[Métempsycoses] Premier test

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[Métempsycoses] Premier test

Message par Fabien | L'Alcyon » 04 Août 2011, 13:53

Métempsycoses est ma plus récente tentative d'intégrer fortement l'esthétique et la poésie dans le jeu de rôle. La précédente tentative était En quête d'horizons (vision et premier rapport de partie), qui était intéressant mais qui ne me permettait pas de faire véritablement ce que je voulais.
J'ai fait donc un long travail de réflexion sur ce que je voulais pour mon jeu et sur ce qui était possible et nécessaire. J'ai été beaucoup guidé par Fred, qui m'a fait profiter de son expérience sur Prosopopée et que je remercie chaudement. J'ai aussi lu Structure du langage poétique de Jean Cohen, que je recommande fortement à tous ceux qui s'intéresseraient au sujet jeu de rôle + poésie.
J'en suis arrivé à la conclusion que je voulais faire un jeu de fantasy poétique, c'est-à-dire donnant une grande liberté d'invention aux joueurs (en leur permettant de construire au fur et à mesure leur univers ainsi que les personnages) tout en les poussant vers des images neuves et cohérentes ; donc ni les clichés de fantasy, ni du surréalisme absurde, mais quelque chose entre les deux.
Je voudrais parvenir à un jeu qui permettent d'explorer l'esthétique des poèmes et leurs différents sens. Je voudrais que mon jeu soit un outil pour s'imprégner pleinement de la beauté incroyable de la poésie.

Je ne peux pas expliquer ici tous les choix que j'ai fait pour ce jeu (n'hésitez pas à me poser des questions si certains choix vous semblent étranges), mais il y a tout de même un principe que je veux expliciter: on ne saccage pas les poèmes ! Saccager dans le sens: il faut que le poème dans son ensemble soit compris et utilisé, y compris dans ce qu'il ne dit pas et dans les sentiments subjectifs qu'il provoque. Il est totalement exclu que l'on s'arrête aux images surréalistes qu'il propose, sans aller plus en profondeur. Donc, inutile de me proposer d'utiliser le poème vers par vers ou bien de ne le dévoiler que par morceau : en faisant cela, on exploite le poème sans le respecter et on oublie ce qu'il a de plus puissant.

Voici les règles auxquelles je suis arrivé (je les place ici parce que, comme on va le voir, je les abandonne, donc je n'ai aucune raison de les mettre à disposition).

Règles
2-4 joueurs
Matériel: une vingtaine de dés, papier et crayons
Chaque joueur doit avoir choisi un poème qui le touche et l'avoir appris par coeur.

Nous sommes de vieilles âmes, nous nous sommes réincarnés un nombre incalculable de fois au court des âges et nous sommes aujourd'hui pleins de la sagesse de toutes ces vies. Nous avons enfin compris que la moral et les conventions sociales ne sont que des illusions, nous savons que seule importe vraiment la compréhension ultime de nos poèmes.
Après des millénaires de progression à tâtons parmi les incarnations diverses, chacun d'entre nous est parvenu à découvrir ce qu'est son âme en vérité: un poème. Nous sommes enfin parvenus à incarner sous forme humaine nos poèmes.
Nous sommes tous à la fin de notre cycle de réincarnations. Nos âmes sont proches de l'Eveil, c'est-à-dire de nous élever bien au-delà de notre condition humaine et rejoindre le panthéon des dieux qui nous précèdent.
Malgré notre grande âge kharmique, nos vies antérieures nous sont encore mal accessibles, bien que les souvenirs que nous avons des autres puissent nous aider.
Nous ne pourrons atteindre l'Eveil qu'en accomplissant ce que nous ne sommes pas parvenus à accomplir dans nos vies antérieures [accomplissement personnel, pas pureté morale!]
Nos âmes sont inextricablement liées depuis des vies et des vies, et aucun d'entre nous ne peut atteindre l'Eveil complet sans que les autres ne l'atteignent également.

