Avant-hier, j’ai eu l’occasion de tester pour la première fois Dogs in the Vineyards. J’ai été déçu par le système que je trouve buggé et coupé de la narration. J’en ai tellement entendu dire du bien que je voudrais discuter avec vous de ce qui pourrait avoir coincé ou ce que j’aurai mal compris du système.
Je vais d’abord exposer le village que j’ai créé, puis les personnages, la partie et enfin mes réflexions.
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Voici le village comme je l’ai décris :
Le village des rocs fendus
Le village des rocs fendus est une petite communauté située en haut d’un plateau. Il est traversé par une rivière qui se jette en cascade du haut de la falaise. Il est entouré de quelques champs et quelques pâturages. L’Intendant est frère Isaiah.
ORGUEIL : Frère Joshua (27 ans, petit frère de l’Intendant) vit avec sœur Elsa (35 ans) de qui il a déjà un enfant, Tobie (6 mois). Ils s’aiment. Elsa est veuve, originellement sans enfants. Mais Frère Joshua est marié avec sœur Anaëlle (25 ans). Il l’a quittée parce qu’elle ne voulait pas coucher avec lui. Il pense qu’il sera plus heureux avec sœur Elsa. Il pense qu’il pourrait avoir le droit d’avoir plusieurs femmes malgré son jeune âge.
INJUSTICE : Sœur Anaëlle vit très pauvrement parce que frère Joshua a emporté ses têtes de bétail.
PECHE : Sœur Anaëlle est forcée de se prostituer avec plusieurs hommes du village pour arriver à survivre. Ces hommes sont frère Isaiah (l’Intendant), frère Gédéon le forgeron et frère Naham le charpentier.
ATTAQUE DEMONIAQUE : Les démons attaquent tous ceux qui ont péché et leurs familles. Un démon rend les gens malades, un démon les rend colérique. Frère Naham et ses trois enfants (Caiphas, Baruch et Suzanne) sont malades, sans qu’on ne puisse rien y faire. Sœur Judith est la femme de frère Gédéon, elle est au courant et est folle de rage.
FAUSSE DOCTRINE : Frère Isaiah professe que la relation sexuelle peut se passer de mariage. Le mariage doit surtout assurer la subsistance et la protection réciproque. La relation sexuelle doit être libre. D’autres membres du village le suivent : frères Thaddeus, Rubel et Abram, ainsi que sœur Joëlle (femme de frère Isaiah). Frère Rubel est tombé malade. Frère Thaddeus bat ses enfants.
PRATIQUES CORROMPUES : L’Intendant frère Isaiah a consacré un mariage qu’il sait être de pur intérêt : celui entre sœur Martha (22 ans, sœur de sœur Joëlle) et frère Yaël (33 ans, riche fermier, gentil mais alcoolique ; c’est aussi l’oncle de sœur Anaëlle).
Frère Isaiah, l’Intendant, veut que les Dogs reconnaissent le mariage de sœur Martha et frère Yaël et qu’ils marient frère Joshua et sœur Elsa et bénissent leur enfant. Il veut ensuite qu’ils quittent le village ; si ce n’est pas le cas, il veut que les personnages valident sa croyance.
Sœur Anaëlle veut que les Dogs forcent frère Joshua à revenir vers elle et à participer à nouveau au ménage ; elle ne veut pas partager son mari.
Sœur Elsa veut que son union avec frère Joshua soit reconnue, ainsi que leur enfant.
Sœur Judith veut que les Dogs empêchent son mari d’aller voir sœur Anaëlle, mais elle ne veut pas faire de scandale. S’ils ne l’en empêchent pas, elle ira la battre.
Certains personnages seront certainement des membres de la famille des Dogs.
Les démons veulent que les relations sexuelles hors mariage se répandent dans le village. Ils veulent que les Dogs rejoignent le culte en les corrompant. Ils pourraient posséder sœur Joëlle ou tout autre personnage pour séduire un des Dogs.
Si les Dogs n’étaient jamais venus, les relations hors mariages se seraient multipliées, sœur Judith aurait tué sœur Anaëlle avant d’être tuée par frère Yaël.
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Les joueurs étaient Guillaume, Julien et Ferdinand. Je suis meneur de jeu.
