[Shock:] Jeunesse éternelle

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[Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Fabien | L'Alcyon » 08 Jan 2012, 21:34

Hier, Guillaume (Nocker), Daniel, Sonia, Fabien (Chams) et moi avons joué à Shock: social science fiction de Joshuah A.C. Newman. Nous avons commencé vers 13h30 pour finir vers 23h30, donc environ 9h de jeu (en comptant une pause pour le repas du soir, on est pas des bêtes). Ce rapport de partie se veut une présentation critique de ce jeu.

Shock: vous propose de jouer des histoires de science-fiction abordant des questions contemporaines fortes, d'ordre politique, sociale ou philosophique, à la manière d’œuvres comme Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley, 1984 de Georges Orwell ou encore Blade Runner de Ridley Scott (inspiré d'un livre de Philip K. Dick).
Je suis passionné par les sciences sociales et en particulier par ses aspects les plus critiques, qui interrogent notre société et notre mode production, autant vous dire que j'avais très envie de jouer à ce jeu et que cette première partie était attendue depuis longtemps (c'est probablement un des premiers jeux que j'ai acheté, sans jamais avoir le temps de le jouer).

Création du monde
Le jeu montre une compréhension profonde du genre de science-fiction décrit ci-dessus, puisqu'il propose aux participants de créer le monde futur dans lequel va se dérouler l'histoire grâce à deux grands éléments: les Problématiques (Issues en anglais) et le Choc (Shock en anglais).
Les Problématiques sont donc les questions sociales, politiques ou philosophiques que la partie et ses personnages vont aborder, qui se posent dans la société actuelle et que se posent les participants. Nous avons choisi:
  • Devoir familial
  • Surveillance
  • L'identité fondée sur l'apparence physique
  • Création de mythes
Le Choc est un événement qui a fondamentalement changé notre monde, souvent suite à des découvertes scientifiques ou des évolutions politiques: théocratie, clonage, arrivée des extra-terrestres, etc. Le Choc doit être choisi pour prendre en compte les Problématiques de manière intéressante. Nous avons choisi la jeunesse éternelle.
Chacun "possède" une Problématique ou le Choc, au sens forgien de "posséder" (voir cet article de Fred): avoir le veto sur le sujet, pouvoir décider en dernier ressort ce qu'il en est s'il y a conflit parmi les participants. Nous avons réparti ainsi les propriétés:
  • Devoir familial: Fabien (Chams)
  • Surveillance: Guillaume (Nocker)
  • L'identité fondée sur l'apparence physique: Daniel
  • Création de mythes: Fabien (moi)
  • Jeunesse éternelle (le Choc, donc): Sonia
Puis on décrit l'univers à partir des différentes Problématiques, celui qui possède chacun d'entre elles ayant le dernier mot. Voici ce à quoi nous sommes arrivés:
Il existe un procédé permettant d'arrêter le vieillissement. L'accès à ce procédé est réservé, ceux qui en ont le Droit sont appelés des ayant-droit. On peut gagner ou perdre le Droit, selon des règles morales fixées par l'Etat. Certaines personnes peuvent ainsi vivre très vieilles (des siècles, voire des millénaires). Parmi elles, certaines parviennent à devenir l'objet d'un culte, on les appelle des Parfaits, parce que le fait de vieillir aussi longtemps est considéré comme une marque d'une grande distinction morale. Les Parfaits sont ainsi particulièrement puissants et font du lobby auprès du gouvernement pour orienter en leur faveur les critères d'accès au Droit. C'est donc une société très conservatrice puisque les plus puissants contrôlent l'accès à la puissance.
Pour améliorer encore les choses, un individu est légalement responsable des actions de ses descendants. Comme les Parfaits ont besoin d'avoir une grande réputation et de garder un casier judiciaire vierge, ils font appel à des services privés pour surveiller étroitement leurs descendants et ont, de fait, un droit de vie ou de mort sur eux.

On choisit aussi deux « Fulcrum » (singulier « Fulcra »). Un Fulcra est une paire de manières de faire les choses dans cet univers, opposées l'une à l'autre. Nous avons choisi Hiérarchie vs. Manipulation et Violence physique vs. Violence affective.

Création des Protagonistes
Puis nous avons créé les Protagonistes, c'est-à-dire les personnages principaux de l'histoire (sauf moi qui ai décidé de ne pas jouer de Protagonistes parce que nous disposions de peu de temps et que nous étions déjà assez nombreux).
La création des Protagonistes est assez peu contrainte: il faut définir qui est le personnage, comment il aborde une des Problématiques de l'univers et décrire trois Particularités (Features en anglais: ce qui rend le personnage exceptionnel). Il faut aussi définir deux Liens (des personnes ou des idées importantes pour le Protagoniste) et un But dans l'Histoire (Story Goal en anglais). Ce But est celui du participant pour son Protagoniste, pas forcément celui du Protagoniste (qu'on peut vouloir voir mourir ou échouer par exemple). Enfin, le participant doit mettre un chiffre pour chaque Fulcra, qui détermine si le Protagoniste réussira plus ou moins bien en utilisant l'une ou l'autre manière de faire les choses, par exemple pour nous si le Protagoniste s'en sortira mieux en utilisant sa position hiérarchique ou en manipulant l'autre ; on ne peut être bon dans l'un et l'autre, il faut choisir.
Puis nous avons créé les Antagonistes qui chacun s'oppose à un Protagoniste. Un Antagoniste est créé et joué par le participant assis à la gauche du participant qui joue le Protagoniste auquel l'Antagoniste est opposé. Un Antagoniste peut être une personne ou un groupe qui va mettre des bâtons dans les roues du Protagoniste.
[Je parle d'ailleurs ici de « participant » et pas de « joueur » dans la mesure où c'est un jeu de rôle sans meneur de jeu et que le terme « joueur » est souvent utilisé par opposition à meneur.]