Chaque joueur a devant lui son poème écrit.
Avant de commencer les tours de parole, chaque joueur présente son personnage aux autres en récitant son poème puis en le décrivant l'incarnation du poème, à la fois dans ce qu'il exprime et dans ce qu'il suggère. Il décrit tout ce qui lui semble important pour son personnage: son métier, son identité, son passé...
Puis les joueurs décident en en discutant ensemble des relations qui lient leurs personnages dans cette vie.
Ils se mettent également d'accord sur le genre de monde qu'ils souhaitent. [A affiner, notamment en ce qui concerne le surnaturel]

L'histoire crée ensemble se décompose en scènes.
La partie se décompose en tours. Chaque joueur joue son tour l'un après l'autre, dans le sens des aiguilles d'une montre.
Le joueur dont c'est le tour est appelé le Poète. Durant son tour, le Poète peut soit entamer une nouvelle scène, soit continuer une précédente scène laissée interrompue. Durant une de ses scènes, il peut passer le tour à son voisin de gauche quand il le souhaite, y compris en interrompant brutalement la scène. En revanche, la fin de la scène signifie toujours la fin du tour.
S'il choisit d'entamer une scène, soit son personnage va retrouver un acte qu'il n'est pas parvenu à accomplir dans une de ses vies antérieures (scène d'Introspection), soit il va chercher à réparer dans son incarnation présente les conséquences d'un de ces actes (scène d'Accomplissement), soit il tente d'atteindre l'Eveil (scène d'Eveil). Le premier tour est forcément une scène d'Introspection. Les autres joueurs, appelés Muses, l'assistent dans sa quête et jouent leurs personnages s'ils sont présents. Tous les joueurs peuvent créer des éléments d'arrière-plan ou des personnages secondaires à volonté.

Scène d'Introspection
Le Poète décrit par quel moyen son personnage retrouve une de ses vies antérieures (ce peut être une vie antérieure déjà visitée dans une précédente scène d'Introspection). Il met en place une scène de cette vie dans laquelle son personnage n'est pas parvenu à accomplir quelque chose d'essentiel pour lui, il a échoué. Le Poète peut avoir sa petite idée, mais il ne doit pas l'imposer à la scène. Le Poète doit décrire son personnage dans cette incarnation. Le Poète doit se souvenir que l'âme de son personnage est le poème et que cela doit donc se refléter à la fois dans cette incarnation et dans la scène. Le Poète assigne un rôle à chaque Muse: soit jouer son propre personnage (auquel cas, le joueur en question doit déterminer sa relation avec le personnage du Poète), soit un ou plusieurs personnages secondaires. C'est le Poète qui a le dernier mot sur les actes de son personnage et sur les éléments du décor. Chaque Muse a le dernier mot sur son personnage ainsi que sur les personnages secondaires qu'elle contrôle. Chaque joueur peut faire des suggestions sur les comportements des autres personnages ou en apportant de nouveaux objets à la scène, mais c'est celui qui a le dernier mot qui tranche en cas de désaccord.
Chaque joueur décrit alors les actions et pensées de son ou ses personnages, ainsi que tout élément de l'environnement. Le Poète comme les Muses gardent à l'esprit qu'il faut faire avancer la scène jusqu'au moment où le personnage du Poète ne parviendra pas à accomplir quelque chose, il commettra un échec.
Le Poète a le droit de demander que cet échec soit redéfini par le joueur qui l'a amenée, s'il parvient à convaincre tout le monde qu'il jure avec le poème de son personnage.
Une fois que cet échec sera clair pour tout le monde et que tout le monde s'est mis d'accord à ce propos, la scène et le tour se termine. Le Poète marque sur sa feuille, à côté de son poème, ce que son personnage n'est pas parvenu à accomplir.

