Le Langage de Wittgenstein

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Le Langage de Wittgenstein

Message par Kco Quidam (Julien Gobin) » 15 Jan 2012, 00:04

Bonjour à tous.

Je reviens après avoir lu « Le Monde Logique » et laissé mes pauvres petits neurones qui ont dû, bien malgré eux, s'activer afin de digérer la chose. Et il m'est apparut pas mal de truc dont un qui me chiffonne suffisamment pour que je vienne poster dans le forum de Sens. Il est a remarquer que je n'ai jamais lu Wittgenstein lui même sinon les phrases qui sont contenues dans « Le Monde Logique », j'ai essayé, et j'ai échoué. Manque de temps et de motivation principalement. C'est une chose à prendre en compte dans la suite de ce topic.

Avant d'avancer plus loin il faut savoir que je ne me place pas ici en professeur ni en détracteur, je n'ai ni les capacités ni les compétences pour me le permettre et de plus cela va à l'encontre de mon intuition métaphysique selon laquelle rien n'est vrai ou faux en dehors de toute théorie. Ce topic qui, je suppose, en appellera d'autres par la suite. Appelle à la discussion et au libre échange des idées.

Par ailleurs, et si cela amuse certains, je me suis arrangé pour que la majorité du texte de ce post puise être considéré comme dit par l'un des scientifique de Fidridane (Oui je suis en retard et je vous zut :p).

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D'après ce que j'en ai lu Wittgenstein tente via le tractatus de définir une limite entre ce qui peut être dit et ce qui ne peut pas l'être, ainsi pour Wittgenstein une chose peut être dite ou elle ne le peut pas et il n'existe pas d'intermédiaire. Cette approche des choses fondamentalement binaire me semble, non pas fausse, mais fortement lacunaire et peu efficace.

Je vais tenter par la suite d'exprimer pourquoi selon moi Wittgenstein à tord de proposer un modèle aussi binaire du langage. En premier lieu car la nature transcendantale du « Langage » qu'il donne n'est qu'une illusion et en second lieu car ce qui ne peut être exprimé par les mots peut l'être autrement.



1) Le Langage n'est qu'une illusion.

Dans un premier lieu j'aimerais que l'on s'accorde afin de retirer au mot « langage » son côté mystique. Pour cela j'aimerais analyser ce qu'est le « langage » dans l'interprétation de Wittgenstein, ici c'est assez simple car pour Wittgenstein le « langage » se compose de mots, reliés entre eux par des règles syntaxiques afin de produire des phrases, et rien d'autre. Le « langage » de Wittgenstein peut donc se réduire aux mots et aux règles de syntaxe d'une langue donnée. Je garde ça pour la suite.

Cependant, il y a une chose que, je suppose, nombre de philosophes tendent à oublier, lorsque l'on s'exprime via les mots l'on ne peut jamais être sûr que notre interlocuteur a bien reçu exactement ce que l'on voulait lui transmettre.

Lorsque j'exprime la phrase « les fruits secs sont amères » il s'est déjà produit une phase de l'expression qui est la formulation : mon esprit a du travailler afin de convertir ce que je pense en cette suite de mots. Et même une fois cette phrase prononcée il restera votre phase d'interprétation à vous. De plus entre les deux il faut s'assurer que les mots eux même ne viennent pas poser problème (double sens, etc), mais même en supposant un langage parfait où chaque mot ne possède qu'un seul et unique sens les deux phases sus-cités existent toujours. Ici nous sommes tous d'accord sur le sens des mots que j'emploie pourtant je suis sûr qu'aucun de vous n'a récupéré exactement la sensation gustative que j'ai tenté d'exprimer. Nous avons l'illusion d'avoir synchronisé nos idées car nous allons être d'accord sur comment et quand les mots doivent être employé. Mais au final nous n'avons et ne pouvons avoir de certitude quand au fait que nous pensons bien exactement à la même chose. Le « langage » ne transcende pas le sujet qui l'emploie, il lui est au contraire totalement tributaire. L'idée de cette transcendance vient du fait que l'on utilise les mots pour soi même, là où notre formulation et notre interprétation s'accordent parfaitement. D'où cette illusion que les mots forment quelque chose totalement objectif qui nous transcende, ce fameux « langage ».

