[Psychodrame] Drame vs Comédie
Publié : 25 Juin 2008, 14:29
Vous remarquerez que j'aime bien les titres en « truc vs machin ». Ca m'évite généralement de me prendre la tête pour trouver un titre plus subtil, il faut croire.
***
Voici donc un petit compte-rendu de partie pour Psychodrame. Partie du 22 juin jouée aux 24h du JDR de l'association La Guilde à Poitiers.
Les joueurs venant de finir une partie de Cthulhu à 7h30 du mat', n'étaient donc pas forcément de première fraîcheur et pourtant... Ils ont grave assuré !
Fiction !
Nous avons choisi pour problème une question d'héritage : père de famille mourant voyant ses proches venir à son chevet. Sont-ils là seulement pour l'héritage ?
Les personnages (ou scénarisation de la partie)
- Franck a joué Gérard Berthold, le père de famille de 69 ans, agriculteur (ou plutôt propriétaire agricole), de personnalité antisociale.
- Pierre a joué Arnaud Berthold, le fils du précédent, 40 ans, artiste freelance de personnalité narcissique.
- Frédéric a joué Sylvie Berthold, épouse de Gérard et belle mère d'Arnaud. 40 ans, aide Gérard dans son entreprise, de personnalité dépendante.
- Laurent a joué Claude Monet, le notaire et ami de Gérard. 40 ans également et de personnalité histrionique.
- Et moi j'ai joué Rémi Berthold, neveu de Gérard et donc cousin d'Arnaud, comptable de 32 ans de personnalité évitante.
A la question : vaut-il mieux que l'on choisisse des personnalités différentes ? Je réponds généralement que ça n'est pas nécessaire, car deux narcissiques peuvent ne pas se supporter comme deux tempéraments opposés en apparence peuvent finalement s'entendre. Mais je suis content pour ces parties encore un peu test, d'expérimenter différentes personnalités.
J'ai réduit le nombre de trait à 1 par catégorie et par relation, ce qui rend la fiche bien moins longue à créer.
Les relations entre personnages étaient bien ficelées, car écrites à partir des faiblesses des autres.
On a du commencer vers 8h, à 9h30 les fiches sont fin prêtes, la partie peut commencer.
Le récit
La partie a au total compté 5 conflits dont voici les enjeux (ceux-ci ont été définis au fur et à mesure de la partie) :
- Rémi veut que son oncle lègue son héritage aux bonnes œuvres : A l'hôpital (Velpeau ?) Rémi parle en privé à son oncle en lui disant que son fils et sa femme ne méritent pas son héritage et qu'il ferait mieux de tout donner à une œuvre caritative. Gérard lui demande pourquoi et Rémi lui répond que sa femme ne l'aime pas vraiment, ce qui provoque la colère de Gérard. C'est le moment que choisit Frédéric pour faire entrer Sylvie en scène. Elle vient remercier Rémi pour sa visite (et pour me faire culpabiliser) et Gérard me demande de lui répéter ce que je viens de lui dire. J'ai joué la fuite en m'esquivant maladroitement. Puis le conflit s'est détourné de l'objectif que j'avais fixé, pour finir par un refus de donner cet héritage.
- Sylvie veut que son mari prenne du repos : Dans le domaine familial, les 5 protagonistes sont réunis. Ici le conflit tourne autour de la gestion de l'argent du père, qui veut partir en vacances avec son épouse, qui elle, veut qu'il prenne du repos... Finalement, Gérard ne veut pas se reposer, il refuse l'idée d'être mourant et d'attendre sagement la fin. J'ai ajouté à Sylvie le trait : commence à trouver Arnaud mignon, mais je pense que la lourdeur incestuelle de ma proposition a fait que Fred n'a pas joué dans ce sens.
- Gérard veut faire accepter sa fille cachée : A l'annonce de l'enjeu, réaction unanime d'enthousiasme pour la dimension caustique de la scène. La révélation est comme un coup de poignard pour Sylvie qui tente tant bien que mal d'accepter que son mari ait eu des liaisons avant elle. Cela ajoute une personne sur le testament... La fille cachée n'est pas une bonne nouvelle pour tout le monde. Mais des efforts sont faits. Durant ce conflit (d'après mes souvenirs) on a également appris que le notaire et Gérard étaient potes « d'orgies » et que l'infidélité semble jalonner leur parcours.
