Où, quand ?
Poitiers, de nos jours
Situation initiale
Meurtre sordide de l'organiste dans la cathédrale de Poitiers, à ses pieds, le dernier roman d'E. Joris, romancier d'horreur à succès international, ouvert à une page où le même meurtre et décrit dans les moindres détails.
(Je pense que d'avoir une situation initiale un peu plus développée et directement problématique donne aux joueurs des objectifs plus directs. À voir sur plusieurs parties.
Les joueurs et leurs PJ
- Gaël : Suzanne, la femme de l'organiste. Son ancrage : son fils.
- Laurent : Monseigneur Bertrand, l'archevêque de Poitiers. Son ancrage : une croix d'argent en pendentif, symbole de sa foi.
- Lionel : Raphaël, journaliste. Son ancrage : une bague qui appartenait à son meilleur ami, mort il y a longtemps.
Puis pour les explications, j'ai demandé aux joueurs d'inscrire sur l'espace libre de leur feuille qui leur sert de fiche de perso, les points de règles qui les concerne. Plus précisément, celles dont ils vont devoir se rappeler. Je pense que ça leur a été utile.
C'est parti !
Vous n'êtes pas obligés de lire ce CR exhaustif, quelques scènes suffiront à vous donner le ton de la partie. La totalité n'est intéressante que pour ceux qui s'intéressent de près au jeu.
Raphaël se rend le matin succédant au meurtre dans la cathédrale pour faire son boulot de journaliste, mais là, Mgr Bertrand l'entreprend pour lui demander de revenir plus tard, par respect pour le saint lieu et pour le défunt et sa famille (il ne veut pas que l'image de son diocèse soit entachée).
Chacun fait un rêve étrange ou a le souvenir d'un rêve de ce type en quittant le lieu. (c'est pas mal de ne pas avoir de dé d'office au début, ça force à se familiariser avec le principe de monologues.
Puis, Raphaël décide de partir. Il reviendra plus tard.
Suzanne a été prévenue du drame, elle se rend sur les lieux.
Elle repense à son rêve où elle est en robe de mariée, son père l'embrasse, elle arrive devant l'autel et là, son mari n'a pas de visage, elle se retourne et c'est son fils qui joue de l'orgue... (je ne sais plus comment, mais j'ai rayé son nom une fois pour lui faire revivre cette scène de suite après... ce serait plus subtil d'attendre un peu, je pense, c'est pourquoi j'ai noté brièvement le contenu substantiel de chaque monologue).
Elle surprend des ados fans de littérature d'horreur qui sont venus voir ce meurtre, copie exacte de leur bouquin préféré. Mais Suzanne les fait sortir de la cathédrale.
Elle rejoint Mgr Bertrand, alors que les gendarmes qui ont fait enlever le corps (empalé sur les tuyaux de l'orgue (qui au passage est l'orgue le plus grand d'Europe, ou un truc comme ça) continuent de récolter les indices.
On peut dire que c'est la fin de l'intro, chaque PJ a été inclus dans l'histoire, ils ont eu des interactions entre eux, ils ont fait des monologues en utilisant leur ancrage. Plus la partie est avancée, moins ils ont utilisé leur ancrage (simple oubli ou volonté de ne pas trop le salir ?)
Dehors, Raphaël se fait accoster par des gens, le regard vide qui s'écrient que plus rien n'a de sens, la vie n'en vaut plus la peine. Il s'enfuit et remarque que certains possèdent "Nihil", le dernier roman d'Edouard Joris. Il s'empare de l'un d'eux.
Et là, il voit plusieurs personnes qui en frappent une autre avec une violence inouïe, le mordent...
Il ouvre le livre par curiosité et lit exactement le passage qu'il vient de voir.
Quand il lève les yeux de son livre, il se rend compte qu'il est encerclé par ces gens se lamentant, le regard vide. (Je pense qu'il peut être utile que les joueurs ne sachent pas vraiment ce que le MJ peut faire ou ne pas faire avec la liste noire, là en tout cas, Lionel a balisé, alors que je ne pouvais concrètement rien faire à son PJ).
