur et chercher à la comprendre me paraît primordial pour ne pas se fourvoyer.
L'enjeu de mon game design de Psychodrame, c'est de parvenir à procurer une expérience intense et profonde en évitant les lieux communs du JDR : surnaturel, combat, enquête, violence physique etc.

On peut rajouter du surnaturel et faire se battre des personnages, mais le jeu fonctionne bien sans et permet des parties fortes.

Je suis bien sûr honoré que vous jouiez à mon jeu, mais je me demande à quel point vous appréhendez sa proposition créative.
Entre le hack, l'évitement de « l'empathie maximale », la transgression de quelques mécaniques etc.
Je me pose la question.

J'espère que vous comprendrez la nécessité pour moi de savoir à quel point vous avez essayé de comprendre et de suivre mon point de vue. Les erreurs, tant que les joueurs sont de bonne foi, sont des contingences de la pratique rôliste, il faut faire avec.
Pour les transformations volontaires, je ne peux pas empêcher les gens de ne pas respecter mon jeu, mais dans ce cas, j'accorderai moins d'intérêt à leurs retours. J'attends des personnes qui me font des retours d'expériences qu'elles comprennent qu'un point de vue extérieur n'a d'intérêt que s'il n'entre pas en compétition avec le mien, qu'elles cherchent à m'aider et à me soutenir et non à me faire comprendre que j'ai tort ou qu'elles ont mieux compris mon jeu que moi.

Bien sûr, il arrive qu'on déforme volontairement les jeux des autres même ici : il m'est arrivé de ne pas respecter le canon d'Innommable pour tenter des expériences différentes, mais j'avais bien conscience de mes transgressions, ou j'en parlais avec Christoph avant, mais je prenais garde à appliquer le mieux possible les règles du jeu.

Beaucoup des testeurs de Prosopopée ont tenté des paradigmes farfelus, ou ont volontairement modifié les règles.

Dans le premier cas, ça a l'intérêt de tester les limites de ce que propose le jeu comme esthétique. Dans le deuxième cas (conserver volontairement des règles que je récuse) ça ne m'est d'aucune utilité.

J'aimerais savoir comment vous vous positionnez.
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Nocker (Guillaume) » 31 Juil 2011, 23:16

Pour ma part, je pense que j'étais à peu près au diapason de ce que tu cherchais à faire avec ton jeu. Ayant parlé à toi et à Fabien, je savais votre goût pour le "sortir de la zone de confort". C'est pourquoi j'ai essayé de respecter vraiment le principe primaire du jeu (pour moi) : la problématique du personnage doit te toucher personnellement. Comme dans ce que j'ai vu d'Org (mais heureusement, dans une moindre mesure), ça pousse à faire rentrer un engagement énorme car c'est un bout de ta vie que tu inscris sur ta fiche de perso. Quand j'avais fait la première partie, j'avais choisi "J'aimerais réussir sans travailler" car c'est mon rêve dans la vie et ça pose, vous en conviendrez facilement, pas mal de soucie. Cette fois, j'ai vraiment gardé cette règle en tête car elle est primordiale pour créer l'engagement selon moi, et j'ai choisi "Puis-je me respecter tout en continuant à manipuler des femmes pour mon bon plaisir ?". Oui, ça me touche personnellement, faites-moi confiance. Mais n'ayez pas peur ^^
Voilà mon point de vue, je pense avoir été assez engagé dans cette partie. La seule chose qui a limité mon engagement, c'était le temps qui nous a rattrappé et n'a pas permis d'explorer vraiment les problématiques de chacun à fond (une scène chacun).
Le meilleur conseil aux rolistes, par John Wick.
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Nocker (Guillaume) » 01 Août 2011, 09:07

