[Psychodrame] sevrage

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[Psychodrame] sevrage

Message par Frédéric » 04 Juin 2009, 12:10

Lors des 24h du JDR, on a également joué une nouvelle partie de Psychodrame.

L'entourage d'un toxicomane découvre sa dépendance...

On a créé 6 personnages un peu avant la séance et on a joué à 5 :
- Le fils toxicomane complètement antisocial et qui a une faible estime de lui-même
- sa petite amie, qui consomme occasionnellement et a du mal à voir la dérive de son mec
- son père partagé entre la famille et son refus de la drogue
- sa mère cherche à aider son fils
- son frère aîné à qui tout réussit et adulé par ses parents

Le gros de la partie s'est centré sur de gros conflits parfois violent entre les deux frères.
Des retournements de situations plutôt croustillants, jusqu'au moment où le frère aîné parvient à faire accepter à son cadet une cure de désintox.

Là, j'ai (pour la première fois depuis la création du jeu) joué un PNJ !
Je leur ai proposé la chose suivante :
Ok, tu es dans ta piaule d'hôpital, je joue ton addiction, pour voir si tu parviens à la vaincre.

J'ai donc retourné ma fiche de PJ et j'ai noté "addiction de ..." (je ne me souviens plus le prénom du PJ)
l'idée, c'était de noter les traits que j'employais pour piocher des cartes et rapidement, je me suis rendu compte d'un problème :
à chaque tour, les PJ peuvent piocher de 0 à 20 cartes (en fin de partie, le score des émotions et traits peuvent être très hauts) environ.
Comment gérer ça pour un PNJ, sachant que je ne veux pas avoir à créer de fiche.

J'avais imaginé un nombre de cartes fixe à piocher à volonté, mais avec un battement de 0 à 20 cartes pour les PJ, ça pose un peu problème : il faut que les PNJ puissent présenter une véritable opposition, sinon ils ne servent à rien.

J'ai donc adopté un comportement un peu space, mais qui m'a semblé pas mal :
J'ai le droit de piocher autant de cartes que les PJ à chaque échange.
Ca produit un effet miroir intéressant, si les PJ piochent beaucoup, ils auront en face une réaction potentiellement aussi forte. Le hasard de la pioche permettant de créer un déséquilibre tout de même. (Et si le joueur veut que son PNJ soit écrasé, il lui suffit de ne pas piocher, c'est une possibilité à chaque tour, mais pas une obligation).
Seul hic, il fallait que je demande à chaque fois aux joueurs combien de cartes ils avaient pioché, ce qui n'est pas terrible... mais bon, ça passe encore. l'idéal serait que dans ce cas de figure, les joueurs annoncent le nombre de cartes qu'ils piochent à chaque fois.

***

Le conflit s'est rapidement déclaré, j'ai joué la petite voix dans la tête du toxico, qui lui répétait que son frère (qui est intervenu dans la scène pour le soutenir) avait toujours récolté les honneurs, que ses parents l'avaient toujours préféré, lui, l'avocat, celui qui a réussi...
Puis, je lui ai fait avoir des hallucinations, pour faire dire à son frère des choses qu'il n'aurait jamais dites, j'ai joué sur ce qui c'était produit lors des conflits précédents.
Le joueur qui jouait le jeune toxicomane réagissait vraiment bien, souvent entre la tentation d'abonder dans mon sens et le rejet de ce que je lui renvoyais.
Au final, le soutien du frère a été déterminant et ils ont remporté le conflit.
Les points de retombée perçus lui ont permis de descendre à zéro son trait de dépendance, il a été sevré après de longs mois de cure.

Voilà.

Donc, concernant le principe des PNJ, je voulais vous solliciter pour réfléchir aux éventuels problèmes du principe que j'ai mis en œuvre et à d'autres possibilités de gestion des PNJ sans créer de fiche.

Autre chose : comment gérer les retombées de ces PNJ, étant donné que s'ils ne reviennent pas dans l'histoire, il n'y a aucun intérêt à leur faire endosser les retombées, et ce, d'autant plus qu'ils n'ont pas de fiche de perso...

À vous !
Frédéric
 
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Message par Christoph » 04 Juin 2009, 20:57

Salut Frédéric

T'arrêtes pas ces temps, quel baron de la productivité! C'est beau!

