"Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

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"Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Mangelune » 28 Avr 2013, 17:18

Bon après deux tests effectués sur le jeu de Fabien et celui de Steve (Versus), plus un léger apport sur un CR de Démiurges, je me décide à poster ici un de mes projets en cours. J'en profite pour me présenter : Mangelune/Vivien, rolistes trentenaire parisien, traducteur notamment de jdr (surtout L'Appel de Cthulhu en fait), j'ai un peu bossé pour Agone mais trop tard (juste avant la mort de Multisim) et ai écrit un jeu "Les Errants d'Ukiyo" qui a connu une courte vie en version gratuite sur le net avant d'être repris par les éditions Icare.

Passons au projet : depuis cette année et un cours passionnant sur une certaine forme de poésie moderne auto-éditée au format "chapbook" (voir ci-dessous), j'ai décidé de me relancer dans l'écriture de jdr et de produire une courte série de jeux d'une vingtaine de pages, susceptibles de se jouer en une courte soirée, qui seraient vendus à des prix forcément assez bas. Cela impliquerait des thématiques fortes sous-tendues par un système à la fois simple et intéressant (on est pas là pour vendre des machins bâclés mais proposer des expériences de jeu qui donnent envie quoi), et a priori de la narration partagée (le nombre de pages ne permettant pas la mise en place d'un univers détaillé).

(pour une idée du format de jeu ; je considère en effet que le projet éditorial est important et influe sur la forme)

1) Le concept
Vous incarnez des enfants qui viennent de s'égarer dans une grande ville. Vos parents ont disparu. Il pleut. Aucun adulte à l'horizon. Dans l'ombre des ruelles, vous devinez des mouvements : les sirènes de l'averse vous ont aperçu, et elles adorent dévorer ceux qui comme vous se sont égarés. Heureusement, vous trouvez un groupe composé d'autres enfants perdus : tant que vous serez avec eux, les sirènes n'oseront pas vous attaquer. Seulement voilà, vous avez froid, vous avez peur, vous pleurez, et déjà vos nouveaux amis commencent à se dire qu'ils s'en sortiraient mieux sans vous.

2) Le système de jeu

A) Attaches : chaque enfant possède un certain nombre de jetons d'attaches (pour le moment, 12). Lorsqu'un enfant n'a plus d'attaches, il quitte le groupe : il s'enfuit en hurlant, il part parce qu'il pense s'en sortir mieux tout seul, il craque et va s'isoler une minute, il va chercher à manger pour les autres parce qu'il est le seul "adulte" du groupe et croit que c'est à lui de prendre les responsabilités... La conséquence est toujours la même : celui qui part ne revient jamais. Les sirènes de l'averse l'ont emporté.

B) Découpage de la partie : la partie se découpe en Actes. Chaque Acte est divisé en Chapitres, et chaque Chapitre met en scène l'Enfant d'un des joueurs. Un Acte se termine quand tous les joueurs ont eu un Chapitre à eux. Pour savoir qui joue en premier, chaque joueur inscrit le nom d'un des enfants sur un bout de papier et on procède à un tirage au sort. On enlève le papier tiré, mais on laisse les autres pour les Actes futurs. C'est ensuite à celui qui vient de terminer son Chapitre de décider qui prendra la suite.