- Arnaud veut mettre son père à l'hospice : (Encore une proposition qui a valu des acclamations) La tension monte, le fils vénal essaye d'envoyer son père à l'hospice pour pouvoir faire main basse sur sa fortune. C'est Rémi et Claude qui s'offusquent le plus (si je me souviens bien), Rémi va même jusqu'à frapper Arnaud. Un conflit bien bordélique, les cartes ont fusé, les alliances se sont créées... bref, ça m'a permis de me dire qu'il fallait que je réfléchisse à une organisation du conflit pour les tables nombreuses. Résultat du conflit, le père n'ira pas à l'hospice. Claude commence à draguer ouvertement la femme de son ami.
- Claude veut faire déshériter le fils : Là, les alliances ont été assez surprenantes, le cousin et le notaire se sont alliés contre le fils, qui lui a été soutenu par son père et sa mère, jusqu'au moment où le fils avoue qu'il a vidé les comptes banquaires de son père et qu'il a dilapidé son argent. Gros coup de théâtre.
Fin de la partie : Arnaud est le premier a exploser son score de tristesse, Pierre décide donc qu'Arnaud part dans les îles avec l'argent détourné et profite de la vie avant de mettre un terme à son existence. Gérard meurt prématurément, sans doute à cause du chagrin, le Claude et Sylvie finissent ensemble et Rémi est très affecté par tout cela.
Ce qui est top, c'est que chaque joueur a pu définir un enjeu pour une partie qui a duré 2h30 (plus la création de fiche : 4h). Je suis donc très satisfait de ce point de vue. Le jeu a été très dynamique, les idées ont fusé.
Il est arrivé à plusieurs d'entre nous de rester en dehors des conflits et il faut dire que même spectateurs, on s'est bien amusés à suivre les frasques de nos camarades.
***
Interrogations !
De l'importance des controverses : drame d'auteur vs soap mélodramatique.
A choisir un thème tel que les questions d'héritage, je pense que l'on rend la partie difficilement sérieuse. Simplement parce qu'il n'y a aucun enjeu pour les joueurs. Un sujet controversé tendra à impliquer les joueurs simplement parce que l'enjeu de la fiction se décalera vers l'image qu'ils donneront d'eux à travers la fiction.
Bien sur, on peut jouer un nazi, un raciste etc. Et c'est de se poser la question : qu'est-ce qu'il peut penser, comment peut-il réagir, pourquoi ? Qui va déjà donner plus de profondeur à la partie. Ça a un nom en psycho, le fait de demander à quelqu'un d'adopter un avis qui n'est pas le sien et d'essayer d'argumenter dans ce sens. Il faudra que je demande à Magali...
Les joueurs ont comparé la partie à Amour, Gloire et Beauté et je ne suis pas tout à fait d'accord avec eux, je développerai un peu plus loin.
Comédie, mélodrame, drame, tragédie
- Selon Aristote, la comédie dépeint les hommes pire qu'ils ne sont et la tragédie les dépeint meilleur qu'ils ne sont. La comédie tend donc à nous moquer des vices humains quand la tragédie met en exergue les vertus humaines par de terribles épreuves. Il est à noter que la tragédie n'existe plus vraiment en tant que genre, car elle est assimilée à des considérations métaphysiques et possède des règles très précises qui n'ont plus tellement court.
- Le mot drame à l'origine vient du grec drama « action de faire ». C'est le terme employé pour désigner une pièce de théâtre. C'est tardivement qu'il a désigné un genre de récit suscitant la tristesse. De par son étymologie on peut donc le relier à une certaine justesse dans la façon de dépeindre l'être humain et de susciter les émotions.