La question du conflit interne me triture l'esprit de manière générale en JdR, car ce n'est pas évident d'en faire quelque chose de bien.
Je vais m'étaler dans un développement qui probablement sert avant tout à organiser mes propres idées. Je pense que je vais défoncer un certain nombre de portes ouvertes pour toi et décrire des choses que tu as en fait appliqué dans la partie.


On nous dit dans les guides d'écriture dramatique qu'un bon conflit est toujours entre deux personnes. Je ne dis pas que cela s'applique strictement au JdR, mais je vais faire comme si.
Je n'ai toujours pas lu de guide qui parle de conflits internes.

Un article de blog écrit par Jesse Burneko m'a aidé à y voir plus clair.
La plupart du temps, quand un personnage est confronté à deux options (pour reprendre l'exemple du blog: acheter une X-Box 360 ou acheter une PS3, sachant qu'on n'a pas l'argent pour acheter les deux?)
Difficile d'argumenter la possibilité d'un conflit: il faut choisir, c'est tout. Ne pas arriver à se décider n'est pas un conflit, c'est juste ne pas arriver à se décider (et généralement c'est peu intéressant, dramatiquement parlant).
Là où on va commencer à se torturer c'est quand il y a d'autres gens qui sont impliqués dans le choix. Si ma copine adore les Final Fantasy il serait préférable que j'attrape une PS3, mais moi je préfère les Halo en multijoueur... Ce n'est qu'à ce moment là qu'un conflit peut intervenir. Il y a une véritable question éthique (aussi vaine soit-elle): qui est-ce que je privilégie dans mon choix, alors que l'équité est impossible à garantir?
Mais... du coup, mon conflit interne est en réalité un conflit prenant en compte une personne externe!

Il me semble donc que la question à se poser est toujours: qui sont les gens impliqués par ce "conflit interne"? En JdR, je pense que tous les personnages en question doivent avoir une influence directe sur la résolution du conflit, même s'ils sont absents de la scène.
C'est visiblement ce qui s'est passé dans votre partie, puisque le grand frère du personnage est intervenu.

Ce qui change ici, par rapport à l'exemple tiré de l'article de blog, c'est que le personnage toxicomane n'est pas, à la base, en mesure de prendre une décision entre "arrêter ou continuer la drogue" (du moins, pas dans le sens "acheter une XBox ou une PS"). Il n'y a priori pas de conflit puisque cette formulation ne fait référence à aucun personnage. Mais alors, pourquoi ne pas décider tout simplement qu'il est sevré, puisque c'est ce que tout le monde veut?
Ce que tu as vu c'est que il y a déjà deux "personnages" dans le problème posé par "arrêter ou continuer la drogue". Le mec qui raisonne et qui veut se sevrer, et sa condition de toxicomane qui l'empêche physiquement d'arrêter.
Je me permets de considérer ces deux bords comme des personnages distincts, surtout dans Psychodrame, car on peut, j'en suis persuadé, facilement leur attribuer des traits! Si tu veux contester que la définition d'un personnage, dans ton jeu est tout simplement "ensemble de traits", sans faire référence à une figure dans la fiction, alors j'y reviendrai volontiers.
Du coup, il suffirait pour créer le PNJ qui t'échappait lors de cette partie de diviser le petit frère en deux entités abstraites par rapport à la diégèse, mais pas spécialement plus abstraits que les "vrais personnages" pour nous les joueurs, en se basant sur les traits qu'il a déjà! De toute façon, le joueur qui joue le côté positif du personnage ne se servira pas des traits négatifs, donc il seront inertes pendant le conflit. Alors, autant utiliser ces traits dans l'opposition. En ce qui concerne les émotions, il s'agirait de diviser chaque paire selon le contexte.
Certains traits peuvent éventuellement être ambigus. A ce moment là, on peut imaginer faire intervenir un tiers pour arbitrer l'utilisation du trait, ou tout simplement dire que c'est le premier qui veut l'utiliser qui peut en bénéficier, ou encore dupliquer les traits ambivalents.
Les retombées se traitent facilement à partir de là, en appliquant aux sous-ensemble de traits.
A la fin du conflit, on fusionne les deux sous-ensembles et on regarde comment le personnage a évolué globalement. Si nécessaire, un prochain conflit peut mener à une division différente.

