"Conspirations" en mode textuel asynchrone

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"Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par non nobis » 21 Juil 2010, 22:51

Je me suis lancé dans une partie de Conspirations sur Google Wave. C'est le même principe que de jouer par courriel ou forum. Il s'agit de jeu en ligne en mode textuel asynchrone c'est-à-dire que j'adresse aux joueurs/contributeurs un texte (qui est une proposition) et ces derniers écrivent à la suite leur réponse. Les personnages sont définis par des traits auquel on donne une valeur (en nombre de dés à six faces). Cette valeur est purement indicative car je joue sans utiliser les dés. J'appelle cela des outils d'aide à la décision. A cela on ajoute un défaut, un secret, des motivations, une histoire et même un dessin... Les joueurs sont totalement libres de créer le personnage qu'ils veulent. Cette étape est primordiale car les joueurs/contributeurs vont de la sorte me fournir des amorces dont je vais me servir, des potentialités que je vais exploiter. Ce sont les personnages qui vont m'inspirer des histoires alors que dans le jeu de rôle classique ce sont les personnages qui s'adaptent aux scénarios, à l'univers. D'ailleurs les joueurs s'auto-censurent et cherchent systématiquement à créer un groupe hétérogène avec un érudit, un "guerrier", un "tchatcheur" alors qu'un groupe d'érudit est totalement viable. L'important est d'être satisfait de son personnage et pas de chercher l'optimisation dès le départ. Question scénario, au départ, j'écrivais des scènes pivot mais je me suis rapidement rendu compte que les contributions des joueurs allaient régulièrement dans un autre sens que celui que j'avais décidé. J'ai donc décidé de ne pas les censurer dans la mesure où les textes étaient de vrais apports et enrichissaient l'histoire. A partir de ce constat il fallait que je réfléchisse à ma fonction de modérateur. J'ai découvert le site Limbic systems (http://froudounich.free.fr/) et d'autres liens. Bref, j'ai trouvé toute une théorie rôliste et une pratique qui était pour moi le chaînon manquant... Voici donc ma contribution qui mêle théorie et pratique. J'ai recours aux concepts développés dans la catégorie "théorie rôliste" du site déjà cité ainsi qu'à des notions que l'on retrouve dans les ateliers d'écriture. Louis Aragon, dans "Blanche ou l'Oubli" écrit : "Jusqu'ici, les romanciers se sont contentés de parodier le monde. Il s'agit maintenant de l'inventer". Et je me prends à rêver que les rôlistes ont cette capacité d'invention en eux. Dans le jeu de rôle classique le côté ludique est mis en avant. Ce que je me propose de débattre ici repose sur cette interrogation : quels sont les critères qui permettent de développer un jeu de rôle inventif (créatif) ? Les critères essentiels seraient l'absence de scénario stricto sensu, l'absence de dès et le rôle du modérateur. J'aborderai ces aspects sous l'angle théorique puis pratique en commentant les extraits de la partie en cours.

Pour ce qui est du rôle du modérateur, j'ai retrouvé un texte de Robin Laws intégré dans "Conspirations", un jeu de rôle de Jonathan Tweet, livre de base ISBN 2-910529-09-6, 1995, édition originale "Atlas Games, éd. française Halloween concept (tred. Tristan Lhomme) pages 121 et 122. Voici les passages qui me semblent intéressants : "Les MJ pourront tenter d'agir comme un artiste qui crée en collaboration avec ses joueurs. (...) L'idée de collaboration est importante. Le MJ n'est pas un "conteur" qui a les joueurs pour public. Il est simplement le "premier parmi les égaux", avec pour seule responsabilité le développement harmonieux de l'histoire." Ma pratique, sur ce point là, se rapproche d'un atelier d'écriture dont je serais l'animateur. La différence réside dans le fait que j'écris, je participe, alors que l'animateur d'atelier ne produit aucun texte. Pour autant, je fais un texte qui est une proposition d'écriture. Ce texte comprend un problème à résoudre (quelqu'un a disparu) ainsi que différentes amorçes qui peuvent éveiller la curiosité des joueurs. A partir de là les joueurs-contributeurs écrivent librement, en fonction de l'historique de leur personnage. C'est ensuite à moi de m'adapter. Le scénario n'est donc pas pré-écrit mais écrit au fur et à mesure. J'en viens donc à la notion de "création au pied levé" que Démiurge décrit dans le site Limbic Systems et notamment dans l'article "Le JDR est potentialité". L'autre idée fondamentale selon moi est celle de "contenu dynamique" que Démiurge définit comme autant "d’éléments préparés dont l’implication dans l’histoire ne présume pas de choix des joueurs". Pour moi ce sont les PNJ non liés à un lieu particulier mais que je peux utiliser quand je sens que c'est le moment et au-delà, les organisations (forces en présence). Il me suffit de "jouer" sur les antagonismes et de lier tout cela avec le "background" des personnages. Le modérateur doit donc agir avec bon sens (je n'ai pas dit réalisme) et "créer au pied levé", autre concept extrêmement important abordé par Démiurge qui dit, je cite : "Je n’aime pas trop le terme d’improvisation qui suppose des talents particuliers et des années de travail, j’utiliserai plutôt celui de création au pied levé : les choses imaginées, inventées et proposées durant la partie. (...) Tout ce qui est préparé et qui contraint ou interdit les choix ou actions du joueur pourtant viables pour la forme d’histoire convenue avec les joueurs est à proscrire. C’est une rupture de l’intérêt fondamental du jeu de rôle : la malléabilité du matériau fictionnel."
Ceci m'amène donc à l'absence de jet de dès et je serai bref : le modérateur n'a pas à se protéger derrière un jet de dés. C'est à lui d'assumer ses choix. D'ailleurs, en général, il convenu qu'un MJ traditionnel (Maître de Jeu) décide d'outrepasser le résultat d'un jet pour sauver un personnage ou imposer son désir. Donc soit on joue avec les dès sans tricher soit on ne les utilise pas. Et puis en quoi un maître de jeu est-il un maître si le résultat d'un simple jet de dé peut le mettre en défaut ? C'est, à mon sens, le paradoxe du jeu de rôle traditionnel. Donc, pas de faux semblant, je me débarrasse sans état d'âme des dés et je juge si telle ou telle action doit réussir ou échouer. Je laisse même ce choix à mes joueurs-contributeurs si j'estime que c'est plausible ou dans l'intérêt de l'histoire.
Enfin, concernant le scénario (dont j'ai déjà un peu parlé plus haut), je vais avoir recours une nouvelle fois à Aragon et ensuite à Hitchcock et son concept de Mc Guffin. Voici donc des extraits du livre "Hitchcock/Truffaut", éd. Gallimard, 2001, ISBN 2-07-073574-5 dans lesquels FT signifie François Truffaut et AH Alfred Hitchcock : "FT. Le Mac Guffin, c'est le prétexte, c'est ça ? AH. C'est un biais, un truc, une combine, on appelle cela un "gimmick" (...) Vous savez que Kipling écrivait fréquemment sur les Indes et les Britanniques qui luttaient contre les indigènes sur la frontière de l'Afghanistan. Dans toutes les histoires d'espionnage écrites dans cette atmosphère, il s'agissait invariablement du vol des plans de la forteresse. Cela, c'était le Mac Guffin. Mac Guffin est donc le nom que l'on donne à ce genre d'action : voler... les papiers, voler... les documents, voler... un secret. Cela n'a pas d'importance en réalité et les logiciens ont tort de chercher la vérité dans le Mac Guffin". Peu importe donc le scénario car ce qui compte c'est que l'idée de départ du modérateur génère de l'histoire génère une dynamique. Nous retrouvons là l'idée de contenu dynamique. Dans "Je n'ai jamais appris à écrire ou les incipit" Aragon écrit : "Le romancier, tel qu'on se l'imagine, est une espèce d'ingénieur, qui sait fort bien où il en veut venir, résout des problèmes dont il connaît le but, combine une machine ou un pont, s'étant dit je vais construire un pont comme ci ou une machine comme ça". Plus loin Aragon explique "sa" vision-conception de l'écriture : "Jamais je n'ai écrit une histoire dont je connaissais le déroulement, j'ai toujours été, écrivant, comme un lecteur qui fait la connaissance d'un paysage ou de personnages dont il découvre le caractère, la biographie, la destinée (...) Je comparerais volontiers le romancier à un jongleur, dont la balle envoyée d'une main à l'autre suit la courbe (...) mais arrive dans l'autre main modifiée par l'espace parcouru, jouant son propre jeu en dehors du jongleur, qui ne peut que fermer la main sur elle. Parce que le roman sort de son début comme d'une source, mais l'eau s'en charge avant la mer de toutes les terres rencontrées, jusqu'à la phrase terminale qui est comme l'accumulation".
Ce qui me permet de revenir au rôle du modérateur et de boucler ma partie théorique le modérateur lance la balle en l'air et elle retombe dans sa main mais, entre les deux, les joueurs-contributeurs sont libres de s'en emparer, de s'amuser avec avant de la poser dans l'autre main du modérateur.