De mémoire à nouveau, voici les Protagonistes et leurs Antagonistes créés:
  • Daniel a créé Hermès, un Parfait souhaitant faire disparaître sa légende ; son Antagoniste, joué par Guillaume (Nocker), était un groupe de Parfaits, les Titans, cherchant à conserver le mythe des Parfaits en général
  • Guillaume (Nocker) a créé Alan, un hacker ayant réussi à se faire passer pour un ayant-droit et cherchant à faire disparaître le système de surveillance étatique contre les fraudeurs de son espèce ; son Antagoniste, joué par Sonia, était la division de la police traquant les fraudeurs comme lui
  • Sonia a créé Mozart, un ayant-droit très âgé, cherchant à prendre la place de son jumeau Parfait ; son Antagoniste était son jumeau Parfait, Agamemnon, joué par Fabien (Chams)
  • Fabien (Chams) a créé Byron, le favori à la beauté divine d'une Parfaite, Calliopé ; son Antagoniste était la division de la police surveillant spécifiquement les Parfaits, jouée par moi
La création du monde et des Protagonistes/Antagonistes nous a pris quatre heures et demi, c'est-à-dire la moitié de notre temps total de jeu.

Fonctionnement du jeu
Le jeu se joue par scène. Durant chaque scène, un Protagoniste va être confronté à un Antagoniste et chercher à se sortir de la situation. La scène se termine toujours sur un Conflit entre eux (j'explique après comment ça se passe). Une fois la scène terminé, le participant qui jouait l'Antagoniste joue son Protagoniste et celui qui est assis à sa gauche joue son Antagoniste.
Pour le premier tour de table, les scènes sont mises en place (que se passe-t-il ? où est-ce ? qui est là ?) par les Protagonistes. Après ce sont les Antagonistes qui mettent en place les scènes. Les scènes d'un Protagoniste à l'autre peuvent n'avoir aucune relations entre elles, plusieurs histoires indépendantes peuvent se poursuivre parallèlement puisque ce qui est intéressant c'est l'exploration des Problématiques et des conséquences sur Choc sur elles.
Lorsqu'on arrive à la dernière scène d'un Protagoniste (en général au bout de trois scènes), le Conflit doit (entre autres) décider si le But de l'Histoire est atteint et son histoire se finit là.

Le Protagoniste comme l'Antagoniste annoncent chacun leur Intention (ce qu'ils veulent faire durant le Conflit), de manière à ce que les Intentions soient indépendantes: l'échec ou la réussite d'une Intention ne doit pas empêcher ou forcer l'échec ou la réussite de l'autre Intention.

Puis, chacun prend un certain nombre de dés (entre 3 et 6), choisissant combien de dés il allouera pour réaliser son Intention et combien il allouera pour empêcher celle de l'autre.
Chacun lance les dés ce qui permet de déterminer si chaque Intention se réalise ou pas*. Les autres participants (le public) lancent aussi des dés et peuvent influer sur ces résultats. Le Protagoniste peut mettre en jeu un de ses Liens pour relancer les dés assignés à une Intention ou à l'autre; à la fin du Conflit il doit décider comment la relation à ce Lien change.
Une fois que l'on a déterminé si chaque Intention se réalise ou échoue, on raconte comment cela se passe et la scène se termine.

*La résolution des Conflits m'a fait des nœuds dans la tête, je ne détaille donc pas la technique précise, qui n'a d'ailleurs que peu d'importance en soi.

Il y a trois subtilités supplémentaires:
  1. dans certaines conséquences (qui peuvent être provoquées), il peut y avoir escalade dans certains cas: le Protagoniste donne une Intention ayant des conséquences plus vastes et plus ambitieuse et relance ses dés
  2. lorsqu'un Protagoniste échoue à son Intention, il gagne une Particularité supplémentaire, ce qui lui permet ensuite de lancer plus de dés au Conflit suivant; un participant peut donc faire échouer volontairement son Protagoniste pour lui donner de l'« expérience » et du caractère et ainsi se renforcer pour le dernier Conflit où se décide le But de l'Histoire
  3. le Protagoniste peut choisir combien de dés il va utiliser durant la scène, ce qui lui permet de choisir s'il sera plus ou moins puissant, mais sa réserve de dés s'amenuise progressivement; il y a notamment la question de savoir combien de dés il veut conserver pour la dernière scène où se décide le But de l'Histoire du Protagoniste

Si tout ceci est trop flou, posez-moi plus de questions.

***
Fiction créée
Je me permets de résumer rapidement chaque scène et de ne pas aller dans les détails des résolutions, dont je serais de toute manière incapable de me souvenir. J'indique au début de chaque scène le participant du Protagoniste pour clarifier un peu les choses.
Premier tour de table
Daniel (Nocker): Hermès est chez lui, entrain de travailler. Une de ses assistantes tente de l'empoisonner. Il résiste au poison et parvient à lui faire avouer qu'elle travaille pour les Titans. Ca tombe bien, ils ont invité Hermès à un gala pour bientôt.
Guillaume: Alan tente de prendre le contrôle d'un système de surveillance dans un quartier. Il échoue et son nom ainsi que celui de son fils et de la mère de son fils sont repérés par la police.
Sonia: Mozart organise une réception pour l'anniversaire de son fils, Salieri. Agamemnon, le frère Parfait de Mozart, débarque et propose à Salieri pour son anniversaire de l'adopter. Salieri refuse mais Mozart ne parvient pas à discréditer son frère.
Fabien (Chams): Byron est contacté durant une fête par la police qui enquête sur sa maîtresse. La police le convainc de travailler pour elle, mais lui ne parvient à faire voir les choses différemment à son interlocuteur.

