citation de Victor Hugo
Hello,
Continuant sur ma lancée (après Zombie Cinema),j'ai fait une partie d'Innommable samedi avec mes vieux joueurs Pierrot et Stéphane. Avec 25 ans de jeu dans les pattes, principalement du D&D toutes versions confondues (1-4), mes joueurs n'ont aucune expérience "indie", tout au plus une lecture en diagonale de quelques pdf trouvé sur le net.
J'ai imaginé une trame dans un esprit cthulhoïde, située à notre époque dans l'île anglo-normande de Jethou, que je venais de découvrir au détour d'une lecture de la biographie de Victor Hugo. Ayant trouvé une carte amusante de l'île (http://www.faed.net/cfaed/jethou/jethou.htm) j'en ai fait le cadre de l'histoire.
J'ai utilisé les règles de l'Ashcan avec les modifications sur l'attache proposées par Christoph. J'ai mis 3d20, 3d12, 3d8 et 2d4, plus ou moins en prenant pour exemple la répartition de Christoph pour la partie que j'ai faite à Orc'idée.
L'histoire
Stéphane jouait Jimmy Mac Willy, écossais de 45 ans, producteur du whisky Glen Lordach, attaché à sa fiasque contenant l'eau (noire) de la rivière Lordach, sa pénitence d'ancien alcoolique responsable de la noyade de sa fille. Pierrot jouait Sir Arthur Blackword, 48ans, écrivain de l'obscur, poète incompris, misogyne et amateur de cocaïne, attaché à son serviteur Mowgli qu'il a recueilli lors d'un voyage en Inde des années auparavant (sa seule action altruiste assumée). Tout deux sont membres du vénérable Club Penjab, un club de gentleman typiquement british et sont invités à passer un weekend culturel sur l'île anglo-normande de Jethou, propriété de l'honorable Sir Peter O'Malley, bienfaiteur du Club.
Le séjour commence par le tour de l'île et la découverte de ses spécificités pittoresques comme son gibet, sa pierre des druides, son menhir, son cromlec'h et son creux du diable, autant d'éléments qui - ajoutés à une terrible tempête qui s'installe et isole l'île - posent une ambiance fantastique.
La soirée commence par un repas qui voit le malaise de Sir Arthur Beckwick, ornithologue spécialiste des macareux moines qui devait donner une conférence sur le sujet dans la soirée. Son malaise est vite interprété comme un comas éthylique au vue de son état cataleptique. Tout le monde s'accorde que l'excellence du whisky fourni par Mac Willy y est sûrement pour quelque chose. On décide de ne pas chambouler le programme et le séduisant concertiste Goran Borisek entame un récital des œuvres de Satie.
Sir Blackword bercé par le récital (qu'il n'apprécie guère) est saisi par un rêve/réminiscence où apparaît une jeune femme ensanglantée qui pourrait bien être sa mère, morte égorgée. Son cri interrompt le concert. L'atmosphère s'alourdit et Mac Willy accompagne Blackword à la cuisine pour lui faire boire un thé. Les deux décident alors de sortir voir de plus près les lieux "symboliques". La nuit, la pluie et le gibet déclenchent chez Mac Willy le souvenir de sa fille disparue faisant de la balançoire qui se superpose au gibet de l'île au bout duquel il voit se balancer un corps de femme.
N.B. Les joueurs sont pressés d'entrer dans le fantastique et s'inventent des rêves qui sont plus des hallucinations, mais qui mettent en place avec la tempête qui forcit, une atmosphère romantique et sinistre. Je n'ai donc pas fait beaucoup d'effort pour les recadrer.
Du haut du gibet, ils aperçoivent un ballet de lumières aux étages du manoir et dans l'entrepôt attenant. Un éclair qui zèbre la nuit, inspire une vision macabre à Sir Blackword, qui, hallucinant, voit Sir Beckwick sacrifié par sa femme et quelques autres invités dans une cérémonie satanique. Il prend un peu de cocaïne pour se remettre les idées en place. Ils rentrent au manoir, juste à temps pour apprendre la mort par empoisonnement (mort-au-rat dans l'entrepôt) de Rex, le chien de l'intendant et pour assister à la conférence de Charles Abel, professeur de littérature à la Sorbonne, spécialiste de Victor Hugo. Très vite la conférence aborde la passion de ce dernier pour le spiritisme suite à la mort de sa fille.
N.B. La mort du chien est le deuxième symptôme. Les joueurs ayant déjà imaginé le pire passent un peu à côté mais mettent des noms sur des conspirateurs potentiels.
