cinÉtic et la recherche de "drame ludique"
Publié : 23 Fév 2013, 08:39
Il y avait bien longtemps que je n'avais plus posté par ici (2009, d'après les logs) mais je reviens vers ce forum parce qu'il me semble être le meilleur endroit pour discuter de mon sujet de réflexion actuel : mettre du drame dans mon JdR.
Précisons un peu le contexte de cette réflexion : je travaille depuis 2006 sur un moteur de jeu baptisé "cinÉtic" (largement décrit sur Casus NO avec tout plein de CR de campagneS) qui, s'il a été d'une part conçu pour faire tourner des parties potentiellement très « ludistes1» faisant la part belle à l'action et à la tactique, intègre d'autre part le roleplay comme un pré-requis mécanique du système.
Précisons tout de suite que c'est un système qui tente d'être "générique", au sens où on peut l'employer a priori dans presque n'importe quel univers (parce qu'ils s'appuient sur des mécanismes "abstraits" assez facilement adaptables à un contexte de jeu concret), qu'il est réglable en termes d'ambiance et de "dureté" (pour pouvoir jouer des perso fragiles ou des super-bourrins qui se rient du danger, suivant qu'on veut faire de l'horreur glauque, du gritty ou de l'action épique) et qu'il s"organise en "modules" optionnels, qu'on peut ou non rattacher au moteur de base suivant ce qu'on a besoin de modéliser pour ses propres histoires (utilisez le module de "Structure" si vous voulez jouer des chefs d'entreprises ou des capitaines de vaisseau, employez le module de duel "technologique" pour faire du piratage informatique un véritable combat, gérez les débats comme des batailles si vous voulez donner de l'ampleur aux conflits sociaux...).2
Un petit résumé du système est à ce point nécessaire pour bien situer les questions qui suivent (dans le second message) et expliquer ma réflexion actuelle.
Dans cinÉtic, les PJ possèdent tous une Énergie3 représentée par des pions, pions qu'ils dépensent à travers des Capacités4 pour augmenter leurs chances de réussite et qu'ils récupèrent en jouant les mauvais côtés de leur personnage, qu'on appelle ses Réactions, et qui vont à la fois orienter son roleplay, manifester ses émotions les plus fortes, faire parfois perdre son self-control au perso et fréquemment lui attirer des ennuis (qui, eux, relancent l'action). Le mécanisme essentiel du jeu repose donc sur une alternance d'Actions et de Réactions, la circulation de l'Énergie entre différentes réserves représentant les variations de motivation du personnage, sa fatigue physique et mentale, son stress et son état état de santé.
Ces principes ont d'abord une conséquence assez spéciale sur le jeu et sa part d'aléa, en ce que le système permet aux joueurs de réussir presque à tous les coups les actions pour lesquelles leurs perso sont compétents pour peu qu'ils se donnent du mal. Pour donner un ordre de grandeur, les PJ peuvent parfois miser jusqu'à 12 ou 15 pions avant d'y ajouter la somme de 2d6 : il est donc fréquent que le résultat doive d'avantage aux efforts du perso (via ses compétences) qu'à la chance. Les Difficultés à vaincre avec leur mise+2d6 s'échelonnant généralement entre 8 et 25, ça signifie aussi qu'un joueur peut complètement neutraliser l'aléa en misant déjà autant de pions que la Difficulté, et qu'il peut garantir non seulement la réussite de certaines actions mais produire des résultats spectaculaires, puisqu'ils dépassent très largement la Difficulté. Évidemment, ça coûte cher en Énergie et les dépenses de pions impliquent qu'on aura pas toujours les moyens de réussir tout ce qu'on veut.
Mais, avec la liberté de ne pas agir quand on ne se sent pas concerné, d'économiser et même de récupérer de l'Énergie sur des actions faciles, des mécanismes "tactiques" qui permettent de contrôler certains résultats en faisant les bons choix, la possibilité de s'entraider dans des actions de groupe où de "brûler de l'Énergie" (en dépenser plus pour dépasser ses capacités théoriques et booster ses jets), les PJ réussissent généralement les actions les plus importantes pour eux : il faut simplement qu'ils fassent des choix et, souvent, des sacrifices.
Inversement, lorsqu'ils ratent quelque chose d'important (et parfois même après avoir réalisé de véritables exploits), il arrive que les personnages soient extrêmement tendus, secoués, traumatisés ou épuisés par la perte d'Énergie et qu'ils décompensent furieusement : colère, larmes, hallucinations, déprime, alcoolisme et autres pétages de plombs sont alors au menu.