Du côté de l'archevêque et de la veuve, dans la cathédrale, des personnes entrent, en donnant des coups de pieds dans ce qu'ils peuvent renverser et en poussant des cris de déments.
Deux gendarmes sur trois descendent et vont les sommer de respecter le lieu saint, ils se font tabasser sans sommation. Celui qui est resté en haut sort son arme et les descend depuis le balcon ou il se trouve avec les deux PJ.
Un prêtre a refermé la porte.
Raphaël s'enfuie en passant par le centre commercial, où il voit sur des écrans un reportage de journal TV disant que les pensionnaires du pavillon de haute sécurité de l'hôpital Henri Laborit (Hôpital psy de Poitiers) ont été libérés.
Mgr Bertrand a une hallucination dans la cathédrale... il se retrouve au moyen-âge, et découvre une situation semblable à celle qui se déroule, un prêtre possédait le même pendentif que lui...
Il décide de courir vers la cathédrale. Il découvre alors que plusieurs personnes attaquent la porte de la cathédrale à coup de hache (la porte ne cèdera pas, mais mieux vaut ne pas se faire voir. Il se rend sur le parking et ouvre "Nihil". Il découvre sous la photo de l'auteur un texte où l'auteur explique que c'est quelque chose qui le contrôle qui écrit ses livres à sa place.
(J'ai mis un certain soin à rythmer les scènes tournant autour de chaque PJ).
Suzanne veut aller chercher son fils au collège Henri IV à quelques rues de la cathédrale. Le gendarme propose de l'y emmener.
Ils sortent avec l'archevêque sur le parking de la cathédrale et voient le journaliste qui tient le livre dans ses mains.
Suzanne arrache le livre des mains de Raphaël en lui disant qu'il est dangereux et le faisant tomber, découvre à une page un symbole étrange (ça c'est fabuleux, Gaël qui intègre lui-même une révélation du scénario dans la partie sans le savoir, résultat, j'en ai profité pour placer le d8 correspondant).
Mais à ce moment, quelqu'un apparaît derrière Suzanne, un homme au rire aigrelet, armé d'un couteau, qui attrape Suzanne et l'entraine dans une ruelle sombre. Raphaël démonte un enjoliveur d'une voiture et s'en sert de Frisbee pour assommer le fou dangereux. Mais rate complètement son entreprise, Suzanne ne parvient pas à se libérer... l'homme l'entraîne dans un appartement. Le gendarme est aux prises avec le groupe de tout à l'heure, armé de haches et d'un tronçonneuse. Leurs visages sont déformés, les orifices bouchés...
Mgr Bertrand poursuit le kidnappeur, il monte dans l'appartement...
Suzanne est aux prises avec l'homme qui l'a jetée sur le lit et la maintient, la déshabille. Elle ne parvient pas à se libérer. Quand Mgr Bertrand arrive, l'homme est en train de la violer. Il s'empare d'un objet contondant, a une révélation occulte (dont je ne me souviens plus) et attaque le violeur, qui se défend et le met à terre.
Là, à semi conscient, l'archevêque assiste au viol sans pouvoir réagir.
Suzanne découvre alors que l'homme qui abuse d'elle possède le même pendentif que l'archevêque (chose intéressante, Gaël n'a pas proposé d'interprétation à cela, alors je lui en ai proposé une : sa foi n'a pas suffi à l'épargner).
Elle attrape cependant le pendentif et le met dans la bouche de son tortionnaire et parvient à s'enfuir.
Nue dans le froid, elle cherche une boutique où elle trouvera des vêtements. Elle trouve une boutique de robes de mariage...
Mgr Bertrand quant à lui est aux prises avec le kidnappeur, il essaye de s'enfuir en rampant sur le sol, il essaye de se défendre avec son pendentif, mais l'homme l'assomme.
Raphaël et le gendarme finissent par s'enfuir en voiture. Ils se rendent à Civray (un village au sud de Poitiers) où se trouve la maison du romancier, le gendarme doit aller l'interroger.