Deuxième tour de table
Daniel: Hermès est cueilli à la sortie du gala par des urgentistes et un médecin qui veulent le faire interner dans un hôpital psychiatrique de luxe (clairement une manoeuvre des Titans). Hermès parvient à faire avouer au médecin que c'est un coup des Titans, alors que ceux-ci sortent également du gala et que de nombreux journalistes sont venus pour couvrir l'internement d'Hermès (un Parfait !). Hermès est malgré tout interné.
Guillaume (Nocker): Alan est attendu chez lui par toute sa famille, en particulier sa grand-mère, qui veut l'enfermer dans leur cave parce qu'il est en dangereux pour eux (souvenez-vous qu'on est légalement responsable de ses descendants). Il parvient à s'échapper, mais ses vivres et ressources lui sont totalement coupées.
Sonia: alors que Mozart profite de la vie sur son île privée, son frère débarque pour lui faire du chantage: soit Mozart abandonne sa fortune (il est très riche), soit il abandonne son Droit; Mozart parvient à capturer son frère pour le torturer dans sa cave et à l'empêcher d'agir
Fabien (Chams): Byron doit guider un agent de la police infiltré au bureau de sa maîtresse Parfaite, pour qu'il puisse obtenir les informations nécessaires à son arrestation; ils sont surpris par la Parfaite: Byron parvient à se faire pardonner par elle, mais l'agent parvient à s'enfuir avec les informations nécessaires

Troisième et dernier tour
Daniel: On administre à Hermès un traitement psychothérapeutique de choc pour lui faire à nouveau croire à sa propre divinité, qu'il doit affirmer durant une conférence de presse (les Titans veulent ainsi renforcer leur mythe). Hermès durant le traitement cherche à convaincre son médecin de publier ses résultats, preuve scientifique que les Parfaits sont des humains comme les autres. Les résultats en question sont détruits et le médecin assassiné, mais Hermès résiste au traitement et fini par abandonner son Droit, vieillir et mourir alors que sa légende court toujours.
Guillaume (Nocker): Alan parvient à entrer dans la Préfecture d'où est géré le système de surveillance universel. Il hacke les ordinateurs pour détruire la surveillance une bonne fois pour toute. Guillaume est amené deux fois à escalader son Intention, finalement il ne s'agit pas seulement de détruire la surveillance, mais aussi de révéler tous les dossiers criminels des Parfaits et de détruire toutes les données scientifiques permettant d'arrêter de vieillir. Non seulement il y parvient, mais les agents à sa poursuite ne parviennent pas à le tuer.
Sonia: Mozart, sur une jetée de son île, torture son frère (Agamemnon) attaché à un poteau avant de le tuer. Salieri, le fils de Mozart arrive, mais il est aux ordres d'Agamemnon qui l'a convaincu de tuer son père. Finalement, Salieri tue son père, qui ne parvient pas à tuer Agammenon.
Fabien (Chams): Calliopé a été arrêté et Byron parvient à négocier son témoignage à charge contre elle, en échange d'une échappée vers l'Amérique du Sud où le procédé pour empêcher le vieillissement est toujours conservé secrètement

Les tours de jeu nous ont pris quatre heures et demi, c'est-à-dire l'autre moitié de notre temps total de jeu.

***
Commentaire critique
J'ai essayé de comprendre pourquoi j'avais un peu été déçu par le jeu alors que les autres participants y ont pris apparemment beaucoup de plaisir.
Il y a eu quelques éléments particuliers à la partie:
  • je n'ai pas pris de Protagoniste, ce qui m'aurait m'aurait sans doute plus impliqué dans la partie
  • les règles de résolution qui m'ont fait des noeuds dans la tête: je pense que ça ira mieux la prochaine fois !
  • j'ai mal choisi l'Antagoniste du Protagoniste de Fabien (Chams): la police n'en avait pas vraiment après lui mais plutôt après sa maîtresse, ce qui finalement ne l'a pas vraiment mis en difficulté

Mais je pense qu'il y a aussi un problème inhérent au jeu lui-même. Pour résumer mon point de vue, je crois que ce jeu produit des histoires intéressantes mais ne parvient à pas à réaliser vraiment ce qu'il promet. Shock: me fait un peu l'effet d'une création d'univers géniale sur laquelle on aurait collé des règles de mise en place de scène et de résolution de Conflit fonctionnelles mais assez banales. Je vais développer un peu.
Shock: parvient à créer des histoires intéressantes, ce qui n'est pas le cas de tous les jeux qu'on a pu tester ensemble. Ca tournait assez bien, même si les scènes étaient courtes. Les Antagonistes étaient intéressants et à aucun moment je ne me suis désintéressé de ce qui se passait (le fait que le public puisse intervenir dans les scènes est vraiment une bonne idée).
Par ailleurs, la création du monde et des Protagonistes/Antagonistes valait vraiment la peine d'être faite. Le monde créé était tout à fait dans la lignée de ces mondes de science-fiction avec un fort questionnement social et politique, j'ai trouvé ça génial, l'auteur a vraiment compris un truc essentiel. J'ai éprouvé beaucoup de plaisir à construire ce monde avec les autres participants et à explorer les conséquences du Choc. Le jeu vaudrait presque la peine de n'être joué que pour ça.
Cependant, je n'ai pas trouvé que nous ayons vraiment abordé les Problématiques que nous avions au début:
  • Création de mythes: bien illustré, effectivement, grâce au personnage d'Hermès
  • Devoir familial: un peu abordé avec la scène où Alan est confronté par sa famille
  • Surveillance: à peine abordé par le fait qu'Alan combattait la surveillance, mais c'était bien tout
  • L'identité fondée sur l'apparence physique: pas du tout abordé selon moi
Même lorsque une Problématique était illustré, elle n'était pas « problématique », elle était représentée (dénoncée le plus souvent), mais on ne montrait pas en quoi ça posait problème, c'est-à-dire en quoi il y aurait des aspects positifs et des aspects négatifs. C'était juste illustratif, on a fait que survoler les problèmes. Quelques problématiques autres sont apparues (les Parfaits ne sont pas au-dessus de l'Etat par exemple), mais elles non plus n'étaient que illustrées.
Peut-être que l'auteur voulait que son jeu illustre seulement les Problématiques sous le prisme du Choc, mais je trouve très dommage de devoir se contenter de ça, sans être poussé à une vraie démarche intellectuelle, critique, comme c'est le cas dans les œuvres de science-fiction citées précédemment. Par exemple, j'ai toujours trouvé que Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley est une oeuvre renversante parce qu'elle parvient à montrer une société liberticide, totalement déterministe et sans espoir de changement ou d'élévation spirituelle, mais ayant totalement éradiqué toute douleur, toute peur, toute angoisse: voilà qui pose vraiment problème, qui pousse à la réflexion !
Pourtant, je pense que ça aurait été possible, le problème venant principalement, selon moi, de la création des Protagonistes et de la résolution de scène. Il y a beaucoup de règles qui ne servent pas le jeu: quelle est l'utilité des Liens, par exemple ? Non seulement je trouve que ça ne sert pas vraiment le jeu, mais comme c'est le participant du Protagoniste qui décide comment se modifie la relation avec son Lien, cela affaiblit le fait de l'impliquer dans le Conflit. De même, les Buts de l'Histoire peuvent être assez étrangers aux Problématiques, plutôt que d'être liées à elles.
Je pense qu'on pourrait faire un jdr abordant l'aspect proprement problématique, critique, des Problématiques, en prenant exemple sur un jeu comme Les Cordes Sensibles, en liant fortement chaque But de l'Histoire à une Problématique et en ayant, par exemple, qui a une position totalement différente du Protagoniste à propos de la Problématique, pour pouvoir le remettre en cause. Ce ne sont que quelques idées, mais je pense qu'on peut aller plus loin et vraiment proposer une expérience de jeu qui fasse réfléchir.

