Avec Magali, on a playtesté la dernière mouture de notre jeu il y a quelques jours.
On hésite encore entre « Les Cordes Sensibles » et « Psychodrame » comme nom... Mais bon, je ne fais pas de sondage à ce sujet, on finira bien par trancher.
Premier point positif, on a mis moins de 30 minutes pour créer les PJ (contre 1h00 à 1h30 voire plus dans les précédentes versions) !
Ce qui signifie que le ratio temps de préparation/temps de jeu est maintenant bien plus confortable.
Voici nos protagonistes :
Magali jouait :
Tania
37 ans
Employée d'étage dans un grand hôtel
Ses Traits sont :
- Problème : vais-je pouvoir échapper à mon destin alors que tout mon univers s'écroule ?
- Croyances : je suis une loser
- On ne peut pas compter sur les autres
- Lien : j'essaye de lui (Joachim) remettre les pieds sur terre
Sentiment de départ : Rancœur
Je jouais :
Joachim
35 ans
Musicien
Mes Traits sont :
- Vais-je réussir à obtenir la reconnaissance en tant qu'artiste malgré mon manque de confiance en moi ?
- Je dois devenir quelqu'un
- Les autres ne regardent que leur nombril
- J'essaye d'aider Tania à recoller les morceaux
Sentiment de départ : Angoisse
L'Exploration :
Même si ce n'est pas très bien rendu dans le rapport de playtest, les narrations étaient globalement assez riches en descriptions. Je pense intégrer une règle qui impose la narration sous forme descriptive et externe (y compris dans les rêves etc.).
Pour lancer la partie, je commence par une scène d'Exposition pour présenter mon personnage, afin de montrer à Magali le principe. Il s'agit donc d'un monologue (les scènes d'Exposition sont désormais toutes des monologues) :
Joachim rencontre un ami à lui devant un pub. Celui-ci lui donne des coordonnées, il s'agit d'un producteur dont il a obtenu le contact, il faut qu'il l'appelle. Joachim demande pourquoi il ne l'a pas donné aux autres membres de son groupe. Son ami lui explique qu'ils ne sont pas disponibles.
Au tour de Magali d'introduire son personnage :
Tania part au boulot, elle prend le métro et cherche un endroit sans trop de monde pour éviter la promiscuité. Elle se maquille rapidement en se regardant dans la vitre du métro. Elle observe les gens autour d'elle.
Puis je choisis une scène de développement, c'est donc Magali qui cadre la scène. Je lui ai dit de faire venir un problème au rythme qui lui convenait.
Elle me demande donc si j'ai une salle dédiée à la musique chez moi, je lui décris donc une pièce aménagée en studio d'enregistrement utilisé aussi pour les répètes.
Elle me décrit en train de travailler à la composition d'un morceau et luttant contre le manque d'inspiration.
Je saute sur l'occasion pour exprimer mon sentiment par une action :
Joachim répète en boucle les mêmes riffs de guitare, puis jette la guitare nerveusement sur le fauteuil en face, ce qui manque de l'abîmer. Puis il se lève et tourne en rond en fredonnant automatiquement ses mélodies.
Je transforme un point de Sentiment (trop de points de sentiment créer une saturation qui impose au joueur de commettre un acte irréparable) en carte que je pourrai piocher en plus des autres au début de chaque Conflit.
Magali intègre un personnage secondaire à la volée : un ami à toi viens te voir, il tape à la porte.
On discute, il me demande comment avance ma composition, je lui dis que je n'arrive à rien, que ça fait des jours que je bloque sur ce morceau.
Il me dit qu'il a une bonne nouvelle et me propose de participer à une émission dans laquelle des musiciens font des tours d'improvisation en direct. Mais il faut que je sois prêt dans deux jours.
Je fais se trouver des excuses à mon personnage en critiquant les émissions télé, mais mon interlocuteur me rassure quant au fait que cette émission là est vraiment excellente. J'embraye sur un Conflit intérieur.
Je choisis comme Enjeu : « dois-je y aller ou ne pas ? » (d'ailleurs, je me rends compte en écrivant que c'est là la forme que devraient avoir les Enjeux de tous les conflits intérieurs : un doute, une hésitation...). Je choisis de jouer la partie de mon personnage qui veut se désister et Magali joue la partie qui veut y aller.
Elle me décrit une scène, où je porte des vêtements brillants et une guitare dorée et je fais des trucs pour faire réagir un immense public (clins d’œil, gestes et poses étudiées...).
Je fais intervenir un double de mon personnage, vêtu de manière plus « grunge » qui interpelle l'autre. Je crée le Trait « Je déteste les stéréotypes » et je l'accuse de trahir ses valeurs pour satisfaire son égo, sur scène en le molestant.
Les cartes nous donnent une égalité, mais des retombées pour le camp de Magali.
On poursuit sur un deuxième tour et je remporte le Conflit.
Je reçois néanmoins des points de sentiments et ma jauge passe à 4 points sur 10 max. Je choisis comme nouveau sentiment le regret.
Ce Conflit se passait bien sûr dans la tête de mon personnage.