(C'est moi qui ai donné cette direction à la partie, peut être aurais-je du laisser les joueurs y venir, mais les d4 tardaient à venir... Ou alors n'aurais-je pas dû préciser dans le scénario que l'écrivain vivait là-bas et le laisser dans Poitiers n'empêche que la suite a également valu son pesant de cacahuètes...).
Sur la route, Raphael met la radio, il entend que des gens se sont rassemblés sur la place de l'hôtel de ville et scandent le nom de Joris.
Le gendarme accélère soudainement, Raphaël découvre que les orifices de son visage sont bouchés, le gendarme, ou plutôt ce qu'il est devenu pousse une plainte qui le transperce...
Raphaël tire le frein à main et fait faire un tonneau à la voiture.
Mgr Bertrand se réveille ligoté à une chaise. Il essaye de se libérer mais n'y parvient pas, il finit par pousser un cri, son regard et ses pensées se perdant pour toujours, toute cette cruauté lui a fait perdre la raison...
Suzanne revêt une robe de mariée, déchire les froufrous pour être plus à son aise et se rend au collège. Il n'y a personne dans les rues...
Arrivée au collège, des sacs d'écoliers jonchent le sol, des affaires sont éparpillées. Dans le bâtiment, les couloirs sont en désordre, les meubles renversés. Elle entend un grincement dans les hauts parleurs et décide de se rendre dans le bureau du directeur (où se trouve le poste d'émission).
La porte est fermée, armée d'un extincteur (on a fait la réflexion que l'image de la femme vêtue d'une robe de mariée et armée d'un extincteur était sublime), elle brise la vitre de la porte et passe la main pour l'ouvrir, mais se fait taillader l'avant-bras. Elle déchire un pan supplémentaire de sa robe et se fait un garrot. Elle défonce complètement la porte et se fait attaquer par une petite silhouette armée d'un couteau de cuisine. Elle l'asperge avec l'extincteur. Il s'agit de son fils. Elle le prend dans ses bras (j'ai ajouté un dé et Gaël a pris le dé présent dans le bol, car il s'agit d'une scène d'ancrage sans surnaturel).
Raphaël est indemne, mais le gendarme, dont le visage est bel et bien normal est dans un sale état...
Il le sort de la voiture et lui fait les premiers soins.
Il attend... une voiture approche, il se met au milieu de la route pour l'arrêter. Une famille... paniqués, ils font demi-tour.
Raphaël décide d'utiliser la radio de la voiture du gendarme, si toutefois elle marche... c'est bien le cas. Le poste de gendarmerie leur envoie quelqu'un, mais le temps qu'il arrive, le gendarme est décédé.
Le gendarme décide d'aller voir ce E. Joris, l'enquête doit se poursuivre.
Une immense maison au milieu de la forêt (bien sûr !). Ils entrent.
Là, le romancier les accueille et leur sert du thé.
Le gendarme se rend aux toilettes (il ne reviendra pas). S'ensuit une discussion entre les deux hommes, Joris connaît le prénom de Raphaël, alors qu'ils se voient pour la première fois. Le romancier invite Raphaël à lire le livre. Il lit alors la description de la scène qu'ils viennent de vivre. Raphaël poursuit et voit qu'il pousse une porte qu'il ne devrait pas pousser et voit ce qu'il n'aurait jamais dû voir.
Laurent lui donne un dé (son personnage étant mort) et lui impose une révélation : le décors se transforme et il découvre... Cthulhu (bon, je crois qu'on n'a pas tous été hyper fan de cette intrusion dans notre histoire, mais tant pis).
Toujours est-il que ça collait avec le récit du livre. Raphaël utilise un pouvoir occulte et son ami apparaît grâce à sa bague et transperce le romancier dans son fauteuil avec un tisonnier. Mais celui-ci étend les bras et invite son hôte à faire ce qu'il doit pour que l'entité supérieure investisse son corps.
Raphaël cherche à s'enfuir, mais la porte de la pièce se referme devant lui. Il essaye en vain de l'ouvrir.
Soudain, il ne peut plus respirer. Il voit qu ele romancier fait un geste en refermant sa main...