Mais je le répète, j'ai trouvé que Shock: avait par ailleurs de très très bons aspects ! Et je précise aussi pour les nouveaux venus qu'on me reproche souvent (avec raison) d'être trop exigeant avec les jeux que je joue, donc...

En tant que créateur de jeux, je pense qu'il faut faire attention à ce piège. Ce n'est pas parce qu'un jeu parvient à créer des histoires intéressantes qu'il est fini ou qu'il rempli sa part. Je me dis qu'il faut avoir l'exigence de le pousser au bout, de creuser jusqu'à obtenir une expérience de jeu vraiment neuve.

J'invite les autres participants à réagir et à donner leur vision de la partie, je suis à peu près certain que nous ne sommes pas d'accord ! :)
Les autres commentaires sont également les bienvenus, évidemment.
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Nocker (Guillaume) » 09 Jan 2012, 01:52

Tu as tout faux, je suis d'accord avec toi, et probablement proche de 100%.

Je mentirais en disant l'avoir remarqué tout seul, mais à la lecture de ton fil, je ne peux qu'approuver. La seule chose satisfaisante en terme de science-fiction sociale, c'est la création de monde, puisque c'est pendant ce moment qu'on imagine comment ça peut poser problème, qu'on fantasme les histoires possibles. Et malheureusement, il faut se rappeler que c'est assez similaire aux jeux classiques (Transhuman Space, avec son univers fantastique - à tel point que j'ai mêlé ses Chocs et Problématiques à la liste aide de jeu que j'ai faite pour Shock: Héhé, vous l'avez pas remarqué, ça ! - Transhuman Space, disais-je, a provoqué chez moi des prises de consciences phénoménales sur des problèmes philosophiques rien qu'en découvrant l'univers et en y imaginant la vie des gens).

Les mécanismes de résolutions sont, pardon du mot banni de l'indie, génériques. Ils permettent un dynamisme constant, avec une adversité bien dosée (qui n'a pas tout pouvoir, mais bien assez pour mettre la pression constamment), un protagonisme réel, une participation collégiale, de l'escalade, etc. Il y a, il est vrai, un petit défaut du côté des Liens, qui mériteraient de coûter davantage à utiliser. Les Techniques mises en oeuvres montrent une très bonne compréhension des dynamiques sociales découvertes par The Forge, et (considérant que le jeu est sorti en 2008), une appropriation assez avancée.

Mais clairement, on n'a pas tout illustré (en particulier celle que j'avais lancée, l'identité fondée sur le physique), et pas vraiment questionné. C'était plutôt, et là je parle de la partie où l'on joue des scènes, comme regarder un bon film d'action-aventure-dramatique se passant dans un univers particulier, et qu'après, si on le souhaite, on peut en discuter avec les gens qui l'ont vu pour approfondir les questionnements philosophiques et sociaux. Il y avait cependant la création commune du monde, qu'aucun film ne propose, bien entendu.

PS : J'espère que tu ne vas pas jeter ton nouveau Monostatos parce qu'il a été plaisant ^^
Le meilleur conseil aux rolistes, par John Wick.
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Frédéric » 09 Jan 2012, 12:51

Très bon rapport de partie comme à ton habitude !
J'ai pris beaucoup d'intérêt à la lecture de ton sujet. :)
C'est très intéressant de voir que le seul fait de placer une problématique dans un contexte ne suffit pas à la rendre centrale pour le jeu.
De même, la divergence entre la problématique et les buts des joueurs tend à nuire à l'un ou l'autre dans la plupart des tentatives que j'ai pu faire. Souvent, intégrer une mécanique propre, comme l'escalade dans Dogs in the vineyard, permet de propulser la prémisse et de créer une forte incitation, puisque la victoire de plusieurs conflits devraient en dépendre.
Frédéric
 
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Daniel » 09 Jan 2012, 14:43

Je suis toujours admiratif de l'énergie que tu déploies pour écrire tous ces rapports de partie, merci Fabien !

Mon avis sur cette partie serait quelque chose qui ressemblerait à un "bien, peut mieux faire". En fait à la fin de la partie, je me suis dit que ce serait cool que maintenant que tout le monde a bien compris comment Shock fonctionnait qu’on n’attende pas deux ans pour refaire une partie, je suis presque certain que le résultat serait bien meilleur.

Certes la partie était plaisante, l'histoire plutôt dynamique mais comme tu le fais remarquer les problématiques ont été peu voire pas questionnées, et j'irais plus loin en disant que la narration a un peu fait glisser l'univers hors de ses gonds ce qui a un peu conduit à se désintéresser des problématiques. Dans mon souvenir de la partie précédente que nous avions joué avec Guillaume, l'histoire était venue travailler davantage les problématiques, même si je pense que Shock n'est pas exactement conçu pour faire ce que vous imagin(i)ez : de la science fiction sociale comme les Grands (Huxley que tu cites par exemple).