J'ai apparemment oublié d'insister sur un aspect des choses :
Pour moi, "être touché par une problématique", ça ne doit pas être simplement "s'y intéresser particulièrement". Pare que moi je m'intéresse particulièrement à la question "Comment permettre une réelle démocratie fonctionnelle ?", mais rien d'émotionnel n'y est attaché en moi, et ça fera une partie plate et trop intellectuelle pour correspondre aux vues de Fred. Il faut quelque chose qui ait une résonance dans sa vie, soit parce qu'on l'a vécu, soit parce qu'un proche l'a vécu et raconté, soit parce l'éventualité nous fait peur, etc. Fred devrait, selon moi, insister dans ce sens pour que le choix de problématique n'ai pas juste comme rôle d'éviter les problématiques ridicules (j'ai l'impression que c'est son rôle actuellement) mais aussi de forcer à faire des parties intenses.

Par contre, avoir déjà une réponse pré-faite dans sa tête à la problématique, ça me semble moins grave. En effet, cette réponse a peu de chance de rester la seule envisageable une fois que le personnage sera passé par plusieurs cycles de conséquences, retombées et interactions. C'est, je crois, l'un des buts : confronter les personnalités aux conséquences des choix qu'elles induisent.
Le meilleur conseil aux rolistes, par John Wick.
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Frédéric » 01 Août 2011, 17:26

Ok Guillaume, merci pour ta réponse.
faites-moi confiance. Mais n'ayez pas peur ^^

Ne t'inquiète pas, sur ce forum comme dans les parties de Psychodrame, j'applique le contrat "Je ne t'abandonnerai pas" : tout ce que tu dis est pris au sérieux et traité avec respect.

Pour moi, "être touché par une problématique", ça ne doit pas être simplement "s'y intéresser particulièrement". Pare que moi je m'intéresse particulièrement à la question "Comment permettre une réelle démocratie fonctionnelle ?", mais rien d'émotionnel n'y est attaché en moi, et ça fera une partie plate et trop intellectuelle pour correspondre aux vues de Fred. Il faut quelque chose qui ait une résonance dans sa vie, soit parce qu'on l'a vécu, soit parce qu'un proche l'a vécu et raconté, soit parce l'éventualité nous fait peur, etc. Fred devrait, selon moi, insister dans ce sens pour que le choix de problématique n'ai pas juste comme rôle d'éviter les problématiques ridicules (j'ai l'impression que c'est son rôle actuellement) mais aussi de forcer à faire des parties intenses.

C'est une très bonne remarque, j'aimerais savoir ce que les autres (notamment Fabien) en pensent : est-ce qu'il vaut mieux que je ne permette que les thèmes qui ont une résonance dans la vie des joueurs ou de rester plus large pour ne pas que les joueurs se sentent obligés ?

À plusieurs reprises, Fabien m'a posé la question : "est-ce qu'on doit plaider pour son personnage ?"
Comment définiriez-vous cela et quelles sont les autres possibilités ?
Dans Psychodrame, j'avoue qu'il m'arrive très fréquemment d'être en posture d'auteur et de faire des choix parce qu'ils sont cools pour l'histoire, ou parce que c'est la manière dont j'ai envie que ça évolue. Je ne sais pas trop quelle manière de procéder donnera la meilleure dynamique au jeu...
Frédéric
 
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Fabien | L'Alcyon » 01 Août 2011, 20:18

Je peux te donner mon point de vue, même si je ne sais pas si c'est nécessairement le meilleur pour le jeu.
Mon sentiment est que ton jeu sera beaucoup plus intense et beaucoup plus bouleversant si tu obliges les joueurs à choisir des thèmes en lien avec leur vie réelle. Non seulement parce qu'on est ainsi émotionnellement lié au jeu (et donc que l'expérience n'en est que meilleure à mon sens), mais également parce que c'est ce qui donne à ton oeuvre un vrai statut intellectuelle, puisqu'elle permet de se poser des questions et d'affronter les conséquences dans un cadre protégé qui est celui de la fiction.
Avec ça, c'est bien possible que tu perdes des gens parmi les rôlistes, qui ont sagement intégré la « critique » qu'on leur faisait de mélanger réalité et fiction. Je ne crois pas que tu perdes vraiment des gens parmi les non-rôlistes, je ne pense pas que ça les effrayera à partir du moment où ils ont accepté de jouer à un jeu qui explore les émotions ; Edouard a mis dans son personnage des thèmes qui lui sont chers sans que j'ai à le lui préciser.
La formulation actuelle de la règle:
Le Problème de votre personnage doit porter sur un sujet qui vous touche, qui a un sens particulier pour vous ou qui vous interpelle.

