[Yôkai] Les ambitions d'une prêtresse

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[Yôkai] Les ambitions d'une prêtresse

Message par Fabien | L'Alcyon » 19 Jan 2011, 15:54

Voici le rapport de ma deuxième partie de Yôkai, jouée avec Alice hier soir. J'ai modifié les règles en accord avec quelques réflexions que je m'étais faites.

La partie s'est donc déroulé ainsi (ce qui est très proche de la dernière version que tu m'as envoyée, Fred):
Acte I
Scène 1: Exposition du lieu
Scène 2: Premier Drame
Acte II : Déroulement des scènes jusqu'à épuisement des dés de Drame
Acte III
On lance les dés pour savoir qui est le Responsable. Un joueur fait la narration du Responsable.
On vote (avec des dés) pour savoir quels Drames vont se réaliser et quels Drames ne se dérouleront pas.
On lance les dés pour savoir qui est le Sauveur. Un joueur fait la narration du Sauveur. Fin de la partie

On a appliqué le fait de dire chacun une phrase, l'un après l'autre. C'est vraiment un mode de création intéressant parce qu'on est limité dans ses apports à l'histoire et que l'on doit donc bien faire attention à ce que l'on dit, ce qui encourage aussi un langage plus soigné. Ca participe à la beauté du jeu.
On a appliqué le coup de clore une scène en tapant les bords de ses mains, paumes tournées vers soi.
Chaque scène était initié à tour de rôle par un autre joueur, qui donnait également un titre à la scène (ce qui est intéressant parce que ça donne une certaine cohérence). Ca permet aussi de mettre d'accord deux manières de faire différentes : Alice prévoyait assez longtemps à l'avance ce qu'elle voulait pour l'histoire (et donc ses plans étaient régulièrement dérangés par mes phrases) tandis ce que je disais souvent ce qu'il me passait par la tête de plus fertile pour l'histoire (et les phrases d'Alice me permettait donc de fertiliser mes propres avancées).
On a fait la partie avec chacun deux dés de Drame (on ne voulait pas que ça dure trop longtemps). A la réflexion, il aurait été plus intéressant d'avoir chacun un dé de Drame et d'en avoir deux disponibles au milieu de la table.
Même si on ne l'a pas utilisé ici, on a établi la règle que lorsqu'un personnage d'un joueur est visé par un Drame, son joueur peut attribuer le dé de Drame à un personnage secondaire (le salaud !). De même, un joueur peut demander à ce que le dé de Drame d'un autre personnage soit attribué à son personnage (quelle abnégation !). Dans tous les cas, il faut pouvoir l'expliquer de manière crédible dans la fiction.

Après tirage des dés (et échange de personnage, Alice préférant le yôkai) on a obtenu:
Fabien: une prêtresse chanceuse
Alice: un esprit enfant (zashiki-warashi) dont voici la description :
un esprit domestique ressemblant à un enfant de 3 à 12 ans. Tant que l'esprit habite une maison, ses habitants seront prospères, mais s'il la quitte, elle tombera en ruines. Il joue cependant des tours aux personnes endormies, en déplaçant les oreillers ou les draps. Les plus cruels sont souvent ceux dont la mort a été la plus atroce.

Je me demande, pour le choix de l'humain, si le joueur ne devrait pas pouvoir choisir l'adjectif, de manière à pouvoir partiellement réorienter un rôle qui ne lui convient pas trop.

Lieu : sur la route

Allez ! Maintenant, la partie en elle-même.
Je mets "A" lorsque c'est une narration d'Alice et "F" lorsque c'est une de mes narrations.

***

Acte I
Scène 1
A: La maison se trouve sur une route, près d'un pont au-dessus d'un précipice, menant à une forêt.
F: C'est une très vieille route, qui n'est plus empruntée aujourd'hui.
A: Cette maison appartient aux descendants des gardes-barrières chargés de percevoir le péage, à l'époque où l'Empereur règnait encore.
Fin de la scène

Scène 2
F: La prêtresse et son apprentie marchent en quête d'un refuge contre la nuit et la neige.
A: Elles découvrent des offrandes.
F: La prêtresse croit à sa chance, lève les yeux et aperçoit au loin la maison : elles frappent mais on refuse de leur ouvrir.
A: Les habitants ont peur que la présence de la prêtresse ne chasse l'esprit enfant.
F: La prêtresse tambourine à la porte : "Ouvrez, ouvrez ! Mon apprentie est très malade !" (Je pose un dé de Drame pour l'apprentie, qui est malade.)
Fin de la scène

