Au coeur du JdR

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Message par phaerimm » 22 Fév 2007, 19:06

A travers les considérations et exemples sur des choix s’appuyant sur la personnalité du personnage, sur la morale, ou sur le style du jeu, nous mettons en exergue ce que j’ai tenté de nommer des « valeurs ».

Maintenant je pense que là où Antoine devrait réviser, relativiser, son discours initial c’est sur la notion centrale de choix.

On l’a vu, le choix est philosophiquement lié à la notion de liberté, qui n’est qu’une vision du rapport aux déterminismes.

On a également vu que ce qui crée le jeu c’est la règle.

La « notion centrale de choix » que tu souhaites devrait être remplacée par une notion de diversité de déterminismes possibles.

Je pense que tu n’arrives pas à saisir à quel point les règles peuvent être tellement lâches qu’elles créent ce que tu appelles un "univers".
Si je dit « On vas dessiner une chose à tours de rôle et la faire deviner ensuite aux autres » j’invente une règle, un jeu, et je crée combien de possibilités ?
Si un enfant me dit « raconte moi une histoire de cow-boys » il crée combien de possibilités ?
Où se situe l’infini que tu cites ?

Tous les jeux basés sur une part de créativité dans la représentation sont potentiellement infinis.

Les JDR sont des "jeux fictionnels".
Fort à propos, il est temps pour nous de faire un petit détour vers cet aspect fictionnel.

Jean-Marie Schaeffer (philosophe et chercheur au CNRS en critique littéraire) développe dans « Pourquoi la fiction ? » (Éditions Seuil) que la fiction possède des origines ludiques.

D’après lui, la fiction est « Une feintise ludique partagée ».

Le besoin de représenter, d’animer et de mettre en scène des histoires provient du jeu.

Le jeu, phénomène propre à de nombreux mammifères, est toujours « faire semblant », « faire comme si », « on aurait dit que » et fini chez l’homme dans le « il était une fois ».

C’est le Mimicry, cité par le sociologue Caillois dans sa classification des jeux.

Les JDR sont un retour aux sources.

Ils sont la forme adulte du jeu fictionnel infantile, anthropologiquement universel.

Les enfants mettent en scène les mythes du monde pour les explorer et les animer.
Le guerrier, le chasseur, la maman, le super-héro, etc.

Viennent ensuite et plus tard, le théâtre, l’épopée, le roman, le cinéma, etc.

(Pour un exemple d’exploration des rapports entre cinéma et jeu, visitez ce site : http://cri.histart.umontreal.ca/Ludicine/index.htm )

Les JDR ne sont donc que l’union retrouvée d’une très ancienne dichotomie entre jeux et fictions. Leur force principale viendrait de l’évidence profondément ancrée en nous de ce retour aux sources.

(J’avancerais pour ma part que la notion de « représentation du monde » de la fiction est inséparable de la notion de mythe et donc de croyance et par conséquence de religion, mais j’évite de m’aventurer trop loin sur ce terrain de crainte de heurter certaines sensibilités.
Pour moi les JDR sont l’union de trois principes : Jeu, mythe et fiction.
Pour ce qui est du mythe, j’aurais peut être l’occasion d’y revenir plus tard à travers une autre lecture possible, plus sociologique, de la question du « choix ».)

L’histoire des JDR : le « wargame » qui devient « roleplaying » c’est le mouvement naturel du jeu qui engendre la fiction. C’est aussi un retour en arrière pour les formes élaborées du jeu, vers les libertés de la narration.

Les JDR sont LE grand retour des jeux fictionnels.

(Leur diffusion en tant que loisir de masse ne pourra malheureusement que passer par la production industrielle, et c’est en passe de devenir le cas avec les MMORPG, qui s’affranchiront de plus en plus à l’avenir des différents déterminismes qui les structurent pour l’instant (Quêtes, niveaux, grinding, farming, amélioration de l’équipement, etc.), pour se diriger vers une multiplication des valeurs (mondes évolutifs, background personnel, titres et loyautés, roleplay, etc.), à l’instar des JDR, au lieu d’une surenchère perpétuelles des valeurs numériques initiales.)

Dès lors, la liberté de choix dont il est question doit également se relativiser par rapport à la notion de fiction.

Très simplement, on passe de la considération d’un groupe de valeur unique (jeu) à une mise en relief par la considération d’un deuxième groupe de valeurs (fiction).

La fiction (qui est toujours une forme de jeu) propose un ensemble de valeurs qui diffère des jeux traditionnels.
Ses objectifs tendent plus vers l’exploration du possible, la suspension de l’incrédulité et la mise en scène du symbolique (ou du mythique).
Alors que le jeu est effectivement plutôt cantonné à l’optimisation des chances, la réussite, la victoire, ou la perpétuation de son pouvoir.

Le premier choix serait donc celui qui est à chaque instant fait entre ces deux « méta-valeurs » que son le jeu et la fiction.
Chaque participant, chaque partie, oscille discrètement et automatiquement entre les deux groupes de valeurs.

Cette fameuse « spécificité du choix » pourrait donc se résumer par le fait que les JDR sont la seule activité à proposer une "alternative actualisable" aussi profonde et aussi fluide entre jeu et fiction.

On passe donc des déterminismes ludiques aux déterminismes fictionnels.

Encore une fois la liberté de choix n’existe pas dans un « absolu flou et vague » ou une illusoire absence de contraintes.

Il n’est possible de parler du choix qu’à travers les possibilités de choix.
Ces possibilités sont toutes des déterminismes, des valeurs, des règles.

Au sein des JDR on observe une juxtaposition de deux principaux groupes de valeurs : jeu et fiction.

On a donc encore bien plus de règles ; des déterminismes plus nombreux.
Et donc plus de liberté.

(Ce n’est pas un paradoxe pour celui qui a parcouru le chemin philosophique, totalement logique, du problème.)

