Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

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Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

Message par Frédéric » 08 Juin 2010, 01:46

Un jeu de rôle médiéval fantastique dans lequel la magie dépend des émotions des personnages.

Je jouais un vénérable diplomate d'un peuple de grenouilles humanoïdes. Nous avions découvert que quelques êtres maléfiques préparaient un sale coup. Ils cherchaient à réveiller une bête.
Pour les en empêcher, nous devions retrouver une pierre de l'esprit.
Cette partie étant un "multi-table", trois MJ faisaient jouer parallèlement trois aventures liées. À des points clef du scénario, on pouvait changer de table et donc de camarades et de quête, puis les transferts devenaient possibles à tout moment via des objets magiques.

Avec mes nouveaux camarades : une pleureuse, un loup garou et une femme-chevalier je crois, nous découvrons la tombe d'un ancien mage lié à la pierre que nous cherchons.
Mélanie parle du magicien et nous nous retrouvons soudainement dans la demeure d'un homme barbu qui nous parle par énigme.
Je n'ai pas compris immédiatement ce qui se passait, le MJ brouillait un peu les pistes. Mais mes camarades et moi parlons alors de ce que j'ai fait avec l'autre groupe avant de les rejoindre.
Et notamment qu'un peuple d'humains pourtant allié à mon peuple d'hommes grenouilles se montrait très belliqueux.
Soudain, le décor change et nous nous retrouvons au beau milieu d'une invasion du village où vit d'ordinaire mon personnage, par des hordes de ce peuple humain soi-disant allié.
Ok, j'ai compris, il faut que nous surmontions nos émotions, c'est une épreuve. Mais bon, comment réagirait mon personnage ?
Hum, allez, je me lance : "pris par la fureur, je me lance sur les soldats et j'en trucide un maximum."
Je les tue sans lancer les dés et ma haine grandit.
Je les vois tuer ma famille, je les trucide avec violence.
Puis je décide que mon personnage comprend alors ce qu'il est en train de vivre. Il ressent de la tristesse. La bataille s'interrompt. Je vais m'isoler dans une maison. Et je décide de mettre fin à mes jours.
Gaël décide que son personnage me suit et tente de m'en dissuader. Comme on papote un peu, il lance les dés et réussit.
Le MJ décide que mon moral est remonté. Je n'ai pas réussi à accepter ce changement émotionnel. Ça manquait peut-être de justifications pour devenir crédible...
Et surtout. J'avais beau avoir une idée de comment sortir de ce lieu, je n'arrivais pas à entreprendre quoi que ce soit, car après tout, mon personnage venait de tenter de se suicider, il ne pouvait pas ressentir de la joie aussi soudainement pour réussir l'épreuve. Ni même retrouver la pierre de l'esprit par la pensée, il n'était pas censé se remettre en jambes aussi vite.

Heureusement, les autres joueurs s'en sont occupés et nous avons surmonté l'épreuve.
C'était une bonne partie, le MJ gérait avec finesse les jets de dés (il nous faisait toujours lancer les dés à des moments adéquats) et nous présentait des situations riches.
Le scénario proposait cet enjeu intéressant. Mais j'ai pensé à quelque chose :
J'aurais préféré poursuivre et approfondir ces scènes de haine et de culpabilité, que de les mettre de côté pour "finir le scénar".

Certains scénars sont pensés en termes de potentialités. C'est en partie le cas de celui-ci. Mais cette épreuve que nous devions surmonter pour "finir le scénar" venait parasiter notre exploration de la situation : le scénario attendait de nous qu'on résolve l'épreuve. Mais ayant compris trop vite où il voulait en venir, j'ai voulu explorer la situation, bien plus intéressante et fertile que l'épreuve en réalité. Du coup, je me suis retrouvé dans l'incapacité de produire un choix crédible pour mon personnage dans le but de surmonter l'épreuve, une fois l'exploration de la situation satisfaite. Dans cette partie, ça s'est plutôt bien déroulé, bien que la résolution de l'épreuve fut consensuelle et un peu téléphonée. Mais j'ai souvenir de parties où ça grippait littéralement le jeu.