Acte II
Scène 1 (mise en place par Alice) La rencontre de la prêtresse et de l'esprit enfant
A: Les habitants les ont laissées entrer et la prêtresse s'est rendu compte que c'était par peur plus que par malveillance qu'ils n'ont pas voulu lui ouvrir.
F: La prêtresse veille son apprentie et prend soin d'elle.
A: La prêtresse et son apprentie ont été installées dans une pièce sans tissus.
F: Heureusement, elle possède une couverture qui lui permet de garder son apprentie au chaud.
A: S'endormant doucement, la prêtresse est réveillée en sursaut lorsqu'elle sent un voile glisser sur sa tête ; elle se relève : la pièce est emplie de couverture et de draps.
F: Certains d'entre eux sont tachés de sang.
A: La prêtresse entend des paroles de l'enfant qui veut lui dire quelque chose.
F: Elle s'empare de bâtons d'encens allumés et récite quelques prières pour faire apparaître ce que l'esprit enfant veut lui montrer.
Fin de la scène

Scène 2 (mise en place par Fabien) Une triste trahison
(Là on a un peu cabotiné en se racontant que les bords de l'image sont flous et que tout est en sépia pour évoquer le passé)
F: C'était à l'époque où le péage était florissant.
A: Un jour un régiment de gardes impériaux vint violemment réclamer la taxe parvenue incomplète à la capitale [pour une raison qui reste inconnue et n'a pas été éclaircie durant la partie].
F: Croyant que l'esprit enfant ne les protégeaient plus, les habitants cessèrent de lui faire des offrandes. (Je pose alors mon deuxième dé de Drame pour l'esprit enfant, Alice l'accepte. Elle me demande en quoi c'est vraiment un Drame et j'explique qu'il risque de mourir de faim.)
A: L'esprit enfant est triste, il avait tout préparé pour que la fille de la maison puisse se marier avec le capitaine des gardes ; se croyant trahi, il se mets à voler les draps et les couettes des gardes.
F: Se croyant victime d'une farce mesquine, le capitaine des gardes confronte le père de famille et la rencontre tourne à un affrontement qui laisse au père des blessures dont il ne guérira pas (ce qui permet d'expliquer pourquoi certains draps sont tachés de sang).
A: Les habitants tentèrent de se réconcilier avec l'esprit enfant en promettant qu'à chaque génération, l'un d'entre eux resterait dans cette maison (Alice alloue un dé de Drame aux habitants ; je lui demande en quoi c'est un dé de Drame et elle me décrit combien cette malédiction éternelle pèse sur la famille : comme quoi l'importance fictionelle est très dépendante du point de vue)
F: Mais il était déjà trop tard, l'Empereur fit fermer la route.

Scène 3 (mise en place par Alice) L'innocence bafouée (bon, c'est le moins mauvais titre qu'on ait pu trouver)
A: "Et ainsi j'ai toujours été accusé à tort, autant durant ma vie que durant ma mort !" s'exclame l'esprit enfant.
F: La prêtresse réunit alors tous les habitants de la maison (je manquais d'idées)
A: Qui conviennent qu'il faut faire quelque chose de symbolique pour plaire à l'esprit enfant et retrouver sa confiance, l'esprit enfant promettant également de guérir l'apprentie.
F: Ils décident alors de précipiter la prêtresse dans le précipice (Avec l'accord d'Alice, j'utilise un de ses dés de Drame pour le mettre sur mon propre personnage).
Fin de la scène

Les quatre dés de Drame ont été alloués, nous passons donc à l'
Acte III
On lance les dés : c'est la prêtresse qui est le Responsable de cette situation. C'est mon personnage, c'est moi qui fait la narration. Ca m'a demandé un peu de réflexion pour trouver quelque chose de cohérent (comment peut-elle être responsable d'événements qu'elle n'a pas vécu?).
La prêtresse s'avance vers le devant de la scène et s'adresse au public: "Oui, je suis venue ici attirée par l'ambition. Je connaissais la malédiction qui frappe cette famille et l'empêche de quitter cette maison. Je voulais me marier avec l'un d'entre eux pour devenir la gardienne du précipice au-dessus duquel passe le pont, car une vieille légende affirme qu'il permet d'accéder au paradis. Je serais ainsi devenue une sainte et une religieuse de premier ordre, connue et reconnue. J'ai entretenu la maladie de mon apprentie pour entrer dans cette maison."