Plus nombreux sont les déterminismes, plus on a de choix.
(Par contre on peut alors hésiter plus longtemps, le doute est un inhibiteur de l’action, mais c’est un autre débat.)

Mais encore une fois, je persiste et signe, c’est un choix entre différents déterminismes.

Ces déterminismes doivent donc être cités s’ils possèdent une valeur forte.

Il n’est pas possible de parler de liberté de choix dans l’absolu sans se perdre dans un approximatif médiocre.
(Ou alors on se cantonne à la liberté comme simple sentiment, sans analyser plus loin.)

D'où l'importance du fait d’insister sur la fiction comme méta-valeur essentielle.

(Antoine cite également les règles de bienséance et de civilité dans son article.
C’est bien trop général sous cette forme, mais c’est une autre piste intéressante à plus d’un titre.)
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Message par phaerimm » 22 Fév 2007, 21:32

Et je reviens à la charge avec la notion de choix mais revisitée sous un angle sociologique.

Sous cet angle, la notion de choix serait posée comme la symbolique centrale de l’activité et non comme particularité philosophique de la liberté ludique.

J’ai discuté avec un étudiant en sociologie à ce sujet, qui travaillait à Jeux Descartes comme vendeur (il y a fort longtemps de cela et j’ai oublié son nom).
Il avait, en gros, la théorie suivante : Nos grand parents sont souvent issus de classes ou d’histoires aux déterminismes puissants, ils sont souvent issus de la classe ouvrière, paysanne ou immigré, ils ont connu la guerre, beaucoup étaient croyants, ou engagés politiquement.
Nos parents eux, ont connu de rapides révolutions de mœurs, Woodstock, le Vietnam, Mai 68, l’explosion du secteur tertiaire, le (quasi) plein emplois puis la crise et le chômage, l’arrivée des nouvelles technologies, etc.
Nous, sommes nés d’une génération qui a perdu ses déterminismes monolithiques, nos valeurs n’ont bien souvent plus grand-chose à voir avec celles de nos grands parents, nous vivons dans un pays riche, dans une société de consommation et une multitude de choix s’offrent à nous.

Cette grande liberté est une source de doute.
Elle peut également être source d’angoisse.
Ou du moins de prolongation de la période d’indétermination (suspension des choix).

La pratique des jeux de rôles posséderait une charge symbolique forte par la mise en scène des valeurs de choix dans un monde incertain (ou en conflit de valeurs ce qui revient au même).

Cet étudiant pensait également que les jeux de rôle s’apparentent plus à une forme de discussion qu’à n’importe quoi d’autre.
(C’est un peu hors sujet ici, mais c’est un concept qui me plaît.)

En mettant en scène (et en jeux) des personnages qui sont des archétypes et qui vont devoir évoluer dans un monde où faire des choix parmi diverses valeurs (même des choix tactiques), les jeux de rôles répondraient à une forme d’angoisse existentielle issue de la prolongation de l’adolescence (prolongation de l’indétermination des choix, prolongation des études, autonomie tardive, etc.)

Ces facteurs ne seraient pas l’explication de la création des JDR mais mettraient à jour un « catalyseur » sociologique de l’engouement pour cette activité particulière.

Cette théorie n’est pas étayée par des recherches sérieuses, mais elle rejoint les théories de certains grands sociologues et psychologues modernes.

Si certaines pistes vous intéressent je pourrais développer mais j’aimerais rester le plus possible au cœur des sujets abordés par Antoine, c'est-à-dire la liberté et le choix.
(Dans mon analyse personnelle, j’appelle la notion des valeurs sous l’angle psycho-sociologique les « mythes », et je tente de démontrer que les mythes représentent la troisième « méta-valeur » des JDR. C’est un vaste sujet.)

Je propose d’aborder dans mon prochain post ici ces questions sous l’angle psychologique de la construction de l’identité au cours de l’adolescence et au-delà.
Nous verrons, qu’une fois de plus il y sera principalement question de choix et de liberté.

(PS : désolé d'enchaîner deux posts mais j'avais du temps là...)
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Message par Christoph » 22 Fév 2007, 22:09

Pour l'instant j'avoue avoir un peu de peine à mettre en relation avec ce que nous avons dit sur la première page et c'est sûrement dû au fait que tu fais un travail en profondeur en reprenant des bases. Donc si Antoine est okay (vu que c'est son thread), continues seulement, histoire qu'on ait ta vision complète.

La lecture est intéressante, même si j'aimerais bien un peu plus d'exemples concrets (expériences, jeux précis, etc.), mais ça c'est juste moi.

Il faudrait que tu m'expliques exactement ce qu'est le déterminisme, je ne suis tout à coup plus sûr de comprendre.
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Message par phaerimm » 23 Fév 2007, 03:49

http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9terminisme

Par extension dans notre discussion nous avons légèrement rapproché le terme des notions de règles et de valeurs.

Et tout simplement le déterminisme, c'est ce qui détermine.

Conditionne; a pour effet; conduit; décide; délimite; entraîne; établit; provoque; guide; etc.
______

Pour ce qui est des difficultés de mise en relation avec le sujet initial je suppose que tu parles du point de vue sociologique.

Car franchement si c'est l'aspect fictionnel des JDR qui t'échappe j'ai bien peur de ne rien pouvoir faire de plus pour toi.
Les JDR racontent des histoires, c'est évident.



Sinon pourrais tu donner un exemple évident du complexe d'Oedipe dans ton entourage ? Non ? Bah c'est pas grave c'est normal.

Ce que je veux dire par là c'est que lorsque l'on commence à expliquer les influences psychologiques ou sociales il faut généralement soit des cas d'analyses (ou cliniques) pour l'un, soit des études de population (statistiques, sondages...) pour l'autre.

Si je dis que le fait de devoir déménager souvent pour son activité professionnelle doit être source de stress, c’est une théorie psycho-sociologique.