Mes questions :
  • Pensez-vous que les épreuves de type énigmes attendant que les joueurs fournissent le type de solution demandée doivent être évitées à tout prix, parce que la partie s'éternise si les joueurs ne trouvent pas, ou parce que s'ils s'aventurent ailleurs le scénar part aux chiottes ?
  • Ou pensez vous qu'il y a moyen d'utiliser ces épreuves dont la solution est prévue à l'avance, d'une manière ou d'une autre en évitant l'écueil que j'ai décrit plus haut ?
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Re: Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

Message par Christoph » 08 Juin 2010, 12:24

Hello Fréd'

Puisque tu m'as expliqué par MP que ce jeu était indépendant et en cours d'écriture (et donc non-terminé) c'est ici que ça va. Que l'auteur vienne sur silentdrift ou non c'est égal.

J'aimerais que tous ceux qui ne comprennent pas cette règle prennent le temps d'y réfléchir, puis que quelqu'un ouvre un sujet dans Méta pour en parler, parce que j'ai beau l'écrire noir sur blanc, il y a trop de gens qui n'arrivent pas à saisir ce concept et que je suis tout bonnement incapable de comprendre où ça cloche.
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Re: Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

Message par esthane » 09 Juin 2010, 03:29

Bonjour Fred,

En lisant ton post 2 idées principales ont émergé chez moi, mais qui évidemment se rejoignent

Idée n°1 : une orientation ludique de scénarios
Certains scénarios sont, il me semblent orientés, de façon ludiques. C'est à dire que pour passer à travers ils faut vaincre les différents obstacles quand on est dans une position de joueur. Les éléments Personnage, Système, Univers, Situation et Couleur fournissent une arène pour une compétition.

Mais cette épreuve que nous devions surmonter pour "finir le scénar" venait parasiter notre exploration de la situation : le scénario attendait de nous qu'on résolve l'épreuve. Mais ayant compris trop vite où il voulait en venir, j'ai voulu explorer la situation, bien plus intéressante et fertile que l'épreuve en réalité.


Je pense que là c'est très clair. Le scénario attend quelque chose des joueurs. Mais si un joueur d'aller dans un autre sens cela ne fonctionne pas. En quelque sorte tu changes la donne, tu changes les termes du contrat (je note au passage que tu parles de "notre exploration" mais que "tu as voulu explorer la situation" c'est tous ensemble ou toi seul qui a voulu orienté ton personnage dans ce sens?)

Idée n°2 : le décalage entre le plaisir du joueur et ce qui est demandé par le scénario
Si un scénario est orienté ludique, mais que toi en tant que joueur tu ne rentres pas dans cette logique. Amha le dysfonctionnement est inévitable.
Dans ton exemple il me semble que cela est particulièrement révélateur ici :

J'aurais préféré poursuivre et approfondir ces scènes de haine et de culpabilité, que de les mettre de côté pour "finir le scénar".


Si ton plaisir passe par autre chose que ce que le scénario (et par extension le jeu lui même) peut t'offir, est ce que c'est la faute du scénario ou du joueur qui n'entre pas dans le cadre de ce dernier. C'est un peu comme si je reprochais au monopoly de ne pas assez faire ressortir le côté odieux capitaliste des joueurs (cet exemple est volontairement extrême). Ce n'est pas son but ni son objectif.

En ce qui me concerne, les scénarios à enquêtes ont une forme spécifique, et possèdent un cadre particulier très orienté sur le Ludisme. On accepte en tant que joueur de rentrer dans ce cadre et cette orientation et le plaisir vient en arrivant à vaincre le scénario.

Si en tant que joueur, tes goûts font que tu ne prends pas de plaisir dans cette forme là...pourquoi insister à lui demander plus que ce qu'il ne peut donner ou à changer son objectif?

Donc pour moi il ne s'agit pas de savoir si on peut utiliser les scénar à enquête autrement, il s'agit de savoir ce que tu veux jouer. Parce que quand je lis ton exemple il me semble que tu approches ton exploration du scénario et de ton personnage dans une approche autre que ludique.