Ce qui nous amène aux effets particuliers de ce système sur le roleplay, puisque l'incarnation du personnage se trouve encadrée par la définition que les joueurs auront donné à son Énergie et à ses Réactions lors de la création de perso, et que leur interprétation se double d'une obligation mécanique à faire du "roleplay négatif", que ce soit en faisant chier le monde (caprices, sarcasmes, mégalomanie...), en mettant son perso sur la touche (il boude, il s'adonne à sa passion pour le macramé, il traîne devant la télé en mangeant des chips...) ou en se tirant carrément dans le pied (casser le truc qu'on venait de construire, ruiner les pourparlers en étant fort peu "diplomatique", déclencher une bagarre qu'on va sûrement perdre, claquer son pognon dans des conneries...) pour récupérer les pions d'Énergie sans lesquels, au bout d'un moment, on ne peut plus agir. Les regains d'Énergie sont quantifiés selon une échelle qui considèrent d'une part leur négativité (à quel point ça pourrit la vie des perso) et d'autre part les qualités narratives que les joueurs sauront donner à leur mauvais penchants (qualité de l'interprétation -jugée par le MJ comme par les autres joueurs- et pertinence par rapport à l'histoire).
Si au premier abord certains des nombreux play-testeurs5 voyaient un peu ça comme une corvée, la très grande majorité intègre assez vite le mécanisme et en vient à apprécier l'incitation permanente au roleplay qu'il représente, la permission explicite de faire les cons avec leurs perso, la profondeur d'interprétation qu'il peut donner aux protagonistes (car on peut définir pour son perso des Réactions volontairement débiles et comiques ou très sombres et psychologiques : c'est une pure question de genre narratif) mais aussi le pouvoir de narration que ça leur donne...
Car ce système a aussi quelques prétentions « narrativistes » en ce qu'il donne à la fois aux personnages (et donc aux joueurs) les moyens de réussir ce qui leur tient à cœur, la possibilité de générer leurs propres emmerdes et même des Points d'Histoire ("pH") pour influencer directement le récit en contre-disant les dés, le MJ ou en ajoutant des éléments (personnages secondaires, décors, accessoires, situations...). Au final, si les joueurs sont intéressés par l'histoire et les challenges que leur propose le MJ, la gestion de leur Énergie et une certaine réflexion tactique dans leurs actions leur permettent de triompher le plus souvent de l'adversité6 pour réussir ce qu'ils entreprennent "d'important" à leurs propres yeux.
Le système étant organisé en "modules" de complexités variées, les joueurs et le MJ ont également les moyens de décider ensemble s'ils veulent détailler leurs actions, compliquer le jeu en mettant au point des tactiques élaborées en utilisant les modules les plus sophistiqués ou, à l'inverse, gérer leurs actions à la louche, laisser la part belle au hasard et régler n'importe quel conflit en un seul jet de dés.
Avec les Réactions et les pH, les joueurs ont encore la possibilité de participer beaucoup à la narration en inventant leurs propres problématiques, en se mettant tout seuls dans la merde et en ajoutant des éléments au récit (que ce soit pour "créer des solutions" aux problèmes rencontrés par leur perso ou carrément pour générer les situations qu'ils ont envie de leur faire vivre) et, à l'extrême limite, les play-tests démontrent que des joueurs inventifs peuvent carrément se passer de scénario en créant leurs aventures au fil des Actions et des Réactions, en zappant largement ce que le MJ leur offre (tant pis pour lui) et en le réduisant au rôle de "gestionnaire de partie" (qui peut-être très amusant en soi, ça dépend des goûts et des styles de chacun).
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1] Je précise tout de suite que j'utilise les guillemets parce que je ne suis pas un partisan du "Big Model" et qu'il est très possible que mon emploie des termes de Ron Edwards soient fréquemment un peu vague, détournée ou simpliste : c'est simplement un vocabulaire pratique pour éviter les pléonasme comme "ludique" ou "narratif" lorsqu'on cause par définition d'un jeu de narration.