On vote ensuite pour savoir qui devra affronter son Drame. Votes:
L'apprentie malade : 1 vote, son Drame ne se réalise pas
L'esprit enfant affamé par le manque d'offrandes : 2 votes, son Drame se réalise
Les habitants de la maison condamnés à ce que l'un d'entre eux reste à chaque génération reste attaché à la maison : 0 vote, leur Drame se réalise
La prêtresse jetée dans le vide : 1 vote, son Drame ne se réalise pas.

On lance les dés: c'est l'apprentie qui est la Sauveuse. Alice raconte:
L'apprentie, au pire de sa maladie, parvient à s'en échapper en quittant son corps grâce aux techniques de méditation qu'elle a appris. Elle parvient à convaincre l'esprit enfant de sauver la prêtresse car, même s'il ne l'a pas voulu, ce sacrifice lui est destiné. Il brûle alors ses dernières énergies pour la rattraper et disparaît ensuite. La prêtresse quitte les lieux. L'esprit de l'apprentie devient alors le nouvel esprit domestique de la maison et prend soin des habitants qui resteront ici en échange pour lui faire des offrandes.

La partie a duré environ une heure et demi.

***

Fred, ma première conclusion, c'est que les règles sont déjà vraiment efficaces. Elles font exactement ce qu'on leur demande, donc il y a déjà une partie énorme de conception qui n'est plus à faire (contrairement à Monostatos par exemple pour lequel je ne suis toujours pas arrivé à réaliser ma vision). Les ajustements à faire sont plutôt de l'ordre de la répartition de la parole (par exemple), comme on en discutait par mail avec ta dernière version des règles. A voir cependant si ta vision change.
Ma deuxième conclusion, en accord avec ce que tu me disais, c'est que le fait qu'un seul joueur raconte toute l'issue, ça fait beaucoup ! Même pour la narration du Responsable, d'ailleurs. Ici ça allait parce qu'on s'est partagé les narrations (moi celle du Responsable et Alice celle du Sauveur) mais ça pose deux problèmes: d'abord un problème de répartition de la parole et un autre problème de capacité à inventer une histoire cohérente aussi rapidement (un peu comme le commentaire de Fanny).
Ma troisième conclusion, c'est l'importance des dés de Drame. Ici, la règle était que seuls lançaient un dé (pour déterminer s'il était Responsable ou Sauveur) les personnages qui avaient un dé de Drame (ce qui est plus ou moins ce qu'on avait fait dans le premier test) ; si un personnage a plusieurs dés de Drame, on lance une fois pour chaque dé. Donc plus un personnage a des dés de Drame, plus il a de chance d'être au centre de l'histoire. Un personnage qui n'a aucun Drame ne peut être ni Responsable, ni Sauveur. Je trouve que c'est un excellent mécanisme parce que ça veut dire que plus un personnage souffre, plus il est important pour l'histoire, ce qui me semble être centrale pour un drame.

Fred, est-ce que tout ceci t'aide à avancer ?
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Re: [Yôkai] Les ambitions d'une prêtresse

Message par Frédéric » 19 Jan 2011, 21:07

Excellent !
Superbe histoire. J'ai fait un playtest aujourd'hui avec Gaël qui était plaisant, mais pas complètement convaincant, je ferai un compte-rendu rapidement.
Je relis ton CR et je reviens en discuter.
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Re: [Yôkai] Les ambitions d'une prêtresse

Message par Frédéric » 20 Jan 2011, 00:29

Je trouve aussi que narrer une phrase chacun est très chouette pour ce jeu (en exagérant un peu on pourrait dire que ça donne un côté un peu "haiku" aux narrations).

Je suis aussi d'accord quant au fait que le joueur devrait choisir son adjectif dans la liste, ou en inventer un, plutôt que de le tirer au hasard.

Par rapport au fait de placer des dés de drame au milieu de la table, pourquoi pas, mais éviter d'en changer la nature (comme j'en ai fait la malencontreuse expérience ici : viewtopic.php?f=3&t=2321
Les joueurs auraient tous 1 à 2 dés de drame et on en poserait 1 à 2 par joueur en plus au milieu de la table, accessibles à tous. (le nombre dépend de la durée souhaitée pour la partie.
Gaël a trouvé ça très bon qu'on puisse faire des parties ultra courtes).


Concernant la difficulté à faire de la prêtresse la responsable des drames : c'est logique puisque vous avez construit l'origine des drames dans un flashback...