C) Déroulement d'un chapitre : quand votre chapitre prend place, les autres joueurs incarnent "l'aversité". Chacun à leur tour, ils peuvent décrire un élément qui effraie votre personnage (les ombres des ruelles, l'attaque ou l'appel d'une sirène, le manque de nourriture, le froid mais aussi et surtout leur propre personnage qui vous regarde de travers ou vous fait des reproches, ou bien encore le fait que vous êtes entouré de bébés incapables... bref tout ce qui peut vous rappeler que même en groupe, vous êtes seul. Chaque description permet au joueur qui la fait de vous enlever un jeton d'Attaches.
* Il est néanmoins possible qu'un membre de l'aversité refuse de vous enfoncer, et décide à la place de vous remonter le moral. Il décrit comment son personnage vous aide, vous donne sa part de nourriture, partage quelque chose, etc. Dans ce cas, au lieu de vous enlever un jeton d'Attaches, il vous donne l'un des siens (il en perd donc un ; on est jamais plus seul que quand on prend en charge les malheurs des autres)
* Au cours de chaque Acte, chacun des joueurs a de plus la possibilité d'enlever un jeton supplémentaire à l'un des enfants, quand il le souhaite (y compris quand c'est normalement à lui de subir : son enfant peut par exemple ruiner le moral d'un autre en l'effrayant ou en réagissant de façon un peu vive).
* Le joueur d'un enfant disparu continue d'incarner l'aversité pendant le tour des survivants bien entendu, mais il ne peut plus choisir d'apporter une lueur d'espoir. Il fait partie des sirènes de l'averse désormais.

D) Fin d'un acte : à la fin de chaque acte, celui qui a le plus de jetons d'Attaches décide de la prochaine destination du groupe : vont-ils se mettre à l'abris, chercher à manger, tenter de retrouver leurs parents, essayer d'affronter les sirènes de l'averse ? Un des enfants peut contester son autorité et proposer autre chose : après un rapide échange verbal, les autres joueurs décident du vainqueur ; celui qui est désavoué par le groupe perd 1 jeton d'Attaches.

3) La fin du jeu
La partie se termine quand il n'y a plus qu'un seul enfant en jeu : au détour d'une ruelle, il retrouve ses parents et le monde réel. La pluie a cessé, les sirènes de l'averse terminent leur existence éphémère, et il n'entendra plus jamais parler des disparus. Tant qu'il y a deux enfants ou plus, le groupe erre sans trouver son chemin.


Voilà en gros le principe du jeu, qui essaye de rendre un certain sentiment de solitude mais aussi de remplacer l'aléatoire des dés par de "l'aléatoire" humain (dans la mesure où il est difficile de prévoir les actions combinées de tous les joueurs). Bien sûr je me pose pas mal de questions quand à la viabilité du jeu, sa rejouabilité. Même si je compte bien me lancer au plus vite dans des playtests, étant perfectionniste j'aimerais beaucoup avoir vos avis avant ! Est-ce que, à la lecture, le jeu vous paraît soutenir sa démarche, et est-ce qu'il ne le fait pas au détriment du plaisir de jeu (au sens général, le but n'est pas de se payer des barres de rire mais d'être impliqué dans la partie).

Merci à tous ceux qui auront eu le courage de me lire jusqu'au bout !


[Modifié par Christoph le 24 mai par conformité aux règles sur les images]
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Frédéric » 28 Avr 2013, 17:53

Bonjour Mangelune (puis-je t'appeler par ton vrai prénom ?)

je trouve que c'est un très beau projet, je vois d'ici les images et les scènes que ça pourrait produire, le sentiment de solitude, l'oppression etc.
Je crois que tu as tout ce qu'il faut pour lancer un playtest : une situation de départ très ouverte, mais ultra-féconde en terme d'imaginaire. Des personnages, une adversité (l'averse) et une idée de qui peut la contrôler quand, des conditions pour terminer la partie et un découpage de scènes.

J'ai un léger doute concernant le fait d'enlever un jeton sur simple volonté. J'ai peur que les choix des participants soient complètement externes à ce qu'il se passe dans la fiction : essayer de ne pas toujours s'acharner sur le même ou au contraire, se faire un souffre-douleur...
À mon avis, ce serait intéressant de déterminer quand on enlève un jeton, que ce soit soumis à un événement, un acte ou un comportement des personnages dans la fiction. Je pense à Polaris (de Ben Lehman) où l'on précipite la déchéance d'un PJ quand il s'est laisser tenter par le "démon".

Autrement, j'ai très, très hâte de lire un retour de partie !
Frédéric
 
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Mangelune » 28 Avr 2013, 18:21

Merci Frédéric pour ta réponse !

Tout le monde peut m'appeler par mon prénom bien sûr, après tout je le donne en ouverture de poste.