Cette solution me semble doublement satisfaisante dans Psychodrame: d'une part on garde le concept dramaturgique que tu as respecté durant la partie, d'autre part on tire avantage de tout l'arsenal psychologique mis en place par le jeu. Sans connaître grand chose à cette discipline, je crois qu'on pourrait tout à fait relier ces sous-ensembles de traits à des concepts de psychologie (par exemple les déterminismes psychologiques?), tout en les basant sur les personnages, plutôt que d'abstraire en donnant un nombre arbitraire de cartes au côté obscur du personnage.


Je m'excuse si le ton employé fait un peu condescendant ou défonçage de porte ouverte, comme déjà dit, c'est un exercice de clarification de mes propres pensées qui se joue ici, tout en espérant aboutir à la fin à une proposition qui te soit utile.
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Message par Frédéric » 04 Juin 2009, 22:42

Hello Christoph !

Et bien concernant le principe relatif au choix dans le conflit, je crois en effet qu'on l'a bafoué, puisque je ne me souviens même pas avoir construit collectivement une narration libre avant... Pourtant j'aurais pu, jouer la petite voix qui émerge puis tend à empêcher le PJ de guérir.

Mais je nuancerai tes propos : le PJ a accepté la cure, mais il pouvait trouver mille manières et surtout mille raisons de ne pas se sevrer complètement.
La dépendance n'est pas que physique, elle est aussi psychologique et c'est cela qui légitime "la dépendance" en tant que personnage secondaire.

Certes, beaucoup voulaient le voir se sevrer, mais moi j'aurais aimé que ça ne soit pas le cas (j'aime pas les happy end), que la cure de désintox ne suffise pas, qu'il rechute. Si on n'avait pas bêtement abrogé la narration libre, je lui aurais proposé de ne pas prendre la métadone, il aurait pu accepter et éviter le conflit, comme me combattre et là le conflit aurait démarré.

Enfin, je remarque une chose amusante, c'est que pas mal de jeux forgiens utilisent des démons pour externaliser ces conflits internes, mais au final, on en revient au même (peut être est-ce plus facile à conceptualiser avec un démon en tant qu'entité externe). D'ailleurs, le joueur qui jouait le frère a appelé plusieurs fois mon PNJ "le démon" ^^

Enfin, concernant les questions relatives au système de gestion des PNJ, je parlais de façon générale :
Comment gérer TOUS les PNJ, pas seulement ceux des conflits internes, ça aurait pu être un pote venu lui proposer un shoot, ou tante Yvonne qui vient l'emmerder en menaçant d'appeler la police (avant qu'il aille en cure, par exemple)...
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Message par Christoph » 04 Juin 2009, 23:30

Hello

Oui, la dépendance est aussi psychologique (rah, ça m'apprendra à faire le physicaliste chez Romaric), mais cela ne change en rien ma proposition, alors que ça jouait un peu moins dans la rhétorique "faire du côté obscur un personnage" (faut bien vendre et c'est pas facile par les temps qui courent... la crise et tout).

Hmm, je ne me rappelle d'aucune situation où un conflit avec un PNJ était justifié dans la partie que nous avions joué avec Lionel. Pourtant il y avait du beau monde autour.
Il est vrai que j'ai quelques fois manœuvré pour reprendre un potentiel conflit avec un PNJ à mon compte. "On bafoue l'honneur de ma sœur? C'est moi qui la défendrai!" (Ce n'est pas tant une question de sexisme qu'un souci de garder l'histoire centrée sur les protagonistes initiaux.)
Autrement, on finirait avec une saga façon Rougon-Macquart, plutôt que les drames intimistes comme Festen. Mais c'est peut-être de la sur-interprétation de ma part. Qu'en dis-tu?

Tu penses qu'il existe des situations où des PNJ doivent prendre part à un conflit et que cela ne peut être résolu avec ma proposition des "sous-ensembles de personnage"? (Tu ne t'es pas exprimé à ce sujet? Est-ce une idée valable?)
L'influence d'une mère tyrannique, vivante ou non, peut probablement se jouer en mettant d'un côté les aspects enfermant l'enfant dans cette relation et de l'autre les aspects liés à son désir d'indépendance. Encore un PNJ ramené à un PJ.