Dans mon cas personnel je me suis souvent retrouvé dans cette situation. Exemple : dans une partie d'Eberron D20, je me suis retrouvé avec un personnage guerrier que j'avais très bien matérialisé dans mon esprit. Lors d'une scène j'ai essayé de le jouer à fond faisant ressortir la substance de ce personnage pendant un échange avec un notable. (Je voulais explorer mon perso différemment que ce qui était demandé par le scénario disons le clairement). Bizarrement j'avais en face de moi 2 types de joueurs. Ceux qui comprenaient ce que je voulais faire et attendaient (poliment...quitte à commencer un nouveau paquet de chips) et ceux qui trouvaient que je ralentissais le scénario (MJ compris). J'ai évidemment commencé à ralentir considérablement l'exploration de ce personnage. Le scénario a avancé. Moi je me suis ennuyé mais pas les autres joueurs, qui ont pu avancer au rythme qu'ils estimaient correct pour ce type de partie.
A la fin de cette partie, je me suis rappelé avoir dit "ce scénar est naze!" et avoir eu un des joueurs me dire "non le scénar était top bien...mais toi t'étais chiant!t'as fait que ralentir la partie avec tes interventions".
En réalité, ces joueurs ne sont pas mauvais (je vous assure que c'est la réalité), le scénario non plus et moi non plus (enfin je crois :D). Là on est dans le dysfonctionnement total. Scénario, jeu ludique face à un seul joueur qui souhaitait une approche plus simulationniste.
On peut prendre du plaisir dans ce type de scénar mais il ne passe par une forte créativité et une exploration de personnage. J'ai arrêté de jouer à Eberron, les autres joueurs ont continué et ont pris du plaisir. Moi j'ai joué à d'autres jeux qui dans leur fonctionnement permettent d'aller vers ce qu'il me plait vraiment.

Donc pour conclure et répondre à tes questions. Je dirais que les parties enquêtes correspondent à une orientation ludique et que si ton approche et plaisir du jeu ne vont pas dans ce sens...autant éviter ces scénarios.
La sélection du trimestre de Ptgptb L'e-magazine de fond des rôlistes, en V.F.
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Re: Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

Message par Frédéric » 09 Juin 2010, 03:56

Salut esthane !
Alors je n'ai volontairement pas abordé ça d'un point de vue GNS, bien que fondamentalement, on pourrait très bien y faire référence.
Premièrement, attention à l'étiquetage des joueurs :
Ron Edwards a écrit :La perception du LNS comme une façon d’étiqueter les gens ou les jeux a généré beaucoup de drames. Si on l’utilise correctement, le terme s’applique uniquement à des décisions, pas à une personne ou à un jeu.

Traduction de http://ptgptb.free.fr/forge/gns2.htm

En réalité, ce que nous enseigne le GNS, c'est que si un jeu est bien foutu, les dissensions dont tu parles ne sont pas censées se produire.
Tout le monde est capable d'appréhender des démarches créatives de chaque mode. On peut également adorer certaines démarches créatives simulationnistes et en détester d'autres, pourtant tout aussi simulationnistes.
Et une scène n'a rien de G, N ou S. Des techniques non plus et une fiction non plus. Une démarche créative, c'est une logique créative + des interactions sociales adaptées sur une partie entière (pour ne pas trop entrer dans les détails).
Le ludisme ne se limite pas à ce cas de figure.

Ce qui m'intéresse ici, c'est la question : est-ce qu'attendre des joueurs qu'il trouve la réponse prévue à l'avance est problématique en soi ? Parce que si le défi n'est pas à la mesure des joueurs ou si les joueurs ne sont pas à la mesure du défi, on va chercher notre plaisir ailleurs.
Je me rappelle de parties où les joueurs ont galéré plus d'une heure parce qu'ils ne trouvaient pas ce qui était prévu dans le scénario. Dans d'autres cas, c'était trop facile et ça ne suscitait pas de défi et c'était tout aussi problématique.
Je renvois à mes deux questions.
Pour le moment, tu sembles répondre que c'est toujours potentiellement foireux. Mais j'aimerais voir si certains ont déjà appréhendé ce type d'épreuves d'une manière satisfaisante et quelles techniques de jeu peuvent consolider ça.
Ça m'intéresse notamment, car je me rends compte que en dehors d'intrigues de personnages, si je veux rendre un "lieu" intéressant à explorer, j'ai l'habitude d'y mettre une épreuve. Mais souvent, je tombe dans le cas de figure que je décris.