Scène d'Accomplissement
Le Poète choisit une Muse. Celle-ci raconte comment, au cours d'un de ses voyages, le personnage du Poète parvient à un lieu affecté par un acte manqué d'une de ses vies antérieures. Ce peut être un acte dont les conséquences ont déjà été abordées dans une scène précédente, il s'agit alors d'autres conséquences. Ce ne peut pas être un acte qui n'a pas été introduit dans une scène d'Introspection.
Le Poète ne joue que son personnage. La Muse qu'il a choisi joue les adversaires ou les épreuves qui empêchent le personnage d'atteindre son but. Les autres Muses, s'il y en a, joue les personnages secondaires qu'elles peuvent créer et qui assistent ou du moins accompagnent le personnage du Poète. Chaque Muse peut également jouer son propre personnage.
La Muse peut demander quand elle le souhaite et aussi souvent qu'elle le souhaite un Conflit: le personnage du Poète tente de faire quelque chose, mais qu'il n'est pas certain qu'il y parvienne, soit que l'action soit exceptionnellement difficile, soit que l'adversaire soit exceptionnellement puissant. Le Poète lance un dé. Si le résultat du dé est pair, c'est le Poète qui raconte l'issue de l'action à sa guise. Si le résultat du dé est impair, c'est la Muse qui raconte l'issue de l'action à sa guise.
Lorsque le Poète estime que son personnage a réparé les conséquences de son acte manqué, il le dit et le tour se termine. Il marque comment il y est parvenu sur la feuille de son poème. Chaque Muse prend alors entre 1 et 3 dés du tas au centre de la table et le donne au Poète, selon qu'elle pense que l'acte a été plus ou moins bien réparé.

Scène d'Eveil
Une scène d'Eveil ne peut avoir lieu que si le Poète a déjà joué au moins une scène d'Accomplissement.
Le Poète annonce que son personnage va tenter d'atteindre l'Eveil. Il décrit comment son personnage tente d'atteindre l'Eveil. Les Muses jouent leurs personnages et des personnages secondaires s'il y en a.
Le Poète lance les dés qu'il a accumulé et compte le nombre de dés valant 5 ou 6. Si le nombre de ces dés dépasse ou égale un score valant 2 fois le nombre de Muses, le personnage atteint l'Eveil ! Le Poète raconte comment cela arrive. Tant que les personnages des Muses n'ont pas tous atteint l'Eveil, le personnage doit pourtant se réincarner encore et encore jusqu'à ce que ce soit le cas. Le Poète n'a plus de tours, mais son personnage est toujours présent pour aider les autres personnages à atteindre l'Eveil.
Si le Poète n'obtient pas assez de dés valant 5 ou 6, son personnage ne parvient pas à l'Eveil. Le joueur à sa droite raconte pourquoi et comment cela échoue et le tour se termine.
Un même joueur ne peut faire deux tours d'Eveil d'affilé, il doit au moins inclure un tour d'Introspection ou d'Accomplissement avant de retenter un tour d'Eveil.

Lorsque tous les personnages ont atteint l'Eveil, les joueurs racontent ensemble comment ils s'élèvent et deviennent des dieux qui rejoignent le firmament. Leurs personnages ne peuvent plus être joués, mais les joueurs peuvent choisir de nouveaux poèmes et créer de nouveaux personnages, en profitant de l'univers qu'ils ont créé et de la marque qu'on laissé leurs personnages pour continuer à explorer et construire.

Questions et ajouts
Entre chaque tour, chaque joueur peut faire une choses parmi ces deux:
1) Poser une question à un autre joueur concernant, de près ou de loin, son personnage. Le joueur du personnage l'inscrit sur sa feuille. Le joueur du personnage peut répondre à la question quand il le souhaite lorsqu'il est Poète, à travers une narration ; il inscrit sa réponse et le joueur qui a posé la question gagne un dé. Tant que la question n'est pas répondu, tout ce qui est sousentendu par la question n'a pas à être respecté par le joueur du personnage (ça ne le contraint pas).
2) Créer un élément supplémentaire de l'univers: une période, un personnage, un lieu, une institution... Cet élément doit avoir un lien avec un autre personnage. Le ou les joueur(s) dont le(s) personnage(s) est ou sont concerné(s) par l'élément créé reçoit ou reçoivent chacun un dé. Le joueur peut lier son personnage à l'élément créé, mais il ne reçoit pas de dé.
On doit toujours demander à chacun entre chaque tour s'il souhaite choisir une de ces options.

