Encore une partie de Démiurges ce vendredi.
Ce n'est pas la suite de la dernière fois (qui était prévue au départ), mais je me demande si le jeu est suffisamment au point pour me lancer sur du jeu à long terme, comprenez par là une succession de parties conduisant à la résolution des objectifs des PJ (à chaque fois, ça s'est plutôt mal goupillé par le passé).
Le démarrage a été long, je leur ai donné des pré-tirés en leur proposant de choisir eux-mêmes l'objectif commun de leurs personnages. Ça n'a pas été facile étant donné qu'ils devaient greffer un objectif commun à des personnages déjà créés avec leur histoire, leurs différences. C'était vraiment pas simple. Il va falloir que je trouve une alternative.
Je réfléchis à ne pas créer les Traits des personnages, choisir seulement l'objectif commun, les caracs et le médium. À chaque scène, un joueur peut créer un Trait pour son personnage.
Je pense demander de faire un flashback qui mette en scène ledit Trait de manière à renforcer l'histoire perso du PJ.
Je pourrais éventuellement faire de même pour les pouvoirs, mais j'ai peur que la cohérence générale du perso en pâtisse...
Dans cette partie, les joueurs ont choisi pour objectif de "trouver la source de l'existence des démiurges".
Ça change de ce que j'ai l'habitude d'explorer, mais ça cadre très bien, je pense.
Premier problème :
Les joueurs ont commencé par vouloir faire des recherches en bibliothèque, c'est là que je me suis rendu compte que le jeu ne se prêtait absolument pas à cela :
- quand le joueur commence une scène, il donne un but. S'il donne comme but de « chercher » quelque chose, on se retrouve avec une scène où il se contente de demander au MJ de lui servir ce qu'il aurait préparé ou ce qu'il a en tête. On sort de l'idée que ce sont les joueurs qui conduisent l'histoire, ils s'en remettent au MJ et deviennent presque « passifs ».
Du coup, j'étais bien embêté, je ne pouvais pas les orienter de suite vers une « Rencontre » (les PNJ préparés par le MJ) car ça donnerait une direction pré-mâchée à l'histoire. Je pédalais donc dans la semoule.
Mon antidote, à la réflexion, c'est d'interdire les buts précédant une scène de type « chercher quelque chose ». Les joueurs devront remplacer « chercher » par « trouver » ou « rencontrer », ainsi on évite les longues minutes de brassage de vide consistant à chercher où aller.
Scènes super cool:
La première scène super cool tient au fait que la joueuse (Mélanie) connaissant bien mes jeux a joué de manière proactive, voyez plutôt :
Mélanie a décidé de jouer une scène où son PJ va voir son mentor Ilona pour en apprendre plus sur l'origine des Démiurges (Mélanie a créé le PJ en relation sur sa fiche de PJ en lui choisissant un nom et en définissant la nature de leur relation). Elle a décidé que c'était une femme avec qui son personnage (un psychomètre du nom de Psellus) avait une relation amoureuse. J'ai proposé qu'elle soit historienne.
Rapidement, ils se retrouvent au lit. Psellus tente de lui procurer de belles sensations par psychométrie, mais Ilona lui demande de ne pas le faire, elle considère que c'est un viol de son esprit. Ça tourne en discussion : Pour Psellus, c'est un cadeau qu'il fait à ses proches d'embellir leur quotidien en influençant leur esprit. Pour Ilona, c'est une intrusion et une imposition de ce que Psellus veut qu'elle ressente.
Ça débouche sur un Conflit, où Psellus parvient à immerger Ilona dans un paysage qui la subjugue, mais il comprend que les autres peuvent être sensibles à des esthétiques différentes des siennes (Mélanie a volontairement joué des dés de valeur plus faible pour manifester le fait que mon argument lui a plu).
J'ai adoré cette scène, Mélanie si tu veux nous donner ton point de vue, n'hésite pas.
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Autre scène cool : le personnage de Cédric « Sigma » découvre un laboratoire secret dans lequel il aurait subi des expériences faisant de lui un être hybride entre humain et animal.
Il rencontre le directeur du laboratoire, un homme d'affaire auquel il propose de faire équipe pour développer cette nouvelle espèce d'êtres vivants et en créer toute une communauté.
L'homme accepte mais semble faux.
Ici j'ai adopté le conseil donné par Vincent Baker dans Dogs in the Vineyard : les personnages peuvent avoir des secrets et mentir, mais le MJ et les joueurs non. Quand un personnage ment, on sait toujours qu'il ment d'une manière ou d'un autre. Alors que l'homme lui tend la main pour valider leur accord, Cédric a une hésitation. Il a bien compris que le directeur du labo était louche. Je lui ai dit : « je ne suis pas là pour vous piéger, quoi qu'il se passe, vous avez toujours la possibilité de réagir et de vous y opposer ». Du coup Cédric a été rassuré et a accepté de lui serrer la main.
À ce moment là, l'homme a tenté de prendre possession de son esprit. Sigma a lutté et a sacrifié son métier de Comédien de la manière qui suit (approximativement) : face à la menace et à tous les enjeux de ce laboratoire, il s'est rendu compte que le théâtre n'était qu'une perte de temps et a donc abandonné sa carrière, n'y éprouvant plus aucun intérêt.