La critique que vous faites de Shock, si je comprends bien, c’est qu’il se composerait de deux morceaux chacun plutôt fonctionnel mais qui interagiraient peu entre eux. D’un côté la création du monde et des problématiques, de l’autre des personnages face à des antagonistes. Je suis d’accord avec vous qu’une ou deux mécaniques « lien » (récompense narrative pour avoir questionné la problématique plutôt qu’engagement de lien par exemple) donnerait beaucoup plus de liant à l’ensemble (et d’importance au côté « questionnement social » que vous recherchiez). Pourtant je n’irais pas jusqu’à dire que c’est un « défaut » du jeu, je pense que l’auteur a fait le choix d’avoir un jeu plutôt centré sur des personnages qui explorent une esthétique de science fiction sociale définie par les participants. En envisageant le jeu sous cet axe, on se rend compte qu’il est diablement fonctionnel et que sans trop d’effort il réussit sur ce point : d’où le fait que l’avis général à la fin de la partie était que nous avions pris plaisir, ce que je ne renie pas pour ma part : je me suis intéréssé à Hermes en développant son histoire, je me suis intéressé aux autres histoires quant il y avait un fort antagonisme (et de ce fait beaucoup moins à l’opposition Minos-Byron qui était peu marqué).

Alors quid de la science fiction sociale ? Publicité mensongère ? Manque d’ambition de l’auteur ? Pourquoi faire des problématiques si on ne les explore pas ? C’est là que je reboucle avec le début de mon post en disant qu’il est possible de mieux faire sans outil supplémentaire simplement en rejouant.

Questionner des problématiques c’est difficile (et plus le temps passe, plus je ne sais pas exactement ce que ça veut dire en terme de narration). Au début de mon pèlerinage de l’indie sur table (après avoir arpenté les champs théoriques), il y a plus de deux ans avec ce même Shock, je pensais qu’il suffisait de définir une problématique pour que les participants s’en emparent et que la narration produite soit intéressante. Ma toute première tentative de game design sur Prodige reposait presque à moitié là-dessus (chaque personnage avait une problématique à questionner, et le joueur recevait des bonus lorsqu’il parvenait à la discuter lors d’une scène). En dépit de cette mécanique incitative, les quelques tests – certes ils n’ont pas été très nombreux – ont montré que l’énoncé de la problématique était absolument crucial pour que les participants parviennent à la développer ou pas. J’en suis toujours à ce point sur cet axe de développement de Prodige : comment rendre une problématique intéressante ?
Ma vision du Story Now a pas mal évolué depuis, j’ai pu constater que beaucoup de game designer contournait cette question en se focalisant plus sur les personnages et leur motivations et en revenant aujourd’hui à Shock je me rends compte que l’auteur a finalement aussi fait le choix de centrer sa mécanique sur l’évolution des personnages. Je pense cependant que garder les problématiques est loin d’être un gadget ou le vestige atrophié d’une ancienne mécanique : le jeu en nous forçant à choisir des problématiques et en incitant à lier les story goals des protagonistes à celles-ci nous donne les ingrédients pour avoir des chances raisonnables de les explorer.
Soyons clair, comme je l’évoquais plus haut, faire de la science fiction sociale comme les grands peut difficilement se faire avec trois astuces de méthodologie narrative, peut être est ce le cas, mais la réflexion vraisemblable à ce sujet de l’auteur n’a pas abouti à de résultats concrets et reproductibles. Il a du coup préféré nous laisser la possibilité d’y parvenir par nous-mêmes simplement en développant les fictions de nos personnages et en ayant réfléchi aux problématiques avant. Plutôt que d’avoir la contrainte « d’intégrer » la problématique, joueur protagoniste et antagoniste se focalise sur le dynamisme de la scène et doivent simplement garder à l’esprit que le story goal devra être résolu à la dernière scène. Mais ils ont tous les deux passés du temps à définir des problématiques, donc cet effort fourni risque d’influencer la narration, surtout si le story goal est bien choisi. De plus ils ont choisi la problématique qui leur plaisait le plus pour leur personnage, ce qui augmente encore les chances de les voir intégrer cela à la narration. Mais cela s’arrête là, si les participants n’arrivent pas à développer la problématique, la partie se passe bien quand même, on passe un bon moment, on se dit juste au pire qu’on est pas parvenu à vraiment bien discuter la problématique, mais peut être n’était elle pas si intéressante que cela après tout.

Du coup pourquoi rejouer va-t’il permettre de mieux s’en sortir ? Déjà parce qu’une fois qu’on a compris que c’est à soi même de développer la problématique et que la mécanique ne va pas le faire à notre place, on y consacre plus d’effort. Ensuite la première partie est un peu pollué par les efforts que l’on doit fournir pour bien comprendre comment tout cela fonctionne (et notamment cette fausse bonne idée du score unique pour deux caractéristiques qui fait perdre pas mal de temps en compréhension au final). Enfin parce qu’on se rend compte à la fin que la création du monde et des personnages va tout conditionner (il n’y a pas tant de scène que cela pour développer l’histoire, alors il vaut mieux savoir où on va assez vite) et je pense que le choix du story goal est d’une importance capitale car c’est la seule vraie contrainte narrative qu’auront les participants en développant. Cela vaut le coup d’y passer un peu plus de temps et de se demander si on va bien pouvoir questionner la problématique. De même le choix de l’antagoniste peut être affiné en fonction de la problématique choisie. Après même comme cela, le résultat n’est pas garanti : devenir auteur de SF ne s’improvise pas et on n’aura peut être pas de choses très intéressantes à dire sur les problèmes posés. Mais ce n’est pas grave parce qu’on aura essayé et que l’on se sera bien amusé durant le processus.
Daniel
 
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Frédéric » 09 Jan 2012, 15:44

Salut Daniel, je me permets de te donner l'exemple d'un jeu comme Dogs (puisque beaucoup d'entre-nous le connaissent) au sujet de la manière dont la prémisse est amenée par le jeu :
  • Les PJ ont pour but de traquer le péché et de juger et punir les responsables.
  • Ils sont eux-mêmes responsables du devenir du village
  • La préparation de parties exige que les villageois demandent aux PJ de faire des choses pour eux qui sont contre les préceptes de leur religion, mais pourtant souvent acceptables pour la morale des joueurs ; en plus, les problèmes s'aggravent au fil de l'histoire
  • Les Conflits proposent d'appréhender les problèmes selon 4 positionnements : discussion, physique non violent, combat, armes à feu. La mécanique d'Escalade incite à utiliser la violence pour augmenter ses chances de succès
  • Les retombées permettent de marquer les cicatrices psychologiques et symboliques (sur le manteau) et permettent de faciliter le développement des conséquences des actes des PJ.