- Le mélodrame était un genre de théâtral dans lequel un orchestre accompagnait la pièce. L'acception contemporaine réfère à des œuvres peu subtiles dans leur rapport à l'émotion et à l'être humain, il est le théâtre du Pathos, de l'outrancier.
La tragédie n'étant pas un genre accessible de nos jours, je la laisse de côté. Je pense que la frontière entre drame et mélodrame tient seulement à la subtilité mise en place dans le récit et l'interprétation des personnages et à la sensibilité des joueurs. Enfin, la comédie est un axe qui fonctionne bien, je pense que c'est ce que nous avons expérimenté durant cette partie.
Cette réflexion me fait dire qu'il y a un axe « Comédie-------Drame » sur lequel on pourrait placer les parties de Psychodrame. Les joueurs pourront choisir au début de la partie s'ils ont envie de jouer une tendance ou une autre, j'ai déjà une panoplie de conseils pour favoriser l'une ou l'autre, comme par exemple, choisir un sujet à controverse pour le drame, ne pas « jouer » la comédie pour le drame, mais s'en donner à cœur joie pour la comédie. Prendre le temps de réfléchir à la pertinence d'une parole pour le drame, jouer sur le rythme pour la comédie. Etc.
Là où notre partie des 24h du JDR n'était pas totalement du soap :Les joueurs riaient devant les idées souvent cruelles de chacun (catharsis dans le sens défouloir), or les spectateurs de soaps ne rient pas devant les ressorts narratifs, mais devant la pauvreté et la nullité des jeux d'acteur, du texte et de la mise en scène, du moins pour les spectateurs occasionnels. Les spectateurs réguliers, eux, se prennent au jeu et versent leur petite larme quand une scène est triste.
Là où c'en était :
Les personnages étaient assez stéréotypés, voire caricaturaux. Mais du coup, on tomberait plutôt dans la comédie cruelle façon Tanguy d'Étienne Chatilliez, avec un background qui aurait pu convenir pour un soap.
Pourquoi rit-on face à des choses plutôt cruelles ?
J'ai néanmoins l'impression que nos rires étaient souvent des rires de surprise face à l'imagination des autres joueurs, plutôt que du comique de situation (encore que). Je ne suis pas sûr qu'un film adapté de notre partie nous donnerait les mêmes émotions.
Le Roleplay aurait-il tué l'immersion ?
On était bien pris dans le jeu, mais il y avait un sacré contraste entre ce que l'on ressentait et ce que nos personnages auraient du ressentir. Il y en a toujours un, mais là, c'était souvent radicalement opposé.
Si l'on réfléchit bien, c'est toujours comme cela dans une comédie : on rit de la bêtise des personnages, de l'absurdité de leurs malheurs, de la gratuité de leur cruauté.
Les modifications de voix, les comportements « appuyés » ont à mon avis rendu les personnages trop caricaturaux pour qu'on s'identifie à eux, du coup, la compassion est passée à la trappe.
Bien entendu, je ne les ai pas briefé, je ne leur ai pas dit de ne pas « jouer », mais de réagir simplement, avec leurs voix et leurs attitudes naturelles. Ils ont donc naturellement « roleplayé » leurs personnages sans doute selon leurs habitudes et pris un certain plaisir en ce sens. Ils étaient d'ailleurs remarquablement créatifs.
C'est un héritage du JDR classique qui peut être tout à fait intéressant. Combien de fois lis-t-on des MJ sur des forums conseillant de donner un tic à chaque PNJ pour que les joueurs les identifient sans qu'il soit nécessaire de leur préciser de qui il s'agit ?
Simplement, Psychodrame a besoin de finesse si on veut y jouer sérieusement, si l'on veut que la crédibilité soit optimale. Donc, comme les acteurs puisent en eux-mêmes pour être leurs personnages plutôt que de maîtriser artificiellement les muscles de leur visage pour pouvoir exécuter sur commande la joie, la peur, la tristesse etc. je pense qu'à l'avenir je préciserai toujours cette règle quand je voudrai proposer une partie dramatique : soyez vous-même.