Selon ces considérations... le pote qui vient proposer un shoot? Seulement intéressant si le petit frère est tenté et qu'un autre protagoniste s'y oppose.
Yvonne? Qu'elle appelle les flics, et que la mère vienne faire un scandale à son fils (pas à Yvonne) parce que c'est indécent.
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Message par Frédéric » 05 Juin 2009, 10:26

Concernant les sous ensembles de traits, j'avais essayé ça dans Démiurges à l'époque où j'avais adapté le système de résolution de Dogs in the vineyard.
Ca avait fonctionné, mais je pense avec du recul que scinder les traits du PJ en deux n'est pas nécessaire : les traits qui vont dans le sens de l'adversité seront difficiles à justifier s'il veut les utiliser pour la combattre.
Autre problème, avec 4 traits en début de partie, le découpage peut rapidement être bancal : 1 trait contre 3, c'est vite expédié, même si ce trait est important.
C'est pourquoi j'aimais bien l'idée de traiter les conflits internes comme les conflits externes et pour cela, j'ai besoin de pouvoir générer rapidement toute sorte de PNJ à la volée, sans m'emmerder à devoir créer une fiche complète.

Je trouve tes développements sur les choix et les conflits vraiment très intéressants, mais je ne suis pas d'accord avec la façon dont tu interprètes les exemples que tu donnes... Pour moi, il y a une question de choix difficile pour le toxicomane : celui d'accepter de prendre ses médicaments, de renoncer à son ancienne vie et à ses substances compensatrices etc.
Le pote qui propose un shoot alors que le PJ a décidé de réduire (ou d'arrêter) sa consommation, le choix est bien entre deux possibilités : d'un côté le plaisir, le fait d'alléger ses angoisses, les liens tissés par la drogue etc. De l'autre, la volonté, le fait d'aller dans le sens de ce que veut sa famille et donc de renouer avec elle etc. ("Choisir la vie" comme il est dit dans Trainspotting)

Concernant les personnages secondaires, ce que tu me dis est intéressant. Je veux vérifier les limites de l'intérêt des PNJ, voir s'ils sont si inutiles que ça.

Imagine que dans votre partie avec Lionel, vous ayez joué une scène dans laquelle un chef nazi interroge le collabo qui sait que son ami est résistant. Le joueur pourrait avoir envie de protéger son ami (dilemme : ou de le dénoncer, vu qu'il avait été salaud avec lui dans la dernière scène).

L'histoire évoluera suite à ce conflit selon différentes possibilités : j'ai menti au nazi pour protéger mon ami, ou j'ai craqué, je lui ai dévoilé les agissements de mon meilleur ami...
ça peut être intéressant et d'autant plus parce que ça permet de briser l'effet "toutes les scènes se jouent avec tous les personnages" et donc, dès qu'on joue à 4, toutes les scènes sont des repas (réunions) de famille.

Dans Festen, il y a un moment où le fils craque et doute sérieusement, c'est le cuistot et la serveuse qui lui remontent le moral... ce serait un parfait exemple de conflit avec PNJ : le protagoniste doute, les PNJ le poussent à poursuivre ce qu'il a entrepris en essayant d'affecter sa joie, son amour, sa confiance, ou son trait "d'objectif". Mais plutôt que de tout gérer avec 4 personnages, on varie un peu en intégrant parfois des personnages secondaires.

Mais on pourrait imaginer préparer ces personnages secondaires à l'avance.
Par exemple, on était 5 et on avait préparé 6 fiches de PJ, j'aurais très bien pu jouer le parrain ex-alcoolique qui n'était attribué à personne.
Il pourrait y avoir également des fiches chiffrées, mais non attribuées sur lesquelles on place le nom du PNJ au moment où le conflit se déclenche et on invente ses traits au fur et à mesure (comme dans Dogs en fait).