Pour simplifier : ils doivent rendre la justice en jugeant selon les valeurs morales propres à chacun >>> les situations sont ambivalentes >>> le meilleur outil pour les résoudre c'est d'escalader jusqu'à la violence >>> la violence engendre la violence.

Tout ça permet d'explorer, même sans le chercher volontairement, la prémisse (ou problématique) : "l'ordre moral justifie-t-il la violence ?" ou quelque chose dans ce goût-là, car les joueurs sont toujours tentés de répondre à l'immoralité religieuse par une immoralité parfois plus grande. Il faut aussi garder à l'esprit que les joueurs peuvent toujours refuser d'utiliser la violence et accepter de ne pas résoudre certains problèmes, ou de persister à agir sans violence.

Si on enlève un de ces éléments du système, on perd la prémisse en jeu, ou du moins on limite la possibilité de l'appréhender pleinement. Voilà un exemple de façon de bâtir un jeu sur une problématique. Cependant, c'est loin d'être quelque chose d'indispensable à la création d'un jeu, même pour soutenir une démarche narrativiste, la profondeur de la problématique peut varier. Les autres démarches créatives peuvent aussi intégrer des thématiques, mais au lieu d'être sous forme de question à laquelle répondent les joueurs par les actes de leurs PJ, il s'agit d'affirmations contrôlées par le système, l'univers ou le MJ (Sens en fait une belle démonstration).
Ron Edwards donne l'exemple de samouraïs dans Sorcerer et dans GURPS : il indique que dans les deux cas, ils suivront le bushido, mais que dans Sorcerer, les joueurs seront amenés à briser une ou plusieurs règles pour répondre à la prémisse. Dans GURPS, transgresser le bushido est inenvisageable :
Ron Edwards a écrit :Consider the behavioral parameters of a samurai player-character in Sorcerer and in GURPS. On paper the sheets look pretty similar: bushido all over the place, honorable, blah blah. But what does this mean in terms of player decisions and events during play? I suggest that in Sorcerer (Narrativist), the expectation is that the character will encounter functional limits of his or her behavioral profile, and eventually, will necessarily break one or more of the formal tenets as an expression of who he or she "is," or suffer for failing to do so. No one knows how, or which one, or in relation to which other characters; that's what play is for. I suggest that in GURPS (Simulationist), the expectation is that the behavioral profile sets the parameters within which the character reliably acts, especially in the crunch - in other words, it formalizes the role the character will play in the upcoming events. Breaking that role in a Sorcerer-esque fashion would, in this case, constitute something very like a breach of contract.


(Il donne aussi autre exemple un peu plus compliqué juste après, où la différence est moins nette de prime abord, mais se révèle dans la pratique, entre The Riddle of Steel et Pendragon).


Je suis d'accord cependant avec Fabien quant au fait que si le jeu ne pousse pas à explorer la prémisse, le fait d'en annoncer une dans la création de l'univers peut être un motif de déception.
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Daniel » 09 Jan 2012, 17:58

Salut Frederic, je ne suis pas exactement sur de comprendre pourquoi tu me donnes l'exemple de Dogs en détaillant sa fonctionnalité : est ce pour montrer qu'il est possible de bâtir un jeu qui explore une problématique ? Ou pour montrer que ma compréhension du fonctionnement de Shock que je présente est l'exemple d'un jeu qui ne remplit pas son contrat ?

Éclaire ma lanterne afin que je ne réponde pas à côté !
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Frédéric » 09 Jan 2012, 18:15

Ah, désolé je n'ai pas été très clair.

C'était principalement une tentative de développement en rapport aux interrogations que tu formule sur la façon dont on peut explorer une problématique durant le jeu.
Et ce qui m'intéressait dans celui-ci, c'était de dire : oui, on peut explorer une problématique dans un jeu qui ne le soutient pas clairement, mais c'est contraignant, sans doute proportionnellement à la tendance du jeu à proposer des enjeux distanciés de la problématique en question.

L'exemple de Dogs permet de vérifier l'intérêt que ça peut avoir de bâtir un game design sur la problématique, plutôt que d'essayer de l'intégrer dans un jeu qui ne la soutient pas activement.
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Kco Quidam (Julien Gobin) » 09 Jan 2012, 20:40

Salut à vous !

Pour rebondir sur ce qui est dit il me semble assez mal aisé cependant de comparer Dogs et Shock:

Dogs se centre sur l'exploration d'une problématique principale là où Shock: donne une recette efficace pour mettre en scène par le prisme de la science fiction n'importe quelle (ou presque) problématique de société. La chose qui semble confirmer mon intuition c'est que pas mal des problématiques explorées dans les rapports de partie que j'ai lut de Shock pourraient l'être aussi (voir plus) efficacement sans passer via le biais de la SF (Devoir familial par exemple).

Quand au phénomène que souligne Guillaume "Si on le souhaite, on peut en discuter avec les gens qui l'ont vu pour approfondir les questionnements philosophiques et sociaux." Ca me semble plus s'orienter vers le syndrome post-lecture que j'ai eu à l'époque où je lisais des petites nouvelles de science fiction à droite à gauche : j'en lisais deux-trois, tournait dans la tête les problématiques qui avaient été mises en scène dedans, et en discutait avec d'autres personnes après coup.