Je n'ai pas retravaillé les textes aussi ils contiennent des fautes d'orthographes et autres coquilles... Les PJ sont Curtis Graham, un professeur d'arts martiaux qui fait des recherches sur le chamanisme et les divers courants mystiques. Il possède un pouvoir étrange qui est en train de découvrir peu à peu. Arnie a également un pouvoir étrange qui est en train de se développer. Il a plutôt le profil du génie de la bricole, un Mac Gyver du XXIe siècle en quelque sorte. Voici mon premier texte :

Paris, 13ème arr. - France. Mardi 19 janvier 2010. Dojo de Curtis Graham, 20H08. Le cour de Curtis était terminé. Le silence régnait maintenant dans le dojo. Les derniers élèves sortaient des vestiaires, des asiatiques pour la plupart. Il y avait aussi Arnie “ le bricoleur ”, qui avait déjà dépanné Curtis. La salle était en effet vétuste, les crédits de la mairie rares et sans aucune visite des techniciens municipaux. Il fallait se débrouiller et Arnie n’avait pas son pareil pour intervenir sur le compteur électrique ou pour réparer une fuite d’eau, sans jamais rien demander en échange. Curtis se demandait pourquoi Arnie, qui avait tellement de capacités, restait à moisir dans ce quartier. A la réflexion, on pouvait dire la même chose de Curtis… Ainsi, le dojo, malgré son apparent délabrement, fonctionnait plutôt bien et Curtis aimait l’atmosphère qui y régnait.
Arnie observait, soucieux, les rampes d’éclairage. Un néon se mit à clignoter. Curtis s’approcha du compteur et coupa l’électricité. “ Nous verrons cela plus tard ” lança-t-il à Arnie. Le dojo était plongé dans la pénombre. Dehors, on pouvait distinguer l’enseigne lumineuse d’une épicerie asiatique. Les deux hommes traversèrent la salle, comme au ralenti. Curtis sentait une présence et jeta un œil sur sa droite. Ce n’était que le portrait de Maître Ueshiba. Il continua d’avancer sous le regard en papier glacé. Dans sa tête résonnait des cliquetis d’armes anciennes et les cris des boshis durant une bataille. Arrivé à la sortie il interrompit sa rêverie. Il sortit les clés de sa veste machinalement. Dans l’entrée du dojo il y avait trois kanjis, aï, ki et do, ainsi que leur traduction : harmonie, énergie, la voie. Sur le mur opposé on pouvait lire : “ Il n’est pas nécessaire d’être violent pour être efficace martialement, l’être est même contre-productif en aïkido ”. Il parcouru le dojo du regard et sortit. Il neigeait. La fraîcheur du soir le ramena quelque peu à la réalité. Arnie l’attendait. Ils se saluèrent. C’est à ce moment qu’arriva Max Ziegler. Curtis fut surpris de voir là son libraire. Max avait la soixantaine passée. Il était petit, portait des lunettes rondes et, comme à son habitude, un vieux costume élimé aux coudes. Il failli tomber en glissant sur le trottoir. Il tremblait. Une enveloppe de papier kraft dépassait de sa veste. Il regarda dans toutes les directions et lança :
- On peut se parler.
Il jeta un œil à Arnie et parla plus bas :
- On peut lui faire confiance ? Je crois que je suis suivi.


Dans ce texte j'ai essayé d'amorcer la partie par une introduction ultra-bateau : un PNJ (contact-allié du PJ) vient demander de l'aide. Voici la contribution du joueur de Curtis, Le joueur d'Arnie passant son tour :

- Hein ? Je ... heu.. Arnie ? Ha, oui, pas de problème avec Arnie...
Curtis était très surpris de l'apparition de Max ici, devant son dojo, et à une heure pareille. Surtout avec cette mine de conspirateur de série Z. Le Max qu'il connaissait respirait le calme et l'odeur du vieux papier, un libraire comme on n'en faisait plus, capable de vous parler de Gutemberg comme s'il l'avait connu ou des codex Mayas - son dada - dont il avait acquis des facs similés d'une rare beauté.
Curtis se tourna vers Arnie, puis fit les présentations :
- Max, voici Arnie, une vieille connaissance, qui nous aide à maintenir le dojo dans un état utilisable.
- Arnie, je te présente Max, qui tient la librairie "La 25ème heure", dont je t'ai déjà parlé. Max est mon fournisseur officiel de nourriture intellectuelle, il...
Devant la mine angoissée de Max, Curtis interrompit sa phrase et regarda le petit homme d'un air grave.
- Max, que t'arrive-t-il, mon ami ?


J'ai enchaîné avec :

- Je vais tout t’expliquer. Allons à ce restaurant... avec ton ami bien entendu. Je vous invite.
Max désignait un petit restaurant chinois que Curtis et Arnie connaissaient bien car ils s’y rendaient de temps en temps en sortant du dojo.
Une fois installé à l’intérieur, les trois hommes commandèrent rapidement. Le restaurant était presque désert. Max prit l’enveloppe de papier kraft et en sortit une sorte de mémoire au format A4. Arnie, qui avait par le passé lui-même rédigé ce type de travaux, reconnut immédiatement ce modèle de reliure thermo-collée. Cependant il lui sembla que le carton sur lequel était imprimé le quatrième de couverture était très épais, ce qui n’était pas ordinaire. Max rompit le silence qui avait accompagné la découverte du document :
- Un soir, je ne me rappelle plus lequel. Max se frottait la tête en essayant de se remémorer la date exacte. Max était vraiment contrarié, lui qui avait une si bonne mémoire.
Il reprit :
- Bref, un homme nommé Chris Long, un eurasien, est venu me voir à la librairie… Max marqua une pause puis un lueur sembla traverser son regard… Oui c’est ça, je me rappelle, j’avais baissé le rideau métallique. Je me suis demandé comment il avait pu entrer. Il a posé ce manuscrit en disant des choses étranges comme “ je ne peux pas l’emmener là où je vais. Conservez-le jusqu’à mon retour. Je n’ai pas d’autre choix que de vous faire confiance ”. Puis il a fait mine de s’en aller. Il s’est retourné et a ajouté “ Parlez-en à Curtis, il vous aidera… Je l’ai vu sur la liste… Lisez le document et attendez mon retour ”. Je lui ai demandé de rester, de m’expliquer mais il a dit “ Je suis suivi, si je reste trop longtemps, ils vous retrouveront, ils me suivent, ils savent, je ne sais pas comment mais ils me suivent à la trace. Lisez, vous comprendrez. D’autres doivent savoir… ”. J’ai penché la tête sur le document et quand j’ai voulu lui poser d’autres questions il avait disparu. Depuis son départ, j’ai gardé le document sur moi, pour le lire notamment, et puis j’ai remarqué qu’on avait visité la librairie, mon appartement. J’ai l’impression d’être épié. Ce matin, une voiture a failli m’écraser et je suis sûr que ce n’était pas à cause de la neige.
Max s'interrompit lorsque le serveur apporta quelques amuses bouches et du thé au jasmin".


Ce texte me permet de préciser le "gimmick" : quelqu'un a disparu en laissant un manuscrit. C'est le moment ou je "jette la balle en l'air". Il faut donc une certaine "densité" d'infos et de potentialités à creuser par la suite. D'ailleurs mes contributions seront plus courtes par la suite. Le manuscrit en question contient pleins d'informations, de pistes à explorer. Curtis lit le manuscrit et Arnie découvre un mouchard Hi-Tech dissimulé dans la couverture du livre. Contribution du joueur de Curtis :

Curtis jeta un air étonné vers Arnie.
- Ok, sortons. Je vous invite, mes amis, laissez moi régler la note et je vous rejoint dehors.
Curtis avait besoin d'un moment seul pour remettre ses idées en place. Entre le contenu du manuscrit et l'étrange appareillage découvert dans sa couverture, sans compter l'état de Max et ce moment étrange lorsqu'Arnie sauva le manuscrit du thé au jasmin, Curtis se sentait un peu perdu et n'arrivait pas à aligner une idée, sans parler d'un raisonnement construit. Il répondit machinalement aux sempiternelles blagues du patron tout en payant et en essayant de retrouver un équilibre. Lu-Hsin était un petit bonhomme sympa mais il radotait, l'avantage c'est qu'on pouvait le laisser parler...
Il sortit ensuite rejoindre ses amis et inspira une grande goulée d'air frais.
- Voulez-vous prendre un verre quelque part, j'ai besoin d'un remontant ? demanda-t-il. Nous pourrions parler de tout cela tranquillement. Et pour ce ... truc électronique, pour éviter que les signaux dont tu parlais soient brouillés trop longtemps, on pourrait l'extraire de la couverture et le jeter dans un métro, non ?


Contribution du joueur d'Arnie :

- J'aurais bien aimé pouvoir jeter un œil à mon aise sur ce circuit, mais il est peut-être plus prudent de s'en débarrasser tout de suite.

On note que le premier joueur a écrit : "Il répondit machinalement aux sempiternelles blagues du patron tout en payant et en essayant de retrouver un équilibre. Lu-Hsin était un petit bonhomme sympa mais il radotait, l'avantage c'est qu'on pouvait le laisser parler..." Là il se substitut au modérateur et prend le contrôle de l'univers en donnant un nom au PNJ et une description. Je reprends la main et j'écris :

Rue des Près, Paris, 13e arr. Arnie, Curtis et Max sortent du restaurant. Il est tard maintenant. La neige tombe lentement sur la rue des Près, déserte. Lu-Hsin ferme le rideau métallique du restaurant. Sur la gauche on distingue le Square des Peupliers et la rue des peupliers . Immédiatement après, c'est la rue de Tolbiac, plus passante. Sur la droite, la rue des Près s'enfonce dans le quartier chinois et ses ruelles étroites, mystérieuses. La neige renforce cette impression. Les ombres qui s'allongent sur les murs font penser à d'étranges créatures... Les volutes de vapeurs s'échappent du restaurant tels des esprits quittent leur enveloppe mortelle... Elles restent là, suspendues dans l'air et le temps, puis se dissipent lentement. Les trois hommes sortent de leur contemplation et reprennent leur discussion quand soudain.

J'ai repris le nom du PNJ comme si c'était moi qui l'avais inventé mais c'est bien une invention du joueur. Je leur indique ensuite en privé qu'ils ressentent un grand danger. Les PJ ont en effet quasiment le même pouvoir étrange. J'ai prévu en effet de leur envoyer des "bad-guys" armés de tasers... La fermeture du rideau métallique permet de les mettre littéralement au dos du mur. Le seul "échappatoire" ce sont les ruelles du quartier chinois sur leur droite. Mais en privé le joueur de Curtis me demande ce qu'il y a aux abords. Je lui dit qu'il voit un cinéma (invention "au pied levé") alors que je n'avais rien imaginé. Contribution du joueur de Curtis :

Curtis se figea brusquement, surprenant ses amis. Il resta immobile quelques secondes, comme pétrifié, les yeux mi-clos, puis son regard s'anima de nouveau et il jeta un rapide regard circulaire sur la rue, l'air inquiet. Il déclara d'une voix faible, un peu tremblante :
- Je ne me sens étrange, tout d'un coup, comme si un danger imminent nous menaçait. C'est un peu comme si... je voyait une porte qui allait se mettre à claquer et que je voulais l'en empêcher. Ce cinéma là, en face, allons-y ! Vite ! Je vous expliquerai à l'intérieur.