Si j’ai les chiffres comparés du nombre de dépression ou de consommation d’anxiolytiques pour deux populations aux activités professionnelles similaires, l’une sédentaire et l’autre nomade, j’ai des preuves scientifiques pour étayer ma théorie.

Or là on est bien dans la théorie pure avec cette proposition sur la symbolique du choix chez les rôlistes.
Il nous faudrait un échantillon représentatif d’a peu prêt 1000 rôlistes à qui ont demanderait des renseignements sur leurs grand parents (Professions, valeurs), leur parents (Professions, valeurs), et sur eux-mêmes (Projets, autonomie, valeurs).

Si les chiffres recoupent certaines données proposées et se différencient clairement des moyennes de la population alors on aurait des preuves tangibles pour étayer ce joli discours.

Laurent Tremel (http://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Tr%C3%A9mel) a essayé de faire une analyse de ce genre mais n’a finalement pas trouvé le financement nécessaire (les sondages « sérieux » coûtent cher). Dommage, j’ai attendu son livre pendant des années et j’ai finalement été assez déçu. (Lui aussi sans doute).

Cette petite théorie de la symbolique du choix sous l’angle sociologique vaut donc ce qu’elle vaut.
(J’en ai d’ailleurs quelques autres en réserve.)
J'en ai juste parlé "a propos".
Même si elle n'est pas assez importante pour être considérée elle n'en reste pas moins pertinente.

Si tu veux faire un sondage d’opinion autour de toi tu obtiendra peut être quelques bon « exemples ».
Moi j’en ai de mon côté, même si je suis un peu plus vieux, les adolescents qui hésitent sur leurs choix de vie je connaîs bien.
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Message par Antoine » 23 Fév 2007, 12:09

Un point pour Phaerimm dans ses exemples d'univers illimité pour les jeux qui impliquent la création ! Je n'avais pas vu ça sous cet angle.

Toutefois, je voudrais souligner une chose : le jeu de rôle, parce qu'il est une simulation d'un univers entier, ne fait pas qu'offrir une infinité de possibilités. Il offre toutes les possibilités, parce que justement cet univers de jeu n'est pas borné a priori et que tout y est explorable.
Et oui, quand les enfants jouent aux cow-boys et aux indiens, ils jouent à une forme de jeu de rôle.

La fiction (qui est toujours une forme de jeu) propose un ensemble de valeurs qui diffère des jeux traditionnels.


Je te trouve un peu audacieux de dire que la fiction est toujours une forme de jeu, sauf à étirer au maximum le concept de jeu. Toute forme de création est-elle aussi un jeu ? Certes, créer signifie manipuler (donc "jouer" avec) le réel. Mais, j'ai l'impression qu'on s'éloigne tout de même de la définition du jeu comme "activité interactive" qui soustend le débat ici.
Je dirais plus volontiers l'inverse: "tout jeu est une fiction", car il renvoie les joueurs à un univers factice, distinct du monde réel.

Par contre je suis bien d'accord avec toi pour dire que le JdR est la forme de jeu fictionnelle par excellence.

Alors que le jeu est effectivement plutôt cantonné à l’optimisation des chances, la réussite, la victoire, ou la perpétuation de son pouvoir.


Oui, mais pourquoi ? Je pense que cette vision du jeu est essentiellement un fait de société et pas liée à la nature réelle du jeu.
Si on suit un peu l'histoire du jeu, on constate que les hommes se sont rendu compte que cette activité était souvent "improductive". D'où, de la part de ceux qui le récusait directement (notamment l'Eglise), les accusations de perversion et d'oisiveté qui visaient les jeux d'argent des "libertins". Et d'où, à l'inverse, les justifications apportées aux défenseurs des jeux : le jeu est éducatif, le jeu entretient un sain esprit de compétition...

Très souvent le jeu, notamment le sport, a été employé comme un moyen de s'imposer aux autres, généralement en titillant la fibre communautariste. Il y a ici, encore une fois, une confusion entre le monde fictif du jeu et le monde réel dans lequel se déroule le jeu. On reporte les intérêts de l'un sur l'autre, comme si gagner un match de foot montrait que l'on est "meilleur" que l'autre et comme si le perdre indiquait que... l'arbitre est corrompu !!!
Mais je crois que cette confusion n'est pas la bienvenue que ce soit en jdr ou ailleurs, et qu'elle est évitable, comme le montrent les nombreux exemples de fair-play qui apparaissent de temps en temps alors même que les enjeux (financiers, diplomatiques...) sont parfois énormes.

Il y a souvent une assimilation entre jeu et compétition (d'où le désarroi des gens quand on leur explique qu'il n'y a ni perdant ni gagnant dans un jdr), mais je pense que cette assimilation est le résultat d'une déformation de la nature du jeu qui est récupéré par la société.

Antoine.
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Message par Antoine » 23 Fév 2007, 12:35

En mettant en scène (et en jeux) des personnages qui sont des archétypes et qui vont devoir évoluer dans un monde où faire des choix parmi diverses valeurs (même des choix tactiques), les jeux de rôles répondraient à une forme d’angoisse existentielle issue de la prolongation de l’adolescence (prolongation de l’indétermination des choix, prolongation des études, autonomie tardive, etc.)


Pourquoi "issu de la prolongation de l'adolescence" ?
Il y a ici une assimilation un peu facile jeu=enfance. [-X

Certes l'enfant joue plus que l'adulte, certes l'adolescence est une période de la vie pleine d'angoisse existentielles (qu'est-ce que je mets comme pantalon ce matin ? comment cacher mes boutons ?...), mais je me plaît à espérer que les questions existentielles ne soient pas uniquement le fait d'un déséquilibre hormonal.

Ok, je cabotine un peu. \:D/ Mais j'avoue avoir beaucoup de mal à m'avneturer sur le terrain miné de l'analyse psychologique du rôliste.

