- l'une d'un jdr avec une esthétique organique, qui parlerait de désirs et de sexualité, et de leurs conséquences sur les relations humains, qui va vraisemblablement s'appeler Org
- l'autre d'un jdr concentré sur l'esthétique, où on prend plaisir à apprécier la beauté de l'univers et des personnages que l'on crée ; c'est de cette vision que je vais vous parler aujourd'hui.
Ma vision pour un jdr sur l'esthétique
J'ai déjà fait quelques tentatives pour concrétiser cette vision, certaines sont répertoriées sur le forum (En quête d'horizons ou Métempsychoses), d'autres ont été testées sans que je prenne la peine d'en parler ici.
J'ai essayé récemment de mieux comprendre ma vision qui, comme toute vision, part dans de nombreuses directions que j'ai cherché à ordonner. Je cherche à créer un jdr qui encourage les participants à créer un bel univers et qui permette de profiter de cette beauté. Prosopopée de Frédéric Sintes l'a déjà fait à sa manière, je cherche à continuer cet effort tout en le dépassant. Pour ouvrir de nouvelles possibilités de conception de jeu, je crois qu'il faut aller du côté du signifié de cette esthétique, c'est-à-dire du côté du message qu'elle peut véhiculer. Je m'explique.
De nombreuses œuvres développent une esthétique très forte, avec un ensemble de symboles et de représentations, dont la cohérence s'explique par le message que véhicule cette œuvre, sans nécessairement l'expliciter. C'est évident dans des oeuvres comme
- tout le travail d'Hayao Miyazaki sur l'écologie (Mon voisin Totoro, Princess Mononoke, Ponyo sur la Falaise) où la forêt est toujours un lieu surnaturel, qui peut entrer violemment en conflit avec les intérêts des humains; l'esthétique est fait de créatures surnaturelles (Totoro, le dieu-cerf, la famille de Ponyo), d'insectes, d'arbres gigantesques, de lieux propres à la contemplation ; Miyazaki a aussi abordé des questions comme le féminisme (tous ses personnages), le pacifisme (Le château dans le ciel), la société de consommation (Le voyage de Chihiro), avec des esthétiques plus ou moins développées à chaque fois
- l'inépuisable La Horde du Contrevent d'Alain Damasio où le vent est un symbole de mouvement et de liberté, mais aussi d'accomplissement personnel dans la résistance qu'on y oppose
- Prosopopée de Frédéric Sintes, qui cadre l'esthétique créée pour lui permettre de parler de pacifisme (les personnages agissent par des moyens non-violents) et d'écologie (les Problèmes sont liés aux désordres créés par l'homme dans la nature)
- Sens de Romaric Briand, où l'esthétique est déjà créée, le message aussi, mais qui dévoile cette esthétique et les thèmes qu'elle contient petit à petit, poussant ainsi les joueurs à se questionner sur la nature de leur propre réalité et de leur rapport à leurs sens et au langage
- mon propre jeu, Monostatos, le fait avec le symbole du désert, qui représente un monde difficile à vivre, dans lequel il faut se soumettre ou se rebeller
Je crois que je pourrai écrire de nombreux autres jdr ainsi, avec une esthétique choisie et créée par moi contenant un message choisi par moi, que les participants exploreraient pour leur plaisir. C'est vraisemblablement vers quoi je m'achemine pour Org. Mais j'aimerais que ce projet-là d'« Esthétique signifiante » permette aux participants eux-mêmes de choisir un message et de construire une esthétique autour, pour qu'ils n'aient pas besoin de l'avis de l'auteur. J'aimerais leur donner une plus grande liberté. Un espèce de jdr pour créer des univers forts (de jdr). Il ne s'agit pas seulement de créer l'univers, mais bien de le créer tout en y faisant évoluer les personnages.
D'où vient cette version du jeu ?