Références:
*Prosopopée, Frédéric Sintès
*Zombie Cinéma, Eero Tuovinen

***
Partie

Gardez-bien à l'esprit qu'il s'agit là d'un test de jeu, donc que je me permets des écarts et des discussions sur les règles que je ne me permettrai pas dans les tests d'un jeu plus abouti.

Chacun récite son poème pour les autres.
Flavie a choisi Le Matin de Rimbaud. Elle décrit son personnage comme un dandy, grand, mince, chanteur et aux moeurs libres.
Romaric a choisi Elévation de Baudelaire. Il décrit son personnage comme un philosophe bossu (ressemblant à Socrate).
J'ai choisi La Beauté de Baudelaire. Je décris mon personnage comme une femme belle et froide, sculptrice, à la peau de marbre.
Nous en discutons entre nous, finalement mon personnage hait celui de Flavie, celui de Flavie est le frère de celui de Romaric, celui de Romaric est amoureux du mien (voir les poèmes pour les justifications).

Je commence par une scène d'Introspection. Dans une vie antérieure mon personnage est une princesse impériale à la beauté terrible, rendant passionnément amoureux tous ceux qui la voient ; elle s'est refusé à tous ses prétendants jusque là. Je donne le rôle du personnage secondaire de mon père à Flavie et celui d'un prince amoureux de moi et dont je suis amoureuse (exceptionnellement!) à Romaric, qui décide qu'il s'agit là d'une précédente incarnation de son personnage.
On joue la scène, que je mets en place. Pour résumer les choses, au cours d'une fête à la déesse de l'air, de la liberté et de la fertilité, la princesse impériale finit par se donner au prince et c'est là son erreur.

On en discute et je précise que l'"erreur" doit toujours être par rapport au poème, un peu comme une faute de goût. Romaric précise que pour lui, c'est au Poète (le joueur dont c'est le tour, donc) de décider de l'erreur de son personnage. J'aime bien cette idée, que nous adoptons.
Entre les deux scènes, je reprends la déesse de l'air, de la liberté et de la fertilité et je la lie au personnage de Flavie en expliquant qu'il est sous son patronage. Je donne un dé à Flavie pour cela.

Flavie commence sa scène d'Introspection. On se trouve dans l'Antiquité du monde, son personnage chante pour la déesse du printemps, qui est alors vu comme une déesse de l'abnégation de soi et de la souffrance. Son personnage introduit des idées hérétiques dans son chant. Le grand prêtre de la déesse du printemps s'énerve contre le personnage de Flavie, son frère (que je joue et dont j'ai décidé qu'il s'agissait de l'incarnation de mon personnage) essaie de lui sauver la mise. Le personnage de Flavie décide alors d'aller pleinement dans le sens de la religion de la déesse du printemps au point de former une secte extrêmiste très dangereuse et qui sera influente longuement dans les prochains siècles. C'est son erreur.

Entre les deux scènes, je pose une question à Flavie en lui demandant pourquoi son personnage a fait ça, ce qu'elle y a trouvé. Elle note la question sur sa feuille. (Je ne me souviens pas de toutes les créations entre les scènes, forcément je précise surtout les miennes. Je me permets aussi de ne pas répertorier toutes les fois où on a répondu à des questions et où )

Romaric fait alors une scène d'Introspection très courte, sans nous donner de personnages : dans une vie antérieure, son personnage dans une guerre entre deux cités, avait pour mission de ramener les blessés du front (à la manière de Socrate). Il y a un homme qu'il ne ramène pas du front. C'est son erreur.