Comment amener des épreuves en évitant ces écueils ?
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Re: Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

Message par Kco Quidam (Julien Gobin) » 09 Juin 2010, 11:27

Dans une ancienne version de Fantasy le guide imposait les épreuves et cela posait toujours des problèmes mais j'avais réussit à les minimiser un peu grâce à l'artifice suivant, les choses nécessaires pour continuer l'histoire sont obligatoirement gagnées (que les joueurs trouvent ou non), la réussite ne fait qu'apporter un bonus (dans le cas de Fantasy il s'agissait d'une révélation).

Après les épreuve de Fantasy se basait surtout sur du jet de dès, mais l'ancienne gestion des révélations est peut être plus proche de ce que tu cherche : les révélation était des choses que je décrivait aux joueurs s'ils gagnaient une épreuve, pour ma part j'avais prévu toujours un endroit bien précis où cette révélation pouvait être utile (durant une épreuve bien entendu) et j'appliquai le barème suivant :

- si les joueurs utilisait la révélation (dans leur narration) d'une manière artificielle il gagnait un d4 pour le jet.
- si ce n'était absolument pas ce que j'avais imaginé et moyen je donnait un d6
- si c'était l'utilisation que j'avais imaginée j'offrais un d8.
- si c'était encore mieux que ce que j'avais imaginé j'offrais un d12.

Je note deux choses dans mon système : l'utilisation de la révélation était facultative (elle n'offre qu'un bonus et ne pas l'utiliser ne bloque pas le jeu) et il y a une largesse directement inscrite dans les règles quand à la proximité entre "proposition du joueur" et "chose prévue dans le scénar".

Cependant je me suis rendu compte après plusieurs tests que soit les joueurs ne comprenait absolument pas comment utiliser la révélation (et donc ne l'utilisait pas) ou soit voyait exactement comment faire (et en fait ne l'utilisait pas pour ne pas gâcher le côté fair-play du jeu), du coup j'ai jarté cette idée de révélation ou chose qui demande "une réponse bien précise connue à l'avance".

Autre chose : souvent cette technique (dire "j'attends une réponse bien précise") marche quand les participants se connaissent bien. Au delà de bloquer une situation cela provoque une distinction pas forcément super cool entre "ceux qui se connaissent bien" et "ceux qui étaient venu tester", ça peut même dans des cas extrême pousser les nouveaux joueurs à ne pas parler et laisser le leadership aux "vieux routards", personnellement c'est surtout cette constatation qui m'a fait abandonner l'idée.
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Re: Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

Message par Frédéric » 09 Juin 2010, 14:01

Ah, très intéressant, tout ça, Julien !
J'aime beaucoup l'idée que "le truc à trouver" soit facultatif, que l'histoire puisse continuer sans, mais que ça apporte une arme de plus aux joueurs s'ils résolvent le problème.

Ça me fait penser à un problème que j'ai rencontré dans le dernier scénario de Gloria que j'ai écrit :
Le "scénario" est conçu comme un bac à sable : Il y a une menace cachée, des opposants et des sympathisants. Chaque élément du bac à sable contient une révélation qui arrange la menace (faisant croire des choses fausses ou mettant en défaut les opposants) et une qui la met en défaut (révélant des choses qu'elle voudrait garder secrètes). Donc, les joueurs devront faire des choix selon les découvertes qu'ils ont faites, ce qui leur donnera un point de vue très différent sur la situation.

Mais pour la fin de la partie, j'étais bien gêné : la menace n'étant pas en soi un PNJ, je me retrouvais face à deux possibilités : soit j'inventais à l'avance une ou plusieurs manières de la vaincre, soit je laisse les joueurs trouver la façon de la vaincre, que je juge ok ou pas. Mais la difficulté, c'est que l'épreuve est à la fin du scénar, elle est donc plus ou moins un passage obligé et ne peut pas être secondaire.
J'ai pensé à une troisième option : les joueurs pourraient entreprendre de vaincre une fois pour toute la menace, à ce moment là, on engage un conflit et c'est l'issue du conflit qui détermine, librement pour les joueurs la façon dont ils vainquent (ou s'ils échouent, c'est le MJ qui choisit l'issue).