Effectivement une de mes peurs principales, qui ne sera sans doute (du moins je l'espère) écartée qu'après test, est que la partie manque de "chair", de fiction, et que les pertes de jetons s'enchaînent parfois de façon un peu trop mécanique. La fiction dans un jdr est en partie fertilisée par les allers et retours produits par les discussions entre participants (qu'il y ait un MJ ou pas). Là, il y a un risque parce qu'un des personnages est en mode passif ; c'est à la fois un élément important du jeu et un gros risque.

Pour ce qui est de voir les joueurs s'acharner ou au contraire épargner un camarade, c'est quelque part intégré par le jeu. Les enfants peuvent être cruels, et injustes. Ils réagissent parfois de façon impulsive. Maintenant est-ce que c'est intéressant à vivre autour d'une table ? C'est une autre question à laquelle je voudrais pouvoir répondre.

Sinon il y a quand même quelques garde-fous au fait de pouvoir enlever des attaches :
- La perte d'un jeton doit toujours être liée à la fiction. Ce peut être un événement dramatique (une sirène attaque, un autre enfant te pique ton repas), mais aussi des sensations ou des perceptions (les ombres dans cet abri semblent bien trop épaisses) ; dans ces deux derniers cas, les autres joueurs se font la voix des sirènes qui disséminent de noires pensées à l'enfant dont c'est le chapitre. Le jeu présentera d'ailleurs une liste d'idées un peu générales sur lesquelles se baser (on peut dire que ce point doit beaucoup à Monostatos et à la façon dont on gagne de la Puissance)
- Chaque joueur, pendant le chapitre d'un autre, ne peut lui arracher qu'un seul jeton (toujours en donnant une raison). Sauf s'il utilise sa "perte de jeton bonus de l'acte" pour en enlever un de plus, mais il doit tout de même relier cela à de la fiction. Soit il rajoute un élément, soit il considère que l'élément qu'il a décrit est tellement violent qu'il peut valoir la perte de deux jetons d'un coup.
- Un joueur peut décider de ne pas enlever de jeton s'il n'a pas vraiment d'idées
Mangelune
 
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Apprenti MJ (Fabric) » 28 Avr 2013, 19:33

Mon avis de non spécialiste qui s'y connait autant en système qu'en pâte à gaufre (et quand je dis ça je pèse mes mots). Ton approche me fait naturellement penser à un autre jeux de rôle qui est little fears, sur ce jeu on avait une approche sympa avec un système et une trame intéressante mais un gros aspect des choses péchait un peu à savoir les personnages emblématique/mythique de l'univers.

Pense tu développer un panthéon autour des personnages de l'averse ? Ou cela ne reste t-il qu'une menace lointaine et inconsistante ?
Apprenti MJ (Fabric)
 
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par shiryu » 28 Avr 2013, 20:46

Bonjour Mangelune/Vivien
Vite fait car je trime sur un montage vidéo depuis hier soir qui ne marche toujours pas et ça va m'empêcher de dormir si je ne pond pas un truc au moins merdique mais qui marche.
Dans le désordre :
- à la lecture, j'ai trouvé ça très tentant pour l'immersion (et moi, j'aurais la chance de le tester nananananère !)
- l'ensemble me semble cohérent (intention + système + ambiance)
- un joueur peut-il avoir un intérêt à sortir rapidement un autre joueur ? ou au contraire à le sauver ? (je parle bien de joueur, pas de personnage, même si je me doute que ça va se répercuter sur son personnage).
- le joueur du personnage ciblé ne peut-il pas choisir lui-même si la narration de l'autre arrive à faire mouche et s'ôter lui-même un jeton ? Autre arbitre possible : tous les autres joueurs sauf les 2 impliqués, tous les autres + celui visé, tous les autres plus celui qui vise.
- vision ludique du jeu qui ne me choque pas : c'est le joueur qui comprendra le mieux l'aversité qui pourra le plus mettre à mal les autres joueurs, et donc, amener son personnage au bout, et donc "gagner", normal puisqu'il a le mieux compris le danger.
- question à mettre de côté pour le test : si ça dure trop, à voir si on ne tourne pas en rond sur la narration et comme tu le soulignes, si ça n'est pas trop répétitif d'une partie à l'autre.
- par contre, pas de dés donc je ne vois pas comment on va pouvoir être pressé par cet acte totalement magique de faire rouler les dés et en négliger la narration. Pour moi, pas d'inquiétude de ce côté-là, au contraire, je pense que j'aurais hâte d'entendre la narration des autres, un peu comme quand on se racontait des histoires qui font peur quand on était gamin (on avait la trouille mais on attendait impatiemment la suite). L'ambiance autour de la table sera primordiale, du genre éviter un bar fréquenté pour jouer...
shiryu
 
