Requiem : le plaisir de la création de personnages à Démiurges
Pour ce premier playtest de Démiurges, j’ai à ma table 3 joueuses et 1 joueur d’expérience différente :
* Patricia, dont c’était ce soir la troisième partie de JDR, après Inflorenza le mois dernier, et un autre jeu il y a des années.
* Catherine, qui joue régulièrement depuis trois-quatre ans, à des jeux traditionnels.
* Nathalie, dont c’était la toute première partie de jeu de rôle !
* Renaud, qui a eu longue expérience du JDR traditionnel (MJ et PJ), mais qui ne jouait plus depuis 7 ans et a juste remis le pied à l’étrier pour Inflorenza le mois dernier.
Patricia connait bien Full Metal Alchemist, et les autres joueurs avaient une culture manga / X-Men suffisante pour accrocher aux problématiques du jeu.
Je décide de jouer le canevas « Requiem » parce que j’étais plus à l’aise avec ses thématiques et que le matériel pour ce canevas était plus abondant (plus détaillé dans le bouquin + CR de campagne sur silentdrift). De plus, le lieu du canevas a vraiment des allures de « petit bassin » où nous allons pouvoir tester les persos avant de se lancer dans la grande aventure. Un canevas idéal pour l’initiation, donc.
Je n’ai rien préparé hormis l’idée qu’au début du canevas, Théophraste allait proposer que chaque PJ présente une œuvre démiurgique qui conclut son initiation. Je m’inspirais là du compagnonnage et ça me paraissait un bon prétexte pour mettre à l’épreuve chaque perso.
Il y a des prétirés pour Requiem mais j’avais envie de tester la création de perso. Il faut aussi dire que je pensais que ça allait être court. J’imaginais une demi-heure. Mais au final, nous avons passé 2h et demi. La création commune des personnages fut si ample que l’idée de jouer une campagne et non un one-shot comme j’avais prévu au départ s’est imposée d’emblée.
Concernant le passé commun, j’ai un peu amendé le canevas. Je me suis inspiré du compte-rendu de campagne en disant que Fedor et Héléna n’étaient pas morts dans l’incendie de leur maison, mais dans l’incendie d’un internat de jeunes démiurges, peu après l’admission des PJ dans ce même internat. Les joueurs ont validé et ont créé leur drame autour de cet incendie. Par exemple, Hector est le frère du PNJ Victor, il souffre donc également de la perte de ses parents. Lorelei a perdu sa sœur jumelle dans l’incendie. Tite-live a été brûlé au bras. Paracelse, un PNJ adulte, alchimiste du corps a estimé qu’il ne pouvait guérir son bras et donc il l’a amputé. Tite-Live s’est ensuite créé un bras mécanique qu’il contrôle grâce à l’alchimie des métaux. Seul Caligula a choisi un drame un peu plus éloigné de l’incendie, puisqu’il a été abandonné par ses parents et laissé à la garde de l’Agora. Il n’a pas de nouvelles de ses parents.
Concernant le but commun, le jeu demande de choisir un but à longue portée mais les joueurs ont plébiscité « découvrir la cause de l’incendie ». J’ai donc validé parce que ça accentuait l’intérêt du premier canevas, en me réservant la possibilité de demander un nouveau but commun quand le premier serait résolu.
Nous avons tracé une relation map qui me sera utile en cours de jeu. J’apprécie que les joueurs en gardent aussi une trace par l’intermédiaire de leurs Liens.
Ajoutons à cela les Spécificités et les pouvoirs de Démiurges, et cette création commune des personnages a permis de remplir à ras bord la cartouchière de bangs !
Je dois dire que c’était la création de personnages la plus stimulante que j’ai connue depuis longtemps. J’ai déjà participé à des créations de personnages similaires, avec une relation map et des bangs, mais c’était non formalisé dans les règles des jeux que nous utilisions, c’était uniquement dû à la bonne volonté du MJ et des joueurs. Ici, le système prend ça en charge de façon à ce que ça se fasse sans effort. D’ordinaire, je n’aime pas que les créations de perso traînent en longueur, mais là les deux heures et demie ont passé à toute vitesse parce que ça faisait entièrement partie du plaisir de jeu et qu’on visualisait toutes les scènes que ça allait pouvoir produire.