Tu soulèves une question intéressante, mais je n'aime pas le fait que tous les conflits de l'histoire se joue entre les mêmes personnes encore et toujours, des éléments "satellites" pourraient vraiment apporter un peu plus d'intérêt à l'histoire, parce qu'ils viendraient soulever des questions autres, bien que toujours centrées sur le Problème et les autres protagonistes : le nazi vient mettre à l'épreuve la relation entre les deux amis, c'est plus sympa que ce ne soient pas toujours les deux amis qui s'affrontent directement.

Dans les films et séries qui m'ont servi de point de départ, il y a beaucoup de personnages secondaires (PNJ) qui ne font parfois qu'une intervention très courte, mais qui apportent quelque chose que les protagonistes (PJ) n'auraient jamais introduit, ou du moins, pas de la même manière. En gros, ça crée des "sous-intrigues" rattachées à l'intrigue principale.

De la même manière, dans mes parties, j'encourage les joueurs à ne pas intervenir intempestivement dans toute les scènes. Quand j'ai été metteur en scène, j'ai planté une scène avec juste le fils toxico et sa petite amie. La scène était très intime et tranchait avec les scènes réunion de famille qu'il y a eu avant et après, tout en apportant beaucoup à l'histoire. Et je me serais opposé à l'intervention des autres PJ, puisque je voulais une scène différente : la relation du toxico à sa petite amie qui ne voit pas à quel point il s'abîme.

Peut être que faire des prétirés vierges serait la solution, les fiches étant présentes sur la table de jeu, peut être que cela incitera les joueurs à les utiliser...
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Message par Christoph » 05 Juin 2009, 23:14

Hmm, c'est vrai que ça fait peu de traits par sous-personnage, du moins en début de partie.

Je ne suis pas sûr que je me sois bien exprimé sur cette histoire de choix. Ce que je dis, c'est que ce n'est pas parce qu'il y a un choix à faire qu'il y a un conflit. Pour qu'il y ait conflit dramatique, il faut deux personnes ou plus qui soient affectés par un choix.
Ce qui fait du problème de la toxicomanie un conflit dramatique, c'est soit de le voir scindé en deux personnes (ce que tu as fait), soit vraiment l'intervention d'une autre personne pour forcer le personnage à s'en sortir. Est-ce que le personnage de Trainspotting aurait fait l'effort de se sevrer sans son entourage?
A toi de voir au final, mais j'ai l'impression que c'est toujours dû à des influences extérieures qu'on a des conflits "internes". D'où l'idée de faire intervenir des personnages dans ce genre de conflits même s'ils ne sont pas physiquement présents, juste la représentation que le personnage en proie au doute a d'eux.

Ensuite, je crois qu'il s'agit d'aborder un point crucial pour le jeu: le rôle des personnages. Tu considères la serveuse dans Festen comme un personnage secondaire donc PNJ. Je veux bien admettre que c'est un personnage secondaire, mais tout de même elle est très importante. C'est typiquement ce que Lajos Egri (dans son livre The Art of dramatic writing) appellerait un personnage pivot, dans le sens où elle sait ce qu'elle se veut et qu'elle pousse le personnage principal à la confrontation avec son père. Un personnage aussi important ne devrait-il pas être un PJ dans Psychodrame? Partant, est-ce que le père est vraiment un PJ ou est-il la situation initiale? Quand le fils fait ses annonces, est-ce que c'est vraiment dans le but de changer le père ou est-ce pour le salut des enfants? Le rôle du père est si tranché que la tablée dans son ensemble aura rarement des divergences d'opinions quant à la manière dont il agirait, et cela ne justifie pas vraiment qu'un joueur le joue. En revanche, le petit frère, qui défend le père dans un premier temps, lui, est un vrai protagoniste (voire l'antagoniste du grand frère). (Le père est donc encore un PNJ qui a pour champion un PJ dans les conflits le concernant).
Il y a donc des PJ avec des rôles divers, et seul l'un peut vraiment avoir le rôle principal (c'est finalement le sens du terme). Il y a même des personnages qui n'ont pas besoin d'être attribués à un joueur.
La difficulté du jeu de rôle, c'est qu'on ne sait pas d'avance qui sera vraiment protagoniste à part entière, qui sera pivot et qui sera antagoniste. Je crois qu'il faut accepter ce défaut de contrôle par rapport à l'écriture, particulièrement dans un jeu narrativiste (je reviendrai sur ce point à la fin de mon message).