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Mangelune » 29 Avr 2013, 09:04

Apprenti/Fabric > j'ai lu et même fait jouer à Little Fears :) Cela dit Perdus s'inscrit dans un contexte particulier, il doit être court et pratique la narration partagée totale (pas de MJ, temps de parole égalitaire). Cela implique un jeu rapide à prendre en main et donc un background minimaliste (mais évocateur, enfin j'espère). Je me base sur le fait qu'il n'y a qu'une seule créature surnaturelle : la sirène de l'averse, créature polymorphe qui ne vit que le temps d'un orage et a faim mais qui est trop lâche pour attaquer ne serait-ce que deux enfants (sauf quand la faim se fait trop forte).

Shiryu > je compte bien effectivement soumettre ce jeu à votre test une fois qu'on aura essayé Noeud Gordien ! C'est cool que tu aies un a priori positif en tous cas.
- L'intérêt des joueurs, en termes d'efficacité, n'est pas de se sacrifier. Il n'y a aucune récompense mécanique. La fiction, les liens humains, la culpabilité, etc. c'est ce qui doit théoriquement pousser un joueur à préféré perdre la partie plutôt que d'incarner un enfant égoïste. L'altruisme n'a pour récompense que lui-même.
- Je pense que l'idée de laisser la "victime" décider de si elle s'enlève des jetons ou pas, lui permettre d'évaluer la narration de l'autre, ne va pas dans le sens du jeu. L'idée de vote des autres fonctionnerait sans doute, je l'ai d'ailleurs appliquée à un autre projet, mais ici on est devant des micro-scènes (contrairement à des jeux comme Fiasco où chaque scène prend un certain temps) et cela risquerait de ralentir le jeu un peu trop. Et puis j'aime bien l'idée que le joueur assume son choix : il raconte comment l'autre enfant souffre puis lui enlève "physiquement" un jeton.

Cela me rappelle un oubli majeur dans mon résumé : la création de personnages. A priori on créée un enfant ainsi :
- "Je m'appelle..." Un prénom. Pas de nom de famille.
- "Je me souviens de..." Un ou plusieurs souvenirs de ses parents : une odeur un peu piquante, de la chaleur, la lumière du salon où sa mère lisait le soir, une musique qu'elle mettait avant le coucher ?
- "Quand j'ai peur, je..." Qu'est-ce qui permet à l'enfant de se rassurer ? Un doudou, un héros de fiction, une phrase que lui a donné son père, le fait de manger ?
- "J'ai peur d'être abandonné, je..." Pourquoi ses parents ne sont-ils pas là ? Pourquoi ne le cherchent-ils pas ? Est-il trop gros, est-ce qu'il ne correspond pas à l'image que son père se faisait de lui, est-ce qu'un petit frère plus intéressant l'a remplacé, ou une petite soeur même ? Elle est mieux parce que c'est une fille ?

Ces éléments ont pour but de nourrir un peu la fiction aussi.
Mangelune
 
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Steve J » 29 Avr 2013, 13:55

Salut Vivien,

Je trouve ton idée tout à fait enthousiasmante.
J'aime la simplicité du petit format et le thème est très évocateur.

