par Marc » 15 Juil 2008, 14:08
Hello Christoph,
En fait, mon exemple venait en réponse des affirmations de Frédéric et Romaric, qui disaient en substance que le dirigisme évoqués au début de la discussion était une conséquence directe du jeu joué, parce qu'il serait trop ludiste, ou que sa démarche créative serait difficile à identifier, voire inexistante.
Je tenais seulement à présenter mon point de vue, à savoir que ce sont les joueurs (meneurs compris) qui font de la partie ce qu'elle est, et que, dans n'importe quel jeu, y compris orienté narratisvisme, on peut trouver des situations et des propositions en désaccord avec le consensus global.
Pour ma part, j'ai maîtrisé très peu de parties avec un même groupe. J'ai pratiqué essentiellement en association, des parties uniques, avec des joueurs et des jeux différents. Dans ces conditions, j'ai souvent eu à rectifier des propositions émises par des joueurs dont le but, en venant à la table, était de s'amuser comme il l'entendait, quand bien même ce serait aux dépends du reste du groupe.
Un exemple que j'espère parlant :
- Le jeu : Bitume, jeu de rôle humoristico-post-apocalyptique (en 1986, la comète de Haley est passé bien plus près de la Terre que prévu, déclenchant des séries de catastrophes décimant la population, et une épidémie dont le principal symptôme était une amnésie progressive. Les survivants se sont créés de nouveaux mythes en interprétant les restes de la civilisation. On trouve ainsi des adorateurs de Rahan, des tribus d'enfants vénérant Bioman, des chevaliers de la table ronde nommant leur fusil à pompe préféré "Excalibur", etc). L'ambiance est un peu la même qu'à une table de INS/MV, oscillant entre franche rigolade et sérieux.
- Le système : aléatoire pur (compétences en pourcentage, tournant en moyenne autour de 50), avec un système de combat et de santé à la mortalité particulièrement élevée.
- La scène : les joueurs tentent d'entrer dans un village fortifié bâti autour d'un Conforama (scénario paru dans un Casus Belli et intitulé "Conframa, le pays où ta vie vaut pas cher"). Comme les habitants sont méfiants, il y a un barrage. Un joueur tente de baratiner le garde pour qu'ils les laissent entrer, en se faisant passer pour un représentant de Saint-Pasqua, dieu-ministre de la Justice et de la Loi. Nous jouons la scène, debout l'un en face de l'autre à un mètre de distance. Malgré quelques avertissements ("Attention, Bitume est un univers violent, tu prends des risques en agissant de la sorte !"), le joueur tient à son plan. Après quelques instants de palabres que je trouve peu convaincant, mais pas suffisamment mauvais pour justifier un rejet, je le braque, et j'annonce "Donne-moi une preuve que t'es c'que tu dis qu't'es". Le Pj fait le geste de me tendre un papier, en me disant "J'arrache une page de mon bloc-note et je la montre :"Regardez, j'ai un mandat !". Je considère que l'argument est partiellement recevable, en ceci que le garde ne sait pas lire, mais je sais (parce que ça a été évoqué plus tôt dans la partie, et précisé par le joueur) que le bloc-note est vierge. Le garde ne sait pas lire, mais il sait voir qu'il n'y a pas de mots sur le papier. Je réponds donc "Y'a rien là !". Le PJ fait semblant de regarder son papier, fais "Oh, c'est vrai", se retourne quelques instants pour griffonner, et remontre son papier en disant "Et maintenant ?". J'ai considéré que le garde n'était pas si bête que ça, et qu'il pensait que le PJ le prenait pour un imbécile. j'ai donc déclaré qu'il ouvrait le feu, sur quelqu'un qu'il tenait en joue depuis 5 bonnes minutes, qui se situait à 1m de distance, et qui lui mettait un papier sous le nez.
Les causes du conflit entre le joueur et le meneur (moi-même) sont apparues à ce moment. Le joueur a déclaré "J'esquive le tir". Les règles ne prévoient pas de pouvoir esquiver les balles. Elles sont considérées comme trop rapides pour ça, c'est une donnée de l'univers qui est reprise par le système. Comme le disent certains justiciers : "Personne ne court plus vite qu'une balle. Et tu n'es personne". Le fait d'être touché ou pas repose donc seulement sur la capacité du tireur et les modificateurs de condition (distance, météo). Dans ce cas précis, les chances de toucher du tireur étaient largements supérieures à 100%. Je n'ai donc pas fait de lancer, le joueur a été automatiquement touché, et les jets de dommages associés ont été mortels. Le personnage est donc mort sur le coup d'une balle dans la poitrine.
Là, le joueur a interrompu la partie en protestant que ce n'était pas normal, qu'il aurait dû pouvoir esquiver la balle, ou au moins faire un jet réussi sur 01 (avec 1d100, donc). J'ai répondu que ce n'était pas ce que prévoyaient les règles, que leur respect faisait aussi partie du jeu, et que, de plus, je l'avais prévenu que ce qu'il faisait était dangereux, que l'univers de jeu était violent, et que ce n'est pas parce que c'est un garde à un barrage que c'est un imbécile. Je lui ai proposé de prendre un autre personnage, de l'introduire rapidement, et de continuer à jouer, mais il a préféré quitter la table. La partie a néanmoins continué avec les joueurs restants.
Cette situation, tout le monde, je pense l'a connu, parce qu'elle existe dans tous les jeux où le système de combat peut donner un résultat mortel. Elle existe même dans DitV (après tout, si les retombées donnent un résultat supérieur à 20, le personnage meurt). Je n'ai pas eu l'impression d'être dirigiste, en disant "non" en réponse à son "j'esquive !", et aujourd'hui encore, je ne le pense pas. Il me semblait au contraire respecter le paradigme de l'univers tel qu'il se présentait au cours des combats (ce n'était pas le premier de la partie), violent et sans concession, malgré cette légèreté dans le ton du monde (les bastons à coups de parcmètre où des pièces peuvent sortir sur des coups particulièrement violents, les gangs de clowns avec des fleurs à jet d'acide, etc), même si la différence de ton entre les deux était parfois difficile à gérer.
Il y a d'autres types de situations où ces protestations s'élèvent. Certes, Christoph, et tu fais bien de le souligner, mécaniquement il n'y a pas de différence, dans DitV, entre vouloir sauter directement sur le toit de l'église, et prendre une échelle pour y monter. Mais ce ne serait pas la première fois (ni le premier jeu) où, si le Meneur propose de requalifier la proposition du joueur de façon à correspondre au paradigme de l'univers de jeu (et je ne parle pas de système, là, hein ? seulement de l'univers), il se voit opposer un refus par le joueur qui dit "Nan mais je veux sauter directement dessus, c'est trop cool !". Et ça, il me semble que même les jeux orientés narrativisme rencontrent cet écueil, parce qu'il ne dépend pas du jeu même, mais du groupe de joueurs, qui n'existe parfois même pas en tant que tel (pas de groupe, mais des individus avec leurs propres envies, visions, etc), ce qui oblige à mon sens la présence d'un MJ dont le rôle est principalement celui de référent des sources de l'univers de jeu, ce qui l'oblige à dire "non".
Tu as entièrement raison, Christoph, en disant que personne qui joue sérieusement à DitV ne cherchera à aller à l'encontre de la cohérence de la fiction. Mais, dans mon expérience, il y a toujours des gens qui veulent jouer pour découvrir et qui, s'ennuyant au final, chercheront à s'amuser d'une façon où d'une autre.
Désolé pour le pavé, mais merci de m'avoir lu :)