me semble un peu trop ouverte à la réflexion, ça pourrait valoir la peine de la resserrer.


Quand je posais la question de plaider pour son personnage, je pensais à Zombie Cinéma:
le joueur explicite les intentions de son personnage et lui permet de tout mettre en ouvre pour les concrétiser

Ce qui semble assez naturel de prime abord dans un jeu où chaque personnage a un problème à résoudre, encore plus si ce problème est lié à quelque chose de personnel pour le joueur.
La difficulté, selon moi, est que lorsqu'on joue l'adversité d'un personnage dont c'est le tour (que l'on joue un personnage secondaire ou un personnage de joueur), ça conduit à toujours jouer les cartes qui m'assurent d'emporter l'enjeu et d'éviter les retombées. Ce qui veut dire que l'on réduit les choix possibles pour le joueur dont c'est le tour, ce qui est en contradiction avec la démarche créative de Psychodrame.

L'autre possibilité (mais qui n'est sans doute pas la seule) serait que le joueur en question joue les cartes qui posent le dilemme le plus important au joueur en face (donc, si possible, choisir entre perdre l'enjeu et éviter les retombées). Mais ça pose problème si ce joueur en question joue son propre personnage.

Il y a aussi la question que tu évoques: que faire si j'ai envie d'orienter l'histoire alors que ça exige que mon personnage se plante ? Je crois que c'est très important que l'on puisse le faire dans ce jeu, justement à cause de la possibilité de transgresser dans la fiction des contraintes sociales et émotionnelle que l'on ne peut franchir dans la réalité.

Tout ça pour dire que je n'ai pas de réponse toute faite. La meilleure solution serait peut-être de laisser les joueurs libres de leurs choix (à l'exception des personnages secondaires qui doivent être joués pour laisser place au dilemme), mais en leur faisant prendre conscience de ces différentes possibilités.
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Christoph » 02 Août 2011, 10:49

Hello

Très bonne discussion sur les univers et leur adéquation à Psychodrame ! Je ne suis pas fan du terme « piratage » pour traduire « hack ». Un piratage est, dans les autres contextes (évidemment historiques et informatiques), un acte de destruction, ou qui du moins cause du tort à quelqu'un. L'équivalent pour le monde du jeu de rôle c'est la copie illégale de pdfs (je ne veux pas lancer la discussion du bien fondé de ce type de législation, surtout pas). Or, un hack me semble partir d'un grand respect du jeu de base. À méditer : The Iridium Plateau, qui, je simplifie grossièrement, propose qu'un hack demande soit très peu de changements en fin de compte (coller la thématique du vampire à Psychodrame, sans trop spécifier le monde), soit carrément une flopée (si en plus de cela on veut vraiment prendre en compte le Monde des Ténèbres ?)

J'aimerais soulever une autre voie de discussion. Frédéric et Fabien, si vous trouvez que je détourne le fil, vous êtes en droit de le dire et j'y reviendrai une autre fois. C'est moi qui met en gras.

Frédéric a écrit :À ce sujet, j'aimerais soulever que l'implication d'un joueur dans une partie de JDR est une alchimie entre :
  • les relations des joueurs (la liberté de se dévoiler dans Psychodrame, la confiance en chacun, la démarche sociale « je ne t'abandonnerai pas ») ;
  • la relation du joueur au sujet et aux situations explorées ;
  • la manière dont les enjeux se font et se défont dans la partie via le système) ;
  • et enfin, son propre engagement dans la partie.


