La dernière partie que j'ai organisée s'était avérée problématique, car avec toutes les modifications opérées ces derniers temps, certaines techniques n'étaient pas du tout au point, d'où l'idée de faire un petit playtest de 2 scènes :
Les joueurs doivent tous choisir un "problème" qui conduira l'histoire.
On avait joué une partie complète à 4 il y a quelques temps, avec les premières refontes complexes du jeu, c'était ma première partie où on avait choisi un univers un peu fantastique : un univers à la Tim Burton où les esprits des morts côtoient les vivants.
Il y avait un mort qui ne savait pas qu'il l'était, atteint d'une sorte de phobie sociale, une femme suicidée pour des raisons tragiques, un chasseur de fantômes et une petite fille sans amis qui communiquait avec les fantômes. L'histoire se déroulait dans une école privée mitoyenne d'une clinique.
Certains joueurs de cette partie avaient choisi des problèmes du type : "timide", ou "colérique", plus comme un défaut enrichissant le personnage, que comme le vecteur d'une histoire.
J'étais le seul à avoir choisi un problème fécond pour la partie et donc le seul qui a vraiment fait avancer l'histoire, et quand j'ai repensé aux playtests faits avec Magali, les problèmes que nous avions choisis ont fonctionné, tout simplement parce qu'il s'agissait de tourments ou de problèmes relationnels, visant à être réglés. De plus, nos personnages avaient chacun un lien relationnel avec un autre, mais ce n'était pas suffisant, ça ne dynamisait pas suffisamment les interactions, j'ai donc amené l'idée que ce lien soit centré sur le problème de l'autre (le joueur peut se poster comme antagoniste, soutien, aide etc.).
Autre point important :
Quand les joueurs cherchent à mettre en scène une situation concernant leur propre personnage, il y a une difficulté qui tient sans doute au fait qu'on demande à la fois aux joueurs de plaider pour leur PJ, et en même temps de les mettre dans de sales draps. J'ai donc mis en place une nouvelle règle : quand un joueur fait une mise en scène, il doit la centrer sur un autre PJ, et sur son problème. Il peut intégrer son perso dans la scène, mais il n'est pas le personnage principal de cette scène.
À présent, les PJ sont créés de la façon qui suit :
- écrire une brève histoire ou présentation du personnage
- choisir un âge, un nom et une activité
- choisir un trait de problème
- choisir un trait lié au problème d'un autre
- choisir un trait contrariant ou tempérant un autre des traits ci-dessus
Puis on choisit 2 croyances pour son personnage :
Une croyance portée sur lui-même : "je..."
Et une croyance portée sur les autres : "les autres..."
(Ceci est directement inspiré des positions + et - en analyse transactionnelle)
Enfin, on répartit des points dans les 6 émotions : Colère, amour, peur, confiance, tristesse et joie.
Les personnages de notre playtest :
Gaël a joué : Pierre Lément (pour créer rapidement les personnages, Gaël a proposé qu'on s'inspire de personnages de séries qu'on apprécie, son personnage était inspiré de Pierre Clément de la série Engrenages. J'avais fait ça également lors de notre partie de Sens Néant à la baro où mon personnage était très inspiré des comportements d'Ed dans Cowboy Bebop (la gamine aux cheveux rouges) (elle même inspirée de Yôkô Kanno, paraît-il...) et ça marche du tonnerre, à condition de ne pas faire qu'une copie, mais de l'adapter. J'ai eu un peu de mal avec mon sosie du Docteur House.
Description du personnage : homme de loi intègre.
Âge : 32 ans
Activité : juge
Balance émotionnelle :
Colère : 4 ; Amour : 1
Peur : 3 ; Confiance : 2
Tristesse : 3 ; Joie : 2
Croyances :
"Je" représente la loi
"Les autres" sont en proie à leurs émotions
Traits :
On me perçoit comme quelqu'un d'insensible (5) <<< problème
Végétarien (5) <<< il s'agit du trait lié à la thématique de l'appétit
Je suis un des seuls amis de Gabriel (5) <<< lien avec le problème de l'autre PJ
Je fais beaucoup d'efforts pour paraître bien auprès des autres (5) <<< trait opposé à un autre trait
(J'ai mis tous les traits à 5, pour éviter que les joueurs n'utilisent toujours que les plus forts, puisqu'on en utilise qu'un par conflit. Je pense que ça permettra de varier plus facilement et de se concentrer davantage sur l'histoire que sur la tactique).
***
J'ai joué Gabriel Thorne (un ersatz du Dr. House)
Description : un médecin misanthrope qui ne se conforme pas au code de déontologie.
Âge : 47 ans
Activité : médecin
Balance émotionnelle :
Colère : 3 ; Amour : 2
Peur : 4 ; Confiance : 1
Tristesse : 3 ; Joie : 2
Croyances :
"Je" dois sauver les autres
"Les autres" sont indignes d'intérêt
Traits :
La solitude finit par devenir écrasante (5) <<< problème
Perd l'appétit (5) <<< trait lié au thème de l'appétit
Je chambre beaucoup Pierre sur son tempérament (5) <<< lien au problème de l'autre PJ
Je n'aime pas le contact humain (5) <<< trait en contradiction avec un autre
L'histoire jouée
Gabriel travaille à l'hôpital, mais l'un de ses patients est en phase terminale, tout espoir semble perdu. Gabriel se réfugie dans son bureau et tente en vain d'appeler son ami (Mise en scène de Gaël pour mon PJ).