En suivant, contribution du joueur d'Arnie :

Arnie se précipita vers le cinéma presque en même temps que Curtis. Max les suivit un peu à la traîne. À peine les portes se fermaient-elles derrière Max qu'on entendit le bruit d'une grosse cylindrée arrivant à vive allure dans la rue, avant de freiner brusquement non loin de là. Des portières claquèrent.
Le caissier posa son roman et leva les yeux d'un air surpris.
- Bonsoir. Il n'y a pas de séance avant trois quarts d'heure, c'est pour une réservation ?
Ignorant la question, Arnie et Curtis passèrent devant la caisse et se lancèrent dans l'escalier, sans tenir compte des imprécations du caissier. Ils connaissaient tous deux ce cinéma et la direction de la seconde sortie, à l'arrière du bâtiment. Ils s'arrêtèrent une seconde pour attendre Max qui avait un peu de mal à suivre.
- Sensei, comment saviez-vous que ces hommes allaient venir ?


Là on constate que le joueur d'Arnie prend le contrôle total de l'univers. Il joue le caissier, présuppose et invente l'existence d'une porte de service... J'avais imaginé au départ une course poursuite dans les ruelles du quartier chinois et tout cela venait d'être balayé par le joueur. Conformément aux règles que je me suis fixé, j'ai décidé de conserver la scène telle qu'elle sans censurer les joueurs et décide créer "au pied levé" en rebondissant sur la phrase d'un joueur ("Ils s'arrêtèrent une seconde pour attendre Max qui avait un peu de mal à suivre") et en exploitant la fragilité du PNJ pour inventer la suite :

Max était fatigué, à bout de souffle. D'une main tremblante il avala quelques pilules qu'il sortait d'une petite boîte. Il glissa celle-ci dans la poche de sa veste. Il regarda Curtis et Arnie et dit :
- Cela devrait aller. Je pense qu'il serait dangereux de retourner à la librairie. Il est tard. Il faudrait que je loge à l'hôtel... à moins que... Je connais peut-être quelqu'un qui pourrait m'héberger.


Heureusement, les PJ décident d'accompagner le PNJ. Ceci me laisse le temps (en effet chaque contributeur a une semaine pour envoyer son texte) d'inventer un autre PNJ (Pierre Malevaud) et de rechercher comme relancer l'histoire :

Max conduisit Curtis et Arnie chez Pierre Malevaud. Il leur expliqua sur le chemin que Pierre et lui avaient participé à des expéditions en Egypte. Alors que Max avait abandonné l'archéologie, Pierre été devenu enseignant-chercheur. Aujourd'hui il était président du Cercle Archéologique de Paris. Les trois hommes arrivèrent devant une petite maison de ville coincée entre deux blocs de béton, des résidences. Max poussa la petite grille métallique et pénétra dans la courette. Une volée de marches menaient à une solide porte cochère sur laquelle était gravée un hiéroglyphe. Curtis reconnu l'oeil d'Horus, symbole souvent porté en pendentif dans l'antiquité comme talisman protecteur. Sous le symbole égyptien était gravé une citation de Mark Twain : Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait ! Max sonna. On entendit un petit bruit derrière la porte puis celle-ci s'ouvrit. L'homme qui apparut était grand et svelte. Pierre arborait une barbe blanche et courte, taillée avec soin. "Bonsoir messieurs" dit-il d'une voix très calme. Il se recula pour laisser entrer les trois hommes. En passant près de lui Arnie et Curtis remarquèrent que, bien que plus âgé que Max, Pierre semblait dix ans de moins. "Entrez, il fait froid" dit-il. Il referma la porte puis introduisit les visiteurs dans un salon baigné par une lumière tamisée. Il y avait des livres partout. Une échelle en bois finement sculptée permettait d'aller chercher les ouvrages situés en hauteur. Dans un coin se trouvait une vitrine dans laquelle on pouvait voir quelques antiquités, pièces de monnaies et statuettes, peut-être même une rune. Max fit les présentations et demanda à son ami s'il pouvait l'héberger. Pierre accepta volontiers et désigna un canapé et des fauteuils disposés autour d'une table basse. Il ajouta :
- Vous avez bien quelques minutes ?


Voilà, je pourrais continuer ainsi mais je crois que les quelques exemples que je viens de donner illustrent bien le trio absence de scénario et contenu dynamique (gimmick...) - absence de dès et fluidité - rôle du modérateur ("création au pied levé") / rôle des joueurs (rôle étendu au contrôle de l'univers du jeu) qui sont pour moi les fondements du jeu de rôle "inventif"("créatif") que j'expérimente et que je cherche à développer.
L'objectif étant de créer une histoire qui procure du plaisir à tous les participants qu'ils soient joueur ou modérateur.
non nobis
 
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par Chemeeze (Adrien) » 22 Juil 2010, 11:10

Bonjour Non Nobis, et bienvenu ici.

Ta proposition me semble très intéressente. Dans le passé, à trois reprises on c'était livré à un jeu similaire avec des amis rôlistes. Nous appelions ça "le mail dont vous êtes le héros". Le contenu était volontairement humoristique et parodiait les "Livres dont vous êtes le héros". Un joueur lancait l'histoire en posant un personnage et une quête (cliché héroïc fantasy similaire à ton gimmick). Li'dée de faire ça de façon plus construite, sérieuse me séduit.

Cependant, quelques questions interviennent indubitablement :

J'aimerais savoir quel est au final la particularité de ton rôle de modérateur. Pour l'instant les deux éléments qui ressortent sont : tu lances l'histoire ; tu peux envoyer des messages personnels pour influencer la personnalité d'un personnage joueur. Au final ça semble assez léger.

Si on s'en tient a ta métaphore du jongleur : tu es celui qui lance la balle à chaque fois. Les joueurs ont eux la possibilité de s'amuser avec elle avant de te la redonner. Cela signifie-t-il une limitation dans les possibilités créatives des joueurs ? As-tu le droit de censurer une proposition ? Les autres joueurs ont-ils aussi ce droit ? Ou bien les joueurs peuvent-ils jongleur de leur côté avant de te rendre la balle ?

Une chose qui me dérange lors des premiers "paragraphes" c'est la faible teneur des contribution des joueurs en "éléments utiles à l'histoire". C'est toi qui apporte tout les éléments, qui fait intervenir des gens. Certes tu n'as pas nommé le patron du salon de thé, mais c'est toi qui a fixé le lieu. Pareil pour le cinéma, c'est toi qui permet son existance, les joueurs ne font que se l'approprier.

J'aimerai bien que tu nous donnes des exemples concret des limites des joueurs, quite à les inventer de toutes pièces.


Ensuite d'un point de vue pratique, vous jouez à cela sur googlewave. Quel apport comparé à un google doc ? ou bien à un *.txt envoyé par mail ? Dans googlewave, on peut modifier, intercaller des réponses, et en garder l'historique. Est-ce mis à usage ?

Puis tu commences par "un partie de Conspirations" : c'est pour le background plutôt que pour les règles au final j'imagine ?
Chemeeze (Adrien)
 
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par Frédéric » 22 Juil 2010, 11:50

Salut Non nobis, bienvenue sur Silentdrift !

Intéressant ce rapport de partie ! Je suis content de voir comment mon article a pu influencer votre partie.
Je te laisse répondre à Adrien avant de revenir si c'est toujours utile, avec quelques questions.
Frédéric
 
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par non nobis » 22 Juil 2010, 13:04

Chemeeze (Adrien) a écrit :J'aimerais savoir quel est au final la particularité de ton rôle de modérateur. Pour l'instant les deux éléments qui ressortent sont : tu lances l'histoire ; tu peux envoyer des messages personnels pour influencer la personnalité d'un personnage joueur. Au final ça semble assez léger.


C'est vrai, ce que tu décris peut s'appliquer au jdr classique. La forme semble la même mais la différence réside au niveau qualitatif. Mon rôle de modérateur est en effet de lancer les choses, d'apporter des éléments pour débloquer une situation mais surtout de ne pas censurer les joueurs. S'ils décident d'explorer une piste que je n'avais pas prévu, je laisse faire. Ils pourraient avoir envie de faire des recherches chacun de leur côté, de suivre plusieurs pistes, de proposer leur propre piste. En gros l'idée c'est que le modérateur et les joueurs associent leur imaginaire pour construire une histoire. Le scénario n'est pas établi à l'avance mais pourra se déduire une fois la partie finit. Pour la petite histoire, je n'ai aucune idée de la fin. J'ai quelques lieux possibles, quelques actions possibles mais rien de figé, rien de définitif. Je vois donc mon rôle comme un "animateur" et la partie comme un atelier d'écriture. Peu importe les "conditions de victoire", ce qui compte c'est d'écrire, d'élaborer une histoire.

Chemeeze (Adrien) a écrit :Si on s'en tient a ta métaphore du jongleur : tu es celui qui lance la balle à chaque fois. Les joueurs ont eux la possibilité de s'amuser avec elle avant de te la redonner. Cela signifie-t-il une limitation dans les possibilités créatives des joueurs ? As-tu le droit de censurer une proposition ? Les autres joueurs ont-ils aussi ce droit ? Ou bien les joueurs peuvent-ils jongleur de leur côté avant de te rendre la balle ?


Très bonne remarque. Pour commencer, je dirais que je me suis fixé comme règle de ne jamais censurer les joueurs sauf s'ils dépassent certaines limites (voir plus bas) mais ceci n'est jamais arrivé. Les joueurs sont "simplement" limités par le background de leur personnage et celui de l'univers. En effet, comment apporter des contributions si une grande partie du "background" est encore inconnu. Plus ils avanceront, plus ils sauront de choses et plus ils pourront proposer. De leur côté ils peuvent me censurer en refusant de "me" suivre. Je lance pleins d'éléments. En fait je ne lance pas une balle mais plusieurs. Ils en prennent une ou deux ou plus et laissent tomber les autres, quitte à les reprendre plus tard. Enfin, ils peuvent aussi introduire leur(s) propre(s) balle(s) dans le jeu...

Chemeeze (Adrien) a écrit :Une chose qui me dérange lors des premiers "paragraphes" c'est la faible teneur des contribution des joueurs en "éléments utiles à l'histoire". C'est toi qui apporte tout les éléments, qui fait intervenir des gens. Certes tu n'as pas nommé le patron du salon de thé, mais c'est toi qui a fixé le lieu. Pareil pour le cinéma, c'est toi qui permet son existence, les joueurs ne font que se l'approprier.