Ce qui me laisse penser qu'en fait, il serait bien plus intéressant de toujours faire en sorte qu'on puisse également échouer ces épreuves et que les conséquences de cet échec aient un impact sur l'histoire, qui, elle continuera à progresser.
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Re: Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

Message par Christoph » 09 Juin 2010, 14:14

Salut Fréd'

J'ai un peu réfléchi à ce rapport. Je le trouve très intéressant, et j'aurais des questions à te poser sur la partie. Ce qui m'ennuie, ce sont les questions que tu poses à la fin. Tu les poses en toute généralité. Personne ne peut raisonnablement donner de réponse à ces questions, pour toute partie. Je pense que c'est en partie ça qui t'a fait hésiter entre les deux rubriques. Si on s'intéresse à ce jeu précis et en particulier à la partie que tu as jouée, alors on va commencer à pouvoir réfléchir à ce qui se passe et donner des réponses utiles pour toi. C'est aussi en s'intéressant de plus près à ce jeu que son stade de développement peut devenir important (ou pas! je l'admets.)

En fait, je suis assez d'accord avec Esthane: ton approche au personnage était probablement hors-sujet (là où l'attitude belliqueuse entre peuples était de la Couleur, tu en as fait une Situation qui ne renforçait pas la démarche créative en cours, ce qui n'est pas forcément dysfonctionnel, juste un peu hors-sujet).
Je ne l'ai pas vu étiqueter les gens, il a par exemple dit « un seul joueur qui souhaitait une approche plus simulationniste » (okay, on peut pinailler sur le fait que ce n'est pas une question de degrés et qu'il faut distinguer ludiste et ludique). Il parle de ce que les gens veulent, et ton rapport ne nous rassure pas sur le fait que tu voulais ce que la partie avait à te proposer.
Là où je suis d'accord avec toi, c'est qu'un jeu bien foutu a le potentiel de minimiser ce genre de confusions, même si en premier lieu, il faut que tout le monde soit sur la même longueur d'onde quant à ce qu'on va faire.
Si c'est okay pour tout le monde qu'il y aura une (ou plusieurs) énigmes qui peuvent potentiellement bloquer la progression du scénar, bon ben okay. Pour moi, c'est de la mauvaise conception. Je serais d'accord d'avoir des énigmes vitales, mais au moins si on n'en trouve pas la solution, qu'on ait une issue de secours (qui nous coûte quelque chose) ou alors qu'on se prenne une belle raclée bien méritée. Mais que les choses avancent! Ce qui rejoint l'avis de Julien.
C'est en partie ce que j'avais essayé de faire avec notre partie de D&D (j'avais trouvé plutôt difficile, peut-être que l'approche de Julien G. est plus constructive à ce niveau?)

Je trouve aussi très intéressante la dernière réflexion de Julien, sur le fait que les énigmes bloquantes peuvent être un mécanisme de renforcement social entre gens qui se connaissent très bien.

Concernant ta partie, je serais bien intéressé à en savoir plus sur l'habileté du MJ à placer les jets de dés pile au bon moment. Qu'est-ce qui faisait que ces lancers de dés étaient adéquats?
Innommable: hurlez.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
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Re: Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

Message par Frédéric » 09 Juin 2010, 15:36

OK, pour préciser, ce que je reproche à esthane, c'est de régler le problème en disant : c'est pas ton truc, arrête ce genre de parties. Moi je n'ai rien contre la résolution d'énigmes, ni le fait de surmonter des défis avec mes cellules grises. Mais alors qu'elles soient à la hauteur et qu'elles ne soient pas non plus insurmontables et qu'elles ne bloquent pas la partie. Il faut reconnaître d'ailleurs que la situation que je décris a le mérite de nous permettre de jouer quand même si on ne résout pas l'énigme.

