Bonjour à tous, bienvenue à Lorraine !
Frédéric, mon argument est de dire que la plupart du temps une ellipse se fait avantageusement avec un cadrage de scène, et que les conflits ont besoin de causalité assez évidente (ça n'empêche pas un effet de style de temps à autre, mais voilà).
Concernant les Risques, vos remarques m'ont fait voir qu'il y a plusieurs points qui se télescopent dans ma tête :
- Premièrement, le Risque peut parfois être un Enjeu que défend l'autre partie (la mère d'Audrey et les médias) : alors pourquoi ne pas résoudre ça comme un conflit ou comme deux qui se suivent de près, et non comme une conséquence d'un autre Enjeu ? Il y a plusieurs jeux qui gèrent les conflits parallèles en une fois (The Shadow of Yesterday, Primetime Adventures, peut-être Shock: je ne suis plus sûr, et d'autres encore), c'est donc techniquement possible tout en gardant le spectre entier des issues : les deux enjeux sont atteints, seulement l'un ou l'autre, ou aucun.
- Deuxièmement, un Risque peut parfois être juste une Répercussion (voir les doutes de Fabien, après quelques messages), en particulier quand la Répercussion consiste à ajouter un Trait. Un Risque comme « que Jules prenne peur de Georges » et un Trait sur la feuille de personnage de Jules indiquant « Georges me fait peur » c'est très similaire. Ce n'est pas clair pour moi pourquoi il y aurait deux procédures différentes pour essentiellement les mêmes effets, ça obscurcit les règles. C'est aussi ça que je désigne par pré-négociation. Ça fige les événements prématurément (on choisit une pseudo-Répercussion avant d'avoir l'évaluation des Répercussions).
- Troisièmement, certains joueurs semblent en profiter pour fixer des choses dans le futur (voir à ce sujet les propos de Ben Lehman concernant Polaris), hors-proportion ou hors-portée, qu'ils ne feraient pas si c'étaient des Enjeux et qui seraient bien définis si c'étaient des Répercussions.
Pour illustrer le cas du Risque en tant qu'Enjeu, je prends la scène où Della Rocca rencontre la mère d'Audrey. Elle aurait pu être gérée ainsi : les deux se rencontrent, Della Rocca nie avoir fait disparaître la fille. Enjeu : est-ce qu'il parvient à mentir jusqu'au bout ? Si non, alors évidemment la mère va dénoncer Della Rocca (flics, médias), mais alors le prince va essayer de l'en empêcher (nouveau conflit !) Si oui, alors peut-être que la mère le croit, ou pas (mais sans aveux, la suite va être plus difficile pour elle !) Formulé comme c'était le cas avec les règles utilisées dans cette partie, Fabien risquait de voir la mère aller aux flics sans pouvoir intervenir (pour une simple question de règles, pas de contingences fictionnelles). Si son personnage n'était pas au courant des intentions de la mère, alors il n'y avait pas besoin de le préciser avant le conflit, on pouvait mettre le vampire devant le fait accompli grâce à un cadrage de scène (ce qui s'est finalement passé). S'il était au courant (parce que la mère le menaçait), alors je trouve bizarre d'enlever la
possibilité de s'interposer (un conflit qui titille allègrement son Problème, ce serait dommage de le zapper !), bien qu'on puisse effectivement trouver des justifications (arrogance du vampire qui croit être hors de portée des médias).
Pour illustrer ce flou entre Répercussions/Risque et leur portée, je prends une autre partie,
Crise de foi. Je veux bien que la ferveur de la sœur ébranle le frère, mais va-t-il vraiment devenir croyant instantanément comme ça ? Non, et le rapport de Fabien le montre bien : le Risque (enfin, Fabien parle de retombée) était que le frère se mette à croire, mais notre strasbourgeois décrit qu'en fin de compte il se met juste à se poser des questions. La conséquence est nuancée, et ça m'étonnerait qu'elle soit indépendante de ce qui s'est passé durant le conflit (ou alors ils n'ont juste pas respecté la règle du Risque). Mais le questionnement religieux est une excellente idée de Trait, non ? Ça permet d'ancrer le questionnement dans la durée. Je développerai encore plus bas, en réponse à Bichette.
Bichette je vais préciser, j'ai été un peu flou. Dans beaucoup de jeux traditionnels, on résout des « tâches » (grimper une falaise) qui se résolvent soit en un seul lancer de dé, soit en « lance-jusqu'à-ce-que-tu-échoues » (enfin, après trois-quatre lancers, si le joueur réussit, ça lui est finalement quand même accordé). Les risques vont de la description humiliante (après un mètre, tu te vautres lamentablement parce que tu t'es pris le pied dans une sangle de ton armure de plates), à la perte de point de vies, à la mort pure et simple parce que le MJ décide que c'est plus « réaliste ». La mort du personnage est une punition (je dois arrêter de jouer). D'où les drames. Rien n'est transparent. Et en fait, ce n'est pas tant la question de grimper la falaise qui nous importait, mais de rattraper le grand méchant qui y était juché, question complètement zappée par des préoccupations nettement moins palpitantes (mais ça arrange bien le MJ qui ne voulait pas qu'on confronte le méchant maintenant).