Un peu de name droping. Au niveau du format court et de l'idée de partir d'une situation initiale aux enjeux fortes, ta présentation me rappelle certains jeux du recueil Norvegian Style. Je n'ai pas lu le bouquin (disponible sur Lulu) mais Brand en parle sur son blog.
Quelques jeux récents ont montré qu'il était possible de faire tenir un jeu complet sur peu de pages, j'avais été agréablement surpris de découvrir des jeux au format A6 sur Lulu (c'est tout petit et quand on ouvre le paquet on à l'impression qu'une partie du contenu a été oublié) : Explo[nar]rateur et Pirates !.
Notons que ces deux jeux peuvent se jouer avec un partage de la narration classique. A mon sens il est parfaitement possible d'imaginer des jeux à tout petit format sans partage élargi de la narration (même si ce partage est cohérent avec l'idée de faire partir tes jeux d'une situation initiale forte, laissant aux joueurs le soin de raconter le reste).

Une remarque sur le système de lueur d'espoir.
C'est une très belle idée qui laisse à imaginer de très belles scènes. C'est de plus une idée qui oriente immédiatement la démarche créative : on donne au joueur la possibilité de faire un choix désavantageux pour son personnage (puisqu'il n'en restera qu'un au bout du chemin). Je suis curieux de voir comment cela va fonctionner à notre table.

Sinon c'est plus classique (tu n'es pas le seul à mériter ce compliment) mais j'aime beaucoup cette façon qu'on les systèmes à narration partagée de gérer la sortie de jeu d'un PJ sans faire sortir du jeux le joueur. Le joueur dont le personnage a quitté le groupe va naturellement endosser une part plus importante de l'adversité. Cela ne me surprend pas venant de toi mais tu règles ainsi avec une grande simplicité le problème du déséquilibre d'implication entre les joueurs (et sa conséquence : l'ennui des joueurs les moins impliqués).
Steve J
 
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par shlopoto » 29 Avr 2013, 15:15

Salut Vivien,

Comme les autres je trouve le cadre, les intentions et la façon de faire très jolis, originaux et envoûtants. Je ne suis pas sûr d'être client pour ce genre de jeu par contre, car je n'y vois que déprime, avec de beaux moments certes : penses-tu qu'il pourrait y avoir quelques rayons de soleil dans ce triste décor, et que ça puisse faire partie des motivations des joueurs ? En tout cas tel que tu le décris c'est une expérience et je suis sûr que ça peut être marquant, mais assure-toi que les joueurs auront tout de même envie d'y revenir. =)

Moi c'est à My Life With Master que ça me fait penser, à cause de la situation désespérée des héros. Or sur MLWM il y a de l'espoir, les rayons de soleil dont je parlais : ce jeu est lui aussi découpé en scènes, et une scène peut avoir une conclusion positive. Pas toujours, mais elle peut. Et enfin à l'issue du jeu il y a des degrés de réussite (comprendre de joie ou de malheur) pour chacun des participants. Il faut dire aussi que le jeu n'a pas ce côté éliminatoire, les personnages restent jusqu'au bout.

Un autre jeu auquel ça me fait penser : le fait que les PJ morts/disparus puissent encore agir me fait penser à Fiasco, dans lequel le joueur d'un PJ mort peut continuer à faire agir ce dernier : un bras qui dépasse de sous le canapé, un enquêteur qui vient poser des questions sur le meurtre, etc. C'est le coup du cadavre qui revient éternellement dans l'histoire, comme animé d'une intention bien qu'il soit bel et bien mort, raide. Sur Fiasco c'est volontaire humoristique, mais ça peut être traité de façon plus tristounette. Peut-être que les interventions des PJ morts pourraient être en rapport avec leur disparition, et la culpabilité. C'est peut-être une contrainte inutile, je ne sais pas, je balance juste la référence à cause d'une mécanique un poil similaire.

