[Action!] Une fiction visuelle et rythmée ?

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[Action!] Une fiction visuelle et rythmée ?

Message par Gaël » 07 Nov 2010, 21:14

Bonjour à tous,

Je tiens à partager avec vous la création de mon jeu, intitulé pour le moment Action!.
Ma motivation vient du fait que je n'ai pas trouvé à ce jour un jeu qui me permette de jouer des fictions qui ressemblent aux genres de films et de séries que j'aime. Je trouve déjà beaucoup de plaisir à des jeux comme Zombie Cinema, Innommable, Prosopopée, Démiurges et Psychodrame, mais ce sont des jeux qui proposent chacun des genres très précis. Et c'est d'ailleurs ce qui fait leur force. Mais j'aimerai parvenir à faire jouer, en tant que maître du jeu ou animateur de partie, un autre genre qu'on pourrait définir comme des fictions d'action. Cependant je pense que cette notion de genre doit encore être peaufinée. J'ai effectivement du mal à définir et à nommer le type de fiction que je recherche.

Si j'ai encore une vision très partielle de ce que je veux pour mon jeu, j'ai quand même des critères de départ importants :

- les personnages doivent être réellement des héros, dans le sens où ils sont relativement intouchables sauf dans des moments cruciaux de la dramaturgie. Je veux éviter à tout prix de faire des tests pour vérifier qu'un personnage va réussir à tuer un garde lambda, sauf si cette action a une importance pour le déroulement de l'histoire.
- j'aimerai que le jeu soutienne un certain rythme dans la fiction, qu'il y ait un déroulement dramatique qui se rapproche de certains blockbusters ou de séries TV. Ca ne signifie pas de l'action soutenue en permanence, mais plutôt un bon équilibre entre scènes musclées et scènes posées, avec un crescendo vers un climax. En ce sens, des jeux comme Innommable (avec le principe des dés de valeur différente) et Zombie Cinema (avec le principe du plateau de jeu) y parviennent très bien.
- j'aimerai un jeu sans préparation, car je suis de plus en plus convaincu qu'on a pas forcément besoin de préparer quelque chose pour faire une bonne partie, mais également parce que j'ai un certain blocage sur ce point là. L'idée est aussi de pouvoir proposer le jeu à tout moment sans être obligé de se demander si on a une préparation de prête.
- j'aimerai que la fiction des parties soit esthétique, dans le sens visuel du terme. par exemple je préfère qu'un joueur dise :

"On voit un revolver sortir de l'ombre, deux coups de feu retentissent et deux douilles tombent à terre. Le fossoyeur a un regard stupéfait, avec un trou bien au centre de son front. Il y a un moment de silence, et d'un coup, il tombe sur le sol, une marre de sang coulant sur le goudron. Le visage de Victor sort de l'ombre. Il a un sourire machiavélique"


plutôt que :

"Je tue le fossoyeur avec mon flingue"



J'ai tenté un premier playtest avec Frédéric (Démiurge) avec une première mouture du jeu sur une base Prosopopée (dés de récompense et pose de dés de problèmes).
Vous pouvez télécharger la 1ère mouture du jeu ici : http://dreamsfromchaos.free.fr/divers/Action%20v1.2.odt

Joueur : Frédéric (Démiurge)
Protagoniste
Engrenage : Attache -> ma fille
Métier : neurologue
Élément physique : regard transperçant
Pouvoir : empathie extraordinaire
Attache : ma fille

Joueur : Gaël
Antagoniste
Engrenage (renommé en cours de partie "Mobile") : Pouvoir
Métier : Maire
Élément physique : une canne avec un pommeau d'or
Pouvoir : a le bras long (influence)
Attache : le manoir familial


Très rapidement, on s'est rendu compte qu'il n y avait aucun moyen de gérer des conflits immédiats. Par exemple, au début, en tant qu'antagoniste, je décris des hommes armés qui ouvrent les portes d'une voiture dans laquelle se trouve le personnage de Frédéric et sa fille. Ils tentent d'enlever sa fille. A ce moment, je pose un dé de problème à 6 : "Élisa enlevée". Frédéric n'a alors aucun moyen d'empêcher l'enlèvement de se produire puisqu'il n'a pas assez de dés pour tenter de résoudre le problème. Le principe de mettre un dé de problème à 6 est justement d'amener un problème difficile qui représente la quête principale du protagoniste, qu'il ne pourra résoudre que vers la fin de la partie. Mais il empêche du coup le joueur de tester la résistance de son personnage face à la fiction et se retrouve donc spectateur.

