Avertissement : ce message vous paraîtra peut être pompeux et prétentieux mais sachez que mon objectif premier est de vous montrez que vos recherches sont TRES importantes et qu’elles sont d’un intérêt majeure pour des disciplines universitaires telle que la philosophie des sciences, l’épistémologie, et la philosophie analytique. Autrement dit les gars, vous faites un travail REMARQUABLE !!! Vous participez, selon moi, à l’émergence d’une vision merveilleuse du jeu de rôle.
Alors peut être parfois vous me trouverez très agressif mais sachez que mon agressivité n’a d’égal que mon admiration pour des « chercheurs » (j’ose employer le mot) tels que vous.
Qui suis-je ? (rapidement)
Je me suis particulièrement intéressé aux conceptions présentées dans ce forum. J’ai aussi pris partiellement en considération les thèses de « The forge » et je suis par ailleurs très heureux que l’on s’interroge sur le Jeu de rôle de cette manière. Les sites sur la question étant en anglais, il va me falloir beaucoup de temps pour les comprendre en totalité (si cela est possible). Je me présente donc comme novice dans la réflexion sur les théories de « the forge » et donc du jeu de rôle en général.
Pour me présenter rapidement sachez que mon objectif est de tenter de soulever une approche du Jeu de rôle comme recherche de la structure de la réalité par le moyen de l’imagination.
Depuis plusieurs années, je fais partie d’un groupe de recherche en philosophie analytique, à Rennes, en France, nommé « le lagon » (contraction des mots « langage » et « ontologie »). Nous travaillons sur deux points ou notions, dites, « philosophiques » :
1) Le langage : Qu’est ce qu’une proposition (une phrase qui a un sens) ? Que veut dire, pour une proposition, être sensée ? A quoi nos mots font ils référence ? Est-ce à des objets du monde physique ? A des objets conçus dans l’imagination ?
2) L’ontologie : Qu’est ce qui existe ? Des objets du monde physique (des tables, des chaises, des pommes) ? Ou bien des relations (comme « être bleu », « avoir une structure moléculaire de telle sorte », « être sur la table », etc…)
Voilà les points que nous discutons. La philosophie analytique est un discours sur la structure du langage et du monde et non un « blabla » sur la mort, le désir, l’autre… Si vous croyiez que le philosophe est un beau parleur et un poète, vous vous êtes trompé. Nous suivons des règles scientifiques et logiques. Ce qui ne nous empêche pas, par ailleurs, d’apprécier l’art et la poésie.
Il s’avère que je suis aussi un joueur de jeu de rôle et ce depuis le collège. J’ai aussi créé mon propre jeu (très imparfait T_T), comme je l’ai déjà dit sur ce site, et voilà ce que j’ai découvert : il existe un lien très fort entre les recherches fondamentales sur le jeu de rôle et une partie de la philosophie analytique. (Si cela vous intéresse nous pourrons en reparler.)
« Il est évident qu’un monde imaginé, quelque différent qu’il puisse être du vrai doit avoir quelque chose – une forme – en commun avec lui. »
L. Wittgenstein
« Etre adulte c’est retrouver le sérieux que l’on mettait dans ses jeux d’enfants. »
F. Nietzsche
Une approche du Jeu de rôle
comme recherche de la structure de la réalité
par le moyen de l’imagination.
I. Avoir un sens.
Une phrase grammaticalement correcte est appelée en philosophie du langage : une proposition. Une proposition met en relation des objets du monde physique. Par exemple, « une table » et « une balle » vont être liée par la relation « être sous » ce qui nous donne les propositions suivantes : « La balle est sous la table. » ou « La table est sous la balle. ». En revanche si je dis « La balle la table est sous. » la phrase n’est pas grammaticalement correcte, ce n’est donc pas une proposition.
Imaginons maintenant que je dis ceci « La balle est adossée dans un trou. », cette proposition est grammaticalement correcte. Pour autant, peut on dire qu’elle a un sens ? La réponse du philosophe analytique sera : non ! car elle n’est ni vraie, ni fausse. Je m’explique. Depuis Aristote, il y a un principe qui est le suivant : la proposition « a » est vraie si et seulement si a. Autrement dit, la proposition « La balle est sous la table. » est vraie si la balle est sous la table. Par conséquent, la proposition « La balle est sous la table. » est fausse si la balle n’est pas sous la table. Pour une proposition, avoir un sens signifie être vraie ou fausse. Il faut donc, pour dire des choses sensées, qu’un fait a puisse rendre vraie, ou fausse, la proposition « a ». Peut on imaginer qu’une balle soit adossée dans un trou ? non. Peut on imaginer qu’une balle ne soit pas adossée dans un trou ? non plus. La proposition « La balle est adossée dans un trou. » n’est donc ni vraie, ni fausse : elle n’a pas de sens. Il ne peut y avoir de fait de ce type. Mais qu’en est il pour une proposition du type « Kaïn est le premier vampire. » ?