Je pense franchement que le jdr dépasse le simple outil de reconstruction de soi pour adulescents, tout comme le jeu a un fonction au-delà de l'activité "enfantine".

Ou alors, c'est freudien et je refoule... :-k

Antoine,
:D
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Message par Christoph » 23 Fév 2007, 13:20

Merci Phaerimm pour l'explication sur le déterminisme.

En fait, je n'ai pas de souci avec l'angle sociologique. Quand je parle d'exemples, je ne demande bien sûr pas des sondages, c'est évident qu'on on n'a pas les moyens.

Tout ce que je voulais dire avec l'idée des exemples, c'est que je trouve cela utile à ma compréhension, et je tend à croire qu'il est possible d'en donner plus souvent. Tu l'as d'ailleurs fait pour les valeurs, et si cela avait la moindre pertinence avec le sujet, je pourrais parler de quelques éléments de ma vie d'enfant qui tendent à illustrer le complexe d'Oedipe. En effet, les exemples personnels sont en général ce qu'un rôliste a de mieux comme "données observationnelles" et j'encourage les gens à en faire usage. Voilà tout.

Et comme tu dis, je te cite: "Ces déterminismes doivent donc être cités s’ils possèdent une valeur forte. " je t'invite en effet à en citer, surtout s'ils sont tirés de ton expérience personnelle.

Puis: "Il n’est pas possible de parler de liberté de choix dans l’absolu sans se perdre dans un approximatif médiocre. " Sors-nous donc de l'absolu avec des exemples!



Ce que je "déplore" sur cette deuxième page de la discussion, c'est que tes posts auraient tout aussi bien pu être publiés à part. Ils ne s'inscrivent dans la continuité de la discussion que par le fait qu'ils parlent de choix et de déterminisme, mais nul part tu nous renseigne sur ce que tu as pensé des développements que j'ai apporté, et à peine de ceux d'Antoine.
C'est pas ainsi que fonctionne une discussion, du moins sur ce forum. Si on n'as pas un échange réciproque entre les participants, autant écrire des articles dans des revues.

Cependant, tu as dit que tu avais encore d'autres choses à apporter sur ce sujet, et j'ai dit d'emblée que si Antoine était d'accord, autant que tu nous dise tout, afin d'avoir une vue d'ensemble qui nous permettrait de nous rattacher clairement à la première page.


Antoine, je propose de ne pas trop pinailler sur les posts de Phaerimm: tu peux par exemple sans autre admettre que dans la vision que Phaerimm expose, la fiction est un jeu, ça ne me semble pas fondamental du tout dans le débat central, ou du moins tu nous ne montre pas en quoi ça le serait.
Il s'agit plutôt de se concentrer sur le sujet "Le choix comme caractéristique centrale et distinctive."
Phaerimme t'invitait à revoir cette centralité des choix comme étant plutôt une diversité possible de déterminismes.
Or tu ne t'es pas exprimé à ce propos.


En tant que modo donc, je vous invite à rester dans le sujet et de prendre les autres discussions dans de nouveaux threads (y a pas de limite aux nombres de threads justifiés ici, contrairement à d'autres forums).

Je crois que la manière la plus simple pour ce faire est d'attendre la suite que nous a promis Phaerimm, je pense qu'on y verra plus clair.
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Message par Antoine » 23 Fév 2007, 18:51

J'ai souvent tendance à partir dans tous les sens ... :cheval:

Phaerimme t'invitait à revoir cette centralité des choix comme étant plutôt une diversité possible de déterminismes.
Or tu ne t'es pas exprimé à ce propos.



Tout à fait, recentrons le débat !

Plutôt que de déterminisme (qui a un sens très particulier en science), je préfère parler "d'objectifs" des joueurs. Ca me paraît plus concret et plus clair.

Je ne nie pas qu'il existe tout un tas d'objectifs qui peuvent intervenir dans un partie, voire même évoluer au cours d'une partie.
C'est un aspect criant du jeu de rôle : avec un jeu (= un système de règle, une description d'univers) donné, on peut jouer (plus ou moins bien) de tout un tas de façons différentes. Et, c'est tant mieux (si ce n'est en terme de lisibilité du loisir par les non-initiés, mais c'est une autre histoire).

Par contre, je dis qu'il n'y a que le jouet de rôle qui permette, sous certaines conditions, de placer comme objectif du jeu l'exploration des choix des joueurs, pour toutes les raisons que j'ai citées dans un désordre indescriptible :
Des éléments qui permettent de faire des choix :
- libre arbitre du joueur
- choix en connaissance de cause
- conséquences effectives
- des mécanisme de simulation illimités, qui donne une liberté illimité.
Des éléments qui donnent un sens à ces choix:
- un personnage qui a des motivations
- un univers interactif qui réagit de façon "humaine" (par opposition à "mécanique" ou "systématique")


J'espère que ma vision est un peu plus claire pour vous (en tout cas, elle l'est un peu plus pour moi ! enfin je crois... :-k ).

Antoine.
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Message par phaerimm » 23 Fév 2007, 20:11

Je te trouve un peu audacieux de dire que la fiction est toujours une forme de jeu.


Et je n’ai pas cette audace.
C’est le résultat de l’analyse de Jean-Marie Schaeffer.
(Dans le meilleur ouvrage que j’ai lu en plus de quinze années de recherches.)
La fiction est une « feintise ludique partagée ».
_____

L’optimisation des chances, la réussite, la victoire, ou la perpétuation de son pouvoir, c’est principalement l’Agon, l’esprit de compétition. (Proche du Ludisme)

C’est effectivement la création d’une valeur arbitraire, symbolique, qui donne de l’intérêt au jeu. (J’ai « gagné », je suis donc supérieur au perdant(s) dans le cadre du jeu.)