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Ce qui est amusant c'est qu'ici même sur ce forum (où les mots sont les principaux vecteurs de l'expression) il existe une étiquette qui parle justement de cela. Le principe de charité est en effet une remarque disant qu'il ne faut pas se contenter d'interpréter les mots que notre interlocuteur a formulé mais bien chercher à comprendre ce que ce dernier tentait d'exprimer.

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2) Ce qui ne peut se dire avec les mots peut s'exprimer autrement.

Il va comme une évidence que les mots ne sont pas l'unique moyen de s'exprimer. Ne serait-ce qu'a cause de la communication non verbale. Aussi ne puis-je qu'être surpris que Wittgenstein élude totalement le sujet : Si quelqu'un se jette sur moi pour me foutre un coup de poing dans le bide ou de m'embrasser sauvagement il n'aura pas eut besoin d'ouvrir la bouche afin de s'exprimer (enfin si dans un cas mais bon). Les mots ne sont pas nécessaires ici, ils sont totalement dispensables. Cela reviens au même si je pousse un soupir lorsque quelqu'un parle, il n'y a pas eut de mots, pas de phrase et pourtant j'ai bien exprimé quelque chose.

Autre chose, je reprend plus haut ma formule, l'on s'exprime l'on ne peut jamais être sûr que notre interlocuteur à bien reçu exactement ce que l'on voulait lui transmettre. Mais ce n'est en rien un problème fatal. Chose amusante quiconque aura du faire de la pédagogie ne pourra qu'être d'accord avec cela. On exprime une chose, puis on vérifie si la chose semble avoir été bien comprise, si non on tente simplement une nouvelle approche. Ce n'est pas parce qu'une chose est difficilement exprimable qu'elle ne l'est pas.




Pour conclure je ne dirai donc pas que l'interprétation que Wittgenstein donne du langage est fausse, c'est une interprétation possible qui « se tient ». Je dirai cependant que cette interprétation peut induire en erreur et qu'en aucune façon elle ne trace de limite entre ce qui est exprimable et ce qui ne l'est pas. Wittgenstein pose une vision booléen de ce qui peut être dit et de ce qui ne peut pas l'être, hors il me semble plutôt que les choses varient entre aisément exprimable et douloureusement exprimable. Cependant, et pour rendre un peu justice à Wittgenstein je n'ai aucune certitude quand au fait qu'il existe ou non des choses toujours exprimable et des choses toujours inexprimable. Ce dont par contre je suis sûr c'est qu'il n'y a pas de rupture nette entre l'exprimable et l'inexprimable et que cette vision des choses ne semble valide à nos yeux que parce qu'elle est « confortable ».


Mais bien sûr comme toujours.
I might be wrong
Kco Quidam (Julien Gobin)
 
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Re: Le Langage de Wittgenstein

Message par paragon » 15 Jan 2012, 01:48

A la différence de notre ami Kco je n'ai pas lut le monde logique; pauvre suisse que je suis j'attend de pouvoir faire une commande groupée après la sortie de Néant voir même après. Mais il y a un autre livre que j'ai eu l'occasion de lire car j'ai put l'avoir dans ma librairie préférée: le tractatus logico-philosohpicus.

Au contraire de toi je suis d'accord avec wittgenstein; "une chose peut-être dite ou ne peu pas être dite, elle a du sens ou elle n'en a pas", bien sûr sans parler de la difficulté de le dire.

Il me semble que Wittgenstein ne se limite pas au langage parlé ou écrit (qui sont déjà des langage différent même s'il s'agit de la même langue car ils n'utilisent pas les même signes). Selon lui la perception que nous avons du monde n'est pas le monde mais la figuration du rapports des objets (la figuration des faits porteurs de sens, si je ne me trompe), dès lors ce que te dise tes 5 (ou plus) sens est déjà du langage. En fait tout est langage car tout est expression de réel plutôt que d'être le réel. Embrasser ou frapper quelqu'un est un langage et dès lors les implication du tractatus sont infinie.