La partie avec Lionel aurait pu donner lieu à des conflits avec l'officier nazi. Cependant, le nazi aurait pu devenir le personnage soumis au doute (suite à l'issue de certains conflits), volant la vedette au conflit entre les deux amis! Avec Lionel, on voulait se concentrer sur les tensions entre les deux amis, l'officier nazi devait rester un élément de décor mettant en exergue cette situation.
D'ailleurs, le personnage de Lionel a été envoyé par l'officier pour rechercher un résistant qu'avait caché mon personnage. Le nazillon aurait pu faire cela lui-même, en toute logique, mais nous avions visiblement le souci partagé de toujours revenir à un conflit mettant à l'épreuve l'amitié des deux Français.
Si nous avions été trois, il y a de bonnes chances que l'officier soit devenu un PJ, qui aurait pu entrer en conflit ouvert avec mon personnage, se repentir, rechercher le status quo, etc. Peut-être que l'éventualité de ce repentir qui aurait pu désamorcer le conflit entre les deux amis nous aurait fait reconsidérer la situation initiale. Le nombre de joueurs a donc vraiment un impact important sur l'histoire (ce n'est que maintenant que je commence à réaliser dans quelle mesure).

Ceci dit, tu as raison de souligner que le jeu pourrait très bien fonctionner avec des joueurs jouant plusieurs personnages, ce qui pourrait donner quelque chose de plus riche si la tablée le souhaite. Les préparer à l'avance me semble inutilement fastidieux, mais pourquoi ne pas créer des personnages à la volée, comme à Dirty Secrets (éventuellement à partir d'un squelette prédéfini, à la manière des PNJ de Dogs in the Vineyard)? Même imaginer un contrôle partagé si le groupe considère ce personnage comme un personnage vraiment très secondaire.
Toutefois, permettre cette règle, qui revient quelque part à se donner la liberté de l'écrivain (sans bénéficier de sa possibilité de changer le début de l'histoire), c'est peut-être rejeter une contrainte qui peut être tout à fait bénéfique.


Pour développer encore un peu cette question de contrôle, je reprendrai ton point sur le cadrage de scènes, bien que je le considère indépendant de celui des personnages secondaires.
Qu'est-ce qui, dans Psychodrame, donne le droit à un joueur de décider qu'il n'y aura que deux personnages pour toute la scène?
Je suis d'accord qu'une scène entre le toxicomane et son amie (tous deux PJ, n'est-ce pas?) est très intéressante, mais si quelqu'un trouverait opportun de faire intervenir un des autres PJ à ce moment là et de se confronter au couple ou accuser la petite amie de soutenir la dérive du mec, de quel droit notre vision primerait-elle sur la leur? Dans l'absolu, une version comme l'autre peuvent donner des choses très bien.
Est-ce que tu as une règle qui donne la procédure à suivre? Sinon ça se résoudra à la pure pression sociale (que tu vas toujours gagner en tant qu'auteur du jeu... c'est pô juste!)


Un mot pour la fin. Si à la suite de ces posts, tu te sens en proie à un conflit interne quant à la manière de procéder, c'est parce que tu imagines que je suis une partie impliquée dans ton choix. Mais en fait, il n'en est rien. Quel que soit ta décision, je la respecterai puisque j'ai pu t'expliquer mon point de vue. Il n'y a donc pas de conflit (interne ou externe), juste un choix à prendre par toi tout seul. De toute manière, je ne joue pas aux consoles, mais aux JdR...
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Message par Frédéric » 06 Juin 2009, 02:28

Héhéhé, j'ai bien aimé ton post, tout d'abord parce qu'il m'est apparu un truc évident juste après avoir écrit le mien : tous les PJ ne sont pas protagonistes : dans la partie dont je traite ici, le père et la mère ainsi que la petite amie étaient assez secondaires (voire carrément).

Aussi, en effet, j'aurais aimé jouer plusieurs personnages, notamment le parrain ancien alcoolique qui comprend le fils toxico, mais se veut un exemple à ne pas suivre (et sa fiche était déjà créée, mais je n'ai plus pensé quand la partie a démarré, à le jouer.