L'étincelle qui m'a donné envie de donner cette direction au jeu a été une réflexion sur Star Wars. Qu'est-ce qui fait que, dans le vaste univers de la science-fiction, la figure du jedi soit aussi séduisante, alors même qu'elle est passée par un processus de standardisation marketing particulièrement appauvrissant ? Je ne parviens pas à me l'expliquer entièrement par le simple fait qu'il s'agit d'êtres humains qui se transcendent, ni par l'idéologie ascétique qui la sous-tend. Je ne crois pas non plus qu'on puisse attribuer son succès à une mythologie post-moderne "geek" (si c'est le cas, comment cette figure a-t-elle eu du succès au début ?). Et tout explication par la notion de "cool" ou "classe" est vide de sens.
Je crois que l'explication la plus complète est la suivante: la figure du jedi est séduisante parce qu'elle représente une vision du monde - à laquelle on peut adhérer ou pas - et les duels jedi/partisans du côté obscur sont prenants parce qu'il y a un enjeu qui dépasse les participants au duel: celui qui gagne impose sa vision du monde au reste. Cela a des conséquences plus vastes, de longue portée. L'enjeu n'est pas: vais-je être blessé ou pas ? mais: ma vision du monde va-t-elle prévaloir ou pas ?
J'ai donc utilisé cette idée pour porter ma vision. Chaque personnage se bat pour faire prévaloir sa vision du monde (sur une question commune à tous, de manière à ce que les histoires aient une certaine cohérence), qui constitue le message autour duquel on va bâtir une esthétique.
Pour me démarquer de Star Wars et ne garder que ses bons aspects, les joueurs construisent eux-mêmes la vision du monde qu'ils veulent défendre à travers leur personnage.
Par ailleurs, le monde de l'histoire est - à l'origine - celui que nous connaissons tous les jours, de manière à ce que les conséquences des changements survenants dans le monde soient plus facilement assimilable aux joueurs.
Donc: petite chronologie fictionnelle
Aujourd'hui, au moment où je vous parle, des gens dans le monde découvrent qu'ils possèdent des pouvoirs dignes de super-héros. Tous n'en ont pas, on peut les perdre ou les acquérir.
Dans un an, il devient évident qu'il existe ce qu'on appelle des Voies, des forces métaphysiques sans conscience, qui donnent ces pouvoirs à celles et ceux qui réalisent leur vision du monde dans la réalité afin de les aider. Celles et ceux qui sont capables de bénéficier des pouvoirs d'une Voie sont appelés des pélerins. Ceux qui ne le peuvent pas sont appelés des égarés.
Dans deux ans, il est clair pour tous que les différentes Voies qui existent sont radicalement antagonistes. Les pélerins de Voies différentes parviennent rarement à résoudre sans violence les conflits qui les opposent. Les pélerins de chaque Voie s'organisent et créent leurs propres organisations - communautés, syndicats, sectes, entreprises... Des écoles naissent à l'intérieur de chaque Voie pour représenter différentes sensibilités. Il peut exister des Voies et des écoles cachées du pouvoir dominant ou loin des regards publics.
Dans trois ans, la plupart des grandes organisations et groupes d'intérêt mondiaux se sont adaptés à ce changement majeur et notamment au fait que les pélerins veulent changer la réalité dans des directions qui peuvent entrer en conflit avec leurs intérêts. Les gouvernements, les institutions internationales, les organisations religieuses, politiques, criminelles et les nombreux groupes d'intérêts économiques se sont tous soient alliés à des pélerins d'une manière ou d'une autre.
Dans quatre ans, des conflits armés - guerres, guerres civiles, guérillas, activités terroristes - ont éclaté dans le monde entre différentes organisations, souvent soutenues par les pélerins de différentes Voies.
Dans cinq ans, un nombre grandissant de pélerins apparaît, contestant l'obéissance aux Voies et désirant laisser à l'humanité le choix de pouvoir se diriger elle-même plutôt que de subir les guerres des Voies. Ils se nomment d'eux-mêmes les errants et tirent leurs pouvoirs de plusieurs Voies à la fois.
Dans six ans, l'existence de Gardiens de la Voie est révélée, des esprits, bêtes et entités conscientes, faites de pure énergie des Voies. D'aucuns prétendent qu'ils s'agit de très anciens pélerins, parvenus au bout de la Voie. Avoir leur appui représente une aide physique et de légitimité majeure pour pour une école de pélerins.