A la lecture du jeu et des prétirés, je ne m’attendais pas à une telle richesse. C’est vraiment en pratiquant qu’on a réalisé à quel point quelques directives simples permettait de faire des persos riches et combien la mécanique des traits et le jeu de basse du MJ promettait de pouvoir valoriser l’historique en jeu. En parallèle, si je trouvais le canevas « Requiem » pauvre à la lecture, j’ai nettement plus vu son intérêt quand nous avons créé les persos et j’ai vraiment hâte de le jouer.
Si je devais faire un one-shot, je proposerais des prétirés ou je ferais une création de perso tronquée (un seul lien, une seule spécificité...). Les persos que nous avons créés n’étaient pas du tout fait pour un one-shot. C’est pour des raisons similaires que j’ai supprimé la création de personnage à Inflorenza, pressentant qu’une création de perso détaillée nuisait au one-shot. Créer les traits à la volée permet d’être sûr de valoriser tout l’historique produit. A mon sens, le jeu manque de précision sur le one-shot. Peut-on en jouer ? Si oui, faut-il amender les règles ? En ce qui concerne notre table, nous avons décidé de nous lancer dans une campagne, dans l’esprit de le faire pour le plaisir et non pas pour tester. On devrait rejouer fin mars, je ferai un CR quand même de la deuxième session si ça intéresse Frédéric. Autant j’avais bien prévu de faire une séance isolée pour tester, autant ce n’était pas du tout dans mon programme de faire une campagne, préférant me concentrer sur mes propres jeux. Mais l’enthousiasme à l’issue de cette séance m’a convaincu d’accorder à Démiurges le temps qu’il mérite.
A la lecture des canevas évoquant avant tout les PNJ, je ne pensais pas que le jeu était character-centered. J’avais tort. Au vu de la création de perso, c’est un excellent hybride entre jeu à mission et character-centered. Les PJ sont tellement porteurs d’intrigues que le MJ est obligé d’exploiter leur historique.
Après ces deux heures et demie de création de personnage, nous avons joué pendant trois quart d’heure. Présentation des personnages, introduction des PNJ. Théophraste annonce aux PJ qu’ils ont une journée pour organiser la fête et créer une œuvre démiurgique. Il demande à chaque PJ ce qu’il a prévu. Tite-Live, qui est en rivalité avec Caligula, se moque de son projet d’œuvre. Caligula se fâche et lui lance un pot de fleur par kinésie. Ce qui nous permet de tester le système. Tite-Live et Caligula utilisent leurs liens (des dissensions) et leur spécificité (ils n’apprécient pas le pouvoir démiurgique de l’autre), du coup brouette de dés des deux côtés. Finalement, Tite-Live l’emporte. Son bras mécanique devient une raquette de pelote basque qui renvoie le pot de fleur au visage de Caligula. Caligula n’est qu’écorché mais son amour-propre en prend un coût. Blessures psychologique non violente = il gagne un trait « tite-live m’a lancé un pot de fleur au visage » à 3. Je me rends compten que j’ai oublié de vérifier si Caligula gagnait un point d’expérience.
Je suis navré de n’avoir pu tester qu’une seule confrontation, j’aurais voulu pouvoir en donner plus à frédéric. Néanmoins, cette seule confrontation nous a donné du grain à moudre.
Déjà, se poser la question : fallait-il lancer les dés pour une scène aussi triviale ? Si l’intérêt pour le test était évident, je me pose la question pour la suite. Quand nous allons jouer ce canevas, les PJ vont pouvoir tester le matériel et leur pouvoir. Le problème, c’est que toute action entraîne des retombées. On peut arguer qu’en situation d’entraînement, les retombées sont non violentes, mais même ce genre de retombées a des conséquences lourdes sur la feuille de personnage. Pour une simple bagarre, Caligula se retrouve avec un nouveau lien à 3.
A Inflorenza, tous les conflits sont cruciaux. Je me demande si c’est le cas à Démiurges ? On est sur un système qui donne une conséquence mécanique à tout jet de dés. (exception faite d’une confrontation contre un objet inerte). C’est très intéressant en situation de climax, je me demande ce que ça va donner en situation d’entraînement. Dois-je me limiter à des confrontations contre des objets inertes ou à des retombées physiques non violentes ? Je crois que je me fais les questions et les réponses en même temps, je me demande si c’est assez explicite dans le jeu.
Ce qui me chiffonne avec les retombées psychologiques non violentes, c'est que celui qui en subit écrit un nouveau trait. Or, les traits sont des ressources pour les confrontations suivantes. Autrement dit, c'est plutôt positif en terme de puissance de jeu. Je n'arrive pas à savoir si c'est voulu. A Inflorenza, quand on perd un conflit, on écrit une sentence de souffrance et c'est clairement une ressource pour le conflit suivant parce que les souffrances des personnages les rendent plus forts. Je ne sais pas si à Démiurges ça procède de la même logique. Si oui, ça mériterait d'être argumenté. Si non, ne serait-ce pas un bug ?