D'ailleurs personnellement ce genre de procédé m'a toujours plus touché que les "grands" de la SF, avec un 1984 ou un Le meilleur des monde soit on adhère au propos et il nous touche, ou soit non et dans ce cas ces livres sont juste des pavés d'une douleur extrême à lire. Je digresse pas mal du sujet de base, mais il me semble que Shock: puise plus dans une littérature du genre petite nouvelle de SF que dans les romans du genre. Ce qui de mon point de vue est une qualité (je n'ai jamais supporté de lire du Orwell ou du Huxley).
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Frédéric » 09 Jan 2012, 21:26

Bien au contraire Julien !
L'exemple de Dogs démontre une des manières possibles d'appréhender une problématique, My life with master en a une assez particulière aussi.
Mais ce que font ces jeux, c'est visiblement ce qui manque à Shock.

Dans Les Cordes Sensibles et Démiurges, j'ai pas mal travaillé sur cette question de semi-liberté de choix des objectifs des PJ et ce que j'en retire, c'est que l'on ne peut pas ménager la chèvre et le chou.
Par exemple, je pense que c'est un casse-tête sans fin que d'essayer de conjuguer des enjeux dramatiques et des enjeux à secrets.
Pour ces deux jeux, j'ai réussi à permettre au système de dynamiser l'exploration d'une prémisse pouvant aborder plusieurs thèmes différents, lorsque j'ai compris que ces différents thèmes, au sein d'un même jeu, doivent posséder un grand nombre de similarités ; ils doivent permettre de tirer parti du système.

Shock possède un système plutôt "générique" ou "neutre" pourrait-on dire, je pose la question aux participants : les problématiques que l'on peut choisir en créant l'univers sont elles hétéroclites (et potentiellement inconciliable dans un même jeu) ou leur choix est-il cadré pour garantir cette unité ?
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Nocker (Guillaume) » 09 Jan 2012, 22:04

Tout d'abord, je dois dire que l'intervention de Julien entre fortement en résonance avec mes opinions. Je n'irais pas jusqu'à son extrême de dire que je n'aime pas les "grands" de la SF sociale (au contraire), mais je suis énormément touché par les petites nouvelles de ce genre littéraire, en général centrées autour d'un changement (Choc) unique et développant une histoire courte illustrant les problèmes que ça pose. Elles sont trop souvent inconnues (comme presque toutes les nouvelles, injustement vues comme un sous-roman) alors qu'il y a des idées géniales, et quasiment tous les auteurs de SF ont fait de tels recueils inestimables. Au final, on retrouve exactement le style des histoires que Shock: propose.

Tout ça me fait penser que je comprends maintenant pourquoi j'apprécie les histoires qu'on fait dans Shock: C'est pas du 1984, c'est pas Fondation, mais c'est les recueils de Werber, Asimov, Lovecraft, et compagnie. Et je les adore.

Ensuite, pour répondre à Frédéric, on choisit ensemble des Problématiques qui nous intéressent, puis on trouve ensemble un Choc (différence importante avec le monde actuel) qui permet de discuter des Problématiques ou de les illustrer d'une manière différente de notre monde. Donc avec un seul Choc, il faut pouvoir tout discuter, ça pousse à unifier. Ainsi, les histoires des Protagonistes ne sont pas des niches indépendantes, mais des optiques différentes sur le même monde. Et on s'est rendu compte qu'il était quand même facile de concilier des Problématiques dans un même Choc, même quand au premier abord elles paraissent très éloignées (c'est le cas des nôtres).
Le meilleur conseil aux rolistes, par John Wick.
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Frédéric » 09 Jan 2012, 22:16

En fait, ce que je voulais demander, c'est si les problématiques que l'on choisit entrent dans un cadre précis défini par des règles ou des directives, ou est-ce qu'on peut dire celle qui nous passe par la tête dès lors qu'elle entre dans le cadre de la science fiction sociale ?
Après tout : quelle est l'origine du monde peut convenir pour un tel contexte (si on le voit à la façon de Dark City) mais ça n'a rien à voir avec la question de la jeunesse éternelle par exemple et je ne suis pas sûr qu'un seul système puisse gérer convenablement les deux. :)
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Daniel » 09 Jan 2012, 23:10

Merci d'avoir précisé ta réponse Fréderic ! L'échange que tu as eu avec Julien a également complété ce que tu voulais dire. Du coup je me rends compte que c'est moi qui n'est pas été assez clair dans ce que je développais.

Donc je suis tout à fait d'accord avec toi sur le fait qu'il est possible de bâtir un jeu autour d'une problématique qui sera développé au cours de la partie, comme peut le faire Dogs in the Vineyard (que je n'ai pas testé mais il est sur la to play list) comme peut le faire Perfect (sur la problématique du criminel contre le système).

Je crois que Shock n'est définitivement pas à comparer à ces jeux là. La démarche entreprise dans le design de ces jeux est très différente, l'ambition finale également. Dire que Shock échoue a proposer une approche des problématiques comme peuvent le faire les jeux que tu cites est assez injuste : dans Shock l'univers (et donc l'esthétique) est défini par les participants ainsi que les problématiques. Celles ci peuvent être de toutes sortes, on peut difficilement reprocher au jeu de ne pas les prévoir et de ne pas avoir prévu les mécaniques en amont qui permettront de les discuter efficacement. C'est en cela que j'expliquais que lorsqu'on demande à quelqu'un de poser une problématique, et bien il n'est pas du tout certain qu'elle sera si intéressante que cela a explorer. Mais est ce qu'une narration intéressante implique forcément l'exploitation originale d'une problématique ?

Revenons à Shock et gardons envers l'auteur le principe de lecture charitable qui guide ce forum. C'est quelqu'un qui a pris du temps pour écrire son jeu, qui s'est posé pas mal de questions et notamment celle ci : qu'est ce qui est au coeur d'une histoire de science fiction sociale ? Si je veut que les gens puissent créer des histoires de science fiction intéressante, qu'est ce que je dois leur demander de faire ? Le résultat de son travail c'est le jeu dont nous discutons. A t'il réussi son entreprise ? Chaque lecteur et joueur sera juge bien évidemment mais les mécaniques pour créer l'univers, les personnages et les narrations sont fonctionnelles, cela n'a pas été remis en cause. Le point faible relevé c'est que les problématiques décidés par les participants n'étaient pas forcément au coeur de l'intrigue. Soit. Je le ressent moins comme une déception que Monostatos car selon moi ce n'est pas le coeur du jeu proposé, qui sinon aurait restreint beaucoup plus fortement les participants.

