J'ai fait ma première partie de Sweet Agatha la semaine dernière avec un ami (Christophe). Lors de cette partie la question de qui peut dire quoi a émergé. Si vous souhaitez le CR complet il est dispo ici. Ma question ne concerne qu'une partie donc je n'en garde que ce qui m'intéresse là :
Scène 2 :
Objectif : aller au Parc St Charles
- Un animal semble vous suivre
- Un objet tellement rouillé qu’il est méconnaissable
- Une note en forme de coeur accroché à un arbre avec une fléchette : on peut y lire “ 039952152318”
Christophe a fait émerger l'essentiel de cette scène. C'était donc beaucoup un monologue avec très peu de coupure de ma part. Je l'ai laissé libre de faire ce qu'il voulait. J'ai été surpris par le côté restreint dans la spatialité comme dans l'utilisation des indices. Synthèse de l'apport de Christophe : Le parc Saint Charles est un petit parc miteux où peu d’enfants doivent encore y jouer. A 7h30 du matin, il ne reste que des cadavres de capotes, de seringues et de mégots de cigarettes roulées (nul doute que ce n’est pas du tabac). Un chien regarde le lecteur et le suit comme s’il le connaissait (on ne savait pas quoi faire de cet indice). Accroché à un arbre on trouve un n° de téléphone. Tentative d’appel. Rien pas de tonalité.
Une petite boîte rouillée appelle le Lecteur mais sans rien lui réveler, car il faut une clé pour l’ouvrir.
A ce stade le Lecteur n'offrait pas de solution pour la scène suivante. J'ai donc décidé de rajouter un élément supplémentaire: Agatha a rendez vous chez son gynécologue à 14h. C’est un rendez vous qu’elle ne manque JAMAIS pour cause de santé qui l'oblige a revoir ce gynécologue tous les mois. Christophe n'a pas aimé mon intervention et cela l'a dérouté un peu, il a donc modifié cette intervention en quelque chose de moins contraignant. Agatha avait un rdv chez son gynécologue à 14h, et il sait qu'elle est très ponctuelle et ne loupe jamais un rdv. Pas de problème pour ma part.
Ici je ne suis intervenu que pour apporter un élément de transition pour la scène suivante mais avec un élément prépondérant dans l'histoire. Surement trop important pour Christophe.
90% de narration pour le Lecteur, 10% pour la Vérité
Scène 3 :
Objectif : le rendez vous qu’Agatha ne rate jamais chez le cabinet de gynécologie
- Une station de développement photo en 1 heure chrono
- des reçus de papiers carbone dans un chéquier vide et provenant d’un compte au nom d’Agatha. Tous les chèques sont à l’ordre d’ “Hector”. Le montant de chacun s’élève à 555 dollars. Le plus vieux remonte à moins d’un an.
- un gynécologue obstétricien atteint d’une phobie débilitante
Christophe commence la narration en décrivant ce qu'il trouve dans la salle d'attente.
Ensuite je fais intervenir le gynécologue, je me faisais une idée très nette de ce personnage et j'avais très envie de l'introduire dans l'histoire. Chose que j'ai fait en le décrivant et le faisant vivre. Le gynécoloque qui appelle Agatha l’appelle sous un autre nom. Non ce n’est pas le sien, mais c’est bien d’Agatha que le Lecteur suhaite s’entretenir avec le médecin. Ce dernier a une propension pour le bleu et a remplacé toute trace de blanc dans son cabinet. Étrange, secoué de tics (toc?) au visage, l’ambiance est étrange dans ces différentes tonalités de bleus. Dans cet océan de couleur, une boîte rouge détonne, posée au milieu d’une étagère (c'est un indice qui appartenait à la première scène).
Christophe reprend la narration : Un échange avec le médecin confirme qu’Agatha n’a pas eu une enfance simple, qu’elle était une habituée -hélas- pendant un temps du parc St Charles.
La boîte rouge appartient bien à Agatha et révèle le talon de chèque et un développement photo. Mais qui est Hector?
Là encore Christophe finit la scène sans que je trouve comment la relancer...Du coup j'introduis un nouvel élément : Avant de se quitter, le gynécologue conseille d’aller visiter la cave d’Agatha : car elle il stockait tous ses souvenirs.
Ici je suis intervenu au milieu et j'ai même utilisé un des indices.
75% de narration pour le Lecteur et 25% pour la Vérité.
En partie voici comment s'articulait notre relation : Christophe attendait l’objectif et les indices, ensuite il partait en narration. Mes interventions le “dérangeaient” un peu -quand elle sortait du cadre d’un échange verbale entre le Lecteur et un autre personnage (interprété par moi). Si j’introduisais un élément, il avait du mal à le recoller avec sa narration.
Il y avait donc un déséquilibre assez élevé dans nos narrations. Christophe parlait beaucoup, alors que moi j’avais moins d’expression. J’évaluerais le temps de parole sur l'ensemble des 10 scènes, comme suit : 75% pour Christophe et 25% pour moi.
Donc j'avoue parfois avoir ressenti une certaine frustration de ne pas avoir la possibilité d'en dire plus et de parfois n'être cantonné qu'à donner des indices et des objectifs. Mais il y avait une certaine fluidité dans la façon dont était raconté l'histoire, c'est notre première partie à tous les 2, nous n'avons pas l'habitude des story games ...donc j'ai donc préféré laissé les choses en suivant notre instinct (en privilégiant la fluidité de l'histoire).
Après la partie Christophe m'a dit que dans son esprit, j'oriente le sens de l'histoire avec les indices et objectifs et lui la dessine avec ces éléments. Chacun son "rôle". Pour moi la direction, pour lui la narration. Il trouve tout à fait normal qu'il y ait un fort déséquilibre entre Lecteur et Vérité. Il m'a d'ailleurs dit que lors de notre prochaine partie (nous changerons de rôle), en posture de Vérité il cherchera à en dire le moins possible. Un peu comme en cuisine où il y aurait une personne pour préparer les ingrédients, l'autre pour les cuisiner (pendant que le premier regarde comment le 2em se débrouille).
De mon côté je pense le contraire. Sweet Agatha est un jeu qui recherche l'émulation par les interventions des 2 joueurs. Un des plaisirs vient des défis de mélanger les apports de narrations. Je reprends la métaphore culinaire; c'est un peu comme si le premier préparait les ingrédients et que l'autre cuisine mais en faisant participer le préparateur (par exemple en lui demandant de préparer des éléments).
Je ne cherche pas à savoir qui a raison ou qui a tord, car je suis intimement persuadé qu'il y a des centaines de façon d'y jouer et que des équilibres différents doivent se trouver à chaque tentatives.
Ma question est comment, dans le cas présent, où un joueur considère que le Lecteur a l'entier pouvoir narratif et la Vérité n'a que l'unique pouvoir sur la direction de l'histoire, trouver une manière pour que la Vérité puisse participer sans que le Lecteur trouve son pouvoir de narration rogné. Suis je clair ???
Stephane
PS : Christoph, j'ai posté ce fil dans la rubrique indépendante dédié de l'éditeur du jeu, mais si tu penses qu'il a sa place dans la rubrique partie, pas de problème pour le déplacer.