Autre chose, wittgenstein semble avancer que le contaxte doit favoriser la compréhension. En effet ce sont les relation entre les noms (les objets) qui construisent le monde, qui rendent le monde logique et donc rendent le langage logique plutôt que le sens des mots. Sinon en effet nous passerions notre temps à définir sans pouvoir utiliser le langage (sans même pouvoir l'utiliser pour définir ce qui est un paradoxe). Quand je dit "occupe toi de tes oignions" ou "faite revenir les oignions dans la casserole" je n'ai pas besoin de définir oignions pour que vous compreniez ces proposition. Il y a néanmoins une ou deux précisions à donner

- L'importance du contexte, si ma femme me dit "à tout à l'heure mon chou" et que je vous parle de "planter les chou à la mode de chez nous" vous conviendrez que c'est le contexte physique (le fait que ce soit ma femme qui me le dise) qui me permet de ne pas confondre la définition du mot chou dans la première et la seconde proposition. Dès lors on voit que le langage peuvent interagir au point presque de devenir unique, la compréhension d'une autre langues humaine vient simplement de la connaissance de synonyme et de celle d'un image différentes de la même logique, celle de Sens!

-L'utilisation d'un homophone pour symboliser une nouvelle définition, aussi appelé néologisme, impose que nous définissions ce même néologisme.

- autre, en tout cas je voit pas?

En clair langage et perception du monde sont une seule et même chose (selon mon interprétation).

Mis à part ça je recommande vivement la lecture du tractatus, pas car il est intéressant métaphysiquement (aussi mais c'est pas la majeur raison) mais simplement car je trouve qu'il s'y trouve des clés pour simplifier la communication entre humains.
paragon
 
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Re: Le Langage de Wittgenstein

Message par edophoenix » 16 Jan 2012, 22:12

Plop à tous !

Tout comme paragon, je n'ai pas encore l'écran car j'attends le prochain tome pour faire moi aussi une commande groupée. Donc, ma participation, pour le moment, sera basée plutôt sur le podcast que sur le supplément.

Ceci dit, je vais déborder car il y a beaucoup d'éléments dans vos interventions (peut-être plus que vous ne le soupçonnez !)


Nous partons donc de la définition du langage que propose Kco selon sa lecture de Wittgenstein. Je pense qu'il est important de faire attention à ceci : tel que je le comprends, Wittgenstein ne s'intéresse pas au langage pour lui-même, mais en tant qu'outil d'explication et d'interprétation du monde - bref, en tant qu'outil philosophique. Il ne cherche à faire ni le travail d'un grammairien, ni celui d'un sémiologue - et encore moins d'un philologue.
De ce que j'ai compris, il s'intéresse donc à "l'ergonomie" du langage, pourrais-je dire, en tant qu'instrument.

Néanmoins, ici, tu ne parles pas du langage seul, mais de bien d'autres choses : ainsi, il y a le thème de la transmission de la pensée lors de l'échange, avec le souci de la bonne transmission et de la bonne réception du message (sur ce point, je t'engage, si ce n'est déjà fait, à te renseigner sur les théories de l'Ecole de Palo-Alto et de l'Ecole de Francfort des sciences de la communication - en particulier Gregory Bateson, l'un des précurseurs. En effet, pour eux, la communication ne peut avoir lieu que dans un modèle systémique, incorporant les éléments que tu as mentionnés, y compris le langage non-verbal, ainsi que le contexte tel qu'en parle paragon.)

Un point où je ne suis pas nécessairement d'accord avec toi, c'est celui selon lequel il faudrait traduire la pensée en langage : beaucoup de cognitivistes soutiennent encore la thèse inverse, qui est qu'il n'existe pas de pensée hors du langage (as-tu déjà essayé de penser sans les mots ? as-tu déjà réussi à "imaginer" - en image - quelque chose dont le terme qui le recouvre ne te vient pas instantanément à l'esprit ? ces chercheurs en sciences cognitives soutiennent que le mot vient avant l'image.)
En effet, si on a à l'esprit une maison sans penser au mot maison, comment savoir si l'image représente bien une maison ? Cela peut représenter une chose qui ressemble à une maison, sans l'être. L'objet-maison n'existe dans ma tête que parce que j'associe le terme-maison au concept-maison. Sinon, ce n'est pas une maison, mais simplement une forme colorée, qui n'est, en fait, rien du tout d'autre qu'une forme colorée.
Un bébé qui n'a pas appris à parler, pourra t-il imaginer une maison, puisqu'il ne sait pas ce que c'est ? Evidemment, cet argument est limité : comment peut-on demander au bébé de rendre compte de cela, puisque justement il ne sait pas parler ? D'où la difficulté sur cette question.
Il reste que la théorie selon laquelle, dans l'esprit humain, une chose ne peut exister sans le mot qui lui correspond, est toujours d'actualité.
Après tout, comment peut-on connaître une chose si l'on ne sait pas comment elle se nomme dans sa langue maternelle ? Ainsi, l'enfant apprendra à reconnaître les choses en même temps qu'il apprendra leur nom ; et de même, comment peut-on penser à quelque chose que l'on ne connaît pas ?
Un concept, c'est justement cela : l'alliance entre la notion, et le terme qui la recouvre.