En revanche, dans
Psychodrame on déclare nos intentions (qui seront respectées en cas de succès) et on sait d'emblée ce qu'on risque peu importe le contexte fictionnel (ajout/modification de Traits, modification des émotions, mais il n'y a pas de risque de perdre son personnage sur un bête lancer de dés ou un coup de sang du MJ, ne serait-ce que parce qu'il n'y en a tout simplement pas). Le système nous laisse évaluer dans quelle mesure on peut être affecté et nous laisse l'option de poursuivre sur plusieurs manches ; ça reste néanmoins non-défini. Les Risques se posent au niveau des événements imaginés et sont concrets.
Ceci m'amène à la question de la pré-négociation. Quand je confronte quelqu'un verbalement, il me semble assez évident que,
selon comment ça se passe, je risque de me prendre un poing dans ma face, ou juste faire pleurer mon interlocuteur. En revanche, ne sachant pas comment ça
va se passer, je ne sais pas qu'est-ce qui m'attend vraiment, mais je peux évaluer les risques à
Psychodrame grâce au système très transparent et, selon comment je poursuis le conflit, je peux introduire des éléments qui changent le contexte pour les Risques (le fameux
I am your father n'est-il pas lancé au beau milieu d'un conflit ? Personne ne voyait venir le coup du « je me jette en bas du puits » comme Risque du conflit, pourtant c'est logique une fois qu'on y est). J'aimerais donc distinguer la discussion informelle (qui permet effectivement d'augmenter la tension et notre enthousiasme, ou juste comprendre les paramètres régissant les issues d'un conflit) et la formalisation en termes de règles. Je suis pour une discussion rapide des risques potentiels, ça aide à comprendre les idées de chaque joueur. Le joueur qui obtient le droit de raconter l'issue du conflit va alors se rappeler de tout ça, mais peut encore choisir et préciser. Avec un Risque formalisé qui fait partie du mécanisme de résolution (ce n'est pas juste une suggestion, c'est une contrainte, d'où mon choix d'utiliser le terme « négociation »), alors on diminue l'intérêt de raconter l'issue (on sait déjà ce qui se passe), ce qui rend l'attribution de cette responsabilité beaucoup moins importante. Comme déjà dit à Frédéric, ça fait aussi tout simplement double usage avec les Répercussions.
Concernant le conflit intérieur, je crois que je ne me suis pas assez bien expliqué. La question n'est pas « est-ce que le Risque est à la hauteur des personnages ? », mais « est-ce que ce Risque peut être une conséquence d'un acte d'un personnage ». Or, je peux me torturer le cerveau avec autant de questions que je veux, ma mère ne deviendra pas folle, bon sang ! Le doute peut la ronger pendant des semaines et des semaines et elle deviendra folle progressivement (cadrages de scènes !) ou quelqu'un peut lui annoncer une mauvaise nouvelle et elle subirait un choc (cadrage de scène ou nouveau conflit, c'est selon). En conflit interne, la seule personne qui prend un Risque immédiat, c'est le personnage en question. D'ailleurs, c'est le seul qui peut prendre des Répercussions, soit dit en passant. Cela peut déboucher sur d'autres conflits, évidemment, si le personnage se résout à confronter quelqu'un. Le conflit formulé comme le propose maintenant Lorraine me pose nettement moins de problèmes.
Finalement, quand je dis que c'est naze de vouloir l'échec de son personnage, je parle du contexte des conflits. Bien sûr qu'il y a des échecs à
Psychodrame, ne nous cachons pas derrière une rhétorique de « ce jeu est plus profond que
D&D ». Si je veux réconforter quelqu'un et que je fais une gaffe qui le rend encore plus malheureux, alors oui, j'ai échoué. Bien sûr, je n'ai pas
perdu, mais si c'est un échec cuisant par rapport au but que je m'étais fixé.
Donc, c'est naze de lancer un conflit en voulant d'emblée aller dans le sens de son adversaire. Y a pas de conflit à jouer, c'est une perte de temps. Ce que je dis, c'est qu'il faut avoir une idée de ce que veut son personnage et défendre ça via les conflits. Si cette chose est le suicide, alors on défend ça contre quelqu'un qui voudrait l'en empêcher et on ne part pas dans l'optique de perdre le conflit exprès, parce qu'alors on trahit la volonté du personnage (on peut éventuellement changer d'avis en cours de conflit, mais il faut commencer par se battre). Le fait est que toutes les ressources de notre feuille de personnage reflètent notre personnage, on doit donc le jouer lui. À la rigueur, s'il y avait une ressource indépendante du personnage, alors je pourrais concevoir la notion de défendre son personnage avec ses ressources selon ce qu'il veut, et aider son adversaire avec les ressources abstraites (typiquement parce qu'en tant que joueur on trouve que ce personnage est en train d'aller trop loin et qu'il lui fait quelqu'un pour lu faire voir la raison).
L'argument de Guillaume va dans mon sens, mais j'irai encore plus loin. On peut jouer à
Polaris en proposant des conséquences qui seraient purement des coups du sort, qui ne font sens qu'au niveau des joueurs, le contexte s'y prête à première vue. Mais pour avoir joué comme ça, j'ai vraiment envie de revenir à une causalité des actes, parce que sinon ça part dans l'absurde (voir aussi les commentaires de Ben Lehman
ici.) Mon engagement n'est donc pas seulement au niveau de
Psychodrame, c'est vraiment un principe esthétique fondamental que je défends.
Je n'ai pas de solution à proposer, mais j'espère que cette analyse permettra à Frédéric de décider si les tensions que je souligne existent vraiment et si elles doivent être traitées ou non.