2] Je l'ai moi-même mené dans des contextes med-fan et space-opera "gritty", exploration maritime au 16° siècle, western et occultisme victorien "pulp", "2° Guerre Mondiale" (à la fois en mode "résistants face à l'occupant nazi" avec une grosse part de surnaturel et en mode "chronique guerrière" avec des soldats sur le front et un abord sérieux, donc sordide et saignant), une longue campagne multi-table de polar moderne et plutôt réaliste (flics contre truands contre barbouzes), une espèce de parodie de "Buffy" qui donne généralement des résultats foutraques et rigolos, du huis-clos psychologique, du sandbox, un peu d'horreur... Et il y a d'autres MJ qui le mènent dans des histoires de cape et d'épée, du cyberpunk, du med-fan violent, de la high-fantasy mignonne, une espèce de Star Wars, une adaptation hard-science de "Mars la Rouge/Bleu/Verte", certains ont même tenté des adaptations de Nephilim, de Mechanical Dreams (!), des histoires de journalistes politiques entre grands médias et idéologie...
Pendant quelques années, je maintenais une espèce de concourt ouvert consistant à demander aux gens de proposer les contextes et les genres ludiques les plus variés pour voir si le système pouvait y être exploité de manière intéressante et, jusqu'ici, ça a toujours marché.
3] Je ne colle des majuscules aux termes techniques que pour souligner leur sens "propre au jeu", j'essaierai de ne pas (trop) en abuser.
4] "Capacité" dans le double sens d'aptitude et de contenance, puisque plus un personnage possède des Capacités élevées, plus il peut y faire rentrer d'Énergie avant de lancer les dés.
5] À l'heure d'aujourd'hui, une bonne centaine de joueurs ont tenté l'expérience, une fois cumulées mes propres tablées (je mène beaucoup) et celles des 4-5 autres MJ-testeurs.
6] Ce système nécessite en fait, pour se révéler vraiment "ludique", que le MJ soit volontairement méchant : si le meneur n'oppose pas aux PJ des obstacles suffisamment difficiles et des adversaires assez puissants/malins/effrayants, s'il n'est pas assez agressif ou tacticien dans les conflits et s'il n'exploite pas justement l'épuisement progressif des protagonistes, des joueurs un peu malin ou seulement méthodiques ont vraiment les moyens de se balader dans les scénars en atomisant toute opposition. Même si le système d'Action/Réaction ne fonctionne vraiment bien qu'avec un challenge est élevé, je n'y vois pas vraiment un "défaut", puisque je suis moi un MJ cruel et retors. Je considère surtout qu'un MJ doit être alternativement le coordinateur ouvert et bienveillant du récit, le gentil animateur qui amuse les joueurs et guide le jeu mais aussi, dans les oppositions, l'ennemi sans pitié de sa table de jeu. Je développerais ce point si ça vous intéresse.
Précisons un peu le contexte de cette réflexion : je travaille depuis 2006 sur un moteur de jeu baptisé "cinÉtic" (largement décrit sur Casus NO avec tout plein de CR de campagneS) qui, s'il a été d'une part conçu pour faire tourner des parties potentiellement très « ludistes1» faisant la part belle à l'action et à la tactique, intègre d'autre part le roleplay comme un pré-requis mécanique du système.
Précisons tout de suite que c'est un système qui tente d'être "générique", au sens où on peut l'employer a priori dans presque n'importe quel univers (parce qu'ils s'appuient sur des mécanismes "abstraits" assez facilement adaptables à un contexte de jeu concret), qu'il est réglable en termes d'ambiance et de "dureté" (pour pouvoir jouer des perso fragiles ou des super-bourrins qui se rient du danger, suivant qu'on veut faire de l'horreur glauque, du gritty ou de l'action épique) et qu'il s"organise en "modules" optionnels, qu'on peut ou non rattacher au moteur de base suivant ce qu'on a besoin de modéliser pour ses propres histoires (utilisez le module de "Structure" si vous voulez jouer des chefs d'entreprises ou des capitaines de vaisseau, employez le module de duel "technologique" pour faire du piratage informatique un véritable combat, gérez les débats comme des batailles si vous voulez donner de l'ampleur aux conflits sociaux...).2
Un petit résumé du système est à ce point nécessaire pour bien situer les questions qui suivent (dans le second message) et expliquer ma réflexion actuelle.
Dans cinÉtic, les PJ possèdent tous une Énergie3 représentée par des pions, pions qu'ils dépensent à travers des Capacités4 pour augmenter leurs chances de réussite et qu'ils récupèrent en jouant les mauvais côtés de leur personnage, qu'on appelle ses Réactions, et qui vont à la fois orienter son roleplay, manifester ses émotions les plus fortes, faire parfois perdre son self-control au perso et fréquemment lui attirer des ennuis (qui, eux, relancent l'action). Le mécanisme essentiel du jeu repose donc sur une alternance d'Actions et de Réactions, la circulation de l'Énergie entre différentes réserves représentant les variations de motivation du personnage, sa fatigue physique et mentale, son stress et son état état de santé.