Tu as raison, j'aurais du insérer dans mon texte le passage qui suit dans lequel c'est le joueur qui décrit son "repaire" :

Après avoir salué Pierre et Max, Curtis suivi Arnie jusqu'à un vieil immeuble situé non loin du dojo. Le large bâtiment de forme carrée semblait un vestige d'un passé lointain, flanqué d'une part par un entrepôt, et d'autre part par une petite usine qui semblait désaffectée. Il devait faire quatre ou cinq étages.
Ils poussèrent la porte du hall d'entrée. Dans celui-ci, on pouvait voir une vingtaine de boîtes aux lettres et de sonnettes, mais une seule portait encore une étiquette où on pouvait lire "Arnaud Durand". Arnie sorti un trousseau de clés et ouvrit la porte intérieure.
- Ne prêtez pas attention aux gravats, le bâtiment est solide, précisa-t-il.
À voir la cage d'escalier, on pouvait en douter. L'escalier montant au premier s'était entièrement effondré, emportant avec lui une partie du palier de l'étage. Le sol était encombré de gravats à l'exception d'un couloir de deux mètres de large allant jusqu'à l'ascenseur, au milieu du grand hall. Cela sentait la poussière et le renfermé, et il faisait à peine moins froid qu'à l'extérieur.
Arnie fit coulisser un petit panneau le long de la cage d'ascenseur, et découvrit un petit pavé numérique. Il entra un code et referma la cache. La porte de l'ascenseur s'ouvrit rapidement avec un bruit feutré, l'intérieur était illuminé. L'ascenseur était visiblement beaucoup plus moderne que le reste de l'immeuble.
- Je l'ai réparé moi même, se senti obligé d'ajouter Arnie. Les deux hommes montèrent. Il n'y avait que quatre étages. Arnie enclencha le bouton du dernier. La porte se referma avec le même bruit feutré et l'ascenseur s'élança à vive allure vers le haut. Quand la porte s'ouvrit, le contraste était saisissant.
Le pallier du dernier étage était illuminé par une baie vitrée au plafond. Il faisait propre, l'odeur de renfermé et de poussière avait fait la place à un courant d'air frais et la température était agréable. Une porte de belle facture dans un bois ressemblant à de l'acajou faisait face à l'ascenseur. Curtis remarqua qu'elle ne comportait pas de serrure.
Arnie ignora la porte et se dirigea vers la droite. Après le coin se trouvait une autre porte, en verre cette fois. Elle s'ouvrit en coulissant quand les deux hommes approchèrent.
- Entrez, invita Arnie. Il continuait à vouvoyez Curtis, malgré les événements de la veille. Ils entrèrent.
Le laboratoire était grand, très grand. Les murs intérieurs de ce qui devait être un ancien appartement avaient probablement dus être abattus pour dégager cet espace. On pouvait y voir de nombreux outils, diverses machines de taille variable, et même du matériel de chimie le long d'un des murs de la pièce. Tout était parfaitement rangé. Au centre de la pièce se trouvait un sorte de grande cage, composée d'une grille doublée d'une sorte de filet métallique plus fin. On y distinguait un établi et du matériel informatique, dont au moins trois grands écrans plats. Arnie ouvrit la porte et entra.
- C'est ici.
Il referma la porte derrière Curtis, puis pris une télécommande sur l'établi et poussa un bouton. Des volets métalliques commencèrent à occulter les fenêtres tandis que de nombreuses lampes LED s'allumaient. La vive lumière blanche artificielle renforça encore le côté high-tech du laboratoire.
Arnie pris le manuscrit et sourit.
- Aucun risque ici. Vous pourriez émettre votre radio FM à 10 kW que votre transistor ne capterait rien dans le couloir, même les murs sont doublés au plomb. Curtis pensa furtivement à la porte d'entrée en verre, mais il vit du coin de l'œil qu'elle aussi avait été recouverte par un volet.
Arnie ouvrit le paquet, sépara la couverture arrière qu'il plaça dans une boite métallique, et analysa le reste du manuscrit avec un détecteur de métaux. L'air satisfait, il demanda à Curtis :
- Est-ce que je peux en faire une copie ? Comme ça, nous l'aurions toujours si on devait nous le reprendre et j'aimerais y jeter un œil.


La question de l'apport d'éléments utiles à l'histoire et la problématique de la limite se recoupent inévitablement. Je n'ai pas fixé de limites, ce sont les joueurs qui s'auto-censurent finalement. Peu être est-ce du à l'habitude du jdr classique. J'ai en effet des joueurs "anciens" qui arrivent dans le jeu en ligne d'une part et, d'autre part, nous (joueurs et modérateurs) sommes en "expérimentation". C'est la première fois où je change à la fois la forme (jeu en ligne asynchrone au lieu de jdr sur table) et de manière de jouer.

Chemeeze (Adrien) a écrit :J'aimerai bien que tu nous donnes des exemples concret des limites des joueurs, quitte à les inventer de toutes pièces.


La seule limite tient du bon sens. Si un joueur écrit qu'il se téléporte jusqu'à l'endroit où se trouve le PNJ qui a disparu et le ramène je pense que je tousserai un peu. Par contre, tant que la contribution est cohérente par rapport au "background" du perso je laisse faire.

Chemeeze (Adrien) a écrit :Ensuite d'un point de vue pratique, vous jouez à cela sur googlewave. Quel apport comparé à un google doc ? ou bien à un *.txt envoyé par mail ? Dans googlewave, on peut modifier, intercaller des réponses, et en garder l'historique. Est-ce mis à usage ?


Il se trouve que je suis joueur en jeu par courriel et par forum. Pour moi Google Wave, c'est comme si les joueurs et moi avions un document "*.txt" partagé sur un serveur distant. Avec les mails tu es obligés à une certaine rigueur, à placer des balises... Là avec Google Wave le récit, l'histoire, prends forme devant tes yeux sans avoir à faire des copiés-collés. C'est, à mon sens, une interface qui allie les avantages du forum et du mail.

Chemeeze (Adrien) a écrit :Puis tu commences par "un partie de Conspirations" : c'est pour le background plutôt que pour les règles au final j'imagine ?


En fait c'est plutôt pour les règles. D'ailleurs je projette d'utiliser les règles pour lancer une partie de "Star Wars". En effet, le background du jeu est une limite de plus aux joueurs. Comment peuvent-ils apporter d'éléments utiles puisqu'ils ne disposent pas du background. Je me suis rendu compte que j'exercais sur eux (inconsciemment au départ) une emprise que, en réalité, je souhaite dépasser. Je pense donc qu'en utilisant un autre jeu, dont l'univers est connu, sera plus intéressant.

Voilà, encore une fois,je suis en train "d'apprendre" et le fait de décrire ma pratique me permet à la fois de la fixer par écrit et de l'enrichir.
En effet l'article de Démiurge a véritablement influencé ma pratique.
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par Chemeeze (Adrien) » 22 Juil 2010, 13:30

Merci pour ta réponse très complète !

Une dernière salve de questions et après promis je t'embête plus ^^ :

Combien êtes vous à jouer à ça ?
As tu une limite du nombre de joueurs en tête ?
As tu tenté un rythme plus soutenu ?
La taille d'une intervention - en terme de mots/longueur et en terme de nombre d'éléments apportés - est elle limité par le bon sens simplement, ou bien y a-t-il une règle à ce propos : "pas plus d'un PNJ inconnu, pas plus d'un nouveau lieu, pas plus de 20 lignes" ?
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par non nobis » 22 Juil 2010, 14:55

Chemeeze (Adrien) a écrit :Une dernière salve de questions et après promis je t'embête plus ^^ :


Tu ne m'embêtes pas. Tes questions me permettent d'y voir plus clair et de préciser les choses.

Chemeeze (Adrien) a écrit :Combien êtes vous à jouer à ça ?
As tu une limite du nombre de joueurs en tête ?


J'ai actuellement deux joueurs. Au départ j'en voulais trois ou quatre. Je pense que c'est un nombre suffisant mais je pourrais en accepter plus, ce qui permettrait de faire des sous-groupes avec différentes intrigues, des solos... Je ne peux qu'hypothéquer sur ce sujet. Peut-être qu'au-delà de trois ou quatre ce serait la catastrophe...

Chemeeze (Adrien) a écrit :As tu tenté un rythme plus soutenu ?


Non. En général je réponds assez rapidement mais il se trouve que j'ai dans le groupe un jeune papa (celui qui joue Arnie) et il est toujours à +7 jours voire plus. J'ai moi-même des jumeaux de quatre ans et demi... Avec un rythme d'une contribution par semaine je trouve que cela permet de réfléchir, d'élaborer une réponse après avoir fait des recherches... En fait, si je devais accélérer le rythme cela reviendrait à me rapprocher du jdr sur table sans le côté sympa de cette pratique. Du coup autant faire du jdr sur table... J'aimerais d'ailleurs pouvoir refaire une partie dans cet esprit "créatif" et inventif. J'aimais beaucoup le jeu de carte "Il était une fois" et je pense qu'il y aurait possibilité de pouvoir jouer comme ça à du jeu de rôle, de façon fluide, inventive, en totale immersion.

Chemeeze (Adrien) a écrit :La taille d'une intervention - en terme de mots/longueur et en terme de nombre d'éléments apportés - est elle limité par le bon sens simplement, ou bien y a-t-il une règle à ce propos : "pas plus d'un PNJ inconnu, pas plus d'un nouveau lieu, pas plus de 20 lignes" ?


