[Monostatos] Le message de la Déesse

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[Monostatos] Le message de la Déesse

Message par Footbridge » 06 Oct 2010, 10:45

Chose promise, chose due, voilà un rapide compte-rendu de la partie de Monostatos que j'ai organisée au club Le Cénacle à Arras, tout début septembre. A noter que je l'ai fait jouer avec la version téléchargeable en ligne (celle avec les Carcans, le D20...) je ne sais pas quelles sont les dernières évolutions.

Création du scénario

J'ai essayé d'appliquer la méthode des règles pour la création de scénario... mais ça n'a pas fonctionné. J'avais pourtant fait les choses bien, je m'étais préparé un petit tableau pour décrire mes intrigues, et en fait je n'ai vraiment pas réussi à le faire dans cette structure. J'ai donc fait avec les moyens du bord. En fait j'ai choisi un lieu (Ressac, une ruine près de la Terre morte), et je me suis rendu compte qu'au lieu de développer 5 intrigues, il valait mieux en développer une seule et proposer une situation "ouverte" qui évoluera en fonction des choix des joueurs et d'un timing d'évènements. J'ai donc créé une accroche mystérieuse et envoutante, des évènements et rencontres, puis des évènements annexes qui servent à ouvrir le scénario et j'ai choisi puis calibré quelques carcans qui seront ceux que le groupe allait le plus probablement affronter.

Ma perception en tant que meneur

Plusieurs situations m'ont paru un peu difficile à gérer en tant que meneur, peut être car ce n'était pas suffisamment détaillé dans les règles, ou peut être par méconnaissance de l'univers. Notamment par exemple quand les descriptions d'un joueur décrivent ce que fait un autre personnage joueur. Comment gérer cette situation ? On imagine la possibilité d'un jet en opposition, mais ce n'est pas décrit dans les règles. Deuxième chose un peu difficile à gérer : le temps de parole. Comme les joueurs et le meneur décrivent l'univers, c'est la gestion du partage de la narration qui mériterait une mécanique dans le jeu. En effet, on se pose toujours la question de quand stopper les joueurs dans la description, quand reprendre la parole, quand la leur laisser et jusqu'où les joueurs ont de l'impact sur l'univers.

Les retours des joueurs

Certains ont bien accroché, surpris au début par le principe narrativiste, puis ils ont pris de l'aisance au fur et à mesure.
Cependant un joueur relativement expérimenté, a aimé mais a dit que l'on restait dans le consensuel, autrement dit que l'on se contente d'écrire la tapisserie du décord, sans forcément faire la charpente, pour reprendre ses mots. C'est vrai qu'avec une histoire "préparée" il y a à mon avis un paradoxe : les personnages vont s'immerger de plus en plus dans une situation que le meneur doit décrire. La charpente de l'histoire est donc "prévue" par le meneur et donc les descriptions des joueurs ne servent qu'à planter le décor en poussant la situation au bout.
Un autre joueur a émis la même réserve que moi, sentant la gestion difficile de la parole : où commence et où finit la description de chacun ?

Voilà, j'espère que ces quelques retours aideront Fabien à continuer le travail sur son jeu !

Bon courage
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Re: [Monostatos] Le message de la Déesse

Message par Fabien | L'Alcyon » 06 Oct 2010, 23:49

Salut Fabien "de Footbridge" et merci pour ton rapport !

D'abord il y a eu effectivement une nouvelle version entretemps, qui est disponible ici. C'est une refonte du système de jeu suite à ma réflexion Le système structure la parole, qui me permet d'aborder la fameuse question "Qui dit quoi ?". Différents détails d'importance sont modifiés : 2d10 au lieu de 1d20, les Carcans sont séparés entre l'Idole (la force oppressive majeure de l'endroit) et les Fidèles (ses serviteurs) et quelques autres modifications. Je devrai mettre prochainement la version 1.4 en ligne, qui est le résultat des nombreux tests en convention (très très fertiles !) et des différents retours de parties chez moi.

Concernant la gestion de la parole, Vincent Baker (dont l'oeuvre la plus connue est Dogs in the Vineyards (GROG), même si je n'en suis pas un très grand fan) écrit dans son jeu Apocalypse World :
You probably know this already: roleplaying is a conversation. You and the other players go back and forth, talking about these fictional characters in their fictional circumstances doing whatever it is that they do. Like any conversation, you take turns, but it’s not like taking turns, right? Sometimes you talk over each other, interrupt, build on each others’ ideas, monopolize. All fine.

Traduction personnelle et approximative en français :
Vous le savez probablement déjà : le jeu de rôle est une conversation. Vous et les autres joueurs allez et venez, en parlant de ces personnages de fiction dans des circonstances fictionnelles agissant comme ils agissent. Comme toute conversation, c'est chacun son tour, mais ce n'est pas comme prendre un tour, n'est-ce pas ? Parfois vous parlez à plusieurs en même temps, vous vous interrompez, vous construisez à partir des idées des autres, vous monopolisez la parole. Tout se passe bien.