Ce n'est pas parce que vous jouez une femme que vous devez lui prêter des gestuelles qui ne seront bien souvent qu'un ersatz de gestuelle de femme. Bien sur, si vous vous mettez dans sa peau, vous lui donnerez peut être un peu plus de délicatesse, mais ce sera votre délicatesse que vous mettrez en avant, pas celle de votre tante Yvone (là dessus, je rejoins l'article de Romaric, mais je reste sur la question du roleplay) que vous ne parviendriez sans doute qu'à singer.
Mes meilleures parties de Psychodrames ont été jouées sans chercher à jouer la comédie.
C'est une problématique fréquente chez les cinéastes, les écrivains et autres artistes : des visages inexpressifs ou ambigus sur les expressions qu'ils manifestent véhiculent souvent plus de choses que des expressions explicites (voire didactiques si l'on va du côté des feux de l'amour & co). Pour les écrivains, le simple fait de choisir un verbe pour décrire une action donne des informations sur les intentions et donc la psychologie du personnage.
De nombreux auteurs et cinéastes ont exploré le fait de ne pas montrer l'expression, mais de laisser le spectateur l'interpréter et c'est sans doute là que c'est le plus fort, car chacun s'approprie les situations et les émotions, les colle à son imaginaire, à sa mémoire. Il faut bien sur que le tout soit bétonné.
D'un autre côté, Lars Von Trier, lui pour éviter que ses acteurs ne jouent, les met dans des situations extrêmes : il les harcèle pour obtenir d'eux la peur, il peut rester 1h, caméra à l'épaule pour obtenir la courte séquence d'émotion véritable.
En JDR, on ne peut pas se permettre cela, mais il se pourrait qu'au bout de quelques heures de jeu, cela arrive (je dirai même que je l'ai touché du doigt il y a quelques temps dans Psychodrame, et j'en redemande, maso que je suis : on a prévu de jouer une partie dans laquelle je jouerai mon propre rôle face à mes angoisses. Je vous promet un Compte-rendu... il faut bien que quelqu'un fasse le cobaye ^^)
Autour du système :
- Les traits secrets : J'ai mis longtemps à mettre au point un principe de révélation de secrets, la solution était en fait beaucoup plus simple que je l'imaginais : il suffit de ne pas révéler aux autres les traits que l'on veut garder secrets, ainsi, ils peuvent créer des surprises et de sacrés coups de théâtre.
- Les joueurs ont pris des retombées volontairement : Le narrativisme a bousculé vraisemblablement les joueurs dans leurs habitudes, ils m'ont regardé avec des yeux ronds quand j'ai délibérément encaissé des retombées pour mettre fin au conflit, car je jugeais que c'était le bon moment, mais ils ont fait de même à plusieurs moments. Pour tout le monde, la démarche créative a été claire. Ils n'ont pas hésité à s'en prendre plein la gueule pour que l'histoire soit plus croustillante. Certains ont pas mal boosté leurs mains, mais en sachant bien qu'ils allaient manger plus de retombées en retour.
- Finalement, les fins de conflit et de partie sont toujours des choix des joueurs, ce n'est jamais imposé par les cartes ou les points et ça, j'en suis vraiment satisfait.
- Ce dont je me rends compte à posteriori, c'est que la mécanique bien huilée du jeu est que l'on ne peut obtenir un résultat que par la force (les cartes à jouer) ou par concessions. Et les concessions ne sont pas évidentes, même si mon personnage se voulait conciliant, il a joué quelques coups de pute à la femme et au fils. Du coup, en retour, ils m'ont pourri bien comme il faut. Ça me semble très cohérent. Si j'avais voulu qu'ils soient cools avec moi, il aurait fallu que je le sois avec eux, mais quand bien même je l'aurai été, je n'aurai pas eu la garantie qu'ils le soient en retour, et c'est ça qui est chouette.
- Au final, les joueurs ont gardé une image très « Amour ,Gloire et Beauté » de Psychodrame, ce qui m'ennuie partiellement car le jeu ne se résume pas à cela, mais il faut que je me fasse une raison : pour beaucoup de gens, Psychodrame ne sera rien de plus. C'est même peut être ce qui fait qu'on y jouera plus souvent, parce qu'une séance « remises en questions et controverses », ça demande beaucoup de ressources et de courage.