Bonne remarque. Je n'ai pas fixé de limites. Je crois qu'il faut en fait un équilibre entre tous les participants. C'est une histoire qui se construit à plusieurs. La collaboration et le "bon esprit", fair play et ouverture sont in-dis-pen-sables. C'est comme si, dans une discussion à plusieurs, quelqu'un monopolise la parole. Je n'ai pour l'instant pas eu à "couper" du texte ou à demander une réécriture.
Pour ce qui est d'une règle de gestion, le tout est de savoir laquelle choisir. Dans "Il était une fois" il y avait une règle à ce propos : quand un joueur s'embarque dans un long monologue (et refuse donc de passer son tour), un autre joueur peut prendre la main si (et seulement si) il a dans sa main une carte qui, d'une manière directe ou indirecte, fait référence à un mot prononcé par le monologueur. Exemple : notre monologueur parle depuis plusieurs minutes et dit à un moment "c'est alors que le fils du roi...". Il est alors coupé par un joueur qui pose devant lui la carte "prince" et dit "et donc le prince...". En effet, le prince est bien le fils du roi. Si le même joueur prononce le mot arbre et qu'un autre joueur a la carte "arbre" ou "forêt" il peut à son tour prendre la main. Vous me suivez. Je trouve qu'une règle comme celle-ci est beaucoup plus riche et fluide que celle qui consiste à fixer des limites en nombre de mots ou nombre de lieux... Mon seul souci c'est que je joue en mode textuel. En face à face, il est envisageable de mettre en place ce type de dispositif mais en jeu textuel je ne peux réagir "qu'après-coup".
C'est donc plus délicat, cela demande plus de diplomatie et je n'ai pas encore trouve LE système. Avant cette partie de conspirations, j'avais tenté un In Nomine Satanis qui a raté parce que j'étais, je pense, trop "cadrant" et que deux joueurs sur trois, plutôt que de me parler en "privé" pour me faire part de leurs ressentis ont préféré quitter la partie sans rien dire. Bref, en mode textuel, pas de "feedback". C'est pourquoi j'ai instauré, avec la partie de Conspirations, un fil de discussion ou l'on peut parler de la partie et d'autres choses librement.
Je recherche donc une règle type "Il était une fois" qui permette de "gérer" les contributions de manière souple, sympa et acceptée plutôt que de devoir paraître arbitraire. Car si je demande une modification à un joueur : quelle est ma légitimité ? Où est la limite ? Si le joueur estime que sa contribution apporte un plus... Donc pour l'instant je laisse faire. Je pratique la règle du "buffet à volonté". Vous connaissez le principe : vous payez un forfait et vous mangez ce que vous voulez. Évidemment, vous ne pourrez jamais TOUT manger. Et bien je me dis la même chose en jdr. Je laisse le joueur écrire. Il ne va de toute façon pas me pondre un roman de quatre cent pages en une semaine. Si je tombais sur un tel joueur il s'épuiserait avant moi, par faute d'éléments à un moment donné et serait bien obligé de passer la main. Heureusement je n'ai jamais croisé de tel joueur... et puis je suis assez gourmand (et gourmet) ;-)

RAJOUT DU VENDREDI 23 JUILLET : Il n'y a donc pas de limites aux contributions des joueurs si ce n'est le conflit d'intérêt.
Un joueur peut inventer un/des PNJ, un/des lieu(x), écrire cinquante lignes... mais si tout cela est manifestement réalisé dans le but d'avantager SON personnage alors il y a conflit d'intérêt. Voilà c'est la seule limite, la règle étant le bon sens.


PS : je peux vous envoyer par mail le CR quasi complet (puisque la partie est en cours) si vous voulez voir ce que cela donne. Je ne l'ai pas placé dans le fil car cela prendrait beaucoup de place.
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par Christoph » 03 Août 2010, 11:46

Salut non nobis, je te souhaite la bienvenue!

J'aime bien utiliser le vrai prénom des gens qui participent ici, si tu es d'accord. Moi c'est Christoph!

Ton rapport amène des questions qui m'intéressent au plus haut point.

Tu dis que tu as dû annuler la course poursuite, car les joueurs ont « trouvé » une autre issue, mais tu aurais très bien pu dire qu'à peine sortis par cette autre porte, ils se faisaient prendre en chasse tout de même (les poursuivants connaissaient peut-être très bien les lieux, ou arrivaient en fait de plusieurs directions en même temps, etc.) Au pire, tu la cadrais dans un autre contexte que les ruelles du quartier chinois. Est-ce que c'est un aspect voulu du jeu que si une scène prévue ne peut pas avoir lieu « logiquement » (selon la préparation justement), elle soit annulée plutôt que adaptée?

Est-ce que les joueurs peuvent prendre le contrôle de leurs adversaires dans les descriptions? En quelque sortes, c'est le cas avec la scène de la course dans le cinéma, mais jusqu'où est-ce que cela peut aller? Peuvent-ils aller jusqu'à faire l'archi-classique monologue du méchant qui révèle son plan machiavélique?

En fin de compte, je crois que ma question peut se généraliser à la suivante: quels sont les rôles et prérogatives exclusifs du modérateur?


J'ai aussi une question par rapport à ton rajout du 23 juillet: je comprends la notion du joueur qui se donnerait des avantages, mais concrètement, comme tout est ouvert et susceptible d'être repris par le modérateur, est-il vraiment possible d'entrer dans une telle situation de conflits d'intérêts? Que penses-tu du cas contraire, où le joueur ferait volontairement du mal à son personnage?
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par non nobis » 03 Août 2010, 20:37

Christoph a écrit :Salut non nobis, je te souhaite la bienvenue!

J'aime bien utiliser le vrai prénom des gens qui participent ici, si tu es d'accord. Moi c'est Christoph!


Salut, mon vrai prénom c'est Cyril. Je suis bien entendu d'accord pour son utilisation. Je vais donc tenter de répondre à toutes tes questions sachant que je suis en phase d'expérimentation. J'aimerais pouvoir élaborer un document qui soit non pas un jeu de rôle mais un système générique (donc adaptable à différents univers) et, surtout, qui mette l'accent sur le rôle du modérateur. Ma méthode est empirique : je joue et j'essaie d'en tirer des enseignements. Ces "enseignements", je tente de les formaliser, d'en faire un système de règles communicable et compréhensible (pour l'instant j'en suis loin). Je cherche également dans les systèmes de jeux de rôles existants ainsi que d'autres jeux : j'ai notamment cité le jeu de carte "Il était une fois" dans lequel s'élabore une histoire sans modérateur. Il ne s'agit pas d'un jeu de rôle mais le système m'intéresse et je me dis qu'il y a là matière à enrichir ma pratique. Je me focalise pour l'instant sur le rôle du modérateur et des joueurs.

Mais revenons à tes questions :

Christoph a écrit :Tu dis que tu as dû annuler la course poursuite, car les joueurs ont « trouvé » une autre issue, mais tu aurais très bien pu dire qu'à peine sortis par cette autre porte, ils se faisaient prendre en chasse tout de même (les poursuivants connaissaient peut-être très bien les lieux, ou arrivaient en fait de plusieurs directions en même temps, etc.) Au pire, tu la cadrais dans un autre contexte que les ruelles du quartier chinois. Est-ce que c'est un aspect voulu du jeu que si une scène prévue ne peut pas avoir lieu « logiquement » (selon la préparation justement), elle soit annulée plutôt que adaptée?


Je m'arrête notamment sur ta question "Est-ce que c'est un aspect voulu du jeu que si une scène prévue ne peut pas avoir lieu « logiquement » (selon la préparation justement), elle soit annulée plutôt que adaptée ?"
En fait il n'y a pas, justement, de scène prévue. Il n'y a que des scènes "potentielles". Donc si un joueur-contributeur prend en main le récit et, ce faisant, rend caduque la scène virtuelle que j'avais imaginée, ceci est une bonne chose et va dans le sens de ma recherche. En effet, j'essaie de suivre l'injonction de Robin Laws qui, parlant du théâtre d'improvisation, a écrit : "Ne nie jamais". De fait, quelle différence entre censurer un joueur et ne pas le censurer mais en ne prenant pas en compte ce qu'il a écrit ? Pour moi il n'y en a aucune. Dans notre exemple, si j'avais quand même fait surgir les poursuivants cela aurait signifié implicitement : "vos contributions n'ont aucune importance sur le récit que JE maîtrise. J'AI décidé que vous seriez poursuivi et vous le serez !". Corollaire : les joueurs-contributeurs seraient amenés à penser, à juste titre, qu'il est inutile de faire des efforts et qu'il faut se contenter de jouer SANS contribuer à l'élaboration de la trame narrative.
De fait, cette scène virtuelle de poursuite n'est pas perdue mais pourra être réutilisée par la suite. Les poursuivants seront plus avisés la prochaine fois... A moi de tirer parti de ce qui s'est passé. Les poursuivants peuvent s'être fait insultés voir punis par leurs commanditaires...

Christoph a écrit :Est-ce que les joueurs peuvent prendre le contrôle de leurs adversaires dans les descriptions? En quelque sortes, c'est le cas avec la scène de la course dans le cinéma, mais jusqu'où est-ce que cela peut aller? Peuvent-ils aller jusqu'à faire l'archi-classique monologue du méchant qui révèle son plan machiavélique?


Disons que le modérateur s'occupe des personnages non joueurs majeurs. Ta question est intéressante et je suis pour l'instant incapable de répondre de manière exhaustive car le cas ne s'est encore jamais présenté. Je dirais "pourquoi pas ?" si c'est cohérent, si le fameux méchant sort de son "rôle" alors il faudrait revoir tout ça. Il y a une règle comme cela dans "Il était une fois". Cette règle s'applique à un joueur qui monopolise le récit : "Son tour s'arrête également si son récit n'a plus de sens, qu'il a perdu le fil de son histoire, qu'il essaye de faire passer quelque chose de complétement stupide ou qui entre en contradiction avec un événement antérieur. Les autres joueurs peuvent l'obliger à passer son tour (...) lorsque ceci se produit en cours de partie, on assiste souvent à un concert de cris qui ne laisse pas d'équivoque". Ce qui est intéressant ici c'est que le franchissement de la limite est normalement perçue par l'ensemble de l'assistance (joueurs et modérateur compris). Une notion importante pour moi : la limite et son respect ne dépend pas uniquement du modérateur.

Christoph a écrit :En fin de compte, je crois que ma question peut se généraliser à la suivante: quels sont les rôles et prérogatives exclusifs du modérateur?


Très bonne question : c'est un joueur comme les autres mais qui n'a pas de personnage attitré. Il est comme l'arbitre d'une partie de wargame. Il doit faire preuve de neutralité et de bienveillance.

Christoph a écrit :J'ai aussi une question par rapport à ton rajout du 23 juillet: je comprends la notion du joueur qui se donnerait des avantages, mais concrètement, comme tout est ouvert et susceptible d'être repris par le modérateur, est-il vraiment possible d'entrer dans une telle situation de conflits d'intérêts? Que penses-tu du cas contraire, où le joueur ferait volontairement du mal à son personnage?