Entre les deux scènes, Flavie pose une question à Romaric: qui était celui qu'il n'a pas sauvé ?

Je fais une scène d'Accomplissement. Je demande à Flavie d'être la Muse responsable de l'adversité. Elle décrit que je suis en train de contempler une statue horrible d'une femme laide et monstrueuse, tenant un enfant. Mon personnage se renseigne: il s'agit de la princesse impériale devenue monstrueuse après son accouchement. Les personnages de Romaric et Flavie arrivent. Celui de Flavie déclare qu'il s'agit de leur mère (ce qui a beaucoup d'implication: les personnages de Romaric et Flavie dans leur incarnation actuelle sont les enfants de mon personnage et de celui de Romaric dans nos incarnations précédentes ; cela veut aussi dire que les personnages de Romaric et Flavie sont des enfants de l'Empereur).
Je monte au palais de l'Empereur, je rencontre le Chambellan qui m'indique le lieu où est toujours vivant le prince de ma scène d'Introspection (j'en ai appris l'existence par les racontars autour de la statue). Je le retrouve: c'est le souverain officiel de l'Empire mais il est fou et agard, il me reconnaît à peine. Je lui dis que je reviendrai pour l'aider, je comprends que c'est le chambellan qui dirige l'Empire. Je ne termine pas ma scène tout de suite et transmets la parole à Flavie.

Nous en discutons et établissons que les différentes incarnations d'un même personnage peuvent vivre en même temps (ça a aussi des avantages pour le jeu: les conséquences ne sont pas toujours à une génération de distance).
Romaric reprend le personnage du chambellan belliqueux et le lie à mon personnage ainsi qu'a celui de Flavie: il projète de nous tuer.
Flavie pose une question à propos de mon personnage: qu'a-t-elle ressenti lorsque

Flavie décrit une nouvelle d'Introspection, dans la même incarnation que la précédente. Quelques années après la première erreur, elle revient dans le lieu où tout a commencé. Son frère est toujours là (c'est un peintre au service du culte de la déesse du printemps), ainsi que le grand prêtre. Son personnage vient pour précher sa vision extrêmiste de la déesse. Son frère en est malheureux, il voit bien qu'elle fait fausse route (encore plus que l'Eglise officielle) et la traite d'ingrate, il s'enfuit finalement. Le grand prêtre met feu au lieu pour tuer le personnage de Flavie qui se laisse brûler. C'est sa deuxième erreur.

Flavie crée un objet lié au personnage de Romaric: un calice contenant un jus noir immonde auquel tout le monde veut boire, sauf le personnage de Romaric. Cet objet ne sera pas réutilisé, même si Romaric disait beaucoup l'aimer.

Romaric choisit une scène d'Accomplissement, je suis la Muse chargée de l'adversité. En bref, le personnage de Romaric entre dans une cité totalement régie par des règles empêchant les individus d'espérer. Elle est dirigée par un étranger à la cité que Romaric finit par retrouver et par tuer en lui révélant ses propres contradictions. Flavie et moi donnons tous les deux trois dés à Romaric.