Guillaume jouait frère Tobias, qui a vécu à New York pour s’endurcir face au péché :
Acuité 4
Cœur 3
Corps 2
Volonté 4
Traits :
Je suis un Dog 1d10
Je sais séparer le bon grain de l’ivraie 3d10
Je peux survivre aux conditions les plus difficiles 2d6
Devant moi le mal prend peur 3d8 (décrit comme la capacité à faire peur au pécheur)
Je sais me servir de mon arme 1d8
J’ai su résister à la luxure 1d6 (obtenu suite à l’initiation)
Relations :
Le Révérend Andrew 1d4
Sœur Mary Gwendolyne 2d8
Possessions :
Pistolet
Corde
Couteau
Crucifix « arbre de vie » 2d6
Manteau 2d6
Julien jouait frère Joram, un habitant des montagnes converti
Acuité 4
Cœur 4
Corps 2
Volonté 5
Traits :
Je suis le dernier indien de ma tribu 2d10
Je suis un bon Dog 2d6
Je suis un piètre tireur 2d4
Je ne supporte pas l’ivresse et la débauche 1d4
J’ai eu la turberculose et j’ai survécu 1d4
J’ai apaisé l’âme d’un enfant malade 1d6 (obtenu suite à l’initiation)
Relations :
Père Steve 1d6
Frère Malachi 2d6
Frère Tobias 2d6
Possessions :
Livre de la vie 1d6
Manteau de Dog 2d6
Pistolet merdique 1d6
Chien de chasse 22d6
Cheval des hautes plaines 1d8
Machette 2d6
Carte 1d6
Très belle couverture indienne 1d8
Ferdinand jouait frère Malachi, un Dogs classique :
Acuité 5
Cœur 3
Corps 2
Volonté 6
Traits :
« I’m a Dog » 1d8
Je résiste mal à la douleur physique 1d4
J’ai une excellente vue 1d8
Je suis assez bon tireur 2d6
J’inspire confiance 2d6
J’ai prouvé que l’orgueil n’était pas toujours un péché 1d6 (obtenu suite à l’initiation)
Relations
Frère Joran (autre PJ) 1d6
Père Virgil, mon instructeur : 1d8
Prudence, fille des voisins : 1d6
Possessions
Livre de la vie 1d6
Terre consacrée 1d6
Pistolet 1d6 + 1d4
Manteau 2d6
Fusil 2d6 + 1d4
Couteau 1d6
Longue vue 1d8
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Après la création de personnage, on a commencé par les épreuves d’initiation.
Ferdinand, Julien et Guillaume, n’hésitez pas à me reprendre ou à me compléter.
Guillaume voulait que frère Tobias gagne confiance en lui en servant la Foi. C’était un peu vague, mais j’ai improvisé un peu.
Frère Tobias est donc convoqué par son supérieur qui lui demande d’aller à la rencontre d’une caravane d’incroyants qui campe à proximité. Il y a là des pécheurs (prosituées, joueurs professionnels, escrocs…) et des égarés honnêtes. Il veut que frère Tobias convertisse un de ces incroyants.
Frère Tobias s’y rend, est invité à partager un repas par les gens du camp, un peu gênés. Une jeune femme l’aborde, ils lient connaissance, il commence à la prêcher, elle lui fait comprendre qu’elle voudrait aller plus loin, moyennant rémunération.
On se met d’accord sur un conflit : s’il gagne, la prostitué se convertira, s’il perd il passe la nuit avec elle. Durant le conflit, ils s’éloignent progressivement du camp. J’aurais pu gagner très facilement, mais c’était mon premier conflit, j’ai préféré laisser de la marge à Guillaume. Finalement il a escaladé en commençant à secouer physiquement la jeune femme et il a remporté le conflit.
Julien voulait que frère Joram chasse l’influence indienne de la communauté (je ne suis pas sûr de la formulation, Julien corrige-moi si je me trompe). Il sait qu’en ville il y a une famille de gens de la montagnes qui ont fait venir un chaman indien pour soigner leur enfant malade (apport du joueur).
On joue la rencontre avec la mère sur le pas de la porte. Le conflit se résout rapidement, l’enjeu est que la mère donne à frère Joram l’accès à son enfant, même si frère Joram est un converti. Il y parvient sans difficulté, là j’ai eu beaucoup plus de mal à m’y opposer.
Ferdinand voulait que frère Malachi apprenne l’humilité.
Frère Malachi est convoqué par son supérieur dans une salle de la communauté. Elle est pleine d’érudits et de sages. Son supérieur explique à frère Malachi qu’on a besoin de son aide pour trancher une querelle théologique : l’orgueil est-il toujours un péché. Un jeune homme soutient le contraire. L’enjeu est clair. Ferdinand remporte le conflit, son personnage est loué pour son intelligence et sa connaissance des textes.
Démarre ensuite le scénario proprement dit.
