Le premier système était comme ça et je me suis rendu compte que ça transforme quasiment toute la partie en un monologue du meneur, les joueurs ne sont pas incités à prendre la parole. Actuellement, les dés sont une épreuve symbolique pour que le joueur obtienne le "droit" de décrire ce qu'il veut dans son action, ce qui valorise d'autant plus la description. Romaric, comment gères-tu ça dans Sens ?
Beaucoup de mes bases sur ce sujet reposent sur la description centrale du rôle de maître de jeu dans Sens. Toutes les techniques de résolutions d'actions sont peu de choses en comparaison d'une description du rôle des joueurs et du meneur au cours de la partie. Il faut moins se focaliser sur la technique de résolution, les dés, ou autres et il faut plus se concentrer sur une véritable description du rôle du meneur dans Monostatos. C'est ce vers quoi tend cette conversation, je pense, au final.
Tu as dit dans le podcast que nous avons enregistré que le meneur était un joueur comme un autre et que son temps de parole devait être équivalent à celui des autres joueurs. Cette réflexion sera beaucoup plus précieuse pour un lecteur de ton jeu qu'une technique qui garantisse cette proposition. Tous les systèmes de résolution peuvent amener à de bonnes parties pourvu que le rôle de chacun y soit bien défini. Cela aussi fait partie du système et des règles du jeu.
J'ajoute une impression personnelle sur la partie que nous avons faite. J'ai trouvé que tu avais parlé énormément, beaucoup plus que chacun d'entre nous. J'en ai même été frustré à de nombreuses reprises au départ mais cette frustration était vite comblée par l'intérêt croissant que je portai à l'univers. En fait, à la fin j'étais même très heureux que tu aies parlé plus que moi. Est-ce parce qu'il y avait des dés ? Est-ce que cela aurait été mieux s'il n'y en avait pas eu ?... je ne crois pas. Ce qui a déterminé le temps de parole au cours de notre partie c'était le fait, que ce jour là, tu voulais nous faire découvrir un univers et que nous, en tant que joueurs, nous en avons pris plein la gueule sur la poésie de ton monde. En fait, si ces motivations sont précisées alors le système de résolution devient très peu de chose.
Maintenant le système de résolution des actions à un rôle très important à jouer lui aussi, il ne faut pas le négliger. Je pense cependant que tu lui fais porter beaucoup trop de responsabilité dans le développement de ton jeu. Je pense que Monostatos doit amener les joueurs à une démarche simulationiste. C'est l'esprit dans lequel nous avons jouer la partie l'autre jour; personne ne cherchait à optimiser son perso, personne ne cherchait à créer l'histoire du jeu à ta place, on était bien plutôt attacher à en éprouver toute la cohérence. On doit éprouver la cohérence de l'univers pour lutter, toujours dans le cadre de cette démarche, contre les institutions fictives en place (le culte de Monostatos). Les règles les plus importantes seront donc celles qui garantissent la cohérence de la fiction et non celles qui disent comment, en terme technique, les actions se résolvent. Dans cette démarche les notes sur l'univers, la description de l'univers et des personnages font système ! Si quelqu'un entame une action invraissemblable dans le cadre de ton jeu, si l'univers et le role de chacun est bien défini, quelqu'un pourra toujours lui dire... "Hey ! c'est n'importe quoi ce que tu fais ! reviens au jeu s'il te plait ! c'est pas cohérent ce que tu fais là. On annule cette scène."
Les meilleurs conseils techniques que l'on pourrait te donner seraient de l'ordre du meta-jeu. L'idée de Fred, par exemple, de donner un truc, un symbole d'appréciation, pendant la partie, à un joueur quand celui-ci dit quelque chose de cool et de cohérent est une super idée pour Monostatos !
Je conclus sur le parallèle avec Sens.
Sens et Monostatos n'ont en commun que l'encouragement de la démarche simulationiste et leur lien avec la philosophie.
Sur les thématiques développées ils sont très différents. Dans Sens les joueurs luttent contre le meta-jeu et le jeu. Ils luttent peut être même contre la démarche simulationiste du jeu. Dans Monostatos les joueurs luttent avec le jeu contre une institution dans le jeu. Cette seule distinction les rend incomparables sur le plan du système et du rôle des personnes autour de la table. Ils encouragent tous les deux les joueurs à être dans une démarche simulationiste mais les deux univers sont archi-différents et les objectifs des deux jeux sont archi-différents. La cohérence de Sens est en dehors de la fiction presque. Il est donc impossible de prendre le système de l'un pour jouer à l'autre. C'est hyper dur de vous expliquer pourquoi par des mots sur un forum mais avec des gestes quand on se verra j'y arriverai peut être. Toutes les tentatives de Christoph de comprendre Monostatos, ou les ambitions de Fabien, par des points de comparaison avec Sens sont à oublier malheureusement. =D
Va falloir y jouer les gars ^^
Aller ! une dernière réflexion de meta-jeu pas très sérieuse... mais un peu quand même. Fabien, trouves-tu que expliquer la réussite ou le succès des personnages par des dés dans Monostatos soit pertinent ? Moi, en tant que "game-designer fou", en tant que "malade mental de Saint-Malo" qui pense que les règles d'un jeu sont une sorte de divinité pour les personnages je trouve ça horrible pour le nietzschéen que tu es. Tu justifies par un arrière-monde : le système mathématique, des règles fixes, des conventions, des normes, des dogmes le succès de la volonté de puissance de tes surhommes ! Scandale ! Seul la Volonté doit déterminer la réussite ou l'échec d'une action dans Monostatos si tu veux être à la fois nietzschéen et shopenhauerien (c'est barbare ce mot "schopenhauerien") ! La volonté de cohérence ! ^^
Luke : Le côté simulationiste est le plus fort ?
Yoda : Noooon... plus rapide... plus facile... plus séduisant... si tu t'engages dans le simulationisme à jamais il dominera ton destin et consumera tes dés à 10 faces.