Évidemment, j'aime beaucoup ce texte parce que j'y retrouve mes idées de "Le système structure la parole". Le temps de parole est donc le même que dans une conversation "normale" : chacun parle, écoute, veille à ce que l'autre dit... Comme dans la vraie vie, j'essaye en jdr de faire parler ceux qui ne parlent pas, pour avoir leur opinion et leur apport dans la situation, par exemple. Je ne crois pas qu'on ait besoin de règles, donc, il suffit de laisser les gens libres de parler et d'intervenir quand on sent qu'ils vont trop loin, qu'on voudrait dire quelque chose, etc. Il suffit de se faire confiance les uns aux autres.
Pour la situation particulière de savoir jusqu'où un joueur peut décrire l'univers, c'est un peu pareil, le meneur laisse filer jusqu'à ce qu'il ait le sentiment que ça va trop loin. A nouveau, je fais comme dans la vie courante : tant que je trouve intéressant ce que l'autre raconte et qu'on ne marche pas trop sur mes platebandes, j'écoute et je fais des suggestions.
Pour la situation particulière du joueur 1 racontant les actions d'un personnage du joueur 2, deux situations :
  • soit c'est une suggestion (ou une description libre équivalent à une longue suggestion), auquel cas le joueur 2 peut accepter mais aussi refuser librement ce qui lui est proposé
  • soit il y a franchement conflit, auquel cas la dernière version des règles propose une mécanique de résolution dans laquelle on parie des marques (ce qui s'applique surtout une fois que les personnages ont brisé l'Idole et qu'ils peuvent entrer en conflit sur leur utilisation du lieu)
Dans la dernière version des règles, j'ai défini clairement les propriétés de chaque participant (voir aussi ce message, avec les ajustements théoriques de Christoph à prendre en compte) :
  • Le meneur de jeu incarne l'oppression et l'Idole. Il a donc le droit de raconter ce que fait l'Idole (jusqu'à ce qu'elle soit brisée), ce que font les Fidèles (jusqu'à ce qu'ils soient subvertis) et comment est l'environnement et les humains soumis à l'Idole (jusqu'à ce qu'ils soient libérés)
  • Les joueurs incarnent la liberté et leurs personnages. Ils ont donc le droit de raconter ce que font leurs personnages et ce qu'est l'environnement et les humains libérés.
Par conséquent, à mesure que le jeu avance, les joueurs peuvent s'emparer de la "charpente" de l'univers et en faire ce qu'ils veulent, ce qui me permet de répondre à l'objection du joueur expérimenté. Le "décor" est créé par les suggestions des différents participants (meneur + joueurs) et selon qui emporte la parole grâce aux jets de dés.

Concernant la création du scénario et son utilisation en cours de jeu, je suis arrivé à la même conclusion que toi : le scénario au sens classique du terme (succession de scènes prévues à l'avance par le meneur de jeu) est un modèle inutile et dysfonctionnel. D'une part, c'est beaucoup trop difficile et long à préparer. D'autre part, il y a un paradoxe à ce que les joueurs doivent se soumettre à un scénario, alors qu'on prétend que leurs personnages sont libres de leur action (c'est que The Forge appelle Le Truc Impossible avant le Petit-Déjeuner). Il vaut bien mieux des scénarios ouverts comme celui que tu décris, avec une toile de fond et des éléments modulables. La construction de l'histoire doit effectivement se faire à plusieurs, dans une interaction entre tous les participants et pas seulement de haut en bas, du meneur vers les joueurs.
Finalement, dans la version la plus récente des règles, j'arrive à une méthode de création proche de celle que tu as utilisée. Le meneur de jeu dispose de ses propres « jouets », les Fidèles et les Idoles. Il peut donc relancer la partie en mettant en scène un Fidèle pour susciter la révolte des personnages. Mais ni le meneur de jeu, ni les joueurs ne peuvent dire à l'avance comment sera l'histoire racontée, et il n'y a plus à avoir peur que les joueurs déraillent ou à les pousser à revenir dans le scénario prévu. Je remercie en particulier Fred, grand apôtre du "no-scénario", de m'avoir poussé à ça, ça donne de très bonnes parties (si j'en crois mes expériences du Monde du Jeu et d'OctoGônes).
A terme, je vais rajouter d'autres jouets au meneur de jeu, les Tentateurs (forces oppressives prêtes à s'allier aux personnages... mais avec un certains coût !), les Compagnons (des alliés potentiels des personnages à libérer) et des Dévoilements (permettant de montrer le passé d'un personnage, le meneur et le joueur s'affrontant pour savoir qui pourra décrire ce qu'il en est réellement). Ca permettra d'avoir des histoires plus variées. Par ailleurs, le meneur et le joueur ayant le moins de marques pourront alternativement planter le décor d'une scène, pour pousser à la variété des points de vue et des scènes (scènes d'opposition pour le meneur, scène de repos et de fête pour regagner des marques pour le joueur en position de faiblesse).

Tu fais bien de me rappeler la question de la fascination, que j'ai abandonnée dans cette nouvelle monture des règles. Je ne sais pas si c'est nécessaire. Ce sera peut-être un mode d'entrée dans certains lieux intéressants, mais je ne sais pas si je la réutiliserai.

Enfin, n'hésite pas à décrire d'autres moments où tu as eu du mal durant la partie, ça me permettrait de savoir où je peux encore améliorer Monostatos.
Si tu pouvais aussi décrire ton histoire en elle-même, ce serait super ! Le titre est alléchant et semble bien correspondre à la couleur de l'univers.
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