Frédéric m'a donc proposer de changer le principe de résolution de problème pour éviter ce dysfonctionnement, en ayant des dés dès le départ et en utilisant un dé par trait utilisé dans la narration, à la manière de The Pool.
Très rapidement, la partie est devenue une sorte de duel ludique entre protagoniste et antagoniste. Par exemple, le personnage de Frédéric appelle la police après l'enlèvement de sa fille pour signaler sa disparition. Je joue le policier au téléphone qui lui répond qu'ils sont débordés et qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper de toutes les disparitions. Nous décidons d'un commun accord de le jouer sous forme d'épreuve. Frédéric donne pour enjeu que les policiers se mettent à la recherche active de sa fille. Je lui présente une difficulté de 2 sur un d6 (je ne joue pas avec les traits de mon personnage, car l'épreuve ne le concerne pas directement). Il obtient suffisamment de succès en utilisant un dé de départ gratuit, ainsi que des dés puisé dans ses traits (1 dé par trait utilisé). Il fait 3 réussites. Il narre l'issue de l'épreuve selon l'enjeu pré-cité. Nous décidons d'ajouter un trait à chaque épreuve. En cas de victoire, le joueur invente lui même son trait, dans le cas contraire, c'est le joueur qui a joué l'adversité.

A partir de là, le jeu a fonctionné mais n'a pas réussi à me convaincre par rapport aux buts recherchés pour mon jeu. J'ai été particulièrement déçu par l'aspect "visuel" qui était relativement pauvre dans ce playtest.

Frédéric m'a alors suggéré de tenter d'adapter Prosopopée en changeant les médiums et les couleurs. Frédéric a déjà fait un rapport sur ce playtest que je vous invite à lire. C'est par ici [clic].

Dans cette partie, j'ai été très satisfait de l'aspect "visuel", qui manquait cruellement sur le premier playtest. Certaines mécaniques de Prosopopée fonctionnent parfaitement mais pour des raisons différentes. Par exemple, dans Prosopopée, les médiums sont intouchables, ils ne peuvent ni être à l'origine du problème, ni en être la victime directement, ce qui permet de renforcer la poésie du jeu. Dans la version "Action!", les médiums sont intouchables car ce sont des héros. Quoiqu'il arrive, on sait qu'ils ne mourront pas. Cela oblige ainsi à se concentrer sur la manière dont le héros va s'en sortir pour résoudre les problèmes. J'ai pris pour exemple un film d'action comme Piège de Cristal (Die Hard) ou une série comme 24h Chrono, où on sait que quoiqu'il arrive le héros ne va pas mourir. Mais on reste tout de même accroché car on veut savoir comment il va s'en sortir. Plus concrètement, cela évite de faire des tests inutiles du type "Est-ce que je vais parvenir à sauter d'un immeuble à un autre?". Cette question ne sera testé que si elle a une importance dramaturgique, comme par exemple si de l'autre côté, il y a son collègue qui va se faire zigouiller par un ennemi (attache/relation) ou bien si le big boss de l'autre côté menace de faire sauter l'immeuble avec un détonateur dans les mains. Mais quoiqu'il arrive, ça ne fera que repousser la résolution du problème.

Après le premier playtest, on en avait conclu que mixer "visuel" et "rythmé" était incompatible. Entre temps, j'ai compris qu'en réalité je souhaitais une fiction rythmé, et non une partie rythmé. Et finalement ça fonctionne relativement bien dans cette version bricolée de Prosopopée. Je me rends compte que relayer les scènes d'action à la description contemplative fonctionne finalement mieux que d'essayer de l'émuler à l'aide d'épreuves. Parce que les scènes d'action d'un film ne sont qu'un déluge d'effets spéciaux et/ou de trouvailles visuelles inventives. L'idée avec mon jeu serait de jouer l'action de manière contemplative et les épreuves de manière dramaturgiques.

A partir de cette base "Prosopopée version Action!", j'aimerai tenter d'y ajouter des mécaniques incitatives pour d'une par renforcer la description de belles scènes d'action et d'autre part de construire au fur et à mesure de la partie une dramaturgie crescendo menant vers un climax. Et qui sait peut-être se servir de l'un pour renforcer l'autre ?

J'aurais maintenant besoin de mécaniques incitatives pour constuire mon jeu à partir de cette base. Si vous avez des idées, des inspirations ou d'autres remarques plus générales, je suis preneur. Merci d'avance !
Gaël
 
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Re: [Action!] Une fiction visuelle et rythmée ?

Message par Frédéric » 08 Nov 2010, 00:12

Je vais ajouter quelques détails en tant que joueur : pour la première partie, il y a eu le kidnapping, mais, après coup, un sbire de l'antagoniste était en train de me tirer une balle dans la tête, alors que je n'avais pas encore gagné un seul dé pour pouvoir résister. C'est là que j'ai plaidé pour une mécanique de résolution instantanée.