Ce qui fait que je suis, de fait, d'accord avec ce qu'avance paragon ainsi :
paragon a écrit :En fait tout est langage car tout est expression de réel plutôt que d'être le réel. Embrasser ou frapper quelqu'un est un langage et dès lors les implications du tractatus sont infinies.


Revenons à ta réflexion, Kco. Tu as pris l'exemple d'une sensation primaire, le goût (" Lorsque j'exprime la phrase « les fruits secs sont amères » "), qui est difficile à étudier :
En cela, il faut ne pas faire la confusion entre la perception, - la sensation du goût elle-même -, et la pensée qui en naît. Car, si l'on pense avec des mots, il n'en reste pas moins que cette pensée est, dans le cas présent, la traduction d'une perception, ce qui n'est pas toujours le cas (quand je réfléchis aux théories de la communication, je ne fais pas appel à des sensations, mais à des concepts, même si ces concepts sont nés de l'observation du comportement humain.)


Et, dès que l'on parle de perception, il y a un piège : en effet, on dit par exemple "cela a un goût de citron", sauf qu'il n'y a pas deux citrons qui auront exactement le même goût : l'un sera plus acide, ou plus sucré que l'autre, par exemple. Et de même, deux êtres humains ne ressentiront peut-être pas tout-à-fait la même chose si on leur dépose du sel sur leurs langues (notez que, bien que grammaticalement incorrect, j'insiste sur ce pluriel : ils n'ont qu'une seule langue chacun, mais j'insiste sur la distinction des deux appendices sensoriels : les deux individus éprouvent chacun une sensation qui leur sera propre.)
Et ici, ce n'est plus un problème de langage, mais de perception.

Reste que, si personne ne perçoit la même chose, le langage peut-il encore nous permettre de communiquer ? N'est-il pas impuissant à rendre compte de ce que l'on ressent ?


Tout cela, ce sont des questions que Wittgenstein, même s'il ne les pose (peut-être) pas en tant que telles -( je l'ignore encore, en fait, n'étant pas encore parvenu à convaincre mon libraire à quel point un rayon des œuvres de Wittgenstein constituerait l'apothéose, et, si j'ose dire, la cerise sur le monumental et crémeux gâteau qu'est sa fabuleuse, délicieuse, et succulente boutique !) -, sont intrinsèquement liées au problème qu'il pose, en ce sens qu'il se penche sur le langage en tant qu'outil pour rendre compte du monde tel qu'on le perçoit, et même, non pas tel qu'on le perçoit, mais tel qu'il est non seulement philosophiquement, mais réellement.

Et de même que ce qui n'est pas vrai est nécessairement faux (vous connaissez quelque chose qui n'est pas vrai, qui ne soit pas faux, vous ?), soit on capable de décrire quelque chose, soit on en est incapable.
Soit c'est dictible, soit c'est indicible.
Faire intervenir le langage non-verbal n'y changera rien :
en effet, si je n'arrive pas à décrire quelque chose avec des mots (même avec un néologisme), alors comment y arriverais-je avec un autre langage ?
Pour reprendre l'exemple de la personne qui me sauterait dessus en voulant m'assommer, elle pourrait très bien exprimer cet acte avec des mots :
"Tu m'énerves ! Je suis très en colère ! En fait, je suis véritablement furieux, et j'ai envie de te frapper ! T'es qu'un espèce de -bip- !" Ou bien encore : "Je suis désolé de devoir vous molester, mais il s'agit d'un contrat : je dois vous dissuader de continuer dans votre enquête philosophique, car elle dérange mon employeur. N'y voyez absolument rien de personnel. Business is business..."
Pour en revenir au dictible / indicible, il s'agit ni plus ni moins que de la logique de Boole : soit la proposition est fausse, elle vaudra 0 (en langage binaire, numérique, informatique), soit la proposition est vraie, elle vaudra 1.