J'ai deux craintes au niveau du système que tu exposes. Dans la vraie vie je suis tout à fait d'accord pour dire que l'altruisme devrait être sa propre récompense, mais là je ne sais pas trop dans quelle mesure il va fonctionner. Après tout tu mets les joueurs en concurrence, et même si leurs personnages ont des sympathies le jeu n'en tient pas du tout compte. Ou alors il faudrait que deux enfants puissent se protéger l'un l'autre, auquel cas je suppose que chercher à se faire des amis en donnant un pion plutôt qu'en en prenant un aurait plus de sens. Et si tout le monde se serrait les coudes ? Certes, ça remettrait en cause la fin telle que tu l'as prévue.

L'autre crainte, c'est quand il n'y a que deux joueurs, elle est liée à la première : n'est-ce pas celui qui a le plus de pions qui est assuré de gagner ? Pour quelle raison irait-il se sacrifier ? J'avoue que je vois ça avec un œil ludiste plutôt que narrativiste. Si j'essaye de le voir façon narrativiste, je me demande en quoi cela rend l'histoire plus intéressante de se sacrifier. Dans la création de perso, je ne vois rien qui rende le but d'un enfant plus poignant que celui d'un autre, aucune raison de se sacrifier en se disant que ça vaut le coup que ce soit lui qui survive. Par exemple l'un est orphelin et va juste retrouver sa vie en foyer d'accueil, l'autre a des parents qui l'aiment : là d'accord, il y a une base de discussion pour savoir lequel des deux "mérite" le plus de s'en sortir, d'avoir accès au bonheur.

Ah, et encore une chose : est-ce que les PJ ont conscience que le dernier va s'en sortir ? Est-ce que ça peut jouer dans leurs arguments ? Et quand il ne reste que deux enfants et que l'un part, est-ce que l'autre, maintenant tout seul, peut croire qu'il va lui aussi disparaître ?

En tout cas c'est un projet très intéressant. Est-ce que tu as prévu qu'il soit jouable par des enfants ?

michaël.
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Mangelune » 29 Avr 2013, 16:11

(merci encore pour toutes vos réponses)

Steve : si on cherche des inspirations, je pense qu'il faut prendre Zombie Cinéma en compte, qui m'a montré qu'on pouvait éliminer brutalement des joueurs tout en les maintenant dans la partie. Grosse révélation pour moi. Bien sûr il est possible de faire des jeux courts sans partage, deux de mes projets au format court se basent d'ailleurs sur la présence d'un meneur de jeu.

Michaël/shlopoto : effectivement le jeu se veut un peu poétique mais surtout très sombre, même les lueurs d'espoir relèvent au fond plus de la tristesse : cet enfant qui est venu te parler alors que les autres te tournaient le dos est parti chercher à manger pour tout le monde, on ne l'a jamais revu. La partie doit d'ailleurs être assez courte pour cette raison.

Pour l'idée de faire "revenir" son personnage sous forme de regrets, c'est tout à fait possible (il faut que je le note dans les éléments descriptifs tiens). Mais il faut bien voir que ces éléments sont des pensées déprimantes soufflées par les sirènes. Le joueur du garçon disparu travaille désormais exclusivement pour l'aversité.

Concernant l'altruisme, j'avoue avoir confiance en la fiction et dans la mentalité des joueurs. C'est vrai que la mécanique ne récompense pas du tout le joueur qui se sacrifie (enfin presque pas, celui qui est rassuré gagne un jeton dans l'histoire, et rien ne dit que le geste altruiste n'en inspirera pas d'autres ?). En tous cas le but n'est clairement pas de faciliter la tâche de celui qui voudra aider ses camarades. A voir en test pour le coup.

Le jeu ne se jouera pas à deux dès le départ. Ce sera au minimum trois joueurs. Quand il n'y a plus que deux enfants, le joueur du disparu continue donc d'enlever des jetons à la personne de son choix, ce qui peut faire la différence à mon avis. Je note par contre l'idée de l'objectif plus poignant, je vais réfléchir à ça.

Sinon les joueurs savent que chaque enfant qui part disparaît. Par contre les enfants ne le savent pas (enfin ils se doutent que les sirènes emportent ceux qui quittent le groupe, mais ils peuvent toujours croire être différents, avoir une chance de s'en sortir, ou simplement vouloir fuir très loin sans réfléchir). Quand il ne reste plus que deux enfants en jeu, effectivement celui qui reste a toutes les raisons de croire qu'il est le prochain sur la liste.