Mais la compétition et la hiérarchisation ne sont pas des données exclusivement sociologiques au sens ou tu sembles vouloir l’entendre.
Des bébés loups qui jouent commencent à établir par le jeu des relations dominant/dominé strictes qui leurs resteront parfois à vie (ou qui seront remises en jeu à des moments clefs ultérieurs).
Des indigènes peuvent faire la course ou organiser des tournois de lutte ou de tir à l’arc.
Il y aura très certainement un gagnant.

L’Agon ne possède pas une « origine sociologique », car la nature du même jeu n’est pas dépourvue d’Agon.
Par contre je suis d’accord pour dire qu’il a pris beaucoup d’importance en tant que valeur et donc d’influence sur la notion même de jeu et que c’est certainement dût à l’histoire de son développement dans l’humanité.

Cola Duflo affirme que toute Légaliberté est toute entière Conatus au sens spinoziste : effort pour persévérer dans son être et accroître sa puissance d’agir.
Il s’agit pour elle toujours de se maintenir dans le jeu et d’y maintenir sa puissance.


Ce qui est naturel ce n’est pas l’Agon, mais la simple logique de la constatation suivante : ma liberté fini là où commence celle des autres. (Comme disait mon grand père tiens).

Donc si un groupe quelconque invente des jeux, l’Agon viendra se glisser tout naturellement dans leurs créations. Pour la simple raison que dans un cadre restreint les libertés sont souvent mises naturellement en concurrence. C’est un moyen simplissime d’augmenter sa Légaliberté que de réduire celle du voisin.
Tout le monde comprend cela très facilement, et c’est vers cette « facilité » que tendent la majorité des jeux. La victoire ou la défaite.

Ce qui n’empêche pas l’existence par ailleurs des jeux de coopération.

Il est évidant que les JDR sont avant tout des jeux de coopération.

C’est avant tout leur nature fictionnelle qui les oriente de cette manière.
Une « feintise ludique partagée » sera bien plus souvent une coopération qu’un conflit.

Ce qui n’empêche pas que la fiction reste liée au Conatus malgré le fait qu’elle s’en éloigne.
La fiction est principalement ludique lorsqu’elle est crée et donc vécue.
Elle perd la majorité de sa dimension ludique à partir du moment où elle devient un produit à transmettre.

On dit souvent que les jeux ne produisent rien.
C’est inexact.
Les jeux fictionnels infantiles, phénomène universel s’il en est, et origine probable de toutes les activités ludiques humaines, sont productifs.
Ils produisent des évènements qui forment des histoires.
C’est la thèse que défend J-M Schaeffer (p.235).

Il imagine par ailleurs la possibilité d’une société où les seules activités fictionnelles seraient les jeux de l’enfance.
C’est ce que développe l’écrivain Pierre Pelot dans sa nouvelle « La bulle de savon ».
(Dans le recueil « L’assassin de dieu », Editions Encrage, 1998.)
Dans cette nouvelle, les tristes travailleurs vont une ou deux fois par semaine dans un lieu (la bulle de savon) où les rêves et les jeux des enfants sont mis en valeur par un dispositif futuriste.

Ce qui est assez comique c’est que la majorité des rôlistes commettent la même erreur que la plupart des adultes, à savoir le dénigrement des jeux infantiles.

On observe assez facilement ici une forme de complexe dût au rejet des similitudes effarantes entre JDR et jeux fictionnel infantiles, et à la crainte de voir le JDR qualifié d’activité infantile.

Le jeu fictionnel est remise en question de l’être, suspension de l’incrédulité, exploration du possible.
L’adulte possède une identité solide et assumée, il n’est pas crédule, et il possède des certitudes et des croyances qu’il n’aime généralement pas remettre en cause, même pour « de faux ».

L’adolescence est par définition la période charnière de la construction identitaire.
Choix de valeurs, choix d’activité professionnelle, choix de préférences sexuelles, etc.
(Pas de cacher ses boutons et de choisir un pantalon.)
Il y a deux générations de cela, un jeune de 20 ans était généralement DANS la vie, et non pas en train de se demander « Qui suis-je, où vais-je, dans quel état j’erre ? ».
De nos jours on observe beaucoup plus de jeunes de plus de 20 ans qui ne savent toujours pas très bien ce qu’ils vont faire, ni qui ils sont.
Ce n’est pas moi qui le dit, mais les sociologues.

Et l’adolescence c’est la période où l’on fixe ses choix identitaires.
Ce n’est pas moi qui le dit c’est les psychologues.

Les fait que les JDR puissent éventuellement répondre (compenser) une angoisse existentielle dût au fait de devoir faire des choix parmi des myriades de possibles ne signifie pas que j’affirme que c’est ce qui est à l’origine des JDR, mais bien que c’est un facteur évident d’engouement.

Ce qui ne signifie pas non plus que c’est exclusif et universel.
Je pose une influence sociologique, pas un postulat philosophique.
Donc par définition ce ne sont certainement pas les exceptions qui manquent.

________________________

Artanis, les déterminismes que je désigne sont sub-cités ; quand je dis qu’ils doivent être cités c’est pour souligner l’importance du fait que justement je les cite.

Ces déterminismes sont le jeu et la fiction, et les valeurs qu’ils apportent.

Un exemple rapide avec liste non exhaustive :
Soit une partie de D&D où je joue un voleur chaotique bon qui veut se venger d’un traître qui m’a volé un trésor et a fondé une guilde d’assassins. Les autres joueurs viennent m’aider, motivé par le fait de combattre des assassins et l’appât du gain, c’est le scénario.

Les déterminismes de jeu :
-Gagner des points d’expérience en surmontant les pièges et les rencontres d’ennemis.
-Utiliser le système de jeu pour assurer sa puissance.
-Gagner des objets magiques ou des pièces d’or.

Les déterminismes de fiction :
-Jouer mon alignement.
-Me venger.
-Faire des efforts pour être crédible dans mon rôle.

Ce que je viens de présenter succinctement c’est donc une petite liste de déterminismes.
(On peut compléter à loisir.)