Le conflit d'intérêt peut arriver puisqu'il s'agit d'une partie en mode textuel. Cela n'est pas arrivé pour l'instant. Si le joueur fait volontairement mal à son personnage je trouve que c'est une bonne chose si cela n'entraîne pas la mort dudit personnage et si cela crée un effet dramatique. Cela peut être un "beau geste" comme on utilise l'expression dans le domaine sportif. Mais cette situation là je ne l'ai pas encore rencontrée non plus.
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par Frédéric » 03 Août 2010, 21:19

OK, Cyril !
En ce qui me concerne, je trouve en premier lieu qu'il est dommage et plutôt frustrant en tant que modérateur, de préparer des choses qui passent à la trappe.

Ce qui me paraît important, c'est que ce qu'on prépare respecte la potentialité du médium "jeu de rôle" : même si on l'impose, on peut le modifier en fonction de ce que les joueurs ont fait, et les conséquences seront différentes en fonction des choix des joueurs. Il ne s'agit pas de ne pas prendre en compte les choix des joueurs pour imposer son scénar, mais de préparer des choses qui ne risquent pas d'entraver la liberté d'action des joueurs, ni d'être caduque si les joueurs sont partis dans une direction imprévue.

D'autant plus que si on prépare des chose, c'est bien pour amener sur le tapis des choses plus intéressantes (pour des raisons x ou y) que si on était en roue libre à créer au pied levé tout ce qui constitue le décor, l'intrigue et les PNJ et leurs objectifs.

Donc ce qui me semble important, c'est de bien avoir à l'esprit qu'il y a deux formes de situations en JDR :
  1. les situations binaires : succès ou échec
  2. les situations à potentialités multiples : est-ce que je vais lui parler ou est ce que je le capture d'abord ? Peut-être pourrait-il être un allié si je lui fais une proposition qu'il ne pourra pas refuser ?
    Ou encore : il a commis un crime, mais c'est mon frère, j'ai juré de ne jamais tuer, mais il nous tient en joue avec un flingue... (on ne se limite pas à vaincre ou pas vaincre. Ce genre de situations peuvent amener des joueurs à se sacrifier pour éviter de blesser le "frère", ou bien à tenter la méthode douce, ou de s'enfuir, ou de l'attaquer de front quitte à ne pas lui faire de cadeau etc. J'ai vu des joueurs se sacrifier dans plusieurs parties, parce que la situation amenait ce genre de choix).

Dans le premier cas, si on a prévu une suite, mais que les joueurs font une chose imprévue, la suite tombe à l'eau, à moins que le MJ remette cet évènement sur le chemin des joueurs. C'est source de beaucoup de problèmes en partie.
Dans le deuxième, le but est de prévoir des situations fertiles sans en prévoir les conséquences.

Je te conseille de jeter un œil à Innommable. Ce jeu propose une situation initiale, une succession d'évènements et de révélations qui ne dépendent jamais des choix et actes des joueurs pour être intégrés à la partie, mais qui ne demandent pas aux joueurs de réussir une étape pour accéder à la suivante. Néanmoins, chaque action des joueurs a une grande importance sur leur évolution et sur la tournure de l'histoire et les révélations rythment la partie et offrent plus de clarté sur l'intrigue et en même temps plus de danger.
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par non nobis » 03 Août 2010, 22:55

J'ai téléchargé Innommable et vais m'y pencher.

Ajout du mercredi 11 août : j'ai découvert le site suivant http://web.archive.org/web/20070624171141/www.collaborativeroleplay.org.uk/Welcome et notamment Ergo (http://web.archive.org/web/20070624171520/www.collaborativeroleplay.org.uk/files/games/ergo_one.txt). En parallèle je recherche un hébergeur de wiki pour continuer la partie.
Dernière édition par non nobis le 11 Août 2010, 13:54, édité 2 fois.
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par Christoph » 04 Août 2010, 01:39

Salut Cyril

Je déplace le fil dans la rubrique Banc d'essai, car tu développes un nouveau système de jeu (tu joues donc à un jeu non-terminé.) Ce n'est pas grave, ça arrive à tout le monde, pas besoin de t'excuser, t'essayeras d'y penser la prochaine fois.

D'accord pour ta distinction entre « scène prévue » et « scène potentielle ». Dans ce cas, je parlais bien de scène potentielle. Tout cela rejoint ma question sur les prérogatives du modérateur. J'ai bien compris son rôle, mais je n'ai pas compris s'il avait sa « chasse gardée » ou pas. D'après tes réponses, j'ai l'impression que ton jeu requiert une bonne dose de fairplay. En effet, les joueurs ne savent pas quelles sont les scènes potentielles, néanmoins, s'ils anticipent correctement et trouvent un beau contournement, tu reconnais cela et tu leurs évites, par exemple, une course poursuite, en récompense de leur créativité. Est-ce que les joueurs sont au courant de ce phénomène? Est-ce que tu leur expliques après coup en quoi ils ont bien joué?

Que se passe-t-il si les joueurs parviennent, par talent et expérience, à systématiquement court-circuiter le modérateur? Peuvent-ils éviter tous les conflits? Comment est-ce qu'une telle situation ne serait pas un conflit d'intérêt (et donc non-admis par tes règles)? À quoi sert le modérateur dans ce cas hypothétique? Comment devrait-il se comporter?

Autre approche sur cette question de conflit d'intérêt. Admettons qu'un joueur raconte qu'il tombe sur une cachette recelant une fortune. Qu'est-ce qui t'empêcherait de retourner la situation et de décréter que ce personnage est désormais complice dans le vol de cet argent, et donc poursuivi par la police? Tu retournes ainsi une situation a priori avantageuse pour le joueur qui trouvait malin d'abuser des règles en une situation nettement plus cocasse et même source d'intrigues très intéressantes, sans avoir à contredire le joueur (ça fait aussi partie des idées de Robin Laws si je me souviens bien).

C'est un peu pour ça que les jeux plus traditionnels réservent au MJ le fait de jouer les antagonistes, de décider du contenu et d'avoir un plus large contrôle sur le décor. Je n'essaie en aucun cas de dire qu'il faut que tu reviennes à ça, au contraire j'aimerais comprendre comment tu t'en sors en faisant différemment, en particulier comment décider entre les cas qui sont des conflits d'intérêts et des cas qui sont bien joués parce qu'ils obligent le modérateur à jeter une scène potentiellement contraignante pour les personnages.
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par non nobis » 06 Août 2010, 14:38

Bonjour,
Je vais donc essayer de répondre à Frédéric et Christoph. Plutôt que de répondre comme je l'ai fait jusqu'à présent, je préfère vous soumettre un extrait de ma plaquette de présentation. Il se trouve que j'ai appris hier soir que Google allait fermer son interface wave. Je vais donc être amené à interrompre contre ma volonté mon expérimentation sur wave. Dès lors je vais passer en jeu par mail ou forum. Je n'ai pas encore décidé. Je n'ai pas de "matériel" suffisant pour illustrer cette "théorie" comme il le faudrait. L'avenir me dira si mon projet est viable (ou pas). Voici donc l'extrait :

V. Rôles respectifs des contributeurs (joueurs et modérateur)

D'abord quelques extraits qui illustrent bien mon propos. Ci-dessous l'extrait d'un texte de Robin Laws :

Vertiges littéraires
Les jeux de rôles ont changé à jamais le jour où un joueur a dit "Je sais que c'est la meilleure stratégie, mais mon personnage ne ferait jamais ça". Brusquement, des considérations esthétiques faisaient irruption dans ce qui jusque-là n'était qu'un jeu, pour faire la nique aux bonnes vieilles "conditions de victoire". A ce moment miraculeux, le jeu de rôles a cessé d'être simplement un jeu pour devenir une forme d'art narrative, un petit cousin du théâtre, des films et de la littérature. (Conspirations) est, entre autres choses, une tentative pour pousser le JdR sur la voie de l'art. Les MJ pourront tenter d'agir comme un artiste qui crée en collaboration avec ses joueurs. (...) L'idée de collaboration est importante. Le MJ n'est pas un "conteur" qui a les joueurs pour public. Il est simplement le "premier parmi les égaux", avec pour seule responsabilité le développement harmonieux de l'histoire. Le parent le plus proche du JdR est le théâtre improvisé, dans lequel les acteurs inventent des scènes au fur et à mesure. Dans cette discipline, les participants doivent être réceptifs aux apports des autres acteurs et savoir utiliser leurs contributions. La Première Directive de l'improvisateur est : "Ne nie jamais". Les acteurs doivent accepter toutes les idées au fur et à mesure qu'elles se présentent et travailler avec. Dans le jeu de rôles, toutefois, le MJ est souvent appelé à dire "non" aux désirs des joueurs. Et pour cause : les aventures sont des histoires épiques, qui suivent les conventions du genre romanesque et pas de brefs sketchs humoristiques (...) Mais le MJ doit également être prêt à répondre "oui" aux joueurs lorsque leurs suggestions enrichissent l'histoire (...) Le MJ n'est pas comme le réalisateur d'un film, qui déplace ses acteurs comme des pions et leur fait interpréter un script pré-écrit. (...) Pendant des années, les rôlistes ont simulé des histoires à peu près comme les wargameurs recréent des batailles. Ce faisant, ils ont fait de l'art, spontané et inconscient, pour leur propre plaisir, même s'ils ne s'en rendaient pas compte. Rendre l'art conscient est un acte libérateur, qui permet de se rapprocher beaucoup des histoires que l'on simule. Amusez-vous et profitez de votre rôle très particulier dans l'histoire des arts. Après tout, ce n'est pas tous les jours que l'on a l'occasion d'être un pionnier dans le développement d'une nouvelle forme d'expression.


Extrait de Conspirations, un jeu de rôle de Jonathan Tweet, livre de base ISBN 2-910529-09-6, édition originale "Atlas Games, éd. française Halloween concept (trad. Tristan Lhomme) pages 121 et 122.

Le plus important selon moi : le modérateur a pour seule responsabilité le développement harmonieux de l'histoire. Les joueurs-contributeurs sont donc entièrement libres tant que leurs apports enrichissent l'histoire. Sur cette notion de liberté, je me permets de vous donner le lien vers le site Places to go Places to be : http://ptgptb.free.fr/0027/th101-2.htm. Ci-après quelques extraits qui permettent de comprendre à la fois le rôle du modérateur que j'essaie de développer et la notion de liberté en tant que joueur :

La plupart des lecteurs sera d’accord pour dire que dans un jeu de rôles, l’arbitre, ou Maître du Jeu, a habituellement le contrôle complet de l’histoire, et que les joueurs ont un contrôle complet de leurs personnages, qui sont les personnages principaux de l’histoire.