Par contre je n'ai pas du tout prévu de faire jouer ça à des enfants :) ça me paraît beaucoup trop négatif !
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par shiryu » 29 Avr 2013, 16:28

pour moi, ça ne visera pas mon fils (pas envie qu'il fasse des cauchemars !).
L'idée du rayon de soleil, c'est bien de l'aborder. Mais ça peut aussi être une arme de la sirène.
Savoir qu'il n'y en a qu'un seul qui s'en sort, je pense que les joueurs doivent le savoir. Mais pas les personnages (sinon, exit l'altruisme et vive battle royal).
Effectivement, le piège, c'est si un joueur décide de ne jamais faire sauter de jetons aux autres, et surtout, si tout le monde prend cette décision.
Mais il ne faut pas négliger aussi l'effet alliance entre joueur (et trahison), visible dans tous les jeux de plateau. Si un joueur te fait perdre un jeton, il y a des chances que ce soit celui-là que tu vas viser au prochain tour. Et au contraire, si tu en aides un, il a des chances de t'aider la prochaine fois (enfin, l'espères tu) ou de te planter un beau couteau dans le dos dans la fiction et dans la réalité. Ce que je trouve très bien par rapport à des jeux de plateau souvent du genre "élimination", c'est que le joueur éliminé continue à jouer mais uniquement l'aversité. Donc éliminer son pire ennemi n'est pas forcément une super stratégie.
Bon, c'est clair que je porte dans cette critique un regard purement ludiste mais pour moi, dès qu'il y a un objectif et des paramètres que le joueur peut influencer, il y a un regard ludiste possible "que dois-je faire pour améliorer mes chances d'atteindre l'objectif ?". En disant ça, je ne suis pas sûr d'être forcément dans le ludisme, je m'attend donc à un petit contre-exemple de fred dans la foulée qui va faire mouche, mais tant pis, mon objectif était de soulever un point de vue à considérer pour Mangelune/vivien.
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Mangelune » 29 Avr 2013, 16:57

J'avais envisagé ce problème du groupe qui se refuse à se faire des crosses. Personne n'enlève rien, ou bien tout le monde se fait des actes altruistes. C'est a priori une fin tout à fait possible qui serait dès lors décrite dans la base : le groupe continue d'errer dans la ville des sirènes, la pluie ne cesse jamais de tomber, mais ils survivent. Si tout le monde est d'accord, on arrête la partie là-dessus. C'est une fin mi figue mi raisin mais elle est dans le canon du jeu.

Sinon très clairement, je ne renie pas l'aspect "jeu de plateau" (après tout, les jeux de plateaux eux-mêmes révèlent/simulent certains mécanismes psychologiques bien réels, tout à fait appropriés au jeu de rôle). J'espère au fond que les stratégies de séduction, de coups de couteau, etc. se combineront avec la fiction racontée pour produire quelque chose de fertile, à mi-chemin entre les deux, avec certains joueurs coincés entre leur vie de jouer un perso positif ou de manifester leur sympathie envers un autre d'un côté, et leur envie de faire survivre leur personnage de l'autre.
(D'ailleurs souvent dans les jeux à alliance, il y en a toujours un pour refuser la trêve et tout foutre en l'air ;))

Clairement Zombie Cinema est une grosse inspi (et dire que je l'ai toujours pas essayé... honte sur moi) : produire des jeux susceptibles d'être lus et joués rapidement, avec des mécaniques ludiques bien intégrées au thème, remplaçant en partie le beau matos luxueux par l'imagination (ok j'aurais rien contre du beau matos luxueux même minimaliste), plaçant les joueurs en déséquilibre entre logique narrative et stratégie optimum (avec le risque que si tu joues trop les salauds, les autres s'en prennent à toi ensuite).
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par shlopoto » 29 Avr 2013, 17:19

Hmm j'y pense, le système pour ce jeu c'est peut-être une sorte de dilemme du prisonnier. L'altruisme y est, au mieux, légèrement valorisant et, au pire, carrément proscrit. Le coup de pu*e peut-être très profitable mais a aussi un double tranchant.
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Mangelune » 29 Avr 2013, 19:01

shlopoto a écrit :Hmm j'y pense, le système pour ce jeu c'est peut-être une sorte de dilemme du prisonnier. L'altruisme y est, au mieux, légèrement valorisant et, au pire, carrément proscrit. Le coup de pu*e peut-être très profitable mais a aussi un double tranchant.