Je peux glisser d’une valeur à une autre.

Ex : Si je trouve un moyen de me venger sans « nettoyer » la guilde des assassins, je peux essayer de le faire valoir, et de le jouer. Je privilégie alors les déterminismes de fiction.

Ex : Si je veux des objets magiques car je sais que les assassins en utilisent souvent, ou que j’ai très envie de voir si mon voleur est plus puissant que les assassins, je peux facilement céder à ces déterminismes de jeu.

Les déterminismes de la fiction ne sont donc pas du tout hors sujet.


_________________

Antoine...

Le mot objectif implique une conscience claire et réfléchie.
Ce n’est pas le cas avec le déterminisme.
Or les participants peuvent fort bien ne pas être conscients de ce qui motive leurs choix, et c’est même plutôt le cas en général.
On peut être conscient d’un déterminisme donné, ou non.

Le mot déterminisme est utilisé ici dans un débat philosophique sur la Légaliberté, pas comme terme scientifique, et il est hautement approprié dans un débat sur la liberté de choix.
Je peux comprendre que tu souhaites l’évacuer étant donné qu’il est à la base des réflexions philosophiques qui nient la liberté de choix posée comme une évidence.

Alors, non je ne renonce pas au déterminisme, bien au contraire.
Et je continue à affirmer que plus ils sont nombreux, plus on a le choix.
Mais les raisons de ces choix ne sont pas forcément réfléchies et définies.
On ne peut donc pas utiliser le terme « objectifs ».

« Valeur influente » serait une alternative, si le mot déterminisme vous déplaît à ce point.

__

Enfin « jouet de rôle » me semble superflu.
L’utilisation du terme implique un postulat dépassé.
Je ne me suis pas prononcé avant car cela me paraissait secondaire.
Ca ne l’est pas tant que cela.
Donc je ne laisse plus passer.

La définition du jeu a été posée.
C’est l’invention d’une liberté dans, et par, une légalité.
Le jeu a été présenté comme étant toujours Conatus.

Ce qui défini le jeu c’est :
-Une règle qui donne naissance à une liberté inédite.
-L’exploration de cette nouvelle liberté au sein de la règle.
-Un effort pour persévérer dans son être et l’accroissement de sa puissance d’agir.

Selon l’approche philosophique Sim City est un jeu.
Pas un jouet.

Pour utiliser la sagesse populaire, un ami à moi dirait « On sait quoi faire dans un jeu ».
(Simplement grâce à la règle, qui n’est pas forcément un objectif.)

Si je joue à Sim City, les règles de Sim City me disent quoi faire.

Par contre une balle est un jouet.
Elle ne pose pas de règle. C’est à moi de les inventer.

De plus, on l’a vu, les JDR sont des jeux fictionnels.

L’objectif de tout jeu fictionnel est de produire des évènements qui formeront des histoires.

C’est également l’objectif de tout JDR.
Un JDR qui ne possède pas cet objectif n’est pas un JDR.

Donc même si l’on donnait en partie raison à Costikyan et que c’est soi-disant l’objectif qui fait le jeu, et bien c’est chose faite.

___________


J’ai essayé de démontrer que la notion centrale de liberté de choix n’avait d’intérêt qu’à travers l’étude des déterminismes.
C’est ce que dit la philosophie.

J’ai cité Cola Duflo pour dire que la liberté ludique est crée par la règle.

J’ai cité J-M Schaeffer pour rappeler les origines ludiques de la fiction.
Et pour rappeler que les JDR sont des jeux fictionnels, qui possèdent leurs propres déterminismes.

J’ai affirmé que plus les déterminismes sont nombreux plus la liberté de choix est potentiellement grande. Car chaque déterminisme est une valeur influente qui peut être subie ou choisie.

Je pense avoir avancé dans ma réflexion sur la liberté de choix en JDR.

Je ne saurais trop vous suggérer de bien vous replonger dans mes affirmations référencées pour essayer de vous imprégner de leur sens. Moi cela m’a pris du temps.


J’ai essayé de répondre au maximum à vos remarques et questions, c’est la raison de la longueur de ce post.
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Message par phaerimm » 23 Fév 2007, 20:37

Je me permets de rajouter un élément constructif en vitesse.

Pour qu’un déterminisme se transforme en véritable liberté de choix, voire en objectif, il faut avoir clairement conscience de lui.

Donc moins les joueurs ont conscience des déterminismes du jeu et de la fiction moins ils ont la liberté de choisir.

Dans cette optique il serait donc assez important de dégager les déterminismes existants, de révéler les valeurs influentes, dans le cadre de la mise en place d’un jeu de rôle.

Si les déterminismes sont ignorés ou inconnu, alors la liberté de choix est limitée, voire complètement illusoire.
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Message par Christoph » 24 Fév 2007, 21:56

Sans prétendre tout comprendre, je pense que je peux être globalement d'accord avec ce que tu avances, Phaerimm.

J'ai bien aimé les exemples, qui permettent de facilement rattacher la discussion à des jeux et des parties. Les références sont intéressantes aussi, je vais tâcher de mon souvenir pour d'éventuelles futures lectures.

Je serais moins catégorique dans la définition des déterminismes de fiction et ludiques. Je dirais même qu'un jeu bien conçu tend à avoir des déterminismes mixtes, tel que l'alignement, qui a des répercussions aussi bien ludiques (effets de certains sorts) que fictives, voire sociales (c'est souvent utilisé comme moyen de pression pour dire à un autre joueur comment "il faut" jouer).
D'ailleurs je ne sais pas si tu les considères comme à part, mais il me semble que l'on pourrait parler de déterminismes sociaux en plus (se mettre d'accord sur un jeu, célébrer la compréhension commune au groupe de divers éléments ludiques et fictifs, renforcer/utiliser/modifier les relations entre les gens, etc.)