Pour reprendre donc ce que j'en ai compris, Wittgenstein ne parle pas seulement du langage lui-même, mais du rapport entre langage et réalité, et entre langage et philosophie.
Sa thèse est que le langage usuel ne peut convenir aux objectifs, aux buts du philosophe, car il est impuissant à rendre compte du monde.

Je terminerais en concluant par une petite réflexion personnelle (du moins, elle l'était encore du temps où je n'avais pas encore entendu parler de Wittgenstein) :

" Le langage est, par nature, tautologique. En effet, ce n'est qu'un reflet de ce qui existe. Si je dis d'une voiture qu'elle est rouge, alors qu'elle l'est effectivement, il s'agit d'une tautologie, dans le sens où je dis ce qui est déjà. Ainsi, une définition de vocabulaire, telle qu'on en trouve dans le dictionnaire, est la quintessence de la tautologie. On peut affirmer cependant que, s'il est possible d'inventer un terme nouveau pour tout concept nouveau - voire même pour n'importe quel sentiment ou sensation, alors le langage peut parler de tout. Cependant le langage n'est pas tout-puissant : nous venons de dire que toute définition est intrinsèquement tautologique, et de là, on doit déduire que le langage est impuissant à s'expliquer lui-même. Et s'il ne peut s'expliquer lui-même, il ne pourra pas davantage rendre compte de la manière dont il décrit le monde. Et c'est en quoi le monde échappe au langage."
"Le Paradis, c'est un roman devant un bon feu ! " - Théophile GAUTHIER.
"Toute notre dignité consiste donc en la pensée " - B. PASCAL, Pensées.
"Si le monde n'a absolument aucun sens, qu'est-ce qui nous empêche d'en inventer un?" - Lewis Caroll, Alice au pays des Merveilles.
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Re: Le Langage de Wittgenstein

Message par Kco Quidam (Julien Gobin) » 22 Jan 2012, 14:39

Boujour à tous,

J'ai prit un peu de temps afin de donner une réponses à vos interventions car j'ai l'intuition que nous (vous et moi) avons du mal à discuter de la même chose, cela me semble venir d'une problème assez fondamental qui est que nous ne nous basons pas sur les mêmes axiomes de la discussion par exemple :

paragon a écrit :Au contraire de toi je suis d'accord avec wittgenstein; "une chose peut-être dite ou ne peu pas être dite, elle a du sens ou elle n'en a pas", bien sûr sans parler de la difficulté de le dire


C'est un des points sur lesquels il faudrait que l'on centre notre discussion car je ne vois nullement la nécessité (métaphysique ou logique) d'une telle chose. En mathématique même, et en logique surtout, l'on se rend compte que de nombreux sujets et thèmes ne peuvent être abordés de manière corrects en partant du principe qu'édo énonce qui est celui du tiers exclu. De ce fait quelques modèles on été mit en place pour tenter de travailler sur d'autres choses : la logique floue qui considère que les choses sont plus ou moins vraies mais pas nécessairement totalement vraies ou totalement fausses est un exemple.

A partir de là je ne vois aucune raison factuelle qui pourrais prouver qu'un raisonnement appliquant le tiers exclu est un raisonnement correct pour parler/modéliser le langage. Cela peut être une intime intuition que nous ne partageons pas, mais de ce fait nous ne pouvons discuter plus en avant tant que nous ne nous sommes pas mis d'accord sur ce point.