Ces principes ont d'abord une conséquence assez spéciale sur le jeu et sa part d'aléa, en ce que le système permet aux joueurs de réussir presque à tous les coups les actions pour lesquelles leurs perso sont compétents pour peu qu'ils se donnent du mal. Pour donner un ordre de grandeur, les PJ peuvent parfois miser jusqu'à 12 ou 15 pions avant d'y ajouter la somme de 2d6 : il est donc fréquent que le résultat doive d'avantage aux efforts du perso (via ses compétences) qu'à la chance. Les Difficultés à vaincre avec leur mise+2d6 s'échelonnant généralement entre 8 et 25, ça signifie aussi qu'un joueur peut complètement neutraliser l'aléa en misant déjà autant de pions que la Difficulté, et qu'il peut garantir non seulement la réussite de certaines actions mais produire des résultats spectaculaires, puisqu'ils dépassent très largement la Difficulté. Évidemment, ça coûte cher en Énergie et les dépenses de pions impliquent qu'on aura pas toujours les moyens de réussir tout ce qu'on veut.
Mais, avec la liberté de ne pas agir quand on ne se sent pas concerné, d'économiser et même de récupérer de l'Énergie sur des actions faciles, des mécanismes "tactiques" qui permettent de contrôler certains résultats en faisant les bons choix, la possibilité de s'entraider dans des actions de groupe où de "brûler de l'Énergie" (en dépenser plus pour dépasser ses capacités théoriques et booster ses jets), les PJ réussissent généralement les actions les plus importantes pour eux : il faut simplement qu'ils fassent des choix et, souvent, des sacrifices.
Inversement, lorsqu'ils ratent quelque chose d'important (et parfois même après avoir réalisé de véritables exploits), il arrive que les personnages soient extrêmement tendus, secoués, traumatisés ou épuisés par la perte d'Énergie et qu'ils décompensent furieusement : colère, larmes, hallucinations, déprime, alcoolisme et autres pétages de plombs sont alors au menu.
Ce qui nous amène aux effets particuliers de ce système sur le roleplay, puisque l'incarnation du personnage se trouve encadrée par la définition que les joueurs auront donné à son Énergie et à ses Réactions lors de la création de perso, et que leur interprétation se double d'une obligation mécanique à faire du "roleplay négatif", que ce soit en faisant chier le monde (caprices, sarcasmes, mégalomanie...), en mettant son perso sur la touche (il boude, il s'adonne à sa passion pour le macramé, il traîne devant la télé en mangeant des chips...) ou en se tirant carrément dans le pied (casser le truc qu'on venait de construire, ruiner les pourparlers en étant fort peu "diplomatique", déclencher une bagarre qu'on va sûrement perdre, claquer son pognon dans des conneries...) pour récupérer les pions d'Énergie sans lesquels, au bout d'un moment, on ne peut plus agir. Les regains d'Énergie sont quantifiés selon une échelle qui considèrent d'une part leur négativité (à quel point ça pourrit la vie des perso) et d'autre part les qualités narratives que les joueurs sauront donner à leur mauvais penchants (qualité de l'interprétation -jugée par le MJ comme par les autres joueurs- et pertinence par rapport à l'histoire).
Si au premier abord certains des nombreux play-testeurs5 voyaient un peu ça comme une corvée, la très grande majorité intègre assez vite le mécanisme et en vient à apprécier l'incitation permanente au roleplay qu'il représente, la permission explicite de faire les cons avec leurs perso, la profondeur d'interprétation qu'il peut donner aux protagonistes (car on peut définir pour son perso des Réactions volontairement débiles et comiques ou très sombres et psychologiques : c'est une pure question de genre narratif) mais aussi le pouvoir de narration que ça leur donne...
Car ce système a aussi quelques prétentions « narrativistes » en ce qu'il donne à la fois aux personnages (et donc aux joueurs) les moyens de réussir ce qui leur tient à cœur, la possibilité de générer leurs propres emmerdes et même des Points d'Histoire ("pH") pour influencer directement le récit en contre-disant les dés, le MJ ou en ajoutant des éléments (personnages secondaires, décors, accessoires, situations...). Au final, si les joueurs sont intéressés par l'histoire et les challenges que leur propose le MJ, la gestion de leur Énergie et une certaine réflexion tactique dans leurs actions leur permettent de triompher le plus souvent de l'adversité6 pour réussir ce qu'ils entreprennent "d'important" à leurs propres yeux.