La conférence et la causerie qui s'en suit mettent les deux compères en relation avec le vieux Lord Iwan, un gallois excentrique visiblement versé dans le spiritisme. Sous forme de boutade il propose, au vue de la tempête faiblissant, de tenter une expérience spirite "à la Hugo" autour de la pierre des druides. Les deux personnages ainsi que le pianiste, Lady Beckwick (visiblement sous son charme) et Ignace Turon (un photographe espagnol curieux), accompagnent Lord Iwan et Charles Abel. La séance de spiritisme donne lieu à quelques passages croustillants dont un dialogue entre Mac Willy et sa fille défunte Tiffany et surtout à une hallucination de Blackword qui ressent (durement) une ombre gluante en train de prendre possession de l'île. Le groupe retourne au manoir, mais Blackword tient à vérifier l'entrepôt, l'empoisonnement du chien et la lumière aperçue précédemment l'y incitent. Au manoir le petit groupe se sépare et Mac Willy se retrouve seul à la cuisine face à un Sir Beckwick somnambule et armé d'une espèce de pique dégoulinant d'un liquide verdâtre. S'ensuit un combat court et Mac Willy neutralise Beckwick. Il utilise l'eau de sa fiasque pour nettoyer la blessure empoisonnée du pauvre hère qui semble comme apaisé (connaissance occulte).
N.B. Je contre-attaque enfin, traçant de nombreuses occurrences et mes joueurs commencent à ressentir la peur s'installer et la situation qu'ils peignaient à grand coups de visions sanglantes leur échapper de plus en plus.
Les choses se précipitent, ils découvrent que presque tous les invités sont soit transformés en zombies somnambules, soit morts ou disparus. Au nombre des disparus, Emily Padding, compagne officielle du pianiste, ce dernier, Lady Beckwick, Lord Iwan, Charles Abel et quelques domestiques.
Là l'histoire dévie dans le fantastique, Sir Blackword fait un voyage hors de son corps, découvre que l'île est sur le point d'être submergée par une menace abyssale et que le seul point de lumière qui semble subsister vient du menhir. La troupe réduite aux deux compères accompagnés du photographe et du domestique indien (l'attache de Blackword) vont au menhir et sous la direction illuminée du poète maudit entament une cérémonie d'amplification du pouvoir lumineux du menhir. Alors que la cérémonie qui doit les sauver n'est pas terminée, ils subissent l'attaque de Goran et Lady Beckwick devenus somnambules. L'affaire tourne au massacre et Blackword n'est sauvé que par l'intervention de son fidèle serviteur. Sa raison vacille et quand il aperçoit Iwan et Abel sur le point de sacrifier Emily Padding à une entité cthuloïde émergeant de la mer il se précipite sur Abel le projette dans la mer et meurt avec son serviteur dans les tentacules de l'horreur.
Mac Willy dans un dernier effort désespéré, survit à l'attaque de Lord Iwan grâce à sa fiasque qui arrête le coup et le tue avec son vieux couteau militaire sauvant ainsi la pauvre Emily. Alors que l'entité semble comme aspirée par la brume qui se retire de l'île, il voit le fantôme de sa fille qui le regarde avec un regard plein de tendresse, qui lui dit que sa faute est pardonnée et qu'ils seront bientôt à nouveau réunis.
Le soleil se lève.
Debriefing
Tout d'abord, mes joueurs ont été enchantés par la partie et par le jeu, un peu à leur propre surprise. La difficulté majeure que nous avons eu à surmonter (tous) ce sont nos réflexes de vieux rôlistes. Les monologues étaient un peu laborieux au départ bien que très colorés. Ils ont eu de la peine à se sentir libre de narrer la situation jusqu'au bout même après un test réussi. Le mécanisme d'acquisition des dés leurs a paru un peu artificiel, ils se sentaient démunis au début de raconter un rêve alors que tout était encore très normal et que l'intrigue débutait à peine. Les hallucinations ont par contre eu (trop) de succès, mais ont eu l'avantage de leurs redonner le contrôle de l'histoire que j'avais un peu trop développée de mon côté [point très positif de la mécanique pour moi].
La connaissance occulte leur a aussi posé problème, j'ai dû les cadrer, voire leurs proposer des solutions, mais une fois fait, ils ont eu des belles idées.
L'effet paranormal fut aussi délicat à bien être utilisé, il ont d'abord compris qu'une fois en possession du dé ils pouvaient reproduire l'effet plusieurs fois.
Pour moi c'est clairement des réflexes acquis de notre pratique traditionnelle et peut-être un manque de question à l'explication des règles. Mais un simple recadrage a suffit pour relancer la partie (et un petit peu de souplesse d'interprétation de ma part).
Une intuition que j'avais avant de lancer cette partie s'est révélée juste, soit que le nombre de d20 proposé dans les règles (N+3) est problématique: c'est trop s'il s'agit de rêves. J'ai l'impression que la dénomination est trompeuse, je préférerai celle de souvenir, partant du principe que ces dés représentent l'approfondissement du personnage par des éléments de son passé. Ma solution d'en mettre moins a elle engendré une difficulté accrue des test, donc une partie plus dure avec des échecs douloureux, mais qui ont nourrit la dramaturgie du final.
L'attache comme occurrence "bouclier" me plaît bien, par contre à aucun moment je n'ai vu comment justifier l'utilisation de l'attache pour effacer une occurrence nom, cela me paraît un peu alambiqué.
Voilà pour un premier essai avec un public que j'estime "difficile", en espérant que cela puisse nourrir la réflexion sur l'évolution d'Innommable qui me plaît bien :-)
Oliver