Je viens de me rappeler une partie de Démiurges dans laquelle les joueurs ont été confrontés à un dilemme et y ont répondu en restant selon moi dans un mode simulationniste.
Ce Compte rendu n'a pas pour but de remettre en question la place du dilemme en mode narrativiste, mais bien de montrer comment cette technique peut également soutenir une démarche simulationniste.
Il semble qu'un alchimiste ait fait une bourde, l'Agora envoie donc les PJ à son domicile.
Là bas, ils découvrent dans un laboratoire secret une jeune femme nue, prostrée dans un placard et l'alchimiste mort, sans aucune trace de blessure.
La jeune femme est d'un mutisme total, mais réagit aux gestes et aux attitudes des PJ.
Un arithmancien ami de l'alchimiste mort leur apprendra qu'il s'agit d'une homuncule. L'alchimiste l'a créée à partir du souvenir de sa défunte fille. Le prix à payer était sa propre vie.
Les homuncule ont une force de destruction considérable et l'Agora (grande instance démiurgique) et les dissidents recherchent activement les homuncules. l'Agora veut les sceller pour les empêcher de faire du grabuge, les dissidents veulent les utiliser comme arme contre l'Agora.
Ainsi, les PJ se sont retrouvés face à un véritable dilemme : que faire de l'homuncule ?
Là, les joueurs ont hésité un petit moment, puis ont décidé de faire leurs choix en les justifiant par l'orientation politique de leur personnage et des traits de leur PJ (sous entendu comme simple justificatif, et non pour obtenir un bonus d'action, puisqu'il n'y avait pas de conflit "mécaniquement parlant").
Ainsi, François faisant partie de l'ordre des "sauveurs" et possédant un trait indiquant qu'il considère que la vie est plus importante que tout, décide qu'il faut impérativement protéger cette jeune homuncule.
Jacques faisant partie de l'ordre des "manipulateurs" décide qu'il faut garder l'homuncule pour leur propre intérêt, ça peut être un outil très intéressant.
Enfin, Benjamin est mitigé, mais il a tissé une relation particulière avec l'homuncule, il est comme son grand frère et parvient à l'apaiser quand ses sentiments commencent à devenir envahissants.
Ils ont donc choisi de manière à coller à ce que le canon exige et aux positionnement de leurs personnages "dans le monde des idées" faisant partie de la cosmologie du jeu (un peu comme l'alignement dans D&D) et non selon le jugement de chaque joueur sur la portée morale des actes de leurs PJ.
Bien sûr, il y a forcément un jugement moral dans le fond, mais voyez plutôt la suite :
Un membre de l'Agora très attaché au respect des règles a découvert que les PJ cachaient une homuncule. Il leur a donc fait du chantage.
Là, les joueurs étaient bien emmerdés, ils ont pris une décision : protéger l'homuncule, mais ça les foutait vraiment dans la merde. Et j'ai constaté que les joueurs ont envisagé de modifier la position politique de leur personnage pour sauver leur peau et se débarrasser de l'homuncule. Mais au final, ils ont préféré rester sur leurs positions, bien que certains ont commencé à douter et à vouloir sacrifier l'homuncule pour ne pas subir de châtiment de la part de leurs supérieurs.
Ok, me direz-vous, qu'est-ce qui fait que ce n'est pas narrativiste tout ça ?
Et bien il s'agit du cycle création/approbation : les choix faits et les décisions prises (création) l'ont été en se focalisant sur positionnement de leurs PJ dans le spectre politique du jeu. Puis les joueurs et moi-même avons approuvé ces choix pour leur cohérence et leur esthétique (approbation) et non par jugement moral. Aucun joueur ne semblait outré par les changements de position de certains PJ, ni n'ont exprimé la grandeur d'âme du PJ François. Ils ont défendu la position de leurs personnages. Les personnages débattaient, mais les joueurs en convenaient qu'il était sans doute plus simple dans ce genre de situation de jouer un Pj sans valeurs ni état-d'âmes.
Alors que dans une partie narrativiste, c'est la valeur humaine ou non des choix qui importerait dans ce type de situation.
Il ne s'agit que d'une question de priorité, le phénomène que je décris n'est effectivement marque de simulationnisme que parce qu'il est nettement prédominant sur le jugement moral. Quand on a l'inverse, malgré une recherche de coller à la cohérence de l'univers au second plan, il y a de grandes chances pour qu'on soit dans du narrativisme.
Vous saisissez la nuance ?