Pour la deuxième partie, je vais essayer de développer ici ce que j'en ai tiré : une description riche est souvent un instant figé ou "au ralenti" du point de vue de l'action, car décrire un ensemble de perceptions avec des mots, ça prend plus de temps que pour les percevoir réellement. De plus, dans Prosopopée, on explore des lieux et on fait des découvertes d'indices, d'intrigues, de révélations, j'y reviendrai plus tard.
Un combat (ou une scène d'action) est souvent, dans un film, comme tu le dis, une débauche d'effets, une chorégraphie spectaculaire, de la pyrotechnie, il n'y a pas toujours de dramaturgie...

Une question qui me paraît importante pour ton projet, c'est celle des enjeux. Après des dizaines de parties, de toutes évidence, ce qui fait la part belle aux descriptions dans Prosopopée, c'est avant tout la distance mise avec les enjeux narratifs et l'impossibilité de porter atteinte mécaniquement aux médiums. Les joueurs se reportent sur l'esthétique de la fiction (et c'est fréquent en JDR, surtout dans les JDR classiques, à la différence qu'ici, les joueurs n'ont pas pour matériau que leur personnage, mais le monde et l'histoire tout entiers), car même s'ils peuvent produire une histoire, on sait très bien que rien ne se résout vraiment que quand on lance les dés, en fin de cycle.
Une grande interrogation pour moi, c'est : comment imagines-tu inciter les joueurs à faire des descriptions de scènes d'action sans y mettre d'enjeu ludique ou dramatique ? La quête des Médiums dans Prosopopée entre en synesthésie* avec le fait de construire, de créer cet univers pour les joueurs. Du coup, la recherche d'indices pour les Médiums s'apparente à la recherche d'idées pour le joueur**.
Je vois mal comment inciter à faire des scènes d'action dans ce contexte. Quand il y en a dans Prosopopée, c'est uniquement parce que les joueurs l'ont décidé. Si tu mets des mécaniques incitatives, il y a des risques de briser l'aspect contemplatif et retourner à quelque chose de proche du premier playtest d'Action! que l'on a fait. Si tu crée une règle de contrainte sans incitation, ça risque de ne pas être élégant ni naturel.

Éventuellement, tu pourrais créer un bol de dés destiné uniquement aux actions héroïques ou musclées. Comme ça, il y a d'un côté les dés d'Offrandes donnés à tout moment quand la narration plaît et de l'autre, les dés de sueur ou de tripes (ou appelle ça comme tu veux) qui ne peuvent être donnés que sous une condition particulière : des descriptions de scènes d'action palpitantes. Il faut voir ce que ça peut donner, ça risque de donner quelque chose d'artificiel, à voir...
(Je ne pensais pas avoir quelque chose à dire de plus que lors de nos débriefings, mais en fait si... ^^)
___
*La synesthésie est la mise en parallèle (et la mise en évidence de différences) entre le ressenti (supposé) du personnage fictif, et celui du joueur, ainsi que les enjeux, la motivation, les connaissances etc.
**Voilà un parfait exemple de synesthésie.
Frédéric
 
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Re: [Action!] Une fiction visuelle et rythmée ?

Message par Lionel (Nonène) » 08 Nov 2010, 09:58

Ca m'a l'air très intéressant tout ça.

Je me posais une question :
- Pourquoi jouer avec plusieurs PJs ?

Je veux dire par là que souvent, les films d'actions mettent en scène UN personnage principal.

Une idée qui me vient :
- Plusieurs MJs (ou plutôt ceux qui contrôlent les PNJs alliés ou ennemis)
- Un PJ

3 types de scènes :
- Les scènes entre MJ (des scènes sans le héros) qui viennent poncturer les autres et surtout qui servent à poser les dés-problèmes.
- Des scènes calmes ou posées qui permettent d'obtenir des dés "intrigues" pour le joueur.
- Des scènes d'actions qui permettent d'obtenir les dés "actions" pour le joueur.

Ainsi dans les scènes entre MJ, il sera possible de poser les problèmes avec 2 niveaux : un niveau "intrigue" et un niveau "action"

Par exemple une bombe a un niveau action haut, alors qu'un problème de "divorce" se résoudra avec de l'intrigue.

Je lance l'idée en l'air...

Pour la mécanique incitative, il s'agit vraiment d'avoir un joueur seul face à des MJs qui jugent ses actes. Le joueur ne participe à la fiction que par ses descriptions d'action alors que les scènes et les intrigues sont du resort des MJs.
Lionel (Nonène)
 
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