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Voici donc un petit compte-rendu de partie pour Psychodrame. Partie du 22 juin jouée aux 24h du JDR de l'association La Guilde à Poitiers.
Les joueurs venant de finir une partie de Cthulhu à 7h30 du mat', n'étaient donc pas forcément de première fraîcheur et pourtant... Ils ont grave assuré !
Fiction !
Nous avons choisi pour problème une question d'héritage : père de famille mourant voyant ses proches venir à son chevet. Sont-ils là seulement pour l'héritage ?
Les personnages (ou scénarisation de la partie)
- Franck a joué Gérard Berthold, le père de famille de 69 ans, agriculteur (ou plutôt propriétaire agricole), de personnalité antisociale.
- Pierre a joué Arnaud Berthold, le fils du précédent, 40 ans, artiste freelance de personnalité narcissique.
- Frédéric a joué Sylvie Berthold, épouse de Gérard et belle mère d'Arnaud. 40 ans, aide Gérard dans son entreprise, de personnalité dépendante.
- Laurent a joué Claude Monet, le notaire et ami de Gérard. 40 ans également et de personnalité histrionique.
- Et moi j'ai joué Rémi Berthold, neveu de Gérard et donc cousin d'Arnaud, comptable de 32 ans de personnalité évitante.
A la question : vaut-il mieux que l'on choisisse des personnalités différentes ? Je réponds généralement que ça n'est pas nécessaire, car deux narcissiques peuvent ne pas se supporter comme deux tempéraments opposés en apparence peuvent finalement s'entendre. Mais je suis content pour ces parties encore un peu test, d'expérimenter différentes personnalités.
J'ai réduit le nombre de trait à 1 par catégorie et par relation, ce qui rend la fiche bien moins longue à créer.
Les relations entre personnages étaient bien ficelées, car écrites à partir des faiblesses des autres.
On a du commencer vers 8h, à 9h30 les fiches sont fin prêtes, la partie peut commencer.
Le récit
La partie a au total compté 5 conflits dont voici les enjeux (ceux-ci ont été définis au fur et à mesure de la partie) :
- Rémi veut que son oncle lègue son héritage aux bonnes œuvres : A l'hôpital (Velpeau ?) Rémi parle en privé à son oncle en lui disant que son fils et sa femme ne méritent pas son héritage et qu'il ferait mieux de tout donner à une œuvre caritative. Gérard lui demande pourquoi et Rémi lui répond que sa femme ne l'aime pas vraiment, ce qui provoque la colère de Gérard. C'est le moment que choisit Frédéric pour faire entrer Sylvie en scène. Elle vient remercier Rémi pour sa visite (et pour me faire culpabiliser) et Gérard me demande de lui répéter ce que je viens de lui dire. J'ai joué la fuite en m'esquivant maladroitement. Puis le conflit s'est détourné de l'objectif que j'avais fixé, pour finir par un refus de donner cet héritage.
- Sylvie veut que son mari prenne du repos : Dans le domaine familial, les 5 protagonistes sont réunis. Ici le conflit tourne autour de la gestion de l'argent du père, qui veut partir en vacances avec son épouse, qui elle, veut qu'il prenne du repos... Finalement, Gérard ne veut pas se reposer, il refuse l'idée d'être mourant et d'attendre sagement la fin. J'ai ajouté à Sylvie le trait : commence à trouver Arnaud mignon, mais je pense que la lourdeur incestuelle de ma proposition a fait que Fred n'a pas joué dans ce sens.
- Gérard veut faire accepter sa fille cachée : A l'annonce de l'enjeu, réaction unanime d'enthousiasme pour la dimension caustique de la scène. La révélation est comme un coup de poignard pour Sylvie qui tente tant bien que mal d'accepter que son mari ait eu des liaisons avant elle. Cela ajoute une personne sur le testament... La fille cachée n'est pas une bonne nouvelle pour tout le monde. Mais des efforts sont faits. Durant ce conflit (d'après mes souvenirs) on a également appris que le notaire et Gérard étaient potes « d'orgies » et que l'infidélité semble jalonner leur parcours.