Dans sept ans, les pélerins deviennent assez nombreux pour que commence à éclater des conflits entre les écoles d'une même Voie, se battant pour emporter la légitimité de représenter leur Voie sur les autres écoles, en particulier dans les négociations avec les organisations d'égarés.
Dans huit ans, les pélerins errants parviennent à gagner le soutien de quelques grandes organisations, peuples et groupes activistes.
Dans neuf ans, choc majeure: on découvre, grâce aux indications de pélerins particulièrement puissants, qu'il existe des ruines de civilisations humaines ayant existé il y a plus de 10 000 ans et ayant suivi les Voies réapparues récemment. Elles sont encore imprégnées de grands pouvoirs et source de nombreuses convoitises.
Dans dix ans, notre histoire commence.
Préparation
Le jeu commence par une grosse préparation, qui fixe:
- quel est le thème général des Voies, c'est-à-dire quelle est la question à laquelle elles répondent toutes ; par exemple: "quel doit être le rapport entre l'humain et la nature ?", "quel rapport devons-nous entretenir avec notre corps ?", "qu'est-ce qui est le plus important: l'individu ou la société?"
- au moins deux Voies qui, chacune par leur précepte principal, répondent à leur manière à cette question, y compris en remettant en cause la question ; par exemple: l'individu doit servir la société /
- le symbole de base de chaque Voie (à choisir dans une liste) autour duquel va se construire toute son esthétique, notamment les pouvoirs qui y sont liés
- ainsi que d'autres éléments qui permettent surtout de créer facilement des conflits: les écoles qui nuancent chaque Voie, les alliés de chaque Voie (organisations, etc.), les conflits en cours...
Chaque personnage doit avoir un but ou un thème autour duquel son histoire va se construire.
[Beaucoup de choses sont encore floues, je les fixerai en temps voulu.]
Le jeu lui-même
L'histoire se crée par tour. Durant le tour d'un joueur, celui-ci joue son personnage. Un autre joueur met en place une situation à partir du thème ou de l'objectif du personnage ; durant la scène il va jouer l'adversité du personnage (qui peut être son propre personnage), les autres joueurs pouvant jouer ses alliés ou des personnages secondaires.
Il y a deux mécaniques principales.
Une pour résoudre les duels, qui permettent de faire avancer significativement l'histoire et décide de grands enjeux pour le monde (quelle Voie va l'emporter concernant ça?). Une mécanique très classique de résolution de conflit, se faisant avec des cartes. Elle permet un peu de bluff entre les participants, mais ça n'est pas révolutionnaire. Les participants peuvent utiliser comme ressources leurs Traits (qu'ils peuvent créer à volonté) et la puissance de la Voie.
La puissance de la Voie correspond au deuxième mécanisme en place, qui soutient le développement de l'esthétique des Voies. Chaque joueur a une feuille sur laquelle, à tout moment, il peut noter un acte, une parole ou une description racontée par un autre joueur et faisant partie d'une Voie - en l'écrivant sur sa feuille, le joueur sousentend que c'est lié à une Voie. A tout moment également, il peut réutiliser un élément de sa feuille (et le barrer ensuite) dans une de ses descriptions et gagner ainsi des ressources pour ses duels (le joueur qui a fait cette description en gagne également). La réutilisation peut être de tous les genres: réutilisation tel quel, enrichissement, développement, inversion... Là où ça crée véritablement une dynamique sociale, c'est que les autres joueurs peuvent à leur tour reprendre cette création-là sur leur feuille et la réutiliser. J'espère ainsi non seulement que l'univers et l'esthétique de chaque Voie va se développer à grande vitesse, mais également que chaque table va créer ses propres "mèmes" ("Que la Force soit avec toi !").
C'est une mécanique que j'ai trouvée dans Annalise de Nathan D. Paoletta, qui est d'une grande intelligence parce qu'elle fait référence directement à un élément majeur de théorie rôliste (la création/approbation) mais que j'avais trouvé mal mise en valeur, sans grande cohérence avec le reste de l'histoire.