De mémoire d’homme, Ron Edwards a été la première personne à signaler le problème dans cette idée. Si une personne a le contrôle total des personnages principaux de l’histoire, comment quelqu’un d’autre peut-il contrôler l’histoire ? On pourrait croire que l’histoire doit tourner autour des actes des personnages principaux. Si les joueurs possèdent le contrôle complet des actions de leur personnage, alors le meneur de jeu ne peut pas avoir le contrôle de l’histoire ; inversement, si le meneur a le contrôle complet de l’histoire, alors les joueurs n’ont pas vraiment le contrôle des actions de leurs personnages. (...) Ron Edwards a identifié et baptisé le jeu de basse, en référence au rôle du bassiste dans un groupe de jazz ou de rock. Le bassiste donne la mesure, fixe parfois l’ambiance, la clé et les changements dans la musique, mais il ne joue presque jamais la mélodie. Cela est laissé aux autres instrumentistes. De la même manière, le meneur du jeu "de basse" crée le monde, l’ambiance, peut-être les situations, mais se fond ensuite dans l’arrière-plan afin de permettre aux joueurs d’improviser, en se contentant d'encourager leurs efforts, d'apporter des changements quand tout marche trop bien pour eux, et de conserver un rythme acceptable pour l'ensemble.

Dans cette résolution du Truc Impossible, le meneur contrôle l’histoire dans le sens où il crée le monde et la situation, et décide ainsi de quoi parle l’histoire et où elle commence, mais ne contrôle pas sa fin, ou comment elle atteint sa fin car cela dépend entièrement des choix effectués par les joueurs par le biais de leurs personnages. En fin de compte, l’histoire sera une aussi grande surprise pour lui que pour n’importe qui d’autre. Le jeu de basse est l’approche de jeu la plus libre et interactive. Toutefois, elle demande que les joueurs n’attendent pas du Maître qu’il leur dise quoi faire. Les joueurs devraient faire ce qu’ils veulent, pour provoquer la survenance des choses qui les intéressent. C’est ainsi d’une certaine manière l’approche la plus surprenante et la plus difficile à appliquer. Beaucoup de jeux indépendants tentent d’encourager cette approche.

J'autorise donc les joueurs, s'ils le souhaitent, à prendre le contrôle de tout ce qu'ils souhaitent. La seule contrainte c'est le développement harmonieux de l'histoire, si un joueur se lance dans un récit qui n'a plus de sens, qu'il perd le fil de son histoire ou qu'il essaye de faire passer quelque chose de complétement stupide ou qui entre en contradiction avec un événement antérieur alors le modérateur intervient. Il y a également le conflit d'intérêt. Un joueur peut inventer un PNJ, un lieu... mais si tout cela est manifestement réalisé dans le but d'avantager SON personnage alors il y a conflit d'intérêt. Voilà c'est la seule limite, la règle générale étant le bon sens. Je ne construit donc pas de scénario stricto sensu mais plutôt une situation (setting) de départ. C'est-à-dire que je pars d'une idée et de quelques images de scènes potentielles seulement. Je me laisse ensuite guider par les joueurs et leurs apports. En fait, ces derniers pourront plus facilement modeler l'univers que dans un jeu de rôle classique, du moins c'est mon intention. La partie se termine lorsque les potentialités (une ou plusieurs) ont été épuisées et que le tout forme quelque de cohérent, qui se tient. Je suis en cela assez influencé par l'AJRAR (association pour un jeu de rôle artistique et responsable) et vous trouverez ici un podcast sur la notion d'art et de jeu de rôle : http://cellulis.blogspot.com/2010/06/podcast-hs-art-et-jeu-de-role.html (notamment l'article "le jdr est potentialité") . Voir également le site : http://froudounich.free.fr/?cat=11 pour le concept de création au pied levé qu'il développe. Ma façon de jouer justifie donc un rythme lent car je m'adapte aux contributions des joueurs pour m'éviter un travail inutile. Je prépare donc mes textes au dernier moment.

*****

Voilà, je ne suis pas certain d'avoir répondu à l'intégralité de vos questions. Merci d'avoir pris le temps de lire mes messages et de m'avoir permis de clarifier mes pensées sur de nombreux points. Le système manque de précision mais je ne peux pas l'affiner plus faute de pratique. Je vous tiens au courant de l'évolution du projet.
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par Frédéric » 06 Août 2010, 15:12

Extra ! Je sens qu'on va bien s'entendre !
Je ne connaissais pas le texte de Robin Laws et ça fait du bien de lire des choses comme ça de la part d'un grand auteur comme lui.

Christoph a soulevé une question très importante, de mon point de vue, au sujet des responsabilités de chacun. Je te propose de lire ce post :
viewtopic.php?f=3&t=2046#p16283
Je pense avoir pas trop mal vulgarisé le principe de responsabilité, ça devrait t'aider. Si tu as des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre. ;)
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par non nobis » 08 Août 2010, 23:27

Merci,

J'ai imprimé le fil conseillé ainsi que "Les règles du jeu de rôle sans règle". J'ai revu mon texte de présentation car il manquait une chose en effet importante déjà soulevée par Christoph : "quelles sont les prérogatives du MJ et celles des joueurs ?", ce qui rejoint l'idée "du truc impossible avant le petit déjeuner". Je sentais bien que toutes ces notions étaient liées entre elles. Au final il me semble qu'il s'agit d'un contrat entre le modérateur et les joueurs. Quels sont les domaines de chacun et, surtout, l'acceptation de ces règles par les joueurs. Adrien avait déjà bien cerné le problème : c'est bien de donner du mou aux joueurs mais vont-ils s'en servir et si oui, comment. Voici donc mon texte corrigé, celui que j'ai soumis à mes joueurs. A voir maintenant à l'aune de contributions futures si le système est viable et, surtout, intéressant pour l'élaboration d'histoires :

Chapitre V. Rôles respectifs des contributeurs (joueurs et modérateur)

Nous avons déjà abordé le rôle du modérateur dans le chapitre sur le système. Pour résumer, le meneur décide tout d'abord quelles issues sont cohérentes avec le monde puis celles qui sont cohérentes avec le personnage, enfin celle qui lui semble la plus intéressante pour l’histoire. Nous allons maintenant aborder les prérogatives du joueur. Pour ce faire je vous livre quelques extraits d'un texte de Robin Laws qui se trouve dans le livre Conspirations:

Vertiges littéraires
Les jeux de rôles ont changé à jamais le jour où un joueur a dit "Je sais que c'est la meilleure stratégie, mais mon personnage ne ferait jamais ça". Brusquement, des considérations esthétiques faisaient irruption dans ce qui jusque-là n'était qu'un jeu, pour faire la nique aux bonnes vieilles "conditions de victoire". A ce moment miraculeux, le jeu de rôles a cessé d'être simplement un jeu pour devenir une forme d'art narrative, un petit cousin du théâtre, des films et de la littérature. (Conspirations) est, entre autres choses, une tentative pour pousser le JdR sur la voie de l'art. Les MJ pourront tenter d'agir comme un artiste qui crée en collaboration avec ses joueurs. (...) L'idée de collaboration est importante. Le MJ n'est pas un "conteur" qui a les joueurs pour public. Il est simplement le "premier parmi les égaux", avec pour seule responsabilité le développement harmonieux de l'histoire. Le parent le plus proche du JdR est le théâtre improvisé, dans lequel les acteurs inventent des scènes au fur et à mesure. Dans cette discipline, les participants doivent être réceptifs aux apports des autres acteurs et savoir utiliser leurs contributions. La Première Directive de l'improvisateur est : "Ne nie jamais". Les acteurs doivent accepter toutes les idées au fur et à mesure qu'elles se présentent et travailler avec. Dans le jeu de rôles, toutefois, le MJ est souvent appelé à dire "non" aux désirs des joueurs. Et pour cause : les aventures sont des histoires épiques, qui suivent les conventions du genre romanesque et pas de brefs sketchs humoristiques (...) Mais le MJ doit également être prêt à répondre "oui" aux joueurs lorsque leurs suggestions enrichissent l'histoire (...) Le MJ n'est pas comme le réalisateur d'un film, qui déplace ses acteurs comme des pions et leur fait interpréter un script pré-écrit. (...) Pendant des années, les rôlistes ont simulé des histoires à peu près comme les wargameurs recréent des batailles. Ce faisant, ils ont fait de l'art, spontané et inconscient, pour leur propre plaisir, même s'ils ne s'en rendaient pas compte. Rendre l'art conscient est un acte libérateur, qui permet de se rapprocher beaucoup des histoires que l'on simule. Amusez-vous et profitez de votre rôle très particulier dans l'histoire des arts. Après tout, ce n'est pas tous les jours que l'on a l'occasion d'être un pionnier dans le développement d'une nouvelle forme d'expression".


Extrait de Conspirations, un jeu de rôle de Jonathan Tweet, livre de base ISBN 2-910529-09-6, édition originale "Atlas Games, éd. française Halloween concept (trad. Tristan Lhomme) pages 121 et 122.

Le plus important selon moi : le modérateur a pour seule responsabilité le développement harmonieux de l'histoire. Nous retrouvons là un des points du JdR sans règle. De même, l’idée selon laquelle les joueurs-contributeurs sont entièrement libres tant que leurs apports enrichissent l'histoire. Ceci nous amène au truc impossible et la fameuse notion de liberté notamment détaillée sur le site Places to go Places to be : http://ptgptb.free.fr/0027/th101-2.htm. Ci-après quelques extraits qui permettent de comprendre à la fois le rôle du modérateur que j'essaie de développer et la notion de liberté en tant que joueur :

La plupart des lecteurs sera d’accord pour dire que dans un jeu de rôles, l’arbitre, ou Maître du Jeu, a habituellement le contrôle complet de l’histoire, et que les joueurs ont un contrôle complet de leurs personnages, qui sont les personnages principaux de l’histoire.