Je crois que Frédéric classe son jeu dans les jeu à autorité partagée. J’ai eu du mal au départ à voir en quoi le jeu se différenciait d’un jeu de rôle traditionnel. J’ai finalement compris que comme les joueurs ont le dernier mot sur la description des résultats des confrontations, c’était bien un jeu à autorité partagée. C’est pertinent car ça permet que les personnages joueurs ne soient pas ridicules, même dans l’échec. A moins que le joueur le veuille. Si on se réfère à Full Metal Alchemist, on se réfère aux codes des manga, donc les héros peuvent être ridicules épisodiquement (goutte de sueur sur le front, morve au nez, larmes…). Mais, et c’est important, seulement si le joueur le veut.
D’ailleurs, en jouant la confrontation, j’ai un peu omis de laisser le dernier mot à Catherine sur la façon dont elle prenait le pot de fleur à la figure. C’était un peu ridicule et je pense que Catherine ne l’aurait pas vu comme ça. Elle voulait éviter le pot de fleur et s’en tirer avec une balafre dû à un éclat. Quelque chose de plus élégant sans nier la défaite du personnage. Je suis tombé dans le travers du MJ traditionnel (après tout, je n’ai jamais mené autrement avant Inflorenza) en invalidant sa balafre et en décrivant le fait qu’elle recevait bien le pot de fleur en plein visage. Je crois d’ailleurs que le partage de la narration à Démiurges insiste moins sur le fait que le joueur doive décrire le résultat des actions mais qu’il puisse déléguer cette description au MJ tout en ayant un droit de veto sur les propositions de ce dernier. Je ferai attention à ça à l’avenir. Je me demande aussi si le jeu ne devrait pas expliquer le pourquoi de l’autorité partagée, comment ça sert les intentions.
Y’a une dernière chose qui a contrarié les joueurs. Si j’ai bien lu le jeu, les lancers de dés sont fait en visible. Or, les joueurs auraient vraiment préféré que ce soit en caché. Cela aurait ajouté une grosse dose de bluff à la confrontation, dans le choix des combinaisons des joueurs. Je laisse à frédéric le soin de juger si c’est une idée pertinente pour son jeu. Cela rapprocherait de la mécanique de conflit à Dirty Secrets, qui utilise le Perudo.
Je finirai en disant que Catherine et Nathalie envisagent de visionner l’anime, c’est un bon indicateur de l’intérêt du jeu !
Maintenant, les commentaires de la tablée :
Catherine : ça donne envie de faire la suite. Lancer de dés cachés ? création de perso simple. C’est bien qu’il y ait des exemples. Plus intéressant en campagne. Harry potter et les X-Men sont une bonne source d’inspiration. On était 4 joueurs, le jeu ne serait pas possible à plus.
Nathalie : première partie de jeu de rôle. Ça allait parce que le MJ dirigeait et qu’il y avait des exemples. N’a pas compris le système des confrontations, mais on n’en a joué qu’une et son perso n’était pas impliqué. Le fait d’écrire des liens : trouve que ça fige, n’avait pas compris qu’on pouvait faire évoluer. Plus intéressant en campagne, mais voit plutôt une campagne courte. Quelques séances, pas une session de deux ans.
Patricia : j’ai vu l’anime, on retrouve bien l’ambiance, on peut facilement retransposer des personnages de l’anime dans le jeu. Trouve handicapant que le meneur de jeu n’ait pas vu l’anime. Je ne suis pas à l’aise avec la narration partagée. [note du MJ : la prochaine séance, j’insisterai plus sur l’idée que les joueurs ont le dernier mot sur la description des échecs et réussites de leurs personnages, mais qu’ils peuvent en déléguer la narration au MJ]
Renaud : Heroes est aussi une source d’inspiration. Se demande si la multiplicité des pouvoirs n’entrainerait pas un chevauchement des compétences nuisibles à l’interdépendance. Le différentiel de pouvoir lui paraît pas assez important pour que ça fasse la différence (ex : duel de lumière à 1 contre 3). Les pouvoirs devraient avoir plus de poids par rapport aux liens et aux spécificités. création de perso amène à développer l’univers. Le but commun est un bon moyen d’empêcher le groupe de clasher.