Je crois qu'à terme, j'aimerais que le jeu rende compte de la puissance du personnage, avec des ennemis de puissances différentes, la possibilité d'augmenter sa puissance avec le temps... C'est peut-être aussi une envie qui parasite la vision, on verra bien.
Les questions que je me pose
Voilà les questions auxquelles j'aimerais avoir des réponses durant ce test:
- est-ce qu'on arrive à créer des scènes et à les jouer sans problème ? (question normale pour tout jeu sur le départ)
- est-ce que ce système (mécanique + univers préparé) soutient la création d'une dynamique sociale (=les joueurs s'encouragent les uns les autres) d'exploration de l'esthétique des Voies, à partir du symbole de chaque Voie au départ ?
- est-ce que les combats sont renforcés par l'enjeu du changement de l'univers ? est-ce que ça leur donne une plus grande intensité ? je sais qu'il faudra à terme une mécanique - même simplissime - pour rendre compte du fait que le personnage vainqueur a une influence sur le monde
- est-ce que l'histoire parvient à être suffisamment riche malgré le fait que les conflits se résument toujours à des duels (même s'ils peuvent être sociaux plutôt que physiques) ?
Nous avons donc joué dimanche après-midi, Guillaume "Nocker", Daniel, Sonia et moi (Fabien "Monostatos", bientôt "L'Alcyon" ^^ ). Il était entendu entre nous qu'il s'agissait d'un test et que donc, ils feraient preuve d'une certaine tolérance pour le jeu.
La question sur laquelle nous nous sommes mis d'accord était: "quelle place donner au corps dans nos vies ?"
Les trois Voies qui en découlent étaient:
- la Voie de la Tour: N'écoute pas les désirs de ton corps.
- la Voie du Sang: Tes désirs physiques sont rois.
- la Voie de la Chimère: Ton corps doit être l'extension de ta volonté.
- ignorer les besoins et contraintes physiques (faim, soif, sommeil, blessures)
- modelage du corps
- manipulation du sang à distance
L'Eglise Catholique et le Parti Mondial de la Décroissance (écologie politique) suivent la Voie de la Tour, pour des raisons différentes.
Le Culte de Satan, les Anonymous et la mafia russe soutiennent la Voie du Sang, également pour différentes raisons.
Le gouvernement américain et l'industrie du cinéma américain soutiennent la Voie de la Chimère.
Une guerre du crime a éclaté entre le gouvernement américain et la mafia russe. Une guerre secrète mais non moins mortelle fait rage entre l'Eglise Catholique et le Culte de Satan.
Nous créons nos personnages.
Sonia crée le père Gérard, pélerin chrétien de la Voie de la Tour.
Objectif: "aider" les peuples à se soulever en vue d'établir la Grande Légitime Théologie
Traits:
insensible à la douleur, à la faim, à la soif
expert en christ-jutsu (art martial inventé il y a deux mille ans)
soutien financier par le comité des amis de la croix de la Blanche Tulipe Inquisitrice
je peux sortir/conserver des objets et des armes dans mon corps
je suis disciple du grand évêque Jean-Pierre
Relations: a beaucoup d'amis qui sont des gros cons de droit, comme Yves notamment
Daniel a créé Prajak, pélerin sataniste de la Voie du Sang
Objectif: devenir Satan lui-même [ce n'était pas très clair si c'était un objectif métaphysique, remplacer le diable, ou bien un objectif politique, devenir chef du Culte de Satan]
Traits:
magie du sang
soutien d'une partie du Culte
comprendre la bestialité
commander aux bêtes
dévorer la force
J'ai (Fabien) créé la Hyène, pélerin de la Voie de la Chimère
Objectif: briser le soutien au gouvernement américain des autres pélerins de la Voie de la Chimère
Traits:
hommes de Mr Viktor, parrain de la mafia russe soutenant la Chimère plutôt que le Sang comme ses pairs
tir de phalanges
mâchoires de hyènes
rire tonitruant
physique renforcé
Relation: Amy sa petite amie, Jackson son supérieur de son identité de couverture: comptable
Guillaume a créé Kelly Fredericks, pélerine de la Voie de la Chimère au service du gouvernement [qui n'a finalement pas été joué]
entraînée à Quantico (centre de formation du FBI)
arsenal illimité
appel du SWAT
greffes transespèce
planificatrice
Les utilisations de la feuille de Voie ont été nombreuses, en particulier dans la deuxième scène, mais je ne me souviens plus de toutes leurs utilisations. Je ne mets que celles qui m'ont le plus marqué.