Selon moi, la partie jouée n'avait pas de démarche créative identifiable. C'était tout aussi pertinent de se focaliser sur la situation que de surmonter l'épreuve. Si j'ai dévié de l'objectif fixé pour la scène, c'est parce que l'épreuve ne constituait pas un véritable défi, puisque j'avais vite compris où ça voulait en venir.
Mon choix n'était pas conscient, il s'agissait de faire ce qui m'apparaissait le plus intéressant sur le moment. La partie avait des relents de participationnisme et cette scène tout à coup nous offrait de beaux espaces de créativité. Je n'ai pas trahis la démarche créative à l'œuvre, puisqu'il n'y en avait pas vraiment. D'ailleurs, cette "digression" est ce que tout le monde a retenu de la partie comme étant le meilleur moment.
Je pense que pour personne il n'y a eu de problème identifiable, sauf pour moi qui me rendais bien compte qu'après cette tentative de suicide, je ne pouvais plus répondre aux attentes du scénario par soucis de crédibilité alors que je connaissais la solution.

Mais en dehors de ça, je pense que les situations proposées, en tant qu'elles ont une certaine cohérence entre elles, et la manière dont elles sont explorées jouent un rôle prépondérant dans le soutient efficace d'une démarche créative.
Dans mon expérience de MJ, j'ai le sentiment que ce genre de techniques (particulièrement celle-ci qui pose une énigme au beau milieu d'espaces de créativité gigantesques) offrent une véritable exposition aux dysfonctionnements.

Le jeu en lui même est plutôt classique dans sa structure, avec des mécanismes de résolution, d'xp et un scénario écrit à l'avance.
Certaines phases du jeu étaient assez téléguidées, certaines scènes nous conduisaient à réagir, mais rarement à être entreprenants vis à vis de l'histoire.
Pour moi, on était dans un cas de figure classique et assez peu surprenant (bien que le jeu offre une magie freeform et que l'univers possède un exotisme assez sympa).

Comme la partie était un multitable, nous avions la possibilité de changer de table.
J'ai commencé avec une première tablée. Nous avancions de situation en situation, avec une mission. Nous interrogions des PNJ. À un moment, un PJ s'effondre au sol, un joueur dit : j'essaye de le rattraper. Le MJ lui dit : lance le dé. Échec, tu es trop lent, il tombe au sol. Là je me suis dit : waw, vraiment, là ça n'avait aucun intérêt de lancer les dés, puisque de toutes façons, ça n'impliquait aucune conséquence sur l'histoire. Voire même ça ne définissait aucunement le personnage comme quelqu'un de prompt au soutien, puisque l'action était engagée par le joueur de toute façon.

Le MJ avec lequel j'étais sur cette scène, donc, après avoir changé de table, ne nous faisait lancer les dés que lorsqu'il y avait un enjeu. Par exemple que le PJ de Gaël convainque le mien de ne pas attenter à sa vie.

J'ai vraiment ouvert ce sujet pour parler de ce type de techniques (d'épreuves) plutôt que de ce jeu précis ou de démarches créatives. Et en dehors du fait que beaucoup de scènes étaient téléguidées, je ne suis pas sûr que les autres techniques aient une véritable influence sur la portée de la technique décrite (sauf s'il y en avait eues des suffisamment originales pour avoir une véritable emprise des joueurs sur la résolution de l'épreuve).
Si c'est okay pour tout le monde qu'il y aura une (ou plusieurs) énigmes qui peuvent potentiellement bloquer la progression du scénar, bon ben okay. Pour moi, c'est de la mauvaise conception.

Voilà c'est pour avoir ce genre d'avis ou les idées exposées par Julien que j'ai ouvert ce sujet, ce que tu nous dis, si je comprends bien, c'est que les épreuves ok, si ça ne bloque pas le scénar.