Je pars de quelques hypothèses : pour que la manière dont les enjeux se font et se défont soit vraiment satisfaisante, il faut qu'il y ait un rapport de cause à effet. Ce rapport de cause à effet se joue au niveau des personnages, qui, s'ils sont ballotés par des causes incompréhensibles pour le « spectateur » deviennent absurdes, et donc hors d'atteinte d'une profonde implication émotionnelle. (Pour les besoins du débat, oui, il y a sûrement la possibilité d'explorer l'absurdité de la condition humaine en tant que telle... mais ce n'est pas de ça que je cause.)

Or, la manière dont certains Risques sont formulés dans cette partie me fait penser que le système ne fait pas appliquer ce principe de causalité. L'exemple le plus frappant en est :
Fabien a écrit :Lorraine décide de se lancer dans un Conflit intérieur: elle prend le rôle de la partie d'elle qui voudrait faire le deuil de sa mère et elle me donne la partie d'elle qui voudrait aller la retrouver (elle sait que c'est une faute par rapport à la société vampirique). Enjeu: ne pas céder pour aller retrouver sa mère. Risque: que sa mère devienne folle. Conclusion: Lorraine gagne l'enjeu mais subit le risque. [Il y a eu des retombées sur la partie d'elle que je jouais, mais elles ne sont pas prises en compte, ce qui semble naturel.] Audrey éteint donc la télévision.

Comment est-ce que les conséquences d'un conflit interne pourraient-ils directement avoir un effet sur la santé mentale d'une tierce personne qui ne se trouve même pas dans la même scène ?
Bien sûr que beaucoup d'auteurs utilisent des causalités tout à fait non-physiques pour resserrer l'intrigue et nouer le destin de personnages distants à première vue, mais ceci relève plutôt du cadrage de scène que de l'issue des conflits. Or, le système du jeu implique dans la représentation des événements que peut se faire un joueur qu'il y a un rapport entre ces faits. Un conflit, pour être crédible, du moins à mes yeux, doit avoir une portée qui soit à la mesure des actes des personnages. Si vraiment on veut introduire de tels effets « désincarnés », alors il me semble qu'on devrait les réserver pour des cadrages de scènes (dont on n'a aucune obligation de poser le fondement causal, on pourra toujours le déterminer a posteriori si nécessaire).

L'autre point que je trouve à redire à ces Risques est qu'ils sont pré-déterminés. On sait déjà avant d'entrer dans le conflit ce qu'on risque et c'est la porte ouverte à de la négociation. Je trouve ça mou et artificiel. Que l'on joue le conflit et qu'on en déduise les conséquences de manière logique ! Pas de négociation, c'est la fiction qui mène ! La causalité en sera améliorée, car on peut incorporer des événements qui ont lieu en cours de conflit (dont les joueurs ignoraient la possibilité en débutant le conflit).


Finalement, on peut, quant à moi, plaider pour son personnage dans n'importe quelle posture (un avocat n'est pas dans la tête de son client, même s'il est de bonne foi et vraiment touché par l'affaire), ce sont des sujets indépendants. Vouloir voir son personnage échouer parce qu'on a une idée précise de l'histoire en tête est une forme de désengagement de la partie : penser que notre vision prévaut sur celle de la tablée et du système (si c'est le cas, alors il faut écrire des livres, bordel). C'est ne pas se laisser surprendre par la partie, c'est refuser un aspect de l'expérience de spectateur dans une partie. Si le système est bien fichu, alors on peut plaider pour son personnage tout en acceptant avec grâce ses éventuels échecs (si les échecs n'existent que quand le joueur les accepte, alors c'est que le jeu est mou). Un conflit interne ne tombe pas dans ce travers, car le joueur défend toujours un des côtés du personnage (il n'y a pas de désengagement, du moins s'il prend le côté qui lui tient à cœur).
Le meilleur moyen de flinguer Zombie Cinema : avoir la moitié des joueurs qui sacrifient leur personnage dans leurs premiers tours pour sauver l'autre moitié... Cas extrême, certes, mais si on est dans cette logique de vouloir définir l'histoire plutôt que de jouer le personnage, c'est ce vers quoi on tend.
Innommable: hurlez.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
Christoph
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Re: [Psychodrame] Vampire