La première a été jouée par Sonia, avec moi jouant l'adversité.
Le père Gérard est convoqué par son supérieur, l'évêque Jean-Pierre, dans une église de Los Angeles. Je décris l'intérieur en marbre. Il est reçu par l'évêque Jean-Pierre qui passe sa vie assit en-haut d'une tour à l'intérieur de l'église. Ayant dépassé les besoins physiques, il n'en descend plus en signe de dévotion. Il lui apprend qu'un Gardien de la Voie de la Tour a été découvert dans la région des Grands Lacs, près de la frontière avec le Canada. Des pélerins de la Tour appartenant au Parti Mondial Décroissant sont déjà sur place pour gagner le soutien du Gardien de la Voie. Le père Gérard doit les en empêcher et convaincre ledit Gardien de rejoindre l'Eglise Catholique.
Il se rend sur place et voit au loin une colonne de lumière. Les îles du lac sont surveillées par la police locale qui empêche l'accès aux badauds (y compris aux pélerins). Grâce à une de ses connaissances sur place, le père Gérard parvient à s'approcher de la surface du lac sous laquelle il s'enfonce, n'ayant plus besoin de respirer.
Il prend pied sur une des îles, s'enfonce dans la forêt et croise un campement du PMD. [Guillaume réutilise ma mention du marbre précédente pour préciser que les arbres semblent devenir du marbre à mesure qu'on s'enfonce dans ce lieu de la Voie. Il gagne un point de Voir et je gagne un point de Voie.] Le père Gérard finalement trouve le pélerin de la Tour du PMD en prière au milieu de la forêt, parlant aux esprits désincarné. Le père Gérard interrompt sa prière et l'interroge doucement. Le pélerin du PMD se met rapidement en colère et le combat (nu) s'engage [Daniel m'a dit plus tard avoir regretté que la discussion entre eux ne dure pas plus longtemps].
Je raconte l'attaque de la première manche: le pélerin du PMD s'enfonce dans l'humus et tente d'attaquer le père Gérard par en-dessous, sans qu'il puisse voir d'où vient l'attaque. Sonia raconte la défense du père Gérard: il s'élève dans les airs, les bras en croix, pour échapper à son agresseur. Sonia gagne la première manche et raconte comment cela survient.
Comme j'ai perdu la manche précédente, je raconte l'attaque du pélerin pour la manche suivante: il anime les arbres de la forêt pour agripper le père Gérard. Celui-ci se défend en sortant des lames de son corps pour couper les branches. Là il y a un petit embrouillamini parce qu'on tombe sur une égalité, cas qui n'est pas prévu par les règles. Finalement, on se débrouille en jouant prolongeant la manche et Sonia l'emporte. Le père Gérard empoisonne les arbres, dont la sève se met à fumer et à bouillir.
Comme j'ai à nouveau perdu la manche précédente, je raconte la dernière attaque du pélerin du PMD qui essaie d'absorber l'énergie vitale du père Gérard ; celui profite de la fumée des arbres qui empoisonne l'autre pélerin. Sonia gagne la troisième manche également, ce qui veut dire qu'elle peut faire ce qu'elle veut du personnage adverse. Elle raconte comme il s'éloigne et comme son personnage, le père Gérard, se met en prière pour contacter le Gardien de la Voie.
La deuxième scène est joué par Daniel qui demande à Guillaume de jouer l'adversité.
A ma demande, Daniel décrit Prajak comme un bel homme, d'origine thaïlandaise, au corps couvert de piercings, de tatouages et de lanières de cuir.