Suzanne trouve une voiture ouverte, les clefs sont sur le contact, mais le conducteur est encore là, la tête enfoncée dans le volant, du sang partout. Elle sort le corps et fait monter son fils dans la voiture maculée.
Elle se rend à Civray, pour trouver ce romancier.
En chemin, un tas de corps jonche la route. Elle décide de traverser, la description de sa réussite était pour Gaël plus une punition qu'autre chose. :D
Plus loin, elle voit un homme qui marche sur le bas côté dans une robe pourpre... il s'agit de Mgr Bertrand. Elle décide de foncer, de lui passer au travers... ce qui lui fera perdre son ancrage. J'ai beaucoup aimé la façon dont Gaël a interprété cela :
Alors qu'elle écrase volontairement l'archevêque, son fils la regarde, mais se dit que ce n'est plus sa mère...
Raphaël sacrifie son ancrage également pour survivre, mais alors qu'il essaye de tuer le romancier, il perd la raison et s'enfuie en voiture.
Suzanne croise Raphaël dans la voiture de gendarme en contre-sens, mais elle continue.
Elle arrive à la maison, les portes s'ouvrent sur son chemin comme si elle était attendue.
Joris empalé dans le fauteuil l'invite à entrer. Elle lui dit qu'elle ne croit pas en la destinée et le tue (je ne me rappelle plus comment) mais ce faisant, perd la raison.
Épilogue narré par le GM (le gardien du mystère = MJ)
Les choses sont revenues à la normale. Thomas (le fils de Suzanne) joue avec d'autres enfants dans un orphelinat.
Suzanne quant à elle est dans une chambre de l'hôpital psychiatrique... enceinte.
Réflexions
En tant que MJ, je les ai laissés prendre leurs marques et après, je leur suis rentré dans le lard de manière agressive :
J'avais un grand contrôle (pas exclusif) sur les situations, j'ai donc amené des conflits en les resserrant de plus en plus dans le temps pour provoquer le plus d'échecs possibles et donc pouvoir noter leurs noms sur la liste noire. Quand la situation s'y prêtait, je rayais les noms pour provoquer des trucs sordides (par exemple le viol). La difficulté à réussir les conflits les a amené à multiplier les monologues et donc, à augmenter les risques...
Cette dynamique était excellente.
Je remarque que les joueurs ont peu cherché à résoudre l'intrigue par leurs actions, ils étaient vraiment les victimes accablées sur qui les forces se déchaînaient. Pour autant, je pense que leurs espaces de créativité ("toute action peut aboutir" + "les monologues") ont largement compensé le fait que c'était moi qui menais la danse. Car si je menais la danse, c'est eux qui créaient l'histoire par leurs choix, leurs propositions et les monologues. Ils m'ont dit à plusieurs reprises que c'étaient eux qui faisaient tout le boulot au niveau de l'histoire. :D
J'ai aussi limité leurs autorités sur le contenu et la situation, ce qui fait qu'ils étaient encore plus dans cette position de victimes. Je leur ai dit : en dehors des monologues et des narrations de résultat de conflit, contentez-vous de jouer vos personnages. Et je pense que ça a eu du bon. Je pense que je le rejouerai comme ça les prochaines fois.
On n'a pas utilisé la "suggestion". Je n'arrive pas à très bien assimiler cette règle et les joueurs ont voulu l'utiliser comme les dons de dés quand leurs PJ sont morts ou fous (d'ailleurs, ça ils s'en sont donnés à cœur joie, par contre).
Un peu de flou sur la question de quand on peut interrompre un conflit pour donner ces dés de joueur dont le PJ est mort ou fou. Parfois, ça me semblait intrusif, j'avais envie que ça ne perturbe pas les évènements, parce que le joueur avait les dés en main et allait faire un truc cool.
Je laisse Gaël donner ses sensations sur la partie, Lionel m'a dit qu'il a vraiment flippé par moments. L'ambiance était excellente, ils ont pris leur pied à torturer eux-mêmes leurs PJ sous mon impulsion.
P.S. : Christoph, tu as le scénar, si tu veux le publier, je te laisse décider. ;)