par Thomas Munier » 15 Juin 2013, 12:33
Merci Steve et shiryu, vous me donnez du grain à moudre.
Je suis d'accord pour admettre que la narration partagée n'est pas forcément une martingale pour faire venir un nouveau public au jeu de rôle. J'entends par là qu'il n'y a pas de martingale, chaque personne sera sensible à des qualités différentes pour aimer un jeu de rôle, on peut s'efforcer de faire des jeux qui annoncent clairement leurs intentions et les respectent, en revanche le jeu parfait n'existe pas, ou alors juste pour une personne p à un moment m. Je propose une approche, on voit dans le podcast que d'autres approches sont possibles, tout dépend vraiment de la personne à qui tu t'adresse et de sa disponibilité d'esprit au moment où tu t'adresse à elle. Je crois que le serpent de mer du jeu d'initiation, ou du jeu de rôle pour grand public, c'est de croire qu'il y a UNE solution. C'est pour ça que les débats tournent en rond. Quand on réalise que la réalité est plus complexe. Les solutions que je vois émerger :
+ élargir la gamme de jeux de rôles proposés (snack JDR, JDR sur des nouveaux thèmes, formats de jeux innovants...)
+ élargir les points de rencontre (sortir des salons ludiques, des conventions et des associations rôlistes pour aller sur d'autres lieux, comme dans les projets de Lionel Jeannerat)
+ établir des passerelles entre les jeux (parce que les querelles de clochers cloisonnent les joueurs dans des pratiques dont ils risqueraient de se lasser), je crois que les choses paraissent plus réalisables.
Le jeu de rôle traditionnel a des qualités que le jeu à narration partagée n'a pas et inversement. Dans le jdr tradi, le MJ prend en charge la difficulté, si bien que tu peux initier des joueurs sur des jeux ambitieux. Dans le jdr à autorité partagée, comme le souligne Steve la difficulté est répartie sur tous les participants, mais il y a cette barrière de devoir narrer, je dis dans le podcast, et j'en reste persuadé, que tout le monde n'aime pas faire ça, ça n'empêche pas d'être rôliste. Il y a aussi un feeling différent, et certains n'aiment pas le feeling de la narration partagée parce qu'ils n'aiment pas prendre du recul par rapport à leur personnage.
Dans Marins de Bretagne, j'essaye comme vous le dites, d'emmener l'accessibilité de la narration partagée sans forcer le joueur à narrer en quantité. Il y a quelques mécanismes d'aide, notamment parce que tu narre en concertation avec celui qui contrôle la carte en face de toi : donc la plupart du temps c'est une narration à deux voix. En fait, le pierre papier ciseaux te permet de crever la bulle narrative quand tu pense que tu en as assez dit, en quelque sorte c'est une respiration.
Steve, Tu cites l'exemple d'Il Etait une Fois, je crois que ce sont des mécanismes dont j'ai voulu m'éloigner. Ce qui me gêne dans Il Etait une Fois, c'est la compétition pour le contrôle de la fiction. Je voulais un climat plus apaisé à ce sujet dans Marins de Bretagne : le partage de la narration est cyclique, encadré, prévisible. c'est une marelle, tu avance sur la marelle et la marelle te dit à qui c'est le tour de parler. La tension ludique se situe ailleurs (plus exactement elle se situe dans le PPC parce que c'est un mini-jeu qui fait monter le rythme cardiaque nettement plus qu'un jet de dés, qui introduit des notions de bluff, qui attire l'attention même de ceux qui n'y participent pas).
Pour conclure, je crois aussi dans la force de ce qui n'est pas écrit. Nous sommes abreuvés de leçons de game design et c'est une excellente chose pour concevoir des jeux robustes qui émulent parfaitement les intentions de l'auteur. C'est essentiellement basé sur l'idée qu'un bon game design verouille les sanctions et les récompenses. Mais à mon sens, ça dénote un manque de confiance dans les participants. Avec Marins de Bretagne, je fais un pari (je dis bien pari parce que je ne suis pas assuré du résultat, et je sais d'ailleurs que ça ne marchera pas avec tout le monde) de penser que les gens peuvent investir efficacement le champ que les règles laissent libre. j'entends par là que la narration peut émerger même s'il n'y pas une incitation forte. Parce que les gens vont utiliser leur système zero qui leur est implémanté juste parce qu'ils sont des êtres humains capable d'imagination, de projection, de fiction. Je cherche juste à donner un petit coup de pouce, et je présage que ça va démarrer tout seul.
Voilà, ce sont des pistes que je propose, je ne prétends à aucun moment qu'elles sont les seules. J'ose en revanche espérer qu'elles fonctionnent, et je le dis par l'expérience du playtest. ça n'empêche pas de croire qu'il vaut mieux initier les gens avec Dogs in the Vineyard. Mais pour ma part, je ne le ferais ni avec tout le monde ni dans toutes les situations.
En fait, je pense que ce n'est pas un débat. L'erreur c'est de penser qu'une façon de faire est la bonne et qu'une autre est la mauvaise. Toutes les approches (jdr tradi, autorité partagée, compliqué, simple) sont légitimes du moment que humainement, l'approche est bien gérée.