- Arnaud veut mettre son père à l'hospice : (Encore une proposition qui a valu des acclamations) La tension monte, le fils vénal essaye d'envoyer son père à l'hospice pour pouvoir faire main basse sur sa fortune. C'est Rémi et Claude qui s'offusquent le plus (si je me souviens bien), Rémi va même jusqu'à frapper Arnaud. Un conflit bien bordélique, les cartes ont fusé, les alliances se sont créées... bref, ça m'a permis de me dire qu'il fallait que je réfléchisse à une organisation du conflit pour les tables nombreuses. Résultat du conflit, le père n'ira pas à l'hospice. Claude commence à draguer ouvertement la femme de son ami.
- Claude veut faire déshériter le fils : Là, les alliances ont été assez surprenantes, le cousin et le notaire se sont alliés contre le fils, qui lui a été soutenu par son père et sa mère, jusqu'au moment où le fils avoue qu'il a vidé les comptes banquaires de son père et qu'il a dilapidé son argent. Gros coup de théâtre.
Fin de la partie : Arnaud est le premier a exploser son score de tristesse, Pierre décide donc qu'Arnaud part dans les îles avec l'argent détourné et profite de la vie avant de mettre un terme à son existence. Gérard meurt prématurément, sans doute à cause du chagrin, le Claude et Sylvie finissent ensemble et Rémi est très affecté par tout cela.
Ce qui est top, c'est que chaque joueur a pu définir un enjeu pour une partie qui a duré 2h30 (plus la création de fiche : 4h). Je suis donc très satisfait de ce point de vue. Le jeu a été très dynamique, les idées ont fusé.
Il est arrivé à plusieurs d'entre nous de rester en dehors des conflits et il faut dire que même spectateurs, on s'est bien amusés à suivre les frasques de nos camarades.
***
Interrogations !
De l'importance des controverses : drame d'auteur vs soap mélodramatique.
A choisir un thème tel que les questions d'héritage, je pense que l'on rend la partie difficilement sérieuse. Simplement parce qu'il n'y a aucun enjeu pour les joueurs. Un sujet controversé tendra à impliquer les joueurs simplement parce que l'enjeu de la fiction se décalera vers l'image qu'ils donneront d'eux à travers la fiction.
Bien sur, on peut jouer un nazi, un raciste etc. Et c'est de se poser la question : qu'est-ce qu'il peut penser, comment peut-il réagir, pourquoi ? Qui va déjà donner plus de profondeur à la partie. Ça a un nom en psycho, le fait de demander à quelqu'un d'adopter un avis qui n'est pas le sien et d'essayer d'argumenter dans ce sens. Il faudra que je demande à Magali...
Les joueurs ont comparé la partie à Amour, Gloire et Beauté et je ne suis pas tout à fait d'accord avec eux, je développerai un peu plus loin.
Comédie, mélodrame, drame, tragédie
- Selon Aristote, la comédie dépeint les hommes pire qu'ils ne sont et la tragédie les dépeint meilleur qu'ils ne sont. La comédie tend donc à nous moquer des vices humains quand la tragédie met en exergue les vertus humaines par de terribles épreuves. Il est à noter que la tragédie n'existe plus vraiment en tant que genre, car elle est assimilée à des considérations métaphysiques et possède des règles très précises qui n'ont plus tellement court.
- Le mot drame à l'origine vient du grec drama « action de faire ». C'est le terme employé pour désigner une pièce de théâtre. C'est tardivement qu'il a désigné un genre de récit suscitant la tristesse. De par son étymologie on peut donc le relier à une certaine justesse dans la façon de dépeindre l'être humain et de susciter les émotions.
- Le mélodrame était un genre de théâtral dans lequel un orchestre accompagnait la pièce. L'acception contemporaine réfère à des œuvres peu subtiles dans leur rapport à l'émotion et à l'être humain, il est le théâtre du Pathos, de l'outrancier.
