Salut à tous
J’étais également à la partie de Fabien (Joueur « Guillaume »), j’en suis ressorti avec des impressions proches de celles de Fabien. Nous avons mené la partie jusqu’au bout, nous avons, je pense, cherché à incarner nos personnages et à faire vivre les conflits en étayant nos passes d’armes d’arguments et de description, bref nous avons pris ce jeu « au sérieux » contrairement à ce qui a pu être évoqué plus haut.
Je comprends que c’est un jeu qui cherche avant tout à matérialiser l’engagement : jusqu’où un personnage est-il prêt à aller pour défendre une cause, une idée, une personne ?
Or c’est là que se trouve à mes yeux le manquement dans ce système : les conflits manquent à mes yeux de nuance : lors des combats, j’avais l’impression d’un maelström emportant PJ et PNJ dans une confrontation sans merci où l’issue ne pouvait être que la déroute de l’un des deux camps.
Je précise cette vision :
1) Pas de place pour la concession
En effet, on annonce au début les enjeux, en définissant une ligne d’opposition claire : au moins le conflit est bien dessiné, mais je trouve que le système rend mal le principe du compromis : La volonté d’aller jusqu’au bout d’un personnage se traduit uniquement par l’escalade, jamais par la reculade sur le principe « pour sauver l’essentiel je lâche sur l’accessoire, je mets de l’eau dans mon vin. Or c’est une forme de sacrifice importante en cas de conflit, ce choix de transiger, d’abandonner un peu de ce qui nous est cher pour faire passer le reste.
Et je ne trouve pas que le système de d’encaissement rendre bien compte de cela : justement, on peut passer un conflit à encaisser et pourtant à la fin le remporter et faire reculer son adversaire sur toute la ligne.
Alors j’ai lu plus haut que la victoire permettait au joueur de décrire ce qui se passait, y compris de tempérer sa victoire s’il le souhaitait. Mais je pense justement que des mécanismes rendant compte de la possibilité de tempérer ses propos, de lâcher du lest pour mieux gagner sur le reste auraient permis de mieux simuler une dynamique de conflit, notamment en matérialisant pour les joueurs leur effet.
En fait, j’aurai attendu des éléments des règles permettant de simuler un déplacement du conflit (par des effets d’une victoire plus limités du fait de la concession en échange d’avantage dans la résolution dudit conflit). Exemple : mon personnage cherche à convaincre frère Yael d’abandonner la boisson : Il n’est pas possible de simuler le fait que mon personnage modère son approche au cours de la discussion en cessant d’exiger de Yael qu’il arrête immédiatement l’alcool, et en lui demandant à la place qu’il s’engage à diminuer sa consommation (devant Dieu, sa famille, sa communauté ou que sais-je) et à ne plus cultiver le houblon, dans l’optique d’arrêter un jour.
Bref, pour un jeu playtesté et approuvé, je trouve la mécanique du conflit incomplète dans ce qu’elle simule.
2) Pas de réelle désescalade
Je reprends ici une remarque de Fabien : Une fois que l’on sort les flingues (ou les poings), pas vraiment de retour en arrière : je ne peux pas raisonner l’adversaire, rengainer mon flingue : les deux supplémentaires jetés sont toujours là (certes, il y a le fait que l’on peut choisir de n’envoyer que des D4 au lieu de D10 comme le soulevait Frédéric dans sa 1ère réponse, mais en revanche, si j’ai 2D10 en flingues, ben les 2D10+1D4 et éventuellement le 1D6 de l’arme sont toujours sur la table) : il y a un côté « tout cap franchit l’est irrémédiablement », alors certes, c’est plutôt rare que lorsque que l’on commence à se tirer dessus on termine en discutant aimablement autour du thé, mais pour autant cela limite les situations possible :
Par exemple, pas de situation où l’on échange des coups de feu, puis l’un des deux protagonistes fait remarquer à l’autre que là ils vont juste s’entretuer et qu’ils feraient bien de rengainer les flingues (en fait, le faire serait, en termes de jeu, l’équivalent d’un abandon, donc d’une défaite totale, alors que c’est une simple tentative de limiter la violence du conflit), au pire cela échouerait et alors le choix deviendrait bel et bien suivre l’escalade ou se retirer.
3) Risques d’abus du système
Je partage également cette sensation qu’il est possible d’abuser le système avec des traits extrêmement versatiles (« I am a Dog » mais pas seulement : mon perso avait par exemple un trait intimidant les personnes qu’il voyait explicitement comme des pêcheurs, et bien c’était autrement plus utile que son trait disant qu’il était un « survivant » capable de supporter des conditions extrêmes). Et pourtant nous n’avons pas joué à « Roule-Dé RPG » pendant la session, loin de là ! Les échanges étaient ponctués de descriptions de nos actions ou de l’énonciation de nos arguments, toute introduction d’un nouveau trait était justifiée, Fabien en ayant d’ailleurs parfois refusé pour des questions de cohérence.
Sauf que justement, même en étant de bonne fois, en tant que joueur, l’on est toujours tenté de mettre toutes les armes de son côté. Sans même faire de l’anti-jeu ! Après tout, si mon personnage a une force, pourquoi ne la mettrait-il à contribution pour le conflit, les traités élevés représentant généralement les points forts de quelqu’un, ou une attitude avec laquelle il est à l’aise et qu’il aura donc tendance à adopter naturellement.
Alors il est vrai que les systèmes fondés sur des traits rédigés librement sont plus propices à ce genre d’abus que des systèmes fondés sur des listes précises de caractéristiques / compétences. Je pense en fait qu’il aurait été appréciable qu’un système d’équilibrage / garde-fou existe au-delà de la seule bonne foi des participants. A moins que l’on considère qu’il faut s’en remettre à l’autorité souveraine du MJ pour arbitrer ces cas.
A part cela, le système présente un dynamisme certain et une dimension tactique intéressante (comment je positionne mes dés face aux siens, comment je mène mon approche, est-ce que je lâche tout dès le début, au risque de me retrouver tout nu s’il escalade…), même si j’ai la crainte latente que le système se révèle lassant à la longue : en effet, sur le strict plan mécanique, j’ai trouvé que les conflits avaient un peu tendance à se ressembler.
Rejouerais-je à DitV ? Pourquoi pas, si l’occasion se représente. En ferais-je pendant toute une campagne ? Probablement pas. Est-ce que j’en ferai mon livre de chevet ? Non, un jeu amusant, pas une référence à mes yeux.