A noter aussi que :

edophoenix a écrit :Un point où je ne suis pas nécessairement d'accord avec toi, c'est celui selon lequel il faudrait traduire la pensée en langage : beaucoup de cognitivistes soutiennent encore la thèse inverse, qui est qu'il n'existe pas de pensée hors du langage (as-tu déjà essayé de penser sans les mots ? as-tu déjà réussi à "imaginer" - en image - quelque chose dont le terme qui le recouvre ne te vient pas instantanément à l'esprit ? ces chercheurs en sciences cognitives soutiennent que le mot vient avant l'image.)


Souvent repris dans les débat au sujet du langage il s'agit de l'hypothèse de Sapir-Whorf mais cette hypothèse (qui n'est pas une théorie, mais bien une intuition) ne dit pas que pour penser il est nécessaire de posséder un langage mais que les langages que nous utilisons possèdent une influence forte sur les représentations mentales que nous nous faisons du monde, la nuance peut sembler subtile ou inutile mais en réalité elle est forte. C'est l'élève de Sapir Whorf, Benjamin Lee Whorf, qui aura radicalisé cette hypothèse en la résumant à (je vulgarise) "on ne peut penser en dehors de son propre langage" et si l'hypothèse de Sapir Whorf est plutôt bien reçut dans le monde scientifique la version de Benjamin Lee Whorf elle ne fait absolument pas l'unanimité, si tu veux appliquer à la lettre la théorie de B.J.Whorf tu te heurte à un nombres de problèmes faramineux lorsqu'il s'agit de prendre en compte la création de néologisme, la réification (merci à Romaric d'avoir inventé le terme), la possibilité d'apprendre de nouveau langages, le fait qu'un enfant apprenne à parler (alors qu'il ne possède pas de langage natif), etc. Ta théorie va fatalement se mordre la queue à un moment ou un autre car si ton langage délimite totalement ta pensée alors tu ne peux, en tout état de cause, pas concevoir les concepts qui sont énoncés dans des langages autres que les tient. Il y a bien des rustines comme le fait de dire que tous les langages ne constitue qu'un seul Langage mais du coup la théorie dit tout et ne dit rien, elle ne peut être testée, elle est irréfutable donc non scientifique.

Enfin de toute façon peu importe ou va le soutient de la communauté scientifique (c'est un argument d'autorité qui n'aide nullement à la discussion).

Je me rend compte que mon envie première était de lister les choses que Wittgenstein (il me semble) pause comme "vraies et évidentes" et qui ne le sont cependant absolument pas (à mes yeux tout du moins). Car j'ai l'intime conviction que le combat pseudo-épique de la pensée auquel Wittgenstein arrive nait de ces axiomes et ce combat ne me semble ni nécessaire ni productif (je rappelle que de mon point de vue Myphos et Sollipsis sont autant dans l'erreur l'un que l'autre).
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Re: Le Langage de Wittgenstein

Message par edophoenix » 23 Jan 2012, 18:22

Re^^ !

Ta réponse me donne une impression étrange de confusion entre langages et langues. Je ne sais pas si c'est fait exprès.
Quand tu parles des bébés qui n'ont pas de langage natif, je ne suis pas d'accord. Si les bébés n'ont pas appris de langue (du genre français, italien ou allemand), ils ont un langage : quand ils ont faim ou que la couche est sale, ils sont capables de le signaler d'une manière qui certes est rudimentaire, mais attire l'attention des personnes environnantes avec efficacité.

Je ne dis pas qu'il y a un seul langage (ni une seule langue, ce qui serait pire !) -en passant, bien vu la référence à Popper !-, puisqu'il existe, par exemple, des langages verbaux et non-verbaux. En outre, même en paroles, le langage verbal ne comprend pas que le sens des mots (la langue), mais aussi divers autres signes tels que l'intonation de la voix (si je relève la voix en fin de phrase, c'est une question, si je baisse le ton, en revanche, c'est affirmatif. Si je crie, je ne signifie pas la même chose que quand je parle.) Ca, c'est du domaine du langage, sans être du domaine de la langue. Le langage des abeilles ou celui des fourmis, par exemple, n'est pas facilement comparable à ceux employés par les humains. Mais je pars du paradigme selon lequel, là où il y a un signal, il y a langage. Un signal signifiant, bien sûr, je ne parle pas des signaux électriques (quoique, là encore, on pourrait dire que le numérique est un langage, même si l'ordinateur n'a aucune conscience du signal qu'il traite.).