Idéalement (défonçage de porte ouverte): le trio règles-gens-fiction forme un tout harmonieux.


Mais pour que cette discussion des déterminismes nous soit utile en pratique, je pense comme toi qu'il faut les découvrir dans nos jeux de rôle.

Je pense qu'il y a des choses à découvrir dans la manière dont s'articulent les divers déterminismes, comment ils se renforcent/s'affaiblissent, etc.
A mon sens, le joueur tend à effectuer ses choix dans le but de renforcer les valeurs influentes du jeu (exemple simplissime: tuer des monstres -> gagner de l'xp -> monter de niveau -> tuer des monstres plus forts -> ... ).
Peut-être même pourra-t-on découvrir des vecteurs de choix (ahah, ça sent bon la physique) sous-jacents.


Donc Phaerimm, serais-tu d'accord de nous faire une petite analyse selon ton point de vue théorique? Soit en terme de parties ou d'un jeu en développement? Je ne me sens pas encore à l'aise pour le faire, mais j'ai bien l'intention de me prêter au jeu dans quelques temps.



D'accord aussi avec Antoine que dans un jeu, il y a des "choses" qui nous permettent de faire des choix, et d'autres qui les motivent ou encore les rendent signifiantes.
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Message par phaerimm » 25 Fév 2007, 14:20

Comme tu le soulignes Artanis, les valeurs influentes (déterminismes) peuvent être mixtes et c’est même à la fois commun et souhaitable.

On a ainsi une double « mise en valeur », ton exemple de l’alignement est parfait.

J’ai effectivement catégorisé les valeurs influentes en deux groupes principaux mais en aucun cas je n’ai avancé que ces groupes s’excluent totalement l’un l’autre.
Au contraire, on touche au cœur même du JDR, à mon avis, là où ces valeurs se lient et se mélangent.

De la même manière, des points d’Honneur, de Santé Mentale, ou de côte obscur de la Force remplissent à merveille ce rôle ambivalent.

A mon avis on a là un outil conceptuel à application pratique immédiate lors de la création d’un jeu.
La proposition de l’élaboration d’une ou plusieurs valeurs « double », qui soit un indicateur à la fois « déterminant dans le jeu » et « déterminant dans l’histoire ».
Ce n’est pas obligatoire, mais je pense que c’est une bonne chose en JDR.


Je n’ai absolument pas oublié les déterminismes sociaux, Antoine en parle d’ailleurs dans son exposé de référence.
Tu as tout à fait raison de les citer.
J’ai simplement choisi de les ignorer car ils ne sont pas forcément spécifiques à l’activité rôlistique. Certains recoupements sont possibles mais on risquait un hors sujet.
On avait suffisamment à faire avec nos sujets précis.
Cependant c’est un sujet qui me passionne encore plus que ce que nous avons vu ici, donc on y reviendra sûrement ultérieurement.

Si j’ai bien compris tu me demandes d’utiliser les théories explorées ici comme outils analytiques sur, style, un rapport de séance ?
Attends j’ai carrément la flemme.
J’ai déjà donné un exemple avec la guilde des assassins machin truc.
Bon je verrai mais je te promets rien.

______________

Pour revenir vite fait sur Costikyan et son concept de jouet, je voudrais dire que j’ai volontairement été radical, mais que cela n’empêche pas que son concept soit pertinent pour faire réfléchir et pour changer certaines de nos conceptions.
Au contraire j’aime bien ce qu’il a présenté, ça fait avancer la pensée des lecteurs.

Simplement je préfère la pensée logique du philosophe Duflo à celle du créateur Costikyan.

Ce qui fait le jeu c’est la règle.

La gestion des cas limites est totalement assumée par Duflo.
Si on te donne des indications sur ce que tu dois faire on sort illico du jouet et on passe au jeu.

L’analyse de Costikyan peut nous aider à considérer les JDR comme cas limite.
Il est pertinent de dire que les objectifs sont souvent clairement définis lors de la mise en place du jeu lui-même (personnages, scénario) et non dans ce que proposent les règles.

Cependant, comme je l’ai souligné, tout JDR possède déjà à la fois des règles, des objectifs propres au jeu en général et des objectifs propres à la fiction.

On a bien des règles et des objectifs, on a donc bien un jeu.
Les objectifs mis en place par la suite sont secondaires.

__________

La spécificité du choix ne signifie rien si elle reste placée dans l’absolu.
Toute liberté réside dans la connaissance des différents déterminismes.
La vraie liberté est de choisir volontairement entre plusieurs déterminismes, c'est-à-dire entre plusieurs valeurs possibles.
Les JDR possèdent des valeurs influentes, déterminantes, en très grand nombre, dans deux des domaines les plus vastes qui soient : le jeu et la fiction.

Je vois cette spécificité comme une richesse dans les valeurs influentes et non comme un absolu indéterminable.
Life is a laugh, death is the joke.
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Message par Antoine » 26 Fév 2007, 10:50

L’objectif de tout jeu fictionnel est de produire des évènements qui formeront des histoires.

C’est également l’objectif de tout JDR.
Un JDR qui ne possède pas cet objectif n’est pas un JDR.


C'ets tout à fait vrai.
Toujours dans mon optique "les choix des joueurs au coeur du jeu" (je sais, c'est une obsession ! ), je préciserais que dans un jeu de rôle, les sus-cités éléments qui constituent l'histoire sont contruits à partir des choix que font les joueurs face aux situations qui leur sont proposées.
Ceci pour distinguer les JdR d'autres jeux du type "Il était une fois", qui ont aussi pour but de constituer une histoire mais sans passer par l'intermédiaire de rôles.
On pourrait relier ça aux différentes postures (auteur, acteur, metteur en scène...) qui qualifient la façon d'aborder la fiction.