Ce genre de techniques m'intéresse pour la raison suivante :
Sur The Forge, on ne peut pas dire qu'ils aient beaucoup développé les jeux soutenant le simulationnisme, alors que Eero dit lui-même que rares sont les jeux soutenant vraiment cette démarche créative.
Ron Edwards dit dans le chapitre 6 du LNS (trad en vf sur PTGPTB) :
Ron Edwards a écrit :
  • Aventures linéaires, dans lesquelles le MJ fournit une série de rencontres prévues dans un certain ordre.
  • Aventures ramifiées linéaires, dans lesquelles le MJ fait la même chose qu'au-dessus, mais prévoit plusieurs directions ou séquences que les joueurs peuvent emprunter.
  • Tous les chemins mènent à Rome, où le MJ a préparé une scène culminante et manœuvre, ou détermine d'une autre manière que, les actions des personnages mènent à cette scène. (En pratique, l'improvisation mène couramment à cette méthode.)
  • Maîtrise par Bangs, (bang-driven mode, « maîtrise par coups »; mener la partie par rebondissements, ou « Bang! Il se passe X, que faites-vous? ») où le MJ a préparé une série d'événements déclencheurs, mais n'a pas anticipé de résultat ou de confrontation spécifiques. (Ceci est précisément le contraire de Tous les chemins mènent à Rome.)
  • Diagramme de relations, où le MJ a préparé une trame complexe dont les personnages non-joueurs, quand ils sont rencontrés par les personnages joueurs, réagissent en fonction des actions des PJ, mais sans prédétermination des séquences ou des résultat de ces rencontres.
  • Continuité intuitive, où le MJ utilise les intérêts et les actions des joueurs en début de partie pour construire les crises et le contenu effectif de la suite. (Ceci est une forme d'improvisation qui peut, ou pas, devenir une Tous les chemins mènent à Rome.)

Bref, au delà des bangs, de la continuité intuitive et des diagrammes de relations, on ne trouve pas beaucoup de techniques "scénaristiques" favorisant la liberté d'action des joueurs.
J'ajouterai les "révélations indépendantes" : c'est plus ou moins le fonctionnement d'Innommable : le MJ prépare des révélations à propos d'une intrigue qui seront placées dans la partie sans chercher à présumer des actes des PJ.
Et aussi le "bac à sable" qui place des éléments du scénar souvent de manière spatiale ou géographiques en acceptant qu'ils puissent ne pas intéresser les joueurs ou qu'ils puissent passer à côté.

Dans certains de mes jeux, je me rends compte que le fait même de donner quelque chose à faire aux joueurs avec une attente de résultat est souvent problématique. La partie sur laquelle se base ce CR m'a fait naître cette idée que cette attente de résultat était structurellement un obstacle à la créativité des joueurs. Je ne dis pas que ça ne marche jamais, mais que ça s'oppose assez directement à l'idée de potentialité qui pour moi est au cœur du JDR.
Mais comme je n'aime pas l'idée qu'une technique soit forcément bonne ou mauvaise, j'ai ouvert ce thread pour explorer les possibilités qu'offrent ces techniques et comment les utiliser d'une manière enrichissante quelles que soient les démarches créatives que l'on veut soutenir.
Les apports de Julien sont déjà très intéressants.
j'ai remarqué que par influence des fictions-référence (films, séries, romans et même jeu vidéo...), on avait tendance à proposer des épreuves binaires en JDR : je réussis c'est bon, je rate, c'est pas bon.
Ce que je crois, c'est que même en mode ludiste, on peut appréhender des choses bien plus complexes et constructives. C'est ce que j'essaye d'explorer avec Jeu de Dupes et Gloria.
L'idée d'une épreuve dont la réussite octroie un bonus ou une aide pour les PJ mais l'échec ne fait que rater ce bonus - bien que déjà binaire - offre une nuance et permet d'imaginer des trames scénaristiques basées sur ce principe. L'idée que l'histoire doive continuer même en cas d'échec ou de stagnation face à l'épreuve est aussi importante, je pense.

Bref, si je devais reformuler mes questions de manière synthétique, ce serait : comment exploiter ces techniques sans briser les potentialités qu'offrent l'exploration* ?
Mais c'est un peu plus complexe comme formulation. ^^

* Explorer = faire du JDR, générer de la fiction rôliste.
Frédéric
 
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Re: Le scénario en conflit avec la créativité des joueurs

Message par Kco Quidam (Julien Gobin) » 09 Juin 2010, 18:31

Je n'ai pas encore lut les deux dernières réponses, mais je pense que tu peut jeter l'oeil aux règles de Fantasy car j'ai eut visiblement à un moment des problèmes pas similaires mais proches. Peut être que tu trouvera une inspiration pour trouver une solution ^^.

Je reviendrais sur les deux dernières réponses dès que j'aurai le temps.
Kco Quidam (Julien Gobin)
 
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