Il a assommé son adversaire et a réussi à s'enfuir.
Observations :
De nombreuses choses se confirment, mais je remarque quelques problèmes :
- Lionel (Arkel), le troisième joueur a commencé la semaine dernière une partie dans laquelle un PNJ avait été transmuté en créature contre son gré. Ils ont retrouvé son laboratoire militaire.
- dans la présente partie, Sigma avait comme Trait « retrouver le laboratoire dont je me suis échappé et comprendre ce qu'ils m'y ont fait. »
Je me suis rendu alors compte qu'il y avait de grandes similitudes entre les deux scènes, avec des humains regroupés dans des pièces et subissant des expériences alchimiques.
Alors certes, le jeu n'est pas fait pour qu'on rejoue deux parties deux fois de suite dans le même contexte avec des PJ différents et c'était un peu un malheureux hasard que le PJ Sigma ait une problématique très similaire à celle du PNJ de la dernière partie, mais du coup, je m'interroge : est-ce que la manière dont j'amène les objectifs des personnages (PJ et PNJ) dans le jeu ne conduit pas à limiter les types de scènes possibles et à créer une récurrence de scènes de laboratoires, de rencontres de démiurges dans leur maison, d'infiltrations dans de grands bâtiments etc.
Et ce, d'autant plus que dans la majorité des cas, le MJ devra improviser ces mises en scène et risque d'épuiser assez vite ses ressources créatives étant donné que le jeu exclut le « surnaturel » en dehors des pouvoirs dont l'utilisation est précise et codifiée. Ça demande une bonne connaissance et une bonne compréhension du type de fiction dans laquelle on joue et d'une vraie virtuosité à l'impro.
Soit ce n'est pas un problème et on oublie, soit c'est un problème et dans ce cas, je ne vois que deux options pour le moment :
- les responsabilités et propriétés fonctionnent comme suit : les joueurs contrôlent les actes, paroles et pensées de leurs PJ ainsi que tout ce qu'ils créent ou leur appartient. Le MJ fait pareil pour les PNJ. Je pourrais changer ça en ne verrouillant côté MJ que les PNJ créés à l'avance (les Rencontres) et ce qu'ils créent et ce qui leur appartient. Les autres PNJ et le décor autre serait partagé entre joueurs et MJ... Je ne suis pas complètement séduit par cette solution parce qu'elle impose de transformer assez radicalement la posture des joueurs (je parle bien des postures de type acteur/auteur/metteur en scène) et le MJ risque de s'ennuyer pendant certaines scènes. À tester néanmoins.
- Préparer des lieux types très diversifiés avant la partie (description du monde plus en détail dans le bouquin). Et là, le problème, c'est que ça va compliquer la préparation des parties de manière assez importante, je ne veux pas que la description du monde devienne une usine à gaz. Donc je ne suis pas satisfait par cette idée également.
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Mon deuxième point important, c'est cette question de virtuosité que le jeu demande au MJ. Pour ma part, ça fait plus de 6 ans que je bosse sur ce jeu, j'ai donc beaucoup d'inspiration quant à son univers.
La deuxième personne à y avoir été MJ est Fabien alias : « Monsieur imagination ».
Il m'arrive de devoir carburer à fond pour faire des mises en scène potables et je me considère plutôt à l'aise question imagination. Je me dis : Qu'est-ce que ça va être pour des MJ un peu moins à l'aise ?
En fait, c'est surtout vrai lors des scènes qui ne sont pas liées aux Rencontres : un joueur veut faire quelque chose, je dois improviser une situation, 10 à 20 minutes après, c'est au tour d'un autre joueur, allez hop, je dois inventer un autre lieu. Comme j'ai préparé les Rencontres à l'avance, pas de problème. Mais quand c'est quelque chose d'inhabituel, ça me paraît potentiellement ardu, surtout si le joueur n'est pas proactif. La scène jouée par Mélanie tournait bien, mais celle de Cédric était moins évidente : il s'est rendue à l'adresse du laboratoire qu'il recherche, il a pénétré le bâtiment, il observait progressivement, je galérais à rendre ça intéressant. Bon, Mélanie lui a expliqué que pour bien profiter de ce que le jeu proposait, il devait aller de l'avant et non pas se méfier du moindre détail.
Néanmoins, inventer ce qu'il y avait dans ce labo, c'était un exercice délicat (la fatigue jouant également).
En écrivant ça, je me rends compte que toutes les scènes où je galérais étaient des scènes qui s'embourbaient dans la paranoïa des joueurs et leur attente que je leur donne moi du grain à moudre, plutôt que d'aller chercher les situations fun.
Il faut peut-être que je trouve un moyen de faire aller les joueurs (encore plus) de l'avant, quand ils sont proactifs, j'ai beaucoup moins de problèmes...
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Pour toutes ces remarques, je pense que j'aurai besoin que d'autres playtestent le jeu, mais attendez la prochaine version qui sera améliorée sous plusieurs aspects, sinon, vous ne pourrez pas vraiment comprendre ces problématiques de manière précises. ;)
Ensuite, si vous avez des analyses et des questions constructives sur les problèmes et questions que je soulève, vous êtes les bienvenus.
Les joueurs sont également bienvenus pour donner leurs points de vue sur la partie et le reste.