Le système étant organisé en "modules" de complexités variées, les joueurs et le MJ ont également les moyens de décider ensemble s'ils veulent détailler leurs actions, compliquer le jeu en mettant au point des tactiques élaborées en utilisant les modules les plus sophistiqués ou, à l'inverse, gérer leurs actions à la louche, laisser la part belle au hasard et régler n'importe quel conflit en un seul jet de dés.
Avec les Réactions et les pH, les joueurs ont encore la possibilité de participer beaucoup à la narration en inventant leurs propres problématiques, en se mettant tout seuls dans la merde et en ajoutant des éléments au récit (que ce soit pour "créer des solutions" aux problèmes rencontrés par leur perso ou carrément pour générer les situations qu'ils ont envie de leur faire vivre) et, à l'extrême limite, les play-tests démontrent que des joueurs inventifs peuvent carrément se passer de scénario en créant leurs aventures au fil des Actions et des Réactions, en zappant largement ce que le MJ leur offre (tant pis pour lui) et en le réduisant au rôle de "gestionnaire de partie" (qui peut-être très amusant en soi, ça dépend des goûts et des styles de chacun).
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1] Je précise tout de suite que j'utilise les guillemets parce que je ne suis pas un partisan du "Big Model" et qu'il est très possible que mon emploie des termes de Ron Edwards soient fréquemment un peu vague, détournée ou simpliste : c'est simplement un vocabulaire pratique pour éviter les pléonasme comme "ludique" ou "narratif" lorsqu'on cause par définition d'un jeu de narration.
2] Je l'ai moi-même mené dans des contextes med-fan et space-opera "gritty", exploration maritime au 16° siècle, western et occultisme victorien "pulp", "2° Guerre Mondiale" (à la fois en mode "résistants face à l'occupant nazi" avec une grosse part de surnaturel et en mode "chronique guerrière" avec des soldats sur le front et un abord sérieux, donc sordide et saignant), une longue campagne multi-table de polar moderne et plutôt réaliste (flics contre truands contre barbouzes), une espèce de parodie de "Buffy" qui donne généralement des résultats foutraques et rigolos, du huis-clos psychologique, du sandbox, un peu d'horreur... Et il y a d'autres MJ qui le mènent dans des histoires de cape et d'épée, du cyberpunk, du med-fan violent, de la high-fantasy mignonne, une espèce de Star Wars, une adaptation hard-science de "Mars la Rouge/Bleu/Verte", certains ont même tenté des adaptations de Nephilim, de Mechanical Dreams (!), des histoires de journalistes politiques entre grands médias et idéologie...
Pendant quelques années, je maintenais une espèce de concourt ouvert consistant à demander aux gens de proposer les contextes et les genres ludiques les plus variés pour voir si le système pouvait y être exploité de manière intéressante et, jusqu'ici, ça a toujours marché.
3] Je ne colle des majuscules aux termes techniques que pour souligner leur sens "propre au jeu", j'essaierai de ne pas (trop) en abuser.
4] "Capacité" dans le double sens d'aptitude et de contenance, puisque plus un personnage possède des Capacités élevées, plus il peut y faire rentrer d'Énergie avant de lancer les dés.
5] À l'heure d'aujourd'hui, une bonne centaine de joueurs ont tenté l'expérience, une fois cumulées mes propres tablées (je mène beaucoup) et celles des 4-5 autres MJ-testeurs.
6] Ce système nécessite en fait, pour se révéler vraiment "ludique", que le MJ soit volontairement méchant : si le meneur n'oppose pas aux PJ des obstacles suffisamment difficiles et des adversaires assez puissants/malins/effrayants, s'il n'est pas assez agressif ou tacticien dans les conflits et s'il n'exploite pas justement l'épuisement progressif des protagonistes, des joueurs un peu malin ou seulement méthodiques ont vraiment les moyens de se balader dans les scénars en atomisant toute opposition. Même si le système d'Action/Réaction ne fonctionne vraiment bien qu'avec un challenge est élevé, je n'y vois pas vraiment un "défaut", puisque je suis moi un MJ cruel et retors. Je considère surtout qu'un MJ doit être alternativement le coordinateur ouvert et bienveillant du récit, le gentil animateur qui amuse les joueurs et guide le jeu mais aussi, dans les oppositions, l'ennemi sans pitié de sa table de jeu. Je développerais ce point si ça vous intéresse.