Il y a de ça ! Je pense qu'on le trouve sous une forme moins mathématique : Shiryu parle justement des comportements des joueurs auxquels le système laisse une certaine marge de manoeuvre (prendre un jeton ou pas, se sacrifier ou pas, à qui infliger la perte de jeton supplémentaire). Cela le but est quand même que régulièrement un joueur se retrouve seul contre le reste de la table ; dans une première version je ne laissais d'ailleurs pas la possibilité de ne rien faire, un joueur devait choisir entre enlever un jeton ou se sacrifier. J'ai préféré laisser un peu plus de libertés et rajouter des pertes "bonus" pour éviter que tous les joueurs ne disparaissent durant le même acte !

C'est malin vous me faites trépigner dans l'attente du premier test ;)
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Fabien | L'Alcyon » 29 Avr 2013, 23:00

Salut Vivien !

Avec cette histoire de dilemme du prisonnier, je comprends mieux ce que tu veux faire. Si je comprends bien, chacun a - à son tour - le choix entre meurtrir un des autres ou l'aider à ses dépens. Vraiment intéressant, avec une thématique puissante, j'ai hâte de tester ça ! Pour accentuer la mécanique, il serait bon qu'on puisse rendre son personnage sympathique... Il faut aussi qu'on joue à Zombie Cinéma d'Eero Tuovinen qui sera à mon avis une excellente référence pour ton jeu !

Au plaisir de le tester ensemble !
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Re: "Seuls sous la pluie" : la solitude au milieu des autres

Message par Mangelune » 30 Avr 2013, 12:49

Le dilemme est un élément, certes très très important mais j'espère que ce ne sera pas le seul propos du jeu. Il y a aussi le fait de se glisser dans la peau d'une victime, d'un enfant confronté à une injustice totale (tous contre moi). Et de concevoir une histoire éminemment triste sur des enfants qui disparaissent. Mais effectivement, la possibilité de ne pas jouer le "méchant" me paraît cruciale en laissant au joueur son libre arbitre.

Pour ce qui est de rendre un enfant sympathique, je vais avoir du mal à trouver des "mécanismes" pour ça. J'ai le sentiment que cela va se jouer à la table (si le jeu marche bien sûr) :
- est-ce que les joueurs vont prendre un grand plaisir à démolir le perso d'un autre ? Est-ce qu'en se voyant attaquer à 3 contre 1, en entendant le joueur décrire les réactions de la victime (un enfant), ils ne vont pas avoir un mouvement de recul ?
- si un joueur décide d'incarner un sale gamin égoïste, est-ce que le fait de révéler par la mécanique de jeu la dichotomie sale gosse en position de puissance (qd il soutient l'aversité) / enfant esseulé et apeuré (qd c'est son chapitre) va suffire pour ne pas en faire rapidement une tête de turc ?
- est-ce qu'un enfant qui aide les autres a plus de chances au fond d'être épargné ? est-ce qu'un enfant aidé devient une cible de choix ou au contraire un innocent qu'on voudra épargner ?

A mon avis ce qui compte le plus dans la création, c'est de fournir à l'aversité des éléments pour personnaliser ses assauts, de fournir aux éventuels "gentils enfants" des points d'accroche pour créer du lien ("Tu sais j'ai eu le même ours en peluche...") et enfant de donner des éléments au joueur pour créer un personnage crédible avec lequel il puisse s'identifier. A mon avis plus un perso est "vrai", plus il est sympathique.
Mangelune
 
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