Rôle des joueurs : Je suis content de constater une chose, en dehors du flashback, vous avez chacun joué votre personnage prioritairement. Tu as décri un peu le décor et ajouté des éléments importants en posant des drames. Et Alice a fait de même.

Donc voici ma vision du partage de narration de ce jeu : un joueur joue tous les yôkai (sachant que le yôkai tiré aux dés est celui qui a un rôle important dans l'histoire et qu'il peut y en avoir plusieurs de même espèce). Il peut en jouer des bienveillants et des malveillants, à sa guise (et aussi en fonction de son interprétation du yôkai qu'il a tiré aux dés).
Chaque autre joueur joue un humain. Les joueurs humains ont le droit de narrer ce que voient leurs personnages et narrent leurs actions en entier (avec résultat). Le joueur-Yôkai joue prioritairement les personnages secondaires et le décor (mais sans exclusivité). Et chacun peut poser des drames.


Je suis aussi entièrement d'accord sur la question de la répartition de la parole après les votes. J'ai un embryon de solution :
Les problèmes sont notés sur la feuille de jeu en précisant quel personnage est affecté à chaque fois : les joueurs narrent l'issue pour leurs personnages et soit on se partage les problèmes des PNJ soit c'est le joueur-yôkai qui s'en charge.

Enfin, les dés de drame sont imposés, mais un joueur peut se sacrifier pour prendre sur lui le dé de drame d'un autre (et c'est tout). Ça permet de rendre les personnages qui se sacrifient plus valeureux aux yeux des joueurs quand ils votent à la fin de la partie.


Donne moi ton avis. ;)
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Re: [Yôkai] Les ambitions d'une prêtresse

Message par Fabien | L'Alcyon » 20 Jan 2011, 12:46

Effectivement, je trouve que tes règles méritent d'être testées avec une partie à au moins 3 personnes. Si je récapitule bien:
  • un seul joueur joue tous les yôkai, les autres jouent des êtres humains, tout le monde peut poser des dés (très important, selon moi)
  • les dés de Drame sont imposés et un autre joueur peut demander à les prendre sur soi (effectivement, je pense qu'on peut se débarrasser aisément et avec profit de l'aléatoire)
  • pas de Sauveur, chacun raconte comment se résout ou pas le Drame de son personnage

Il peut lancer le dé pour avoir une chance de le transférer sur un autre personnage : c'est pas très intéressant en l'état, il faut que je trouve autre chose : j'imagine implorer le Yôkai pour qu'il transfère le drame, comme une sorte de transgression qui transfère le drame sur un autre personnage... Fabien, j'aimerais bien que tu me dises ce qu'ont donné ces techniques dans ta partie. Est-ce que c'était pas mieux que les dés de drame soient donnés, point, on n'a plus qu'à attendre la fin de la partie pour voir ce que ça donne... (issu de l'autre sujet)

Nous n'avons pas utilisé la règle que l'on s'était fixé, selon laquelle on pouvait rejeter un dé de Drame sur un autre personnage. Néanmoins, le fait qu'Alice ait été tentée de l'utiliser à moment m'a paru vraiment intéressant. Je trouve également que c'est plus intéressant de ne pas devoir forcément subir passivement le Drame, mais que d'y réagir ait un prix moral (la solution d'implorer le yôkai a de la couleur, mais elle me paraît déséquilibrer le jeu et la scène me semble un peu ridicule). Je pense donc que cette règle mérite d'être encore testée et de ne pas être abandonnée trop vite.

(Je réagis aux questions soulevés par l'autre partie dans son fil.)
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Re: [Yôkai] Les ambitions d'une prêtresse

Message par Frédéric » 20 Jan 2011, 12:59

Ok, je réfléchis à la "transgression".
Dans notre partie avec Gaël, ça n'avait pas bien fonctionné de transmettre le dé sur un autre personnage, mais il y avait trop de facteurs négatifs à mon avis. Il faut vraiment que le poids d'une transgression soit lourd, que le perso passe vraiment pour un salaud.

Je pense aussi que la possibilité d'être sauvé par quelqu'un d'autre a cela d'intéressant que le joueur peut créer des relations avec les autres personnages et agir de manière à toucher un joueur pour qu'il sacrifie son personnage. Ce serait intéressant qu'un joueur puisse prendre sur lui le problème d'un autre, un moment après qu'il a été posé. (Une scène ? Un acte ?)
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