La tragédie n'étant pas un genre accessible de nos jours, je la laisse de côté. Je pense que la frontière entre drame et mélodrame tient seulement à la subtilité mise en place dans le récit et l'interprétation des personnages et à la sensibilité des joueurs. Enfin, la comédie est un axe qui fonctionne bien, je pense que c'est ce que nous avons expérimenté durant cette partie.
Cette réflexion me fait dire qu'il y a un axe « Comédie-------Drame » sur lequel on pourrait placer les parties de Psychodrame. Les joueurs pourront choisir au début de la partie s'ils ont envie de jouer une tendance ou une autre, j'ai déjà une panoplie de conseils pour favoriser l'une ou l'autre, comme par exemple, choisir un sujet à controverse pour le drame, ne pas « jouer » la comédie pour le drame, mais s'en donner à cœur joie pour la comédie. Prendre le temps de réfléchir à la pertinence d'une parole pour le drame, jouer sur le rythme pour la comédie. Etc.
Là où notre partie des 24h du JDR n'était pas totalement du soap :Les joueurs riaient devant les idées souvent cruelles de chacun (catharsis dans le sens défouloir), or les spectateurs de soaps ne rient pas devant les ressorts narratifs, mais devant la pauvreté et la nullité des jeux d'acteur, du texte et de la mise en scène, du moins pour les spectateurs occasionnels. Les spectateurs réguliers, eux, se prennent au jeu et versent leur petite larme quand une scène est triste.
Là où c'en était :
Les personnages étaient assez stéréotypés, voire caricaturaux. Mais du coup, on tomberait plutôt dans la comédie cruelle façon Tanguy d'Étienne Chatilliez, avec un background qui aurait pu convenir pour un soap.
Pourquoi rit-on face à des choses plutôt cruelles ?
J'ai néanmoins l'impression que nos rires étaient souvent des rires de surprise face à l'imagination des autres joueurs, plutôt que du comique de situation (encore que). Je ne suis pas sûr qu'un film adapté de notre partie nous donnerait les mêmes émotions.
Le Roleplay aurait-il tué l'immersion ?
On était bien pris dans le jeu, mais il y avait un sacré contraste entre ce que l'on ressentait et ce que nos personnages auraient du ressentir. Il y en a toujours un, mais là, c'était souvent radicalement opposé.
Si l'on réfléchit bien, c'est toujours comme cela dans une comédie : on rit de la bêtise des personnages, de l'absurdité de leurs malheurs, de la gratuité de leur cruauté.
Les modifications de voix, les comportements « appuyés » ont à mon avis rendu les personnages trop caricaturaux pour qu'on s'identifie à eux, du coup, la compassion est passée à la trappe.
Bien entendu, je ne les ai pas briefé, je ne leur ai pas dit de ne pas « jouer », mais de réagir simplement, avec leurs voix et leurs attitudes naturelles. Ils ont donc naturellement « roleplayé » leurs personnages sans doute selon leurs habitudes et pris un certain plaisir en ce sens. Ils étaient d'ailleurs remarquablement créatifs.
C'est un héritage du JDR classique qui peut être tout à fait intéressant. Combien de fois lis-t-on des MJ sur des forums conseillant de donner un tic à chaque PNJ pour que les joueurs les identifient sans qu'il soit nécessaire de leur préciser de qui il s'agit ?
Simplement, Psychodrame a besoin de finesse si on veut y jouer sérieusement, si l'on veut que la crédibilité soit optimale. Donc, comme les acteurs puisent en eux-mêmes pour être leurs personnages plutôt que de maîtriser artificiellement les muscles de leur visage pour pouvoir exécuter sur commande la joie, la peur, la tristesse etc. je pense qu'à l'avenir je préciserai toujours cette règle quand je voudrai proposer une partie dramatique : soyez vous-même.