Une question intéressante que tu poses est Shock n'est il qu'un système génerique ? Allons plus loin, pourrait on faire de la fantasy ou du space op avec Shock ? Si la partie mécanique consacré à la construction de l'univers, du choc est résolument axé sur la science fiction sociale, et passe ce test aisémment, les mecaniques ayant trait à l'opposition des protanistes et antagonistes semblent moins marqués par la science fiction sociale. Seul le story goal (obligation de le lier à une problématique, obligation de le résoudre dans la dernière scène) apparait clairement comme étant destiné à nous garder dans les clous de la science fiction sociale. Les autres mécaniques semblent plus neutres tant et si bien que je dois réflechir plus longuement pour pouvoir clairement répondre à la question de la neutralité. C'est peut être là, la faiblesse de Shock...

Pour répondre à ta dernière question, sur ce qui restreint les problématiques, tu vois le problème dans le mauvais sens : on pose les problématiques et ensuite on crée le choc qui les interroge. Ainsi l'exemple que tu donnes serait un peu étrange, si c'est la problématique de l'origine du monde qui interesse un joueur, on ne va pas choisir comme choc la jeunesse éternelle (ou alors il va falloir imaginer comment ce choc pourrait permettre de discuter cette problématique avant de le confirmer).
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Frédéric » 09 Jan 2012, 23:47

Ok, merci pour ces précisions.
Bien sûr, une problématique n'est pas indispensable à une partie de JDR, encore moins une problématique profonde.

Je serais quand même curieux de connaître l'avis de Fabien (le plaignant ^^) au sujet de la discussion engagée.

Pour le dernier point, je me demandais surtout quels types d'objectifs/enjeux/problématiques le jeu peut vraiment gérer (ouaip, j'essaye de faire des messages courts, mais du coup je ne suis pas assez précis, désolé), en regard de l'étendue qu'il semble permettre de jouer.
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Fabien | L'Alcyon » 10 Jan 2012, 10:45

Je n'ai pas grand chose à ajouter à ce que j'ai déjà dit, même si je suis le débat avec intérêt, c'est pour ça que je me retenais d'intervenir.

Nous sommes apparemment d'accord sur le fait que Shock: n'offre pas une "problématisation" forte des Problématiques dans les règles. Je suis allé relire les règles: le But de l'Histoire n'a pas à être lié à une Problématique, donc on peut jouer assez indépendamment des thèmes du monde (en dehors des Fulcrum qui orientent un peu l'action).
Je crois qu'en l'occurrence c'est très dommage pour ce jeu qui mériterait mieux, parce que le jeu ne pose pas de questions, n'interroge pas, ne remet pas en cause les joueurs, alors que c'est une fonction de la science-fiction que je trouve formidable. Même si l'auteur ne cherchait pas à le faire, je trouve que son oeuvre est moins forte ainsi, elle passe à côté d'une grande occasion. Que l'oeuvre interroge ou pas, on peut toujours discuter de ses thèmes après (et de ce point de vue, Le Meilleur des Mondes m'a poursuivi longtemps personnellement, il m'a véritablement posé problème), mais la discussion sera d'autant plus fertile que l'oeuvre aura réussi à présenter différentes facettes d'une problématique.
Je répète aussi que selon moi on peut créer des jeux avec des règles exploitant fortement une problématique (en en montrant différentes facettes, en posant le pour et le contre, en montrant que tout n'est pas si simple) avec une grande liberté de choix dans les problématiques, j'en veux Les Cordes Sensibles pour preuve. Ce qui importe alors c'est la manière dont la problématique est présentée et la manière dont un personnage va pouvoir résoudre les conflits qui illustrent cette problématique. Comme je l'ai dit, je pense que c'est tout à fait possible avec Shock: également.

En ce qui concerne l'expérience ludique que propose Shock:, je suis aussi allé relire le livre qui n'est pas très clair sur ce point. Il dit juste qu'il veut faire « des histoires de science-fiction », sans même préciser "sociale". Les inspirations suggérées sont très diverses, beaucoup de grands classiques de la SF y passent (par ex. Dune, La Stratégie Ender, Fondation, La Machine à remonter le Temps...) mais les trois exemples que je donnais plus haut sont également présents et le fait de parler de "social science-fiction" dès la couverture n'est pas anodin. Certes, les histoires de Shock: sont plus courtes que celles des inspirations précédentes, mais je pense que c'est plus pour des raisons de commodités de jeu: avec trois scènes et quatre personnages on a joué 4h et demi (sans parler de la mise en place), je pense qu'on n'aurait pas pu tenir plus longtemps.
Cela dit, les nouvelles dont vous parlez m'intriguent beaucoup. Est-ce que vous en avez des exemples ?

En tous cas ça me fait très plaisir de voir que mes discussions suscitent toujours autant le débat ! ^^
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Re: [Shock:] Jeunesse éternelle

Message par Daniel » 10 Jan 2012, 14:08

Merci pour les précisions tirés du livre Fabien ! A la lumière de celles ci, on peut effectivement regretter que l'auteur ait limité son projet ludique à faire de la SF, qu'il n'ait pas voulu aller plus loin, qu'il soit resté sur quelque chose de fonctionnel d'un point de vue narratif mais peu "problématisant" (et hop je reprends ton néologisme) et pas assez marqué "science fiction sociale".

Je ne pense quand même pas qu'on puisse dire que le jeu est "raté", dans le sens où il ne ferait pas du tout ce qu'il annonce ou qu'il proposerait des règles superflues et/ou incohérentes (la pénible impression de jouer à un jeu inachevé comme je l'ai ressenti avec A Thousand and One Nights de Meguey Baker). On peut probablement lui reprocher un manque d'ambition, mais ce n'est pas si grave car cela veut dire qu'il y a encore beaucoup de terrain à explorer pour ceux qui s’intéressent au game design !

Voilà pour conclure j'aimerais bien dans un futur pas trop éloigné jouer à Shock de nouveau pour voir comment le fait d'y rejouer affecte le jeu (en bien ou en mal).
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