De mémoire d’homme, Ron Edwards a été la première personne à signaler le problème dans cette idée. Si une personne a le contrôle total des personnages principaux de l’histoire, comment quelqu’un d’autre peut-il contrôler l’histoire ? On pourrait croire que l’histoire doit tourner autour des actes des personnages principaux. Si les joueurs possèdent le contrôle complet des actions de leur personnage, alors le meneur de jeu ne peut pas avoir le contrôle de l’histoire ; inversement, si le meneur a le contrôle complet de l’histoire, alors les joueurs n’ont pas vraiment le contrôle des actions de leurs personnages. (...) Ron Edwards a identifié et baptisé le jeu de basse, en référence au rôle du bassiste dans un groupe de jazz ou de rock. Le bassiste donne la mesure, fixe parfois l’ambiance, la clé et les changements dans la musique, mais il ne joue presque jamais la mélodie. Cela est laissé aux autres instrumentistes. De la même manière, le meneur du jeu "de basse" crée le monde, l’ambiance, peut-être les situations, mais se fond ensuite dans l’arrière-plan afin de permettre aux joueurs d’improviser, en se contentant d'encourager leurs efforts, d'apporter des changements quand tout marche trop bien pour eux, et de conserver un rythme acceptable pour l'ensemble.

Dans cette résolution du Truc Impossible, le meneur contrôle l’histoire dans le sens où il crée le monde et la situation, et décide ainsi de quoi parle l’histoire et où elle commence, mais ne contrôle pas sa fin, ou comment elle atteint sa fin car cela dépend entièrement des choix effectués par les joueurs par le biais de leurs personnages. En fin de compte, l’histoire sera une aussi grande surprise pour lui que pour n’importe qui d’autre. Le jeu de basse est l’approche de jeu la plus libre et interactive. Toutefois, elle demande que les joueurs n’attendent pas du Maître qu’il leur dise quoi faire. Les joueurs devraient faire ce qu’ils veulent, pour provoquer la survenance des choses qui les intéressent. C’est ainsi d’une certaine manière l’approche la plus surprenante et la plus difficile à appliquer. Beaucoup de jeux indépendants tentent d’encourager cette approche.

Nous touchons donc le nœud du problème. En effet, toujours dans Les règles du JdR sans règle :
D'autres extensions du domaine du joueur sont possibles (par exemple il peut aller jusqu'au comportement des PNJ mineurs, ou bien à des scènes que le personnage du joueur ne peut pas voir), mais il faut noter que plus ce domaine est grand, et plus on s'éloigne du jeu de rôle, tout en se rapprochant d'une sorte de construction coopérative d'histoires. À l'inverse, un domaine très réduit pour le joueur fait ressembler la partie à un livre dont vous êtes le héros... À chacun de trouver son équilibre.

J'autorise donc les joueurs, s'ils le souhaitent (mais ce n’est en aucun cas une obligation), à prendre le contrôle, à étendre leur domaine et leurs prérogatives. La seule contrainte c'est le développement harmonieux de l'histoire, si un joueur se lance dans un récit qui n'a plus de sens, qu'il perd le fil de son histoire ou qu'il essaye de faire passer quelque chose de complétement stupide ou qui entre en contradiction avec un événement antérieur alors le modérateur intervient, ou un autre joueur. Il y a également le conflit d'intérêt. Un joueur peut inventer un PNJ, un lieu... mais si tout cela est manifestement réalisé dans le but d'avantager SON personnage alors il y a conflit d'intérêt. Voilà c'est la seule limite, la règle générale étant le bon sens. Je peux continuer ainsi mais je pense que vous avez suivi mon idée.

Je ne construit pas de scénario stricto sensu mais plutôt une situation (setting) de départ. C'est-à-dire que je pars d'une idée et de quelques images de scènes potentielles seulement. Je me laisse ensuite guider par les joueurs et leurs apports. En fait, ces derniers pourront plus facilement modeler l'univers que dans un jeu de rôle classique, du moins c'est mon intention. La partie se termine lorsque les potentialités (une ou plusieurs) ont été épuisées et que le tout forme quelque de cohérent, qui se tient. Je suis en cela assez influencé par l'AJRAR (association pour un jeu de rôle artistique et responsable) et vous trouverez ici un podcast sur la notion d'art et de jeu de rôle : http://cellulis.blogspot.com/2010/06/po ... -role.html .
Voir également le site : http://froudounich.free.fr/?cat=11.pour le concept de création au pied levé qu'il développe. Ma façon de jouer justifie donc un rythme lent car je m'adapte aux contributions des joueurs pour m'éviter un travail inutile. Je prépare donc mes textes au dernier moment.
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Re: "Conspirations" en mode textuel asynchrone

Message par non nobis » 03 Sep 2010, 22:47

La partie se poursuit et, comme convenu, je viens vous apporter des éléments nouveaux et dignes d'intérêts (je l'espère). Ainsi les PJ vont visiter un PNJ qui s'est réfugié dans une clinique psychiatrique privée. J'ai crée ce PNJ "au pied levé" à partir de l'historique d'un des PJ. Il se trouve que ce PJ fait des recherches sur le chamanisme et qu'il est en train de découvrir peu à peu qu'il a un pouvoir étrange... Cependant, le PJ "n'accepte" pas encore ses nouvelles facultés et oscille entre fascination et déni. J'ai également crée "au pied levé" l'historique du PNJ et notamment un événement important : le PNJ a autrefois été sauvé par le père (aujourd'hui disparu) du PJ. Ci-dessous le texte (mes contributions en italiques) suivi d'un message "hors-jeu" du joueur et enfin mon analyse.

Le texte :

Le vieil homme se tourna vers Curtis, impassible. Après un long silence, il dit :
- En 1978 j'étais au Zaïre, à Kolwezi plus exactement. Quand les rebelles Katangais ont pris d'assaut la ville et commencé leurs exactions, j'ai du me cacher. Tout cela a duré plusieurs jours, les rues étaient jonchées de cadavres. Et puis le deuxième régiment étranger de parachutistes à sauté sur la ville. Parmi les militaires qui m'ont sauvé il y avait votre père monsieur Graham... Aussi, quand j'ai vu le manuscrit ainsi que votre nom sur la liste, j'ai compris que Chris avait été repéré par les Vornites et qu'il y avait urgence. Chris avait du être repéré à cause de ses recherches autour du Mund-gawi. Mais comment vous prévenir sans alerter les Vornites ? Comment vous convaincre de la véracité de nos dires ? Chris a donc eu l'idée de vous transmettre le manuscrit indirectement... En le remettant à votre ami libraire... La chance, le destin, votre curiosité et votre ruse ont fait le reste. Martin souria.


- Il semble que je sois sur une "liste" établie par des "Vornites" (Curtis marquait ostensiblement les guillements avec les doigts). Il semble que le mot Vornite dérive du nom de ce financier hollandais, Ian Vorn, et que celui-ci avait créé un réseau de relations mais c'était il y a plusieurs centaines d'années... Et vous me dites que vous avez obtenu cette "liste", comme si ce réseau existait encore. Et d'ailleurs comment avez-vous obtenu le manuscrit, ici, depuis cette chambre ? J'ai du mal à suivre, Monsieur Mercier. Et vous me parlez maintenant de mon père, mais pourquoi ? Que vient-il faire dans cette affaire ? Et ...
Curtis s'interrompit lorsqu'un infirmier entra sans frapper. Un type grand, tout mince, la tête penchée sur la gauche comme pour paraître moins grand, avec un drôle de regard. Curtis se hérissa, immédiatement sur ses gardes puis il se relaxa en se morigénant intérieurement. Cette histoire lui tournait la tête...

L’infirmier s’approcha du vieil homme et lui dit tout bas en se penchant sur lui :
- C’est l’heure de votre injection monsieur Mercier.
- Mon injection ?
Un deuxième infirmier entra avec un fauteuil roulant et dit sèchement à Curtis et Arnie :
- Sortez s’il vous plaît.


Le message "hors-jeu" du joueur :

Juste pour rappel, je ne me sens pas de faire du récit partagé, mais plutôt du jdr traditionnel. Cela ne veut pas dire que je refuse catégoriquement de créer des éléments de l'histoire qui ne dépendent pas de mon perso (comme cette perche tendue avec l'arrivée de cet infirmier un peu louche) mais que de manière générale, je préfère que ce soit toi qui le fasse. Par exemple, pour cette scène, je préfère te donner mes intentions, plutôt que de rédiger la scène moi-même. Question de créativité, peut-être, je sais pas, mais je me sens plus à l'aise comme ça.

Mon analyse :

J'avais au départ l'envie d'élaborer un système générique sans dès et sans hasard tendant vers le JdR collaboratif et je me rend compte que ce n'est pas forcément partagé par les joueurs. Aurais-je pris MON désir pour une réalité (partagée) ? Au cas par cas je lui ai répondu que je souhaite simplement que les joueurs soient libres : ce qui signifie qu'ils sont également libres de ne pas vouloir être libres ! Que ce soit par "manque de créativité ou par "non-désir". J'ai donc modifié mon système en intégrant cette donnée : les joueurs sont libres d'étendre leur domaine, ou pas. Le modérateur doit rester neutre et bienveillant, l'arbitre fidèle à son "jeu de basse" et rester responsable de l'issue des actions ainsi que de l'élaboration de l'univers (y compris les créations "au pied levé").

Autre réflexion : certains d'entre vous m'avez fait remarquer qu'un joueur qui étend son domaine peu ainsi "esquiver" tous les dangers. On voit ici que la contribution du joueur est détournée par le modérateur (moi en l'occurrence) pour créer une tension, l'imminence d'un danger. Si vous permettez je vais ici faire référence au philosophe Clément Rosset qui développe dans son livre "Le réel et son double" une idée très intéressante : la thèse oraculaire. Il donne pour exemple l'histoire d'Oedipe : un devin annonce à Oedipe qu'il va tuer son père et se marier avec sa mère. Oedipe décide de fuir son destin et, ce faisant, s'y précipite... Je veux dire par là qu'un modérateur reste le maître du destin des PJ et que le jeu PJ-MJ peut véritablement atteindre des sommets quand le joueur, par la qualité de son jeu, peut infléchir le destin du PJ... Quand une proposition est tellement bonne que le MJ ne peut que l'accepter. Ensuite le MJ va à nouveau créer une tension dramatique, une nouvelle épreuve au PJ, qui sera un nouveau défi au joueur et ainsi de suite... Du coup le jeu lui-même devient métaphore d'un autre jeu auquel se livrent les joueurs et le modérateur, une joute verbale ou (dans le cas présent) textuelle qui procure un plaisir intellectuel (voire une jouissance).

J'arrête là mon développement et le laisse en suspend...
Bien à vous,
Cyril
Dernière édition par non nobis le 04 Sep 2010, 09:24, édité 1 fois.
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