Je reprends la scène que j'avais abandonnée précédemment.
Mon personnage extrait d'une carrière exceptionnelle un bloc de marbre tellement blanc qu'il renvoie la totalité de la lumière du soleil, brûlant tout (sauf le marbre de la peau de mon personnage). Flavie me demande de lancer un dé et finalement mon personnage arrive à détacher le bloc, mais pas à le descendre. Elle revient à la ville où elle déjeune avec le personnage de Romaric. Le personnage de Flavie se rajoute de force (elle aime chauffer la haine que lui voue mon personnage). Ils vont marcher sur la plage (des hommes du Chambellan les suivent et le bruit des vagues les empêchent de saisir leur conversation). Mon personnage explique son projet: sculpter dans le marbre le plus pur une statue de sa précédente incarnatiion pour l'offrir à l'empereur fou, ce qui devrait le soigner. Le personnage de Romaric refuse: il a peur qu'en soignant sa précédente incarnation, ça le détruira ; il ajoute que la solution à l'erreur de mon personnage est juste devant elle, qu'il suffit qu'elle l'aime. Nous avons une discussion assez poussée avec Romaric (il n'y a pas de règles pour résoudre les conflits entre personnages). Finalement, Romaric parvient à me convaincre, je trouve qu'effectivement c'est une bonne résolution du problème et mon personnage embrasse celui de Romaric. Flavie et Romaric me donnent tous les deux trois dés, ils sont très contents (et moi aussi) de cette issue. Selon Flavie, ça rend mon personnage d'autant plus intéressant, ça le sort du stéréotype.
Cette scène était très intéressante, sans doute la meilleure de la partie de loin, mais, paradoxalement, elle n'est pas dans l'objectif du jeu. Il s'agissait d'un ressort dramatique, de la résolution de l'opposition entre deux personnages à forte charge affective, et pas de l'exploration esthétique des poèmes. Bon.

Flavie lance une scène d'Accomplissement, elle choisit Romaric comme Muse adverse. Le personnage de Flavie entre dans une église du culte que sa précédente incarnation avait créé. Pour faire court, au bout de nombreux jets de dés, elle finit par libérer les membres de ce culte en leur expliquant qu'ils n'ont d'autres dieux qu'eux-mêmes. Elle survit au bûcher. Flavie suggère que son personnage devient la déesse de l'air, de la liberté et de la fertilité qu'elle prie.

Romaric veut se lancer dans une scène d'Eveil, mais nous discutons d'une possibilité plus intéressante: lancer nos dés tous ensemble pour représenter le fait que nous nous élevons ensemble. On bricole des règles rapidement, on se met d'accord sur les deux issues possibles: si c'est la réussite, nous racontons chacun à notre tour comment nos personnage s'élèvent. Si c'est l'échec, nos personnages finiront par mourir sans trouver l'Eveil et devront se réincarner pour y arriver.
Lancer de dés tous ensemble: échec. Le personnage de Flavie finit par être brûlé par ceux-là même qui l'adoraient, ne supportant pas une telle liberté. Le personnage de Romaric et le mien finissent par vivre heureux ensemble, profitent du monde et oublient leur quête mystique.

Nous avons environ joué 3 heures, en comptant deux bonnes heures de discussions après le jeu.

***
Commentaires
On a beaucoup discuté de cette partie et je suis content qu'on soit arrivé à des propositions pour faire avancer le jeu. Je vais me concentrer sur elles.

D'abord, remarque de Flavie, le poème n'intervient pas assez, n'est pas assez présent. Je confirme, il faut que le poème contraigne et structure beaucoup plus les créations des joueurs pour assurer la cohérence l'esthétique de leurs créations fictionnelles. Donc, tout en respectant le poème, il faudra trouver un moyen d'y faire beaucoup plus appel.

Ensuite, remarque de Romaric, la dynamique sociale était un peu particulière. Chaque personnage suivait un chemin qui l'éloigne de plus en plus des autres ; en même temps le système fait tout pour les garder ensemble de manière artificielle, à l'aide de gadgets (vous ne pouvez atteindre l'Eveil qu'ensemble, vous êtes toujours liés les uns aux autres...).
De plus, chaque joueur connait son poème, mais les autres ne le connaissent pas. Donc, chacun connait et comprend la cohérence esthétique de son poème mais ne la partage pas aux autres.
La conséquence de tout ça, pour reprendre Romaric c'est: "chacun se branle dans son coin en regardant les autres alors qu'il faudrait qu'on baise tous ensemble". Il a parfaitement raison, par exemple sa scène d'Accomplissement était surtout pour lui, nous n'étions pas vraiment impliqués ; pareil pour les scènes d'Introspection. L'implication des autres est assez artificielle. Au contraire, Prosopopée (mon exemple que je cherche à dépasser) est un bel exemple d'orgie esthétique où chacun collabore aux créations des autres en s'en nourrissant.