Gabriel retente son appel plusieurs fois sans succès et s'effondre sur son bureau.
Son chef de service vient prendre des nouvelles de son patient et voit la bouteille de whisky sur son bureau, l'enjoint à retourner voir son patient et lui faire passer plus d'examens.
[conflit] (Bon, on a lancé un conflit pour la forme, pour essayer le système de résolution, dans une vraie partie, j'aurais laissé pisser un enjeu si dérisoire, ça s'est révélé pas mal, en fait)
J'annonce mon but : que le chef de service me laisse tranquille, pour "cuver" ma solitude.
Le conflit avance, il essaye de me convaincre de chercher un moyen pour sauver mon patient, plutôt que de me morfondre, je lui réponds qu'il n'y a plus rien à faire, que je prends ma pause, ne lui déplaise.
On pioche nos cartes, Gaël ajoute un risque : Gabriel risque d'être envoyé travailler aux urgences s'il ne reprends pas le boulot illico. Si j'avance une combinaison de cartes identiques comptant plus de cartes que lui, je gagne le but du conflit et la narration de résultat. Si la ou les cartes que j'avance sont d'une valeur plus élevée, je neutralise le risque qu'il a ajouté. Selon les cartes que j'ai, les choix sont les suivants à un contre un :
- perdre l'enjeu et endurer le risque
- gagner l'enjeu et endurer le risque
- perdre l'enjeu et anéantir le risque
- gagner l'enjeu et anéantir le risque
valet, 9, 9 , 4, 2
Et que moi, j'ai :
dame, 6, 6, 6, 5, 3
S'il joue sa paire de 9, j'ai deux choix : soit jouer ma dame et perdre l'enjeu, tout en évitant le risque, soit je joue mon brelan de 6 et je gagne l'enjeu, en endurant le risque.
Il y a un moyen de renverser la vapeur : les croyances servent à inverser valeur et nombre des cartes concernant leur utilité dans le conflit. Mais il y a des effets positifs et négatifs.
Fin du conflit, Gabriel est envoyé au chevet de son patient pour bosser encore dans le but de le soigner, évitant ainsi d'être posté aux urgences.
Scène suivante, je fais la mise en scène : Pierre préside un procès face à un homme accusé de viol. Mais la soi-disant victime était très convaincante et le jury semble s'être déjà forgé un avis. (j'ai piqué cette idée d'un épisode de la série New York Police judiciaire). Craignant un vice de procédure, le juge Lément annonce un ajournement du procès, le temps de vérifier si les jurés sont bien neutres Mais le procureur ne l'entend pas de cette oreille et il argumente inlassablement pour faire changer d'avis le juge.
Un conflit s'engage alors, le procureur argumente que ce n'est pas parce que l'avocat de la défense ne fait pas son travail qu'il y a vice de procédure, l'émotionnel a toujours un rôle important dans un procès.
Pierre Lément rétorque qu'il ne l'entend pas de cette oreille, il ambitionne plus de rigueur dans les procès qu'il préside.
Je lui oppose le risque suivant : s'il s'entête, il risque d'être discrédité auprès du barreau. Gaël choisit de prendre le risque d'être discrédité auprès du barreau, pour que ce procès soit équitable, que l'avocat de la défense ait le temps de consolider son dossier.
Il écope d'un nouveau trait "ma crédibilité de juge est entamée" à 3 points.
On a arrêté là.
Remarques :
Lors du débriefing, Gaël me disait apprécier le fait que ce système de résolution empêchait toute optimisation (ô joie, c'est exactement ce pourquoi j'ai complètement chamboulé ce jeu !), puisque les joueurs ne peuvent pas utiliser plus d'un trait, et qu'ils sont tous égaux, la question est : "quel sens je mets à ce conflit ?". Et le seul choix tactique consiste à opposer l'enjeu principal du conflit, à des risques ajoutés par chaque joueur qui en "attaque" un autre.
Seule difficulté, je ne sais pas trop comment faire tourner un tel conflit avec 3 ou 4 joueurs impliqués dans le même conflit... Je vais essayer quelques idées, à suivre...
Question
Je bute un peu sur le fait d'arriver à statuer sur la résolution des problèmes des PJ. Je suis un peu tiraillé entre deux approches : remplir une jauge de points et au maximum, l'objectif est atteint, ou laisser les joueurs en juger. Mais je n'arrive pas à établir ce qui doit remplir la jauge dans le premier cas, ni comment permettre de juger ce point. Après tout, dans Polaris, quand un chevalier trahit ou se laisse tenter par le fourvoiement, les joueurs le signalent, si ça leur paraît être le cas, et on fait un test d'expérience. Mais entre le fait d'agir dans le sens du démon, ou contre son peuple, et le fait d'atteindre un objectif, je pense qu'il est difficile d'appliquer la même technique. L'enjeu étant l'aboutissement d'une quête, ça me paraît un enjeu trop important pour le laisser à l'arbitraire des joueurs. Je cherche des pistes pour développer ce point qui me pose d'ailleurs également problème dans Démiurges.