Ainsi, mon propos n'est pas de dire, comme Sapir et Whorf, que le langue modèle la pensée, ni que ma pensée dépend de ma langue maternelle (puisque l'objet de l'étude Sapir-Whorf, c'était de comparer des langues différentes et de dégager en quoi les différences linguistiques permettaient de caractériser les différences culturelles. Or, c'est de la culture que naît la langue, et pas l'inverse)
mais que je ne peux pas penser sans signifiants, quels qu'ils soient.
Sinon, ce n'est pas de la pensée, mais de l'image cérébrale.
A la différence du rêve, dans lequel le langage n'est pas toujours prégnant, la pensée est toujours signifiante. Evidemment, on a toujours tendance à rechercher une logique ou une cohérence dans nos rêves, le cerveau tend donc, au réveil, à rationaliser celui-ci, mais, on s'aperçoit souvent que l'incohérence subsiste.

Bref, je ne dis pas que la langue influence la pensée (bien que ce soit par ailleurs vrai, même si cette influence n'est pas absolue), mais que la pensée en elle-même ne peut être dissociée d'un signifiant.
Pour prendre un exemple de signifiant, quand je hausse les épaules, je veux "dire" quelque chose au destinataire de ce signe : que ce soit mon ignorance, mon indifférence, ou autre chose, en tout cas je n'ai pas utilisé de mots (j'en reviens au langage non-verbal tel que tu en parlais au début de la discussion.) mais j'ai bien utilisé un signe qui signifie quelque chose.

Bref, tout ça pour dire que, quand je pense à une maison, je pense avec des signifiants. Donc avec du langage, quel qu'il soit.



Pour en revenir au vrai et au faux :
la logique floue donne des degrés de vérité et de certitude dans un langage particulier. C'est la virgule flottante (attention, je ne dis pas que c'est la même chose, je parle par analogie) : en termes mathématiques selon les nombres significatifs, on placera la virgule à une plus ou moins haute échelle parce qu'on s'intéresse non pas à la valeur absolue mais à la valeur relative au paradigme.
Mais cela donne le degré de véracité d'une proposition, pas sa dictibilité.

En fait, j'ai l'impression qu'on retombe dans le dilemme de Platon, qui découvrait qu'on pouvait dire des choses fausses (au procès de Socrate par exemple, avec de fausses accusations et témoignages), alors que les systèmes philosophiques précédents (en particulier celui de Parménide) qui distinguait l'être et le non-être, disait qu'en dehors de l'étant il n'y a que le rien, le néant, qui n'existe pas, et que ce qui n'existe pas ne peut être dit.
Or, il n'y a pas que l'être et le non-existant, il y a le vrai et le faux. Et si on ne peut parler du néant, on peut dire le vrai et le faux.
Il y a donc toujours deux catégories : ce qui ne peut se dire (le néant selon Parménide), et ce qui peut se dire, qui comprend le vrai et le faux. Peu importe le degré de vérité d'une proposition, tant qu'elle peut être dite. Ou même peu importe qu'elle soit fausse, si elle peut être dite encore.

D'ailleurs, ça me fait tout-à-coup partir dans un délire perso, puisqu'une fois qu'on a posé cela, on peut dire que si, à l'inverse de ce que dit Wittgenstein, on affirme que le monde est dicible, et qu'il est constitué par tout le dicible, alors ce n'est pas seulement les propositions vraies qui décrivent le monde, tandis que les fausses seraient à exclure, mais on s'apercevrait que le monde est constitué de tout ce qui est dicible, donc que le vrai comme le faux le constitue.
Et là, il ne me reste plus qu'à me faire sophiste 8P
"Le Paradis, c'est un roman devant un bon feu ! " - Théophile GAUTHIER.
"Toute notre dignité consiste donc en la pensée " - B. PASCAL, Pensées.
"Si le monde n'a absolument aucun sens, qu'est-ce qui nous empêche d'en inventer un?" - Lewis Caroll, Alice au pays des Merveilles.
"Vouloir nous Brûle, et Pouvoir nous Détruit" - H. de Balzac, La Peau de Chagrin.