On pense que le jeu pourrait être plus intéressant si on ne garde qu'un seul poème partagé par tous pour unir les histoires des personnages. Par ailleurs, si le poème est présent pour tous, il sera beaucoup plus exploré.
Par conséquence, la solution pour faire avancer le jeu que nous avons trouvé est de déplacer ce dont le poème est la vérité. Ici, le principe du jeu est, grosso modo: "à quel personnage vous fait penser ce poème ?". On pourrait passer à "à quel lieu vous fait penser ce poème et comment le vivent les personnages ?" Le lieu lui-même la représentation de ce que le poème signifie explicitement (Cohen dirait le "dénotatif"), un peu surréalistes du genre des "nuits vertes" ou "neiges éblouies". Les personnages permettraient aux joueurs d'explorer les sentiments et états subjectifs que ces images provoquent (le "connotatif").

Ca pose un certain nombre de problèmes, que j'avais déjà entrevus:
  • quel poème choisir ? comment savoir si le poème parlera à tous les participants ?
  • est-ce qu'un unique poème ne va pas rendre les choses trop "sèches" ? c'est-à-dire donner trop peu d'accroches à l'imaginaire des joueurs
  • à quel point peut-on respecter le poème sans forcément le connaître à fond, en l'ayant simplement sous les yeux?
Il me faudra répondre à ces questions.
Il y a aussi beaucoup de questions de base à résoudre, c'est-à-dire qu'il me faut reprendre le jeu dès le début. Trouver une bonne raison fictionnelle pour que tout ceci fasse ("vous arrivez sur une île déserte"), donner des enjeux aux personnages pour explorer le lieu et exprimer leurs émotions, décider de la répartion de la parole, des propriétés et responsabilités...

Je crois que ça vaut le coup de continuer le développement. La vision que j'entrevoie peut mener à un jeu assez court mais efficace, avec peut-être un peu de préparation avant, tout en continuant à faire avancer ma vision.

Tous vos commentaires et réflexions pour critiquer et faire avancer le jeu sont les bienvenus. Je réponds à vos questions sur la partie avec plaisir. J'invite Flavie et Romaric à donner leurs propres impressions de la partie.
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Re: [Métempsycoses] Premier test

Message par Frédéric » 06 Août 2011, 07:40

Salut Fabien,
Pour ce qui est de l'importance du poème dans l'histoire, je viens de penser que ça pourrait valoir le coup de s'intéresser aux films, vidéos ou autres qui s'inspirent de poèmes (désolé, je n'en ai pas en tête, mais je sais que certains étudiants des beaux arts s'étaient inspirés de poèmes, souvent, c'était un monologue en voix off le long d'images évocatrices, d'autres fois, c'était l'inspiration d'un ambiance pour une vidéo...), pour voir la manière dont l'adaptation s'est faite et pouvoir réfléchir à l'imbrication possible entre un médium "purement" narratif et un poème.

Sinon, pourquoi ne pas davantage chercher à créer un jeu de symbolique entre un personnage et un objet, un mot, une musique etc. Et faire pareil pour les décors (bon, là on tombe un peu dans le Sens Néant), mais tu pourrais explorer un espace que Sens Néant n'investit pas : celui de "qu'est-ce que ça fait d'être un tel être" sans scénario pré-défini : en l'abordant plus comme un "bac à sable".
Sans mission, sans rencontres pré-définies etc.
Qu'est-ce que ça fait d'être un être-livre, un être-eau qui cherchent l'éveil...

Voilà, rien de plus pour le moment.
Frédéric
 
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