Prajak est dans son appartement lorsqu'on gratte à sa porte. Il ouvre la porte et un chat noir entre. Il s'assied au centre du salon de Prajak et... explose ! Guillaume établit que c'est ainsi que les pélerins satanistes s'envoient des messages. Le visage du pire ennemi et concurrent de Prajak apparaît dans la fumée et lui annonce qu'il a mis feu au temple de Prajak, et que si ce dernier continue ainsi, Syl finira par le tuer. Prajak coupe la communication en jetant du sel sur les restes du chat. Il se coupe le bras et avec le sang invoque un serpent qui va le conduire à Syl.
Il sort de chez lui et se met à courir. Daniel décrit une ville sous le contrôle des satanistes suivant la Voie du Sang. La nature est folle, les arbres poussent dans tous les sens. Je précise qu'ils sont couverts de piercings et de lanières comme Prajak (je gagne un point de Voie et Daniel aussi).
Prajak arrive devant son temple en flamme, où se tient Syl et ses cultistes. Le combat s'engage très rapidement.
Première manche: Syl envoie ses cultistes faire la peau à Prajak. Guillaume rajoute qu'ils ont des canons à sel avec lesquels ils tirent sur Prajak pour l'arrêter (réutilisation du sel, Guillaume et Daniel gagnent tous les deux un point de Voie). Je ne sais plus exactement comment se passe le combat, mais c'est sanglant. Prajak se bat avec des lames de sang critstallisées, les plaies se referment immédiatement et forment des tatouages... Finalement il vainct Syl et le tue.
Pour la troisième scène, je demande à Daniel de bien vouloir jouer l'adversité. Je lui demande d'essayer d'amener un affrontement entre pélerins de Voie différentes, puisque jusque là c'était tous des pélerins de même Voie qui se battaient entre eux.
Daniel met en place la scène. Mon personnage arrive à son bureau où il passe ses journées. Il se rend compte que son ordinateur a été piraté par les Anonymous (qui suivent des pélerins de la Voie du Sang). Il enquête grâce à sa compagne qui est consultante en sécurité informatique et se rend compte qu'il s'agit de son chef. Mon personnage enfile son identité de "La Hyène" (sweat à capuche et machoîre de hyène hypertrophiée) et part en chasse.
La Hyène retrouve son supérieur au moment où il descend de voiture devant chez lui. Il interroge son supérieur, sans se démasquer, celui-ci ne comprend rien... il est manipulé comme une marionnette par un pélerin du Sang à distance. Là aussi, combat musclé pour retrouver les deux Anonymous qui envoient des zombies de sang contre la Hyène. Quelques actions dont je me souviens: la Hyène balance du sel de route contre les zombies de sang pour faire souffrir leur marionnettiste. L'Anonymous qui soutient le pélerin déclenche toutes les alarmes et les lumières du quartier d'un seul coup pour brouiller ses sens de fauve de la Hyène. Final sur l'autoroute où les Anonymous s'enfuient et où la Hyène tire ses canines inférieures dans leurs pneus. Je gagne le duel.
On arrête là, par manque de temps. On a joué environ 4 heures (explications du jeu + préparation + jeu lui-même).
Commentaires
On a eu un bon temps de discussion après la partie. Je ne vais pas retranscrire les discussions de mécaniques que nous avons eues, elles me suffisent. Je voudrais faire des réflexions d'ordre plus général.
D'abord, je me suis vraiment amusé. Je n'ai pas eu besoin de trop intellectualiser, je me suis laissé faire par l'histoire et les apports des autres. Un bon point, l'histoire se crée sans trop de difficulté grâce aux multiples enjeux et conflits présents naturellement dans l'univers. C'est déjà un cap d'arriver à passer la création de situation et d'adversité.
Il faut prendre l'habitude de faire attention à la réincorporation d'éléments esthétiques, mais je crois qu'on peut y arriver avec un peu de pratique. Je pense qu'elle a une vraie utilité, mais peut-être faut-il la cadrer plus fortement ? Il est néanmoins encore trop tôt pour se prononcer sur l'existence d'une dynamique sociale aussi forte que celles de Prosopopée ou Innommable.