Ce n'est pas parce que vous jouez une femme que vous devez lui prêter des gestuelles qui ne seront bien souvent qu'un ersatz de gestuelle de femme. Bien sur, si vous vous mettez dans sa peau, vous lui donnerez peut être un peu plus de délicatesse, mais ce sera votre délicatesse que vous mettrez en avant, pas celle de votre tante Yvone (là dessus, je rejoins l'article de Romaric, mais je reste sur la question du roleplay) que vous ne parviendriez sans doute qu'à singer.
Mes meilleures parties de Psychodrames ont été jouées sans chercher à jouer la comédie.
C'est une problématique fréquente chez les cinéastes, les écrivains et autres artistes : des visages inexpressifs ou ambigus sur les expressions qu'ils manifestent véhiculent souvent plus de choses que des expressions explicites (voire didactiques si l'on va du côté des feux de l'amour & co). Pour les écrivains, le simple fait de choisir un verbe pour décrire une action donne des informations sur les intentions et donc la psychologie du personnage.
De nombreux auteurs et cinéastes ont exploré le fait de ne pas montrer l'expression, mais de laisser le spectateur l'interpréter et c'est sans doute là que c'est le plus fort, car chacun s'approprie les situations et les émotions, les colle à son imaginaire, à sa mémoire. Il faut bien sur que le tout soit bétonné.
D'un autre côté, Lars Von Trier, lui pour éviter que ses acteurs ne jouent, les met dans des situations extrêmes : il les harcèle pour obtenir d'eux la peur, il peut rester 1h, caméra à l'épaule pour obtenir la courte séquence d'émotion véritable.
En JDR, on ne peut pas se permettre cela, mais il se pourrait qu'au bout de quelques heures de jeu, cela arrive (je dirai même que je l'ai touché du doigt il y a quelques temps dans Psychodrame, et j'en redemande, maso que je suis : on a prévu de jouer une partie dans laquelle je jouerai mon propre rôle face à mes angoisses. Je vous promet un Compte-rendu... il faut bien que quelqu'un fasse le cobaye ^^)
Autour du système :
- Les traits secrets : J'ai mis longtemps à mettre au point un principe de révélation de secrets, la solution était en fait beaucoup plus simple que je l'imaginais : il suffit de ne pas révéler aux autres les traits que l'on veut garder secrets, ainsi, ils peuvent créer des surprises et de sacrés coups de théâtre.
- Les joueurs ont pris des retombées volontairement : Le narrativisme a bousculé vraisemblablement les joueurs dans leurs habitudes, ils m'ont regardé avec des yeux ronds quand j'ai délibérément encaissé des retombées pour mettre fin au conflit, car je jugeais que c'était le bon moment, mais ils ont fait de même à plusieurs moments. Pour tout le monde, la démarche créative a été claire. Ils n'ont pas hésité à s'en prendre plein la gueule pour que l'histoire soit plus croustillante. Certains ont pas mal boosté leurs mains, mais en sachant bien qu'ils allaient manger plus de retombées en retour.
- Finalement, les fins de conflit et de partie sont toujours des choix des joueurs, ce n'est jamais imposé par les cartes ou les points et ça, j'en suis vraiment satisfait.
- Ce dont je me rends compte à posteriori, c'est que la mécanique bien huilée du jeu est que l'on ne peut obtenir un résultat que par la force (les cartes à jouer) ou par concessions. Et les concessions ne sont pas évidentes, même si mon personnage se voulait conciliant, il a joué quelques coups de pute à la femme et au fils. Du coup, en retour, ils m'ont pourri bien comme il faut. Ça me semble très cohérent. Si j'avais voulu qu'ils soient cools avec moi, il aurait fallu que je le sois avec eux, mais quand bien même je l'aurai été, je n'aurai pas eu la garantie qu'ils le soient en retour, et c'est ça qui est chouette.
- Au final, les joueurs ont gardé une image très « Amour ,Gloire et Beauté » de Psychodrame, ce qui m'ennuie partiellement car le jeu ne se résume pas à cela, mais il faut que je me fasse une raison : pour beaucoup de gens, Psychodrame ne sera rien de plus. C'est même peut être ce qui fait qu'on y jouera plus souvent, parce qu'une séance « remises en questions et controverses », ça demande beaucoup de ressources et de courage.