La spécificité du choix ne signifie rien si elle reste placée dans l’absolu.
Toute liberté réside dans la connaissance des différents déterminismes.
La vraie liberté est de choisir volontairement entre plusieurs déterminismes, c'est-à-dire entre plusieurs valeurs possibles.
Les JDR possèdent des valeurs influentes, déterminantes, en très grand nombre, dans deux des domaines les plus vastes qui soient : le jeu et la fiction.

Je vois cette spécificité comme une richesse dans les valeurs influentes et non comme un absolu indéterminable.


Je commence à comprendre ! \:D/
Ou alors c'est parce que je m'habitue... :D

Effectivement, tout choix n'a de sens que s'il s'exprime par rapport à une ou plusieurs règles de référence :
- s'il s'appuie sur des motivations (à l'opposé du choix au hasard)
- s'il a des conséquences effectives (sinon à quoi bon choisir ?)

Ce sont ces motivations et ces conséquences sont déterminées par les règles du jeu de rôle.

L'exemple de l'alignement est typique des éléments de règles qui ont des implications sur les deux aspects:
- mon alignement me sert de référence morale pour mes choix.
- mon alignement a un impact dans le jeu (ex: je ne peut me servir d'une épée Holy Avenger +5/+5 que si je suis Loyal/Bon).

On comprend bien pourquoi il est nécessaire d'avoir un grand nombre de motivations et de conséquences. Si on restreint les premières, on oriente le choix du joueur. Si on restreint les secondes, on rend caduques ces choix qui n'ont plus qu'un impact déjà prévu.

Et effectivement, il faut avoir connaissance de ces facteurs si on veut pouvoir en jouer:
- avoir consciences des motivations qui agissent sur le joueur
- avoir une idée des conséquences qui peuvent résulter d'un choix (ce qui peut aussi signifier avoir conscience que l'on ne les maîtrise pas)

Mais n'est-ce pas justement le rôle des règles du jeu que de spécifier ces éléments ?

à suivre...

Antoine.
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Message par Christoph » 26 Fév 2007, 11:25

"Le choix des joueurs au coeur du jdr" n'est pas une obsession, c'est le sujet du thread, nuance!

Je vous suis pour l'instant. Antoine, quand tu écris que ton post est "à suivre", c'est que t'as encore des choses importantes à dire qui feraient partie de ton post si tu en avais eu le temps, ou c'est une technique de MJ pour créer du suspens?


Mais n'est-ce pas justement le rôle des règles du jeu que de spécifier ces éléments ?


Quels éléments exactement?
Les motivations et les conséquences?

Si c'est le cas, je ne serais pas tout à fait sur la même longueur d'onde. En effet, si ce sont les règles qui spécifient ces choses, qu'est-ce qu'il nous reste à jouer?
Je vois plutôt les règles comme un moteur qui nous pousse vers des prises de décisions, mais qui nous laisse les prendre seuls.

Ainsi, je vois d'un mauvais oeil l'alignement dans un jeu de rôle sensé mettre en valeur le roleplay des gens: ça devient juste un outil pour que le MJ puisse contrôler ses joueurs ("ah non, t'as pas le droit de faire cela, t'es mauvais!", "ouais, mais mon perso a réfléchi et il se rend compte de ses erreurs, il veut montrer qu'il peut être bon lui aussi", "hmm... écoute, c'est toi qui voit, mais tu perds des XP si tu changes d'alignement" - AD&D 2e édition, heureusement que c'est plus souple dans la 3e)

En tout cas quand je regarde nos premières parties et que je lis les comptes rendus de parties sur le net, l'alignement est régulièrement utilisé pour diriger les joueurs, et pas pour favoriser le roleplay. Pourtant c'est une règle qui porte directement sur le roleplay.

Alors je ne dis pas que le système doit avoir des règles de combat pour faire du roleplay, parce que là D&D nous sert encore d'exemple et montre que le combat y est une plus grande préoccupation que le développement psychologique du personnage (en revanche, D&D nous laisse nous-même choisir nos déplacements, choix de sorts, d'armes, tactiques, etc), mais que les règles doivent juste nous accompagner, puis nous foutre la paix quand c'est important.

Comme le saut à ski: la rampe soutient pour la trajectoire, donne de la vitesse, se redresse.... puis disparaît et laisse voler l'athlète!


Le déterminisme de Phaerimm n'est pas la détermination. C'est pour cela que je préfère en effet le terme valeur influente.
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Message par Antoine » 26 Fév 2007, 12:17

Je vois plutôt les règles comme un moteur qui nous pousse vers des prises de décisions, mais qui nous laisse les prendre seuls.


Tout à fait, c'est d'ailleurs ce que j'ai souligné à un moment en parlant de la nécessité du libre-arbitre du joueur.

Qui dit "fixer les motivations" ne dit pas "fixer les décisions". C'est plutôt définir sur quelles bases se feront préférentiellement les choix des joueurs. Et comme le souligne Phaerimm, il est important que cette base de choix soit large et souple pour ne pas contraindre trop les joueurs.
Mais il est important qu'elle existe tout de même, pour que chacun parle sur des références communes et que l'on ne se retouve pas avec des joueurs ayants des objectifs contradictoires, ou des déterminismes qu'on avait ignorés jusque là et qui biaisent les décisions des joueurs.

De même fixer les conséquences, cela ne veut pas dire fixer les résultats des choix. Cele signifie que pour pour une décision donnée dans une situation donnée, tu as une idée de ce que peut être le résultat. Donc tu peux choisir en connaissance de cause. Grosso-modo, c'est le système de simulation qui gère ce genre de choses, mais pas seulement. Par exemple, il peut y avoir des conventions non écrites du genre "on ne tue pas les personnages sur un simple coup de dés" qui ont un impact terrible sur la façon de jouer.

Quand on parle de "règles" dans un jdr, il faut savoir qu'on s'adresse à un corpus de directives qui est vaste et dont une grande partie est implicite. C'est ce qui fait leur souplesse et la grande liberté qu'elle offrent.
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