Autrement, je suis d'accord avec tout ce que tu as dit dans ton précédent post.
Je pense que je vais essayer les personnages pré-bâtis sur un squelette comme dans Ditv et laisser les joueurs changer de perso au gré de leurs envies. Quand on se retrouve avec un PJ qui devient un personnage secondaire, souvent, je me rends compte que ça fait du bien de pouvoir changer de perso. Quand ceux qui jouent les protagonistes devraient se sentir moins concernés par cela.

Le véto du metteur en scène consiste à éviter que tous les joueurs interviennent de façon intempestive dans toutes les scènes et dans tous les conflits. C'est juste un droit qui, pour le moment n'a jamais été utilisé, mais des fois où je n'ai pas été metteur en scène, j'aurais trouvé ça bien que celui qui l'était dise : oh, oh, attendez, vous n'êtes pas obligés de tous intervenir : la mère oui, mais le frère non, pas sur cette scène...

Simplement parce que j'ai remarqué que sinon, on sombrait dans des scènes clichés de repas de famille, réunions de familles sempiternelles... Imagine un film où les mêmes personnages sont présents du début à la fin de chaque scène, alors qu'on n'est pas en huis clos. ça peut être concept, mais quand c'est tout le temps le cas, ça devient grotesque.
Si tu penses qu'il faut laisser les joueurs décider de la judiciosité (warning, mot inexistant) de l'implication de son PJ dans une scène, moi je dis : attention, les joueurs ont envie de jouer et dans ce jeu, il n'est pas rare que tout le monde se lance tout le temps dans toutes les scènes, peut être par enthousiasme et par envie d'être de la partie, de chaque partie. (peut être ais-je raté quelque chose pour que ce soit le cas, alors que clairement ça ne l'est pas dans Zombeja ou Polaris ou Dogs in the vineyard ?)
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Message par Christoph » 07 Juin 2009, 23:27

Salut

Ok, c'est cool.

J'avais oublié la règle du metteur en scène qui a le veto sur la présence des personnages. Dans ce cas, ça me semble clair et fonctionnel. En es-tu satisfait telle quelle? Tu sembles dire que, parfois, tu voudrais que le metteur en scène soit plus stricte. A ces moments-là, as-tu fait la remarque à voix haute au metteur en scène? Il pourrait être convaincu par ton argumentaire et l'entériner en opposant son veto, non?

Sinon, je ne suis pas sûr de comprendre ta question concernant Zombeja et Polaris, mais je l'interprète comme une question sur comment ces deux jeux gèrent la présence ou non des personnages dans une scène. Dans le premier il n'y a pas de mécanisme permettant d'évincer des PJ (mais ce serait salaud vu qu'un personnage qui ne participerait dans quasi aucune scène serait un personnage condamné). Dans le second, je ne suis pas sûr. Je crois que tout le monde peut s'incruster quand il veut dans la phase de narration libre d'une scène, mais je peux me tromper.
Sinon, dans Dirty Secrets, le joueur qui a le rôle de l'Autorité (le mini-MJ pour le chapitre) peut opposer son veto à tout en dehors des gestes et pensées de l'investigateur. Il faudrait alors que quelqu'un "se plaigne" pour quand même faire entrer le personnage, mais il suffit qu'un autre joueur soit de l'avis de l'Autorité pour que le veto l'emporte (même s'ils se retrouvent ainsi à 2 contre 3). J'aime assez bien l'idée, car on évite la tyrannie absolue de l'Autorité en permettant à tout joueur de faire appel, mais on évite la consensualité niaise en donnant le droit à l'Autorité et à un autre joueur à passer contre l'avis de tout le groupe (ça n'a de sens qu'à partir de 4 joueurs, à 3, ça revient à la majorité absolue). En pratique, c'est une règle qui s'utilise très rarement, à mon expérience.
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Message par Frédéric » 07 Juin 2009, 23:30

Hmmm, je vais réfléchir à ce principe de Dirty Secrets...

Merci en tout cas pour cette discussion fort enrichissante !
Frédéric
 
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Message par Christoph » 08 Juin 2009, 14:05

Hey

Je t'en prie, cela m'a été très utile aussi pour mettre à plat mes idées et les ajuster selon tes commentaires!
Christoph
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