Les personnages arrivent au village des rocs fendus. Ils sont accueillis par la foule en liesse et logé (pour une part de tourte aux cailles) par frère Isaiah qui leur demande rapidement deux choses : bénir le mariage de sœur Martha et de frère Yaël, et de célébrer le mariage de frère Joshua et sœur Elsa. Ils rencontrent rapidement sœur Martha (effacée) et frère Yaël (un peu gris).
Les PJs se rendent d’abord chez frère Joshua et sœur Elsa. Ils discutent un peu avec eux et butent sur le fait qu’ils ont beaucoup trop attendu pour célébrer leur mariage (ce qu’aurait pu faire l’Intendant).
Conflit entre frère Joshua et frère Tobias pour que Joshua avoue. Joshua gagne. J’avoue que c’était très maladroit de faire un conflit là-dessus, surtout que Vincent Baker insiste sur l’idée que les informations doivent venir vite aux personnages. Bon, j’ai fini par donner l’info selon laquelle Joshua était déjà marié et qu’il avait quitté sa première femme parce qu’elle refusait d’accomplir son devoir conjugal.
Les PJs se rendent ensuite chez sœur Martha et frère Yaël. Ils trouvent ce dernier en train de cuver doucement sa bière devant son ranch. Frère Tobias commence à sermonner frère Yaël sur le fait qu’il doit arrêter de boire ; conflit, escalade jusqu’à ce que frère Yaël repousse au loin frère Tobias. Pendant ce temps, frère Malachi et frère Joram rendent visite à sœur Martha en train de traire les vaches avec les domestiques. Ils s’éloignent pour aller discuter avec elle. Discussion (pas de conflit) sur la question de savoir si ce mariage est un mariage d’amour, sœur Martha refuse de l’avouer. Les personnages sont attirés par les cris venant de devant le ranch, ils rentrent dans la maison. Nouveau conflit avec frère Malachi, frère Joram et frère Yaël à nouveau sur le fait qu’il doit arrêter de boire. Escalade, escalde (je voulais rien lâcher) jusqu’à ce qu’on sorte les fusils. Finalement frère Joram pointe son pistolet sur frère Yaël et lui ordonne de lâcher sa carabine ; il gagne le conflit.
Les PJs se rendent ensuite chez sœur Anaëlle pour connaître son point de vue sur sa situation. Pas de conflit. Discussion sur le fait qu’il faut remplir son devoir conjugal. Sœur Anaëlle veut faire promettre à frère Joram de faire revenir son mari, il promet de faire ce qui est juste. Les personnages repartent à la rencontre de frère Joshua. Conflit Joshua contre les trois personnages. Escalade (de ma part à nouveau) jusqu’à ce que les personnages blessent frère Joshua.
On transporte frère Joshua jusqu’à la maison de l’Intendant, frère Isaiah, pour être soigné. Les PJs convoquent le village et annoncent leur sentence : le mariage de frère Yaël et de sœur Martha ne sera béni que quand frère Yaël aura arrêté de boire. Frère Joshua et sœur Anaëlle doivent d’abord vivre bien ensemble avant que l’on n’envisage un deuxième mariage. Je joue sœur Anaëlle triomphante, même si ce n’était pas comme ça que je la voyais en créant le personnage, ça m’a semblé juste sur le moment.
La partie aurait pu s’arrêter là (on avait traité Orgueil et Injustice), mais j’ai voulu profiter de mon scénario jusqu’au bout. Il y a donc des rumeurs dans la foule traitant sœur Anaëlle de « catin ». A la fin du jugement, alors que tout le monde se disperse, sœur Judith, une femme dans la force de l’âge, se précipite vers les PJs en leur demandant de ne pas donner la victoire à une femme de mauvaise vie. Frère Isaiah proteste que cette femme est folle, qu’il ne faut pas l’écouter. Les PJs l’escortent chez elle et l’interrogent. Sa colère empire de ne pas être crue. Les PJs se convainquent qu’elle est possédée et entament un exorcisme (pour moi ça n’était pas le cas). L’enjeu du conflit est pour sœur Judith d’être crue, pour les PJs d’exorciser le démon en elle. Les PJs gagnent le conflit, sœur Judith va s’asseoir, bouillante de rage et de frustration.
Les personnages se rendent ensuite chez sœur Anaëlle pour tirer ça au clair. Ils discutent avec elle et apprennent qu’effectivement elle se prostitue pour survivre et que frère Isaiah a affirmé que c’était juste, tout ça.