II. Les propositions du rôliste ont un sens.
Si je dis « Kain est le premier vampire ». On pourrait me dire que cette phrase, selon les définitions présentées ci-dessus, n’a pas de sens, car il n’y a pas de fait dans le monde qui soit du type ‘Kain est le premier vampire’. Il existe pourtant deux bonnes raisons de rejeter cette objection :
1) La proposition « Kain est le premier vampire » est fausse, donc elle a du sens : Relativement à ce monde, en effet, cette proposition est fausse car Kain n’est pas le premier vampire. En revanche, il y aurait pu, tout à fait, y avoir dans le monde des vampires et il aurait pu s’avérer que Kain soit le premier d’entre eux. La proposition a donc un sens.
2) La proposition « Kain est le premier vampire » est vraie° relativement au monde° du « Vampire de White Wolf » : Appelons « vraie° » une proposition « vraie relativement à un univers fictionnel » et appelons « monde° » l’univers fictionnel en question (ce que vous appelez l’EIP, l’espace imaginaire partagée, je crois). Alors la proposition « Kain est le premier vampire » a du sens dans la mesure ou il existe des faits créés par White Wolf dans le monde° qui correspondent à cette proposition. Inversement, dans ce monde° il aurait pu s’avérer que Lilith soit le premier vampire et, dans ce cas, que la proposition « Kain est le premier vampire » soit fausse.
Par conséquent, pour qu’une proposition ait un sens il n’est pas nécessaire qu’il existe un fait qui l’a rende vraie dans ce monde. Ce qu’il faut c’est que la proposition soit conforme à la structure du monde ou d’un monde possible (monde°). La proposition « La balle est adossée dans un trou. » est insensée car il est impossible de concevoir un monde ou un monde° où il y aurait un fait lui correspondant. Vous pourriez objecter que « Si, c’est possible, dans un univers comme celui de ‘Toy story’, par exemple, où des jouets peuvent posséder des attributs humains ». Cependant, dans ce cas, je répondrais que dans ce monde° le mot « balle » cesse de faire référence à une balle et que nous ne parlons plus du même objet, dans ce cas là, mais d’une balle à laquelle on ajoute une conscience et des attributs humains. Dans ce cadre, ce qu’il sera correcte de dire sera : « Ce personnage, qui ressemble à un balle, est adossé à la parois de ce trou. ».
Ce que je souhaite montrer, c’est qu’une proposition, pour être sensée, doit être conforme à la structure de notre monde et de tous les mondes possibles. Cette structure est ce qu’il est possible de concevoir, ce que nous appellerons « l’espace logique ». L’espace imaginaire partagé est contenu dans cet espace logique, cette structure, et c’est justement pour cela qu’il est partageable. Si je créais un monde illogique, déstructuré, il serait impossible de le partagée, de l’exprimer, d’énoncer des propositions sensées à son sujet. Si j’ose dire, les premières règles de tout jeu sont celles de la logique.
Que font les rôlistes (selon moi) ?
Lorsque nous jouons au jeu de rôle, nous explorons un monde imaginaire un monde°. Mais nous faisons plus : nous explorons l’espace logique de notre langage et donc nous explorons la structure du monde. En effet, en parcourant différent monde° nous constatons qu’il y a quelque chose qui ne change pas d’EIP en EIP. Ce « quelque chose » c’est la structure du monde réelle.
Imaginons qu’un joueur constate que, à chaque fois qu’il joue à un jeu de rôle, dans l’EIP présenté, il voit toujours un « inspiré » du monde de « Agone ». Il se dira, selon la conception que je présente, qu’il nécessaire pour un monde de posséder un « inspiré ». Puis, il joue dans un autre EIP où il n’existe pas d’inspiré. Alors, il pourra éliminer l’idée qu’il est nécessaire qu’il y ait, dans un monde, un inspiré. Ce que je veux dire, c’est que quelqu’un qui aurait joué à tous les jeux de rôle possibles (tous ceux qu’il est possible de créer, tous les mondes°) et qui, par là même, dirait « voilà ce qui, dans tous ces mondes, ne change pas » aurait découvert la structure de notre monde. Or, ce que recherche les philosophes lorsqu’ils se posent des questions sur la vie, sur le monde et sur le langage n’est rien d’autre que cet espace logique que nous explorons. D’ailleurs je vous indique, peut être le savez vous déjà, que nous appelons « métaphysique » la science qui recherche la structure du monde.
Conclusion.
Messieurs, nous faisons de la philosophie et de la métaphysique tout en nous amusant ! N’est ce pas merveilleux ?
Voilà pour ceux qui m’avaient demandé des explications sur la conciliation possible entre Philosophie et Jeu de Rôle. Je m’excuse à l’avance auprès de Démiurge (j’ai écrit des tartines, pardon…) J’ajoute que mon jeu de rôle « --Sens-Hexalogie--- » est une manière ludique d’aborder ces questions (un peu de pub quoi !). C’est de cela que je souhaite traiter par le jeu de rôle et avec vous si vous le voulez bien. J’espère avoir été clair et si toute fois certaines choses vous ont choqué. On pourra en discuter « en vrai » (je préfère) par msn.
Mon adresse msn : r.o.m.a.r.i.c@free.fr
Merci de votre attention 
J’ai pris grand plaisir à essayer de vous expliquer tout ça.