Quelques points négatifs ou qui me font douter maintenant.
Je n'ai pas trouvé que les combats étaient "chargés". Les personnages se battaient beaucoup pour eux-mêmes plus que pour leur vision du monde. Je crois qu'il faut qu'on puisse explorer les conséquences de leurs duels, notamment avec un épilogue dans le combat. Le message de chaque Voie n'était pas très affirmé, c'est vraiment dommage. Guillaume a aussi fait remarquer avec justesse que les règles ne poussent pas du tout à questionner le comportement d'un personnage vis-à-vis de la Voie, afin de se concentrer sur l'esthétique de cette Voie (c'était voulu de ma part). C'est peut-être aussi pour ça que le message est un peu noyé.
Les esthétiques créées étaient sympathiques et vivantes, mais je ne peux pas dire que je les aies trouvées vraiment belles ou fascinantes. On verra comment améliorer ça avec le temps. En diminuant le nombre de symboles ? A voir.
J'ai été frappé par la violence incroyablement forte des combats. Ca a été sanglant, (auto)mutilant, empoisonnant... J'ai rarement vu un tel niveau de violence, même à Monostatos. Peut-être était-ce dû au thème choisi (le corps) ?
D'une certaine manière, ça m'a parfois fait penser à ces fins de parties d'Innommable où tout s'emballe, tous les éléments esthétiques s'emmêlent, les personnages se transforment, souffrent, etc. sauf que dans Innommable ça se tient puisqu'il s'agit du moment où la réalité se déchire sous le poids de divinités horribles et que les personnages deviennent fous. Mais ici, ça n'est pas vraiment cohérent avec l'ensemble et je crains que l'enjeu esthétique ne s'efface alors.
Il faut nuancer tout ça en précisant que cette partie était la première du genre, avec des règles encore grossières.
Peut-être qu'il faut que je resserre l'esthétique autour d'un unique symbole pour mieux la canaliser ? Mais est-ce que ça marcherait aussi avec des joueurs moins prolifiques que Sonia, Daniel et Guillaume ? Daniel proposait aussi de reprendre le conseil de Ron Edwards dans S/Lay w/Me: prenez votre temps. Avant de partir au duel, il faut laisser l'univers se développer doucement et profiter de l'esthétique. De même, je vais insister dans la description du canevas d'univers sur le fait qu'il existe des lieux sacrés, reculés, des monastères ou des églises dédiés à une Voie particulière, loin de la violence et où l'esthétique peut se déployer pleinement.
Je crois aussi qu'il faut que j’approfondisse les conséquences des duels. Il faut passer plus de temps sur le fait que celui qui gagne a un impact ensuite sur le monde. Non seulement ça permet de rendre les combats plus intenses, mais ça donne une occasion supplémentaire de faire de l'esthétique.
Sans doute aussi qu'il faut que la puissance des personnages soit encadrée, non pas pour les limiter, mais pour mettre l'accent dans l'esprit des joueurs sur la taille des enjeux de chaque combat. Pour quoi se bat-on ?
Dans tous les cas, je suis déterminé à continuer à explorer cette version pour arriver à quelque chose de plus abouti. Dans un premier temps, je vais rédiger les règles en incluant nos conclusions, et ensuite je me remettrai au banc de test. Juste après le premier test est toujours un moment difficile: on se rend compte que la vision magnifique qu'on a dans la tête ne marche pas aussi bien que prévu et il faut s'y accrocher en se convaincant qu'on peut y arriver !
Dernière remarque: je me rends en fait compte que même en voulant libérer le message de l'univers, je suis obligé (pour des raisons de conception de jeu) d'encadrer les possibilités. Impossible de faire une Voie sur la non-violence par exemple. Le canevas de l'univers, s'il laisse des trous importants, établi également d'autres éléments très fortement. Bon.
Comme d'habitude, j'invite les participants à exprimer leurs visions et leurs avis, et je réponds aux questions et suggestions des autres avec plaisir !