Je narre donc le résultat : Joachim le regard dans le vague dans son studio s'adresse à son ami et lui dit : « non, je ne vais pas y aller, propose à Sam (le batteur du groupe), je ne suis pas prêt du tout, je n'ai rien de valable à y proposer », l'ami blasé lui répond qu'il fait ce qu'il veut et sort de chez lui.
Scène suivante, je cadre une scène de développement pour le personnage de Magali. On précise tout d'abord le sujet du fameux « destin » qui la rattrape et elle me dit que sa mère s'est suicidée.
Je cadre donc et je décide de jouer la sœur de Tania : Tania retrouve sa sœur dans une boutique de lingerie, mais celle-ci est maussade et ne s'intéresse à rien.
Tania lui propose donc d'aller plutôt boire un coup. Elles s'installent donc à la terrasse d'un café et commencent à discuter du fait que ça se passe mal entre la sœur et son conjoint. D'ailleurs, elle n'arrête pas de jeter des coups d’œil à son portable et en se penchant, Tania voit des ecchymoses sur le bras de sa sœur. Elle lui demande ce que c'est, pensant d'abord qu'il s'agit de maltraitance, mais il s'avère qu'elle se fait ça elle même.
À ce moment là, le téléphone de la sœur sonne, elle décroche, parle un moment, puis se lève et va parler plus loin dans la rue. Puis elle s'en va sans rien dire. Tania se lève, paye en vitesse le café et la rattrape et là, sa sœur est changée, tout est arrangé avec son conjoint, elle lui dit de ne pas s'inquiéter et fuit. La scène se clôt ici.
Je choisis une scène d'Exposition pour Joachim et raconte qu'il est dans un couloir sombre avec une lumière au bout, il hésite, mais finalement avance vers la lumière, des bruissements se font entendre qui deviennent rapidement une salve d'applaudissements.
Joachim se retrouve sur scène, il avance, mais il n'y a aucune guitare.
(Magali comprend qu'il s'agit d'un rêve et fait la réflexion).
Le batteur lance le tempo et commence le morceau, Joachim attrape le pied du micro, mais il n'y a pas de micro non plus. Les applaudissements se transforment en huées.
Fin de la scène. Du coup, je n'ai pas pris la peine de mettre en scène la fin du rêve puisque Magali l'avait compris. :)
Magali a choisi de faire pour dernière scène avant d'arrêter, une scène d'Exposition ou elle raconte une scène du passé de son personnage. Je lui tend une carte en appliquant la règle de suggestion, en lui proposant de jouer une scène à l'hôpital, après la tentative de suicide de sa mère.
Magali refuse.
Elle choisit à la place de narrer une scène au tribunal, avec le juge pr enfants, où elle apprend que sa fille va être placée en famille d'accueil.
Remarques :
Sur cette courte partie, l'intensité émotionnelle était forte. Le fait de dévoiler les personnages renforcent indéniablement le lien avec les joueurs (même ceux qui n'en sont pas responsables).
J'ai affiné la description du rôle des scènes d'Exposition, le résultat est très intéressant, on a tous les deux trouvé ça très chouette de creuser ainsi le passé ou la psychologie de nos personnages.
De plus, lors des Conflits, les joueurs peuvent soutenir en donnant des cartes à un parti et je pense que le fait d'avoir cet espace pour dévoiler nos PJ permet de boucler la boucle.
Mon bref test de la nouvelle utilisation des sentiments était vraiment encourageant, car ce n'est pas une mécanique lourde, l'incitation est forte, puisqu'on perd un point de sentiments, ce qui retarde le moment fatidique, et on le convertit en carte qui augmente notre pool de cartes à piocher pour tous les futurs conflits.
Le résultat, c'est que ça m'a poussé à intégrer un bref instant de narration d'action impulsée par un sentiment, qui a ajouté en couleur et en dévoilement de mon personnage. La barrière entre ce qu'il y a dans la tête des personnages et ce qu'ils dévoilent dans la narration est bien mise au devant de la scène et c'est ce que je voulais tester. Le résultat est vraiment très satisfaisant. Magali n'a pas eu le temps d'essayer cette technique, d'où l'intérêt de lancer dès que possible un playtest sur une partie complète.
Du coup, sur des problèmes de départ assez « communs », je pense avoir rempli mon boulot de game designer en permettant une fiction qui se tient bien, qui permet sans doute de jouer toute la fiction dramatique que j'adore, allant de Six Feet Under à Dostoïevski avec un intérêt maximum.
Si on compte les 4 scènes en dehors des introductions, il y a eu 1 seul Conflit. Les scènes d'Exposition permettent aussi de décontracter le jeu et d'aider à faire monter la pression naturellement.
Sans avoir besoin nécessairement d'action, de surnaturel, d'enquêtes etc.
Vous pouvez télécharger la dernière version ici :
http://froudounich.free.fr/PDF/PSYCHODRAME%20Refonte05.5.pdf
Il reste encore du boulot d'écriture, de pédagogie et de playtest, mais je suis vraiment content de mon jeu à présent. :)