Message par Frédéric » 02 Août 2011, 15:19

J'aimerais avoir le point de vue de ceux qui étaient présents durant la partie sur ce que dit Christoph au sujet des "risques" et notamment celui du Conflit intérieur.

Pour moi, les risques doivent être mis en scène par l'adversaire en tant qu'actes de son personnage, par exemple :
Dans un grand restaurant parisien, la mère d'Audrey attend à une table. Finalement le prince della Rocca, qu'elle ne connait que sous l'identité d'un collectionneur d'art ami de son mari. Ils discutent et elle amène rapidement le sujet sur la disparition de sa fille. Della Rocca fait semblant de ne rien savoir. La mère d'Audrey lui montre des photos récentes (de la scène d'exposition de Lorraine où on voit sa fille et un homme de Della Rocca discuter ensemble). Finalement Lorraine engage le Conflit. Enjeu: que Della Rocca admette qu'il a en effet fait disparaître Audrey. Risque: que la mère d'Audrey aille voir les média pour l'accuser publiquement.

Bien sûr, dans le CR il y a une forte ellipse, mais je le comprends comme ça :
La mère d'Audrey lui fait comprendre qu'elle va aller voir les médias dans la narration du Conflit, soit parce qu'elle le dit clairement, soit parce qu'elle le sous-entend. Le risque est donc : "que la mère d'Audrey aille voir les média pour l'accuser publiquement." Dans le cas où ça ne tombe pas du ciel, mais que c'est ce que le joueur a introduit dans la narration, ça me paraît tout à fait ok.

En revanche, je suis d'accord que dire qu'un Conflit intérieur d'un personnage rende fou un autre pose problème. Il aurait été plus cohérent d'amener le risque que le personnage de Lorraine perde la raison (en y mettant les formes) ou que le cheminement l'amène à croire que sa mère est devenue folle.

Le Conflit doit se développer comme suit :
  1. Engagement du Conflit : celui qui l'initie place une carte devant l'autre en annonçant l'enjeu du Conflit, l'autre peut accepter ou refuser.
  2. Développement du Conflit : chacun narre ce que dit ou fait son personnage (j'ai opté pour que ce soit à tour de rôle, ce n'était pas clair) ce qui permet au Protagoniste d'utiliser ses Traits et donc d'obtenir des cartes supplémentaires. Les autres joueurs peuvent soutenir ou s'allier à un des deux partis et donc leur donner plus de cartes.
  3. Quand toutes les cartes ont été piochées, l'adversaire avance sa combinaison de cartes de même valeur en explicitant le risque à partir de ce qu'il a fait ou dit dans l'étape précédente. Puis le Protagoniste fait de même (j'ai encore un doute sur le fait que le Protagoniste devrait donner aussi un risque, j'ai préféré dire non pour le moment).
  4. Celui qui a le plus grand nombre de cartes gagne l'enjeu ; celui dont les cartes ont la plus forte valeur inflige des retombées à l'autre. Ce qui passe par imposer le risque si l'adversaire a les cartes les plus fortes.
  5. Puis on fait la narration de résultat, donnée par le vainqueur de l'enjeu.
  6. et on distribue les points de retombées dans les émotions et dans les Traits pour refléter les évènements importants du Conflit.

Le texte était sans doute pas très clair, mais il ne me semble pas que les "risques" en eux-mêmes posent problème s'ils ne sont qu'une affirmation de ce que l'adversaire veut infliger au Protagoniste (une menace).
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