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Re: Le Langage de Wittgenstein

Message par Romaric Briand » 26 Jan 2012, 11:25

En fait, si je saisis bien, ce qui te choque, Julien, c'est l'aspect binaire du :

"peut être dit <------> ne peut être dit".

Mais j'ai l'impression que tu confonds cette distinction avec celle-ci :

"langage <------> non-langage"

Or, pour Wittgenstein, il y a du langage dans ce qui ne peut-être dit. Les poèmes ne sont pas de l'ordre du "dire" pour Wittgenstein et pourtant ils font partie du langage. En somme dans "ce qui ne peut être dit" il y a encore "ce qui peut être montré", "ce qui est éthique", "ce qui est politique", "ce qui est absurde", "ce qui est beau", etc. etc. Donc il n'y a aucune logique binaire dans la pensée de Wittgenstein "le dire", "ce qui peut être dit" est une partie du langage et il y a beaucoup d'autres choses au delà de la frontière tracée par "ce qui peut être dit". Wittgenstein ajoute même que ce qui est au delà du "dire" (une quantité innombrables de choses différentes et indicibles) est plus important. En résumé Wittgenstein ne distingue jamais le "dire" du "non-dire". Il distingue "le dire", "le montrer" et "l'absurde" et puisque dans ces trois distinctions il y en a encore de nombreuses, on est bien loin d'une logique binaire.

Je prends un exemple un peu plus simple pour illustrer mon propos. Lorsque l'on dit que la France est dans le monde. On dit qu'il y a "la France" et que tout le reste est "non-France". Pour autant le monde n'est pas binaire sur le plan des nations puisqu'il est composé d'une multitude de pays. Quand Wittgenstein dit : d'un côté, dans le langage, "il y a des choses qui peuvent être dites" et de l'autre "des choses qui ne peuvent être dites" ce n'est pas binaire car sur le plan des énoncés parmi ce qui ne peut être dit il y a encore pleins d'énoncés très intéressants.

D'après ce que j'en ai lu Wittgenstein tente via le tractatus de définir une limite entre ce qui peut être dit et ce qui ne peut pas l'être, ainsi pour Wittgenstein une chose peut être dite ou elle ne le peut pas et il n'existe pas d'intermédiaire.


Et si justement mon cher Julien ^^ Entre les deux il y a ce qui peut être montré et c'est justement le plus important. ^^ Ce qui ne peut pas être dit n'est pas forcément absurde, entre les deux il y a "le montrer".
Je pense que tu crois a tort que "ce qui ne peut être dit" est la limite du langage chez Wittgenstein.

Dire -----> Montrer -------> Absurde

Voilà un gros raccourci du schéma wittgensteinien et tu vois qu'il n'est pas binaire, au contraire ! En fait je pense que Wittgenstein et toi vous êtes supers d'accords ! =D
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Re: Le Langage de Wittgenstein

Message par Romaric Briand » 27 Jan 2012, 08:32

Si, c'est ce que j'ai essayé d'expliquer au dessus :(
J'ai pas du être très clair...
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Re: Le Langage de Wittgenstein

Message par Romaric Briand » 27 Jan 2012, 08:33

Je reviendrai plus tard sur cette explication ^^
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Re: Le Langage de Wittgenstein

Message par Kco Quidam (Julien Gobin) » 02 Fév 2012, 19:59

Bonne remarque Rom'. En effet après m'être penché sur le truc et l'avoir laissé faire des petits tours dans ma tête il me semble que c'est bien cette confusion des deux distinctions qui me dérangeait.

En fait ce qui me gênait le plus était la vision binaire du langage tel que décrit dans "Le Monde Logique", binarisation (c'est moche mais c'est correct .... je crois) qui me semble toujours incorrecte si elle est prise seule. Mais ce texte est Wittgenstein vu par les yeux de Myphos Quadria, je suis tombé dans le piège ^^'.

Du coup je vais laisser mes neurones réinterpréter le tout pendant quelque temps. J'ai encore quelques trucs qui me trottent dans la tête (toujours autour du "Monde Logique") mais il me faut un peu de temps pour écrire une contribution vraiment posée sur le sujet ^^.

En tout cas merci a tous pour vos réponse qui m'ont fortement aidé à éclairer ma lanterne ;).
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