Les personnages reviennent en arrière pour en discuter avec frère Isaiah. Là je ne suis plus certain du déroulé des événements, mais ils apprennent finalement que sœur Anaëlle a été assassinée par sœur Judith. [Je me suis demandé s’il fallait que je permette aux PJs de pouvoir empêcher ce meurtre, mais je me suis dit que le sort était scellé à partir du moment où sœur Judith avait le sentiment d’être prise pour une folle]
Finalement les PJs reviennent voir frère Isaiah et choisissent de le confronter face à l’ensemble du village. Le conflit s’engage, l’enjeu étant d’avoir l’approbation du village, en particulier la question du sexe hors mariage. Echange d’arguments assez long jusqu’à ce que j’arrive à cours de dés ; j’escalade et ça se finit assez vite, bien que frères Tobias et Joram soient obligés de se retirer du combat (j’ai pu tenir très longtemps parce que je n’ai pas hésité à prendre des retombées pour frère Isaiah). Fusillade, frère Isaiah appelle ses alliés et fini agonisant. Les PJs le pendent, ainsi que les cadavres de ceux qui l’avaient accompagnés et se barrent.
La partie aura duré approximativement 5/6 heures.
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Comme je l’ai dit, je suis assez déçu par ce système, que je trouve buggé et coupé de la narration.
Buggé
Les Stats
Clairement, Acuité et Cœur sont beaucoup plus importantes que Volonté et Corps, puisqu’elles servent pour les conflits verbaux et que donc, elles seront utilisés presque systématiquement. C’est embêtant parce que ça veut dire que les joueurs qui ont construit leur personnage différemment ne pourront pas l’utiliser autant que les autres : dommage.
Les Relations, ça fait tout… et rien
S’il y a bien un truc qui est mal pensé, c’est les Relations. Soit elles ne servent jamais (« Tante Hélène » une Relation que je verrai au mieux une seule et unique fois SI le MJ nous fait jouer dans le village où elle habite), soit elles servent tous le temps (deux PJs avaient des Relations avec deux autres PJs : dès qu’ils étaient ensemble, c’était la mégasynergie de la mort…).
Les règles précisent qu’on peut utiliser une Relation quand la personne (ou l’institution, ou…) qui est là a) est l’enjeu du conflit b) aide c) est l’adversaire. Il faudrait absolument enlever le b)
Les retombées infimes
Le système de retombées est presque bénin. On peut enlever un dé de retombées en se retirant du conflit, on ne retient que les deux plus hauts dés, les retombées sont souvent temporaires, même si elles sont définitives elles sont assez faibles… Bon quand est-ce qu’on se fait mal ?
Alors peut-être est-ce parce que les joueurs sont restés assez timides sur les retombées et n’ont pas voulu prendre le risque, mais ils s’en sont quand même sortis.
La gestion des PNJs
La création au début où il faut lancer des milliards de dés et les répartir… est longue et chiante.
L’utilisation en cours de jeu n’est pas très élégante. Comme j’ai envie que mon PNJ soit puissant (pour donner du challenge aux joueurs et les amener à faire des choix intéressants), je suis insidieusement amené à répartir mes Traits et mes Relations de manière à ce qu’ils correspondent au conflit en cours. Donc ça rend les PNJs très forts, mais ça les dénature aussi.
Pourquoi ne pas plutôt avoir des PNJs définis uniquement par une série de dés (un peu comme l’épreuve d’initiation où le MJ lance toujours 4d6+4d10), en fonction de leur importance dans l’histoire ? Plus rapide, plus facile à gérer… et aucune différence du point de vue des joueurs.
L’expérience
Bon ça c’est un peu bizarre, mais le fait de gagner de l’expérience quand on obtient un 1 sur un dé de retombée, ça invite les joueurs à prendre beaucoup de retombées tant que le conflit est un conflit de parole et à laisser tomber vite après. Comme ça les dés sont uniquement des d4,les personnages prennent des conséquences de court terme uniquement (ou presque) et ont beaucoup plus de chance d’obtenir un 1 que si c’était des d6, d8 ou d10.
Coupé de la narration
Les Traits
Décidément, l’utilisation des Traits dans un système de conflit est vraiment dangereuse… Ca pousse à vouloir utiliser n’importe quel Trait pourvu que ça ait un lien vague avec la situation actuelle. A sortir à tout bout de champs des crucifix pour appuyer ses propos (parce qu’un bon crucifix c’est quand même 2d6 supplémentaires !). J’avais déjà vu ça à Poitiers avec l’ancien système de Démiurges.
Dans le même ordre d’idée, « I’m a Dog » est un Trait utilisable quasiment TOUT LE TEMPS, forcément puisque les PJs utilisent leur statut pour rendre la justice et intervenir…
Et pourtant, je suis fan des Traits ! Mais si ce n’est pas encadré, ça donne des choses pas très crédibles.
Il faut limiter l’utilisation des Traits, par exemple limitant le nombre d’utilisations (Gloria & Monostatos) ou en forçant à les inclure dans la narration (Gloria) ou en demandant un sacrifice à leur utilisation (Sens et les points d’immersion).
Les arguments n’ont pas de valeur
Autre problème de ce système, que j’avais aussi vu avec l’ancien système de Démiurges à Poitiers, c’était le fait que ce système ne donnait aucune importance à ce qui est narré. Dans un débat d’idée, on peut très bien narrer la confrontation d’idées n’ayant aucun rapport, ou avancer des idées n’ayant aucun lien avec ce qui est discuté là. Le système n’encourage ni ne donne de vraies structures pour être un peu créatif, un combat peut se résumer à « je tape / j’esquive, je tape/ je prends le coup, je tape/je retourne le coup contre toi… ». Le système joue tout seul, sans avoir besoin de l’univers fictif (sauf au moment de placer le conflit, pour déterminer les Traits utilisables). C’est uniquement la bonne volonté des joueurs qui assure une certaine cohérence et une certaine richesse.
Un des joueurs, poussé par la fatigue et la mauvaise foi, a bien résumé ce problème en avançant dans le dernier échange « t’es moche » comme argument contre l’idée du sexe hors mariage. Tous les autres joueurs ont râlé à commencer par moi, mais il avait raison : le système ne pousse en rien à inventer et à rester cohérent…
L’immobilisme du conflit
Autre problème, plus grave encore me semble-t-il, les conflits ne peuvent pas évoluer. Une fois que l’enjeu a été fixé au début, il ne peut plus changer. Or la dynamique même d’un débat ou d’un combat est que l’enjeu change graduellement et qu’à la fin, on ne se bat plus pour les mêmes choses que ce pour quoi on a commencé. Par exemple, le conflit avec le frère Yaël sur le fait qu’il devait arrêter de boire a dégénéré vers le fait qu’il n’y avait pas d’amour dans leur couple et donc que leur mariage ne pouvait être béni : c’est plus la même chose !
Il n’y a pas de demi-victoire, pas de victoire à la Pyrrhus, pas de pat, pas de situation gagnants-gagnants… qui sont des éléments essentiels pour tout conflit !
Il vaudrait mieux que celui qui emporte le conflit puisse raconter son issue et avoir le droit de raconter ce qui arrive à l’autre. Comme ça, ça prend en compte le fait que le conflit ait pu déraper et changer de forme.
Où sont les choix moraux ?
Ca m’a aussi posé problème. A aucun moment je n’ai eu l’impression que les joueurs rencontraient de vrais problèmes moraux. Pourtant, j’ai suivi à la lettre la création de scénario et j’ai essayé de donner tort à tous les personnages.
C’est peut-être dû au fait que les personnages ne risquaient pas grand-chose (voir ce que je disais sur les retombées inoffensives) et qu’en plus ils risquaient au pire d’être blessés. A aucun moment, ils n’ont pu mettre en jeu leur croyance ou ce qui était important pour eux.
C’était peut-être parce que les joueurs ne prenaient pas l’affaire assez au sérieux ? Pourtant, dans l’ensemble, j’ai eu l’impression qu’ils étaient assez dedans, malgré quelques dérapages de la part d'un joueur qui a admis avoir pris plaisir à "jouer l'emmerdeur", ce qui au fond n'est pas si éloigné du rôle des Dogs.
Impossible de désescalader
Pour terminer un bug un peu stupide, il est impossible de diminuer la tension. Dès que quelqu’un sort un fusil, les autres sont obligés de faire pareil. Impossible de chercher à calmer quelqu’un (ce qui serait quand même logique dans ce contexte
Enfin, pour terminer sur ce que j’ai aimé, je reconnais que le système de DitV permet vraiment de bien rendre la confrontation, qu’on a vraiment envie de se battre avec les autres en face, que ça oblige à se poser de vraies questions de stratégies…
Par ailleurs, le scénario était effectivement très souple et je n’ai aucunement prévu ce que les joueurs allaient faire, ils ont fait comme ils l’entendaient.
Donc, si qui avez aimé DitV, dites-moi là où je me suis planté, ce que j’ai mal fait, ce que j’ai mal compris … J’ai pourtant lu et relu en détail les règles. Ce jeu est effectivement une avancée, mais j’ai l’impression qu’il n’est pas